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ports avec lui, est un homme respectable (1) que je | salue, quand je le rencontre.

Et voila, Messieurs, la véritable source du mal. On voulait une religion et des prêtres pour les autres; on n'en voulait pas pour soi. Ah! commençons la réforme par nous-mêmes, si nous voulons que Dieu nous associe à une œuvre qu'il peut faire sans nous, et que nous ne ferons sûreiment pas malgré lui. Recourons à sa bonté, demandons-lui qu'il daigne rentrer daus des cœurs qu'il avait abandonnés à leur dépravation; que son divin esprit souffle sur ces ossements arides, et ils recouvreront bientôt le mouvement et la vie; et la religion refleurira, et ses ministres obtiendront l'aisance et la considération qui leur sont dues.

Mais prenons garde, en parlant toujours de restitution au clergé, prenons garde de ne pas produire l'effet religieux que nous attendons, et d'en produire un bien désastreux en politique, en morale, en religion peut-être. Prenons garde d'entretenir des inquiétudes qui aigriront, qui exaspéreront les cœurs, qui troubleront la paix des familles et ruineront l'Etat! Prenons garde de décourager l'agriculture d'une portion considérable aujourd'hui du territoire français. Que ce jeune homme ne dise pas en labourant le champ que son père possède: A quoi bon verser tant de sueurs sur un bien qui ne me restera pas?

Ah! Messieurs, facilitons, conseillons, provoquons les dons de la piété; mais n'allons pas, en inquiétant indiscrètement la conscience du père, endurcir celle des enfants. Je vous conjure de méditer sur ces vérités-là. L'Etat et la religion y sont également intéressés, et votre sagesse peut sauver l'un et l'autre. Voulez-vous qu'en finissant je vous dise franchement quelle est la maxime que, suivant moi, nous devons professer sur toutes les dépossessions? Il en est, je le sais, qui ne peuvent soutenir les regards ni de Dieu ni des hommes. Mais c'est à l'Etat à réparer les torts de l'Etat. Ce grand acte de justice n'était pas éloigné, Messieurs, il allait sortir du cœur paternel de notre Roi, où sa haute sagesse le tient aujourd'hui renfermé. Mais Dieu a ressaisi la verge qu'il semblait avoir brisée. Tous les fléaux sont accourus à la suite de l'homme qu'il avait mis en réserve, pour être l'affreux exécuteur de ses dernières vengeances; et deux milliards qui pouvaient réparer tant d'injustices, consoler de si nobles infortunes, récompenser, dé si héroiques vertus, ont disparu du sol français.

Dieu et le Roi, voilà ce qui nous reste; il nous est permis d'espérer encore.

Je vote pour que l'article proposé par M. Piet, comme amendement à la proposition de M. de Blangy, soit rejeté, pour devenir l'objet d'une proposition particulière qui sera présentée et discutée dans les formes ordinaires.

Un second membre (M. Hyde de Neuville), dit que c'est une erreur de soutenir que l'Assemblée constituante avait le droit de dépouiller le clergé. Dès que cette Assemblée osa attaquer le trône et l'autel, elle ne fut plus qu'une assemblée de re

(1) A la place de ces mots un homme respectable, j'ai dit à la tribune: un galant homme vêtu de noir; mais des rires (et la chose n'est pas risible) m'ayant averti qu'il pouvait y avoir apparemment quelque défaut dans l'expression, j'ai cru devoir y substituer l'autre, qui ne change rien à la pensée. Car la personne dans la bouche de laquelle j'ai mis cette phrase, aura, d'une manière comme de l'autre, toujours fait le même aveu, que malheureusement un prêtre n'était pas pour elle ce qu'il est pour ceux qui aiment et pratiquent la religion.

belles, elle perdit tous ses droits en attaquant la source de tous les droits. Il ajoute que l'Assemblée ne doit point retarder la justice qu'on lui demande, qu'elle doit consacrer cette journée par une acte solennel; qu'il importe fort peu de la considérer comme une proposition nouvelle ou comme un amendement, mais qu'il importe de déclarer à l'Europe que la justice est le premier besoin de la Chambre, comme l'amour du Roi est son premier sentiment.

Deux autres membres sont encore entendus.

M. le Président met aux voix si la proposition de M. Piet sera considérée comme un amendement.

La Chambre décide l'affirmative. Elle ordonne le renvoi à l'examen des commissions réunies chargées du budget et de l'extinction des pensions ecclésiastiques.

On procède au scrutin sur l'article 6, adopté dans le cours de la discussion, concernant la suppression des pensions des prêtres mariés.

L'appel et le réappel terminés, les secrétaires constatent qu'il y avait dans l'urne 168 boules blanches et 64 noires.

M. le Président proclame l'adoption de la résolution.

La Chambre procède ensuite au renouvellement de ses bureaux.

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des sommes supplémentaires qu'il sera nécessaire d'ajouter à ces produits.

M. Prosper Ribard (1). Messieurs, le devoir qui nous réunit ici, la mission dont nous sommes expressément et uniquement chargés, c'est de coopérer de tous nos moyens au raffermissement de la monarchie, au rétablissement de l'ordre et de la tranquillité publique, à la réunion de tous les esprits et de tous les cœurs autour de notre Roi si digne de leur amour. C'est là le but où nous tendons tous, et nous ne différons que sur les moyens d'y arriver. Que dis-je ? Nous sommes même tous d'accord sur ce point, que le plus efficace de tous les moyens sera le retour aux principes et à la pratique de la religion de nos pères. Mais les uns, dans l'impatience de leur zèle, voudraient la voir, cette religion, tout à coup rendue à l'éclat dont ils se souviennent qu'elle était autrefois environnée; et les autres, se souvenant aussi combien cet éclat l'a mal défendue des attaques de ses ennemis, pensent qu'il faut apparemment qu'elle repose sur d'autres bases pour être solidement fondée.

Et ici, Messieurs, s'établit une distinction qu'il est bien essentiel de faire entre la religion divine et la religion politique. Heureux le peuple qui les réunit toutes deux en une seule, c'est-à-dire chez qui la vraie religion est la religion de l'Etat ! Mais une fausse religion, aussi bien que la véritable, peut être le lien d'une société humaine. Tous les pays et tous les siècles en fournissent la preuve. La fausse et la véritable produisent extérieurement les mêmes effets; et il n'y a que les yeux de la foi qui découvrent leur différence et l'abîme sans fond qui les sépare.

De cette vérité incontestable, il en ressort deux autres qui ne le sont pas moins l'une que la religion divine, c'est-à-dire émanée de la divinité même, c'est-à-dire la religion catholique, dans les rapports qu'elle établit entre Dieu et les hommes, et dans l'unique fin qu'elle leur propose, le salut éternel, est indépendante de toute autorité, comme de tout appui humain, et se soutient par la seule volonté de son divin fondateur.

L'autre vérité, c'est que cette même religion, lorsqu'un Etat a le bonheur de la connaître et de la recevoir, prend alors une existence politique et temporelle, dont l'Etat dicte les conditions, et qui, en lui assurant, d'une part, son assistance et sa protection, la soumet, de l'autre, aux bois de l'Etat, dans tous ses rapports civils et terrestres. Ainsi, la religion n'est point entrée dans l'Etat avec aucuns droits temporels préalablement acquis. Ce n'est point du tout par l'autorité divine, mais uniquement et essentiellement par l'autorité civile, que ses ministres sont devenus un corps dans l'Etat, et un corps susceptible des droits de propriété. Ces droits ne sont en aucune manière inhérents au sacerdoce; et il est aussi permis au souverain de dire au clergé : Vous ne serez plus un corps dans l'Etat, qu'il lui est interdit et impossible de dire: Vous ne délierez plus les pécheurs, vous n'administrerez plus les sacrements, vous n'annoncerez plus l'Evangile.

C'est donc une grande hérésie politique qu'il a professée à cette tribune, celui de nos honorables collègues qui, dans un beau mouvement d'éloquence, dont j'ai presque été séduit, un moment, moi-même, s'est écrié : « Non, Messieurs, ce n'est « pas un acte de libéralité que je vous propose; « ce n'est pas même une simple dette à acquitter; « c'est une véritable restitution que vous devez

« faire au plutôt. Les biens du clergé, qui ne sont « pas vendus, appartiennent au clergé. »

Et moi je vous dis: Non, Messieurs, ils n'appartiennent pas au clergé. La puissance qui les lui a ôtés était la puissance souveraine dans toute sa plénitude; et lorsque l'Assemblée constituante, unie au Roi, décrétait l'aliénation des biens ecclé siastiques, à charge de pourvoir aux frais du culte et à l'entretien de ses ministres, elle a pu commettre une grande faute, sans doute, mais elle exerçait un droit qu'aucune puissance humaine ne pouvait lui contester, à moins qu'on ne prouvât qu'il en existait alors en France une autre que celle du Roi et de l'Assemblée réunis. Elle a bien ou mal usé de ses droits, comme les souverains usent bien ou mal du droit de faire la guerre, comme des juges en dernier ressort rendent bien ou mal un jugement irrévocable, et que toutes les lois humaines ne peuvent pas infirmer. Je sais bien qu'on va m'objecter ici que la puissance civile n'était pas la seule qui dût prononcer, et qu'il fallait l'intervention de la puissance spirituelle. S'il était besoin de traiter actuellement cette question du concours des deux puissances, on pourrait trouver peut-être de grandes raisons, de grands exemples, de grandes autorités pour prouver qu'il n'était pas nécessaire; mais la solution de cette question est heureusement devenue sans objet dans l'affaire présente, puisque la prétendue nullité s'est trouvée couverte par le Concordat, qui n'a point excepté les biens devenus partie intégrante du domaine de l'Etat, et qui n'a exigé aucune restitution. Ne soyons ni plus royalistes que le Roi, ni plus catholiques que le Pape.

La même puissance qui a ôté au clergé de France son existence politique et la propriété de ses biens, réside aujourd'hui dans le Roi et les deux Chambres. Cette puissance peut vouloir et ordonner que les biens qui ont appartenu au clergé, et qui ne sont pas vendus, soient donnés au clergé. Ce sera une dotanion, et non pas une restitution; et c'en sera d'autant moins une qu'on ne peut restituer qu'à celui à qui on a pris, ou à ses ayants cause; et le clergé, qui nous inspire aujourd'hui une si touchante et si juste sollicitude, ne possédait pas un arpent des biens actuellement disponibles.

Mais qu'il me soit permis, Messieurs, de vous faire envisager la chose sous un nouvel aspect tout à la fois politique, moral et religieux. Nous parlons beaucoup de spoliation du clergé, de restitution à lui faire. Nous montrons un grand zèle pour le rétablissement de la religion; mais n'y aurait-il point dans ce zèle de notre part, et sans même que nous nous en aperçussions, un pea plus d'ostentation que de réalité? et si chacun de nous descendait dans le fond de son cœur, ne pourrait-il pas y entendre une voix qui lui dirait comme Dieu dit au pécheur par la bouche du roiprophète: Quare tu enarras justitias meas? De quel droit viens-tu raconter mes justices et prendre mes intérêts? qu'y a-t-il de commun entre

nous ?

Nous gémissons, et avec grande raison, sur le sort des prètres. Mais qu'est-ce que c'est qu'un prêtre pour le grand nombre des Français, je ne dis pas d'aujourd'hui, mais pour la portion la plus marquante de la société, avant la révolution, pour celle qui raisonnait, qui écrivait, qui critiquait, discutait, administrait ces grands intérêts de l'Etat ? Sur cent de ces personnes-là, à qui j'aurais fait cette demande alors,quatre-vingt-dix, s'ils eussent été de bonne foi,m'auraient répondu :

ports avec lui, est un homme respectable (1) que je salue, quand je le rencontre.

Et voila, Messieurs, la véritable source du mal. On voulait une religion et des prêtres pour les autres; on n'en voulait pas pour soi. Ah! commençons la réforme par nous-mêmes, si nous voulons que Dieu nous associe à une œuvre qu'il peut faire sans nous, et que nous ne ferons surement pas malgré lui. Recourons à sa bonté, demandons-lui qu'il daigne rentrer daus des cœurs qu'il avait abandonnés à leur dépravation; que son divin esprit souffle sur ces ossements arides, et ils recouvreront bientôt le mouvement et la vie; et la religion refleurira, et ses ministres obtiendront l'aisance et la considération qui leur sont dues.

Mais prenons garde, en parlant toujours de restitution au clergé, prenons garde de ne pas produire l'effet religieux que nous attendons, et d'en produire un bien désastreux en politique, en morale, en religion peut-être. Prenons garde d'entretenir des inquiétudes qui aigriront, qui exaspéreront les cœurs, qui troubleront la paix des familles et ruineront l'Etat! Prenons garde de décourager l'agriculture d'une portion considérable aujourd'hui du territoire français. Que ce jeune homme ne dise pas en labourant le champ que son père possède: A quoi bon verser tant de sueurs sur un bien qui ne me restera pas? - Ah Messieurs, facilitons, conseillons, provoquons les dons de la piété; mais n'allons pas, en inquiétant indiscrètement la conscience du père, endurcir celle des enfants. Je vous conjure de méditer sur ces vérités-là. L'Etat et la religion y sont également intéressés, et votre sagesse peut sauver l'un et l'autre. Voulez-vous qu'en finissant je vous dise franchement quelle est la maxime que, suivant moi, nous devons professer sur toutes les dépossessions? Il en est, je le sais, qui ne peuvent soutenir les regards ni de Dieu ni des hommes. Mais c'est à l'Etat à réparer les torts de l'Etat. Ce grand acte de justice n'était pas éloigné, Messieurs, il allait sortir du cœur paternel de notre Roi, où sa haute sagesse le tient aujourd'hui renfermé. Mais Dieu a ressaisi la verge qu'il semblait avoir brisée. Tous les fléaux sont accourus à la suite de l'homme qu'il avait mis en réserve, pour être l'affreux exécuteur de ses dernières vengeances; et deux milliards qui pouvaient réparer tant d'injustices, consoler de si nobles infortunes, récompenser, dé si héroiques vertus, ont disparu du sol français.

Dieu et le Roi, voilà ce qui nous reste; il nous est permis d'espérer encore.

Je vote pour que l'article proposé par M. Piet, comme amendement à la proposition de M. de Blangy, soit rejeté, pour devenir l'objet d'une proposition particulière qui sera présentée et discutée dans les formes ordinaires.

Un second membre (M. Hyde de Neuville), dit que c'est une erreur de soutenir que l'Assemblée constituante avait le droit de dépouiller le clergé. Dès que cette Assemblée osa attaquer le trône et l'autèl, elle ne fut plus qu'une assemblée de re

(1) A la place de ces mots un homme respectable, j'ai dit à la tribune un galant homme vêtu de noir; mais des rires (et la chose n'est pas risible) m'ayant averti qu'il pouvait y avoir apparemment quelque défaut dans l'expression, j'ai cru devoir y substituer l'autre, qui ne change rien à la pensée. Car la personne dans la bouche de laquelle j'ai mis cette phrase, aura, d'une manière comme de l'autre, toujours fait le même aveu, que malheureusement un prêtre n'était pas pour elle ce qu'il est pour ceux qui aiment et pratiquent la religion.

belles, elle perdit tous ses droits en attaquant la source de tous les droits. Il ajoute que l'Assemblée ne doit point retarder la justice qu'on lui demande, qu'elle doit consacrer cette journée par une acte solennel; qu'il importe fort peu de la considérer comme une proposition nouvelle ou comme un amendement, mais qu'il importe de déclarer à l'Europe que la justice est le premier besoin de la Chambre, comme l'amour du Roi est son premier sentiment.

Deux autres membres sont encore entendus.

M. le Président met aux voix si la proposition de M. Piet sera considérée comme un amendement.

La Chambre décide l'affirmative. Elle ordonne le renvoi à l'examen des commissions réunies chargées du budget et de l'extinction des pensions ecclésiastiques.

On procède au scrutin sur l'article 6, adopté dans le cours de la discussion, concernant la suppression des pensions des prêtres mariés.

L'appel et le réappel terminés, les secrétaires constatent qu'il y avait dans l'urne 168 boules blanches et 64 noires.

M. le Président proclame l'adoption de la résolution.

La Chambre procède ensuite au renouvellement de ses bureaux.

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M. le marquis de Puyvert, président. M. de Foucaud, secrétaire.

M. le comte de La Bourdonnaye, prẻsident.

M. Cardonnel, secrétaire.

M. le comte Planelli de Lavalette, président.

M. Josse-Beauvoir, secrétaire.
M. le duc de Gaëte, président.
M. de Serre, secrétaire.

M. le comte d'Albon, président.
M. Raudot, secrétaire.

M. le comte d'Andigné de Mayneuf, président.

M. le vicomte de Castelbajac, secrétaire.
M. de Bonald, président.
M. Delamarre, secrétaire.

CHAMBRE DES PAIRS.

PRÉSIDENCE DE M. LE CHANCELIER.

Séance du 10 février 1816.

A deux heures, la Chambre se réunit, en vertu de l'ajournement porté au procès-verbal de la séance du 6 de ce mois.

Le secrétaire-archiviste, sur l'ordre de M. le Président, fait lecture de ce procès-verbal. La rédaction est adoptée. L'ordre du jour appelle:

1o La discussion en Assemblée générale, de la résolution prise le 25 janvier par la Chambre des députés tendant à autoriser le clergé à recevoir des donations;

2o Le développement de la proposition faite (par M. le duc de Doudeauville) dans la séance du 6 février.

M. le duc de Doudeauville observe que cette proposition, tendant à faire inscrire les noms des pairs à côté de ceux des députés sur le monument expiatoire qui sera élevé à Louis XVI, n'a pu être soumise à la Chambre aussitôt qu'il l'aurait désiré, aucune séance n'ayant eu lieu depuis le 18 janvier jusqu'au 6 de ce mois. Il demande, pour compenser ce retard, et pour que la délibération de la Chambre des pairs ne suive pas de trop loin le vœu émis par là Chambre des députés, que les développements de sa proposition soient entendus dans cette séance. Leur brièveté, jointe à la simplicité de la question qu'il s'agit de décider, et qui se borne, quant à présent, à savoir si la proposition sera prise en considération, permettrait sans inconvénient d'accorder à cet objet la priorité sur la résolution placée en première ligne dans l'ordre du jour.

Divers membres appuient, et l'Assemblée accorde la priorité réclamée.

M. le due de Doudeauville (1). Messieurs, je n'appuierai pas d'un long développement la proposition que j'ai eu l'honneur de vous présenter aussitôt que la chose a été possible; il s'agit plus ici de sentiments que de raisonnements, et ce développement est plus nécessaire pour vos réglements que pour votre conviction. Je me suis donc plus occupé de le restreindre que de l'étendre.

Un inonument expiatoire a été proposé, il y a quelques semaines, par la Chambre des députés, afin d'éterniser ses regrets et le désaveu de la nation pour un crime auquel elle n'a pris part,

(1) Le discours de M. le duc de Doudeauville n'a pas

comme tout le prouve, que par ses gémissements seuls et sa consternation.

Cette proposition, il me sera permis de le dire, qui avait plus d'un droit à mon intérêt (1), qui a excité en moi plus d'un genre d'émotion, et que j'ai entendu appuyer ici avec un talent qui me laisse plus d'un souvenir, cette proposition vous á été transmise avec une confiance que vous vous êtes empressés de justifier. Accueillie dans cette enceinte comme elle devait l'être, elle est devenue loi du royaume, ainsi que tous les articles relatifs au douloureux anniversaire dont nous laverons les traces avec nos larmes, puisque nous ne pouvons avec notre sang en effacer la mémoire.

A la suite de cette proposition, dans une adresse ou règnent les sentiments les plus élevés et les plus touchants, avec l'éloquence la plus simple et la plus noble, les députés ont supplié le Roi de permettre que leur douleur, leur désaveu, au nom du peuple qui les a choisis, devinssent, comme leur fidélité, aussi durables que le bronze qui allait en devenir le dépositaire, et presque le garant; qu'à cet effet, gravés sur des tables de ce métal, et déposés au pied du monument ordonné, ils passassent à la postérité la plus reculée avec les noms des Français qui ont eu les premiers la consolation de publier hautement leurs regrets et les sentiments de toute la France.

Vous vous êtes associés avec empressement à la première proposition, vous vous associerez avec ardeur à cette nouvelle demande.

Ce n'est pas dans une occasion pareille que vous serez tentés de vous séparer d'une Chambre à laquelle vous désirez constamment vous unir le plus possible.

Vous aimerez à montrer avec elle, en traits ineffaçables, à la France, à l'Europe, aux générations à venir, que tous les représentants du peuple français ont enfin voulu terminer d'une manière durable leur trop longue et trop funeste Révolution, en revenant à tous les sentiments comme à toutes les vertus de leurs aïeux, en désavouant à jamais l'attentat du 21 janvier, et en proclamant religieusement leur dévouement pour une famille qui, après avoir fait pendant tant de siècles le bonheur de la France, vient deux fois de la sauver, et peut seule la sauver encore.

Oui, ce sera au nom de notre patrie, comme de notre amour, que nous répéterons ce serment mémorable, unique moyen de salut, unique source de calme et de prospérité.

Lien sacré de tous les Français, inscrit avec nos noms sur l'airain, comme il l'est dans nos cœurs, ce sera le palladium de notre indépendance, de notre union, de notre bonheur; avec lui nous braverons les tempêtes, nous éviterons les écueils, nous arriverons au port.

Ce sera ce saint et patriotique emblème, ce signe antique et révéré par nos ancêtres, autour duquel ils se rassemblaient, ils se ralliaient, au pied duquel ils juraient de vaincre et de mourir, et sous lequel, dans des temps d'honneur et de loyauté, où l'on ne savait pas plus trahir ses serments que sa foi, ils triomphaient glorieusement de toutes les factions, de tous les ennemis, ou, plus glorieusement encore, expiraient pour leur Roi, pour leur pays et pour leur Dieu.

Ce monument de regret universel, de désaveu national, deviendra un gage aussi puissant que durable, aussi touchant que solennel d'union et de fidélité. Quand le vœu des deux Chambres y sera pour jamais consigné, ce sera le point de

ralliement de tous nos compatriotes, de tous ceux du moins (et c'est l'immense majorité) qui, oubliant, à notre exemple, toutes les haines, toutes les divisions, se souviendront seulement qu'ils sont Français, et qu'ils ne veulent jamais cesser de l'être.

Si, contre mon attente et mon opinion, quelques personnes désapprouvaient ce beau mouvement des députés, je leur répondrais il ne s'agit pas ici de savoir s'ils ont eu tort ou raison de faire cette demande; il ne s'agit pas de savoir s'ils la feront ou s'ils ne la feront pas, elle est faite, et, à ce qu'il paraît, accueillie. Il s'agit donc de savoir si nous dédaignerons d'y concourir, si nous séparerons d'eux, lorsqu'il est question du désaveu de l'assassinat de Louis XVI, et du serment à Louis XVIII, ainsi qu'à son auguste famille; si nous nous refuserons enfin de joindre nos sentiments et nos noms à cet acte solennel et national.

Assurément je ne le pense pas, j'aime à ne le pas penser, et peu sans doute d'entre nous le pen

seront.

Je propose donc que les pairs de France supplient le Roi, par l'organe de leur président, de les associer à la douleur et au serment des députés, en faisant graver sur la même table d'airain, au pied du même monument, leurs noms, comme ceux de l'autre Chambre, va ec laquelle ils ne font qu'un dans la Charte, et qu'un par leurs intentions, ainsi que par leur amour pour le Roi et pour la patrie.

La discussion est ouverte sur la question de savoir si la proposition qui vient d'être développée sera prise en considération.

Un membre aperçoit dans l'inscription proposée de tant de noms une sorte de faste peu convenable au caractère d'un monument aussi lugubre. Les grandes douleurs fuient le jour, et le peintre qui voila celle d'Agamemnon en était persuadé. C'est par le recueillement et les larmes que doit être honoré le tombeau du Roi martyr, et une simplicité modeste paraît mieux assortie à ce but que de pompeuses inscriptions, où il entre toujours un peu de vanité.

Un autre membre observe que l'objet de la proposition est étranger aux attributions constitutionnelles de la Chambre. Il ne s'agit point, en effet, de délibérer sur un projet de loi, sur une résolution. C'est un point de cérémonial qu'on soumet à l'Assemblée. L'opinant cherche vainement à quel titre elle pourrait s'en occuper.

D'autres membres appuient au contraire la proposition dont il s'agit. Quoi de moins oiseux, quoi de plus nécessaire que de protester, au nom de la nation, contre le plus exécrable des forfaits; que de jurer pour elle à la dynastie légitime un amour et une fidélité inébranlables? Une proposition qui a pour objet ce serment, ce désaveu, n'est-elle pas éminemment constitutionnelle ? Comment la Chambre des pairs pourrait-elle à cet égard se séparer de la Chambre des députés ? Ce qu'on lui propose est d'ailleurs conforme à ses usages. Ne charge-t-elle pas tous les jours son président d'être auprès du Roi l'interprète de ses vœux, de ses sentiments? La proposition qui lui est faite mérite donc d'être accueillie: elle mérite au moins d'etre examinée; et il ne s'agit pas d'autre chose en ce moment, puisqu'on discute pour savoir si elle sera prise en consideration.

La Chambre, consultée, décide que la proposition dont elle vient d'entendre les développements sera prise en considération.

T. XVI.

M. le Président en ordonne en conséquence le renvoi aux bureaux, l'impression et la distribution, conformément à l'article 29 du règlement.

L'ordre du jour appelle la discussion en Assemblée générale de la résolution de la Chambre des députés tendant à autoriser le clergé à recevoir des donations.

Lecture est faite de cette résolution par un de MM. les secrétaires.

M. le Président consulte l'Assemblée pour savoir si elle veut ouvrir la discussion ou nommer une commission spéciale pour lui faire son rapport.

Après deux épreuves sans résultat, la Chambre décide que la discussion sera ouverte.

Un membre obtient la parole et, sans, entrer dans l'examen du fond, se borne à demander le renvoi de la résolution à une commission spéciale.

Il établit la nécessité de ce renvoi sur les vices de rédaction qui se font apercevoir à chaque article dans la résolution proposée; le premier, par exemple, ne dit pas ce qu'il veut dire, lorsqu'il porte Le clergé de chaque diocèse est autorisé à recevoir, etc,. etc.

Il est évident que les donations, pour être valides, n'auront pas besoin d'être faites au clergé en corps de chaque diocèse, ce que la résolution semble exiger. Il est évident qu'il s'agit ici des donations qui seraient faites à une cure, à un séminaire, et qu'on se propose enfin d'établir de véritables bénéfices. Mais qu'est-ce qu'un bénéfice, sinon une substitution à perpétuité, défendue dans notre droit actuel? Qu'est-ce qu'une cure, sinon une fonction aussi incapable de recevoir un legs ou une donation que le serait une justice de paix? Il faut donc, si l'on veut rétablir des bénéfices ecclésiastiques, si l'on veut rendre susceptibles de legs, de donation, une cure, une église, recréer pour cet objet une législation particulière. Il faut revenir à ce qu'on appelait autrefois matières bénéficiales. Un pareil travail ne peut être fait que par une commission; et sans ce préliminaire indispensable, il paraît impossible à l'opinant de délibérer avec fruit sur la résolution soumise à la Chambre.

M. le vicomte de Châteaubriand. Messieurs, une idée aussi funeste qu'elle est étrange tomba dans la tête de quelques-uns de ces milliers de législateurs, qui découvrirent tout à coup qu'après une existence de quatorze siècles, la France n'avait pas de constitution: ils imaginèrent de séparer entièrement l'ordre religieux de l'ordre politique; et cela fut regardée comme un trait de génie. Dieu, qui a fait l'homme, ne se trouva plus mêlé aux actions de l'homme; et la loi perdit ce fondement que tous les peuples ont placé dans le ciel. On fut libre de recevoir ou de rejeter le premier signe du chrétien, de prendre une épouse à l'autel de Dieu ou au bureau du maire, de choisir pour règles de conduite les préceptes de l'Evangile ou les ordonnances de la police, d'expier ses fautes aux pieds du prêtre ou du bourreau, de mourir dans l'attente d'une autre vie ou dans l'espoir du néant : tout cela fut réputé sagesse.

Et néanmoins, tandis qu'on renonçait à la religion, on prétendait à la liberté. Mais qu'y eût-il de plus libre et pourtant de plus religieux que Rome et Athènes. Tout peuple qui ne cherche pas dans les choses divines de garanties à son indépendance, finit toujours par la perdre, quelles que soient les révolutions dans lesquelles il se plonge pour la conserver. Eh! saus le Roi, Mes

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