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renouvelle aussi partiellement; mais aucun pouvoir ne peut le dissoudre, et les membres du Congresont élus pour deux ans en totalité, et renouveles en totalité.

Ici finit, Messieurs, la tâche qui m'était imposée. Votre commission croit avoir rempli, avec la plus religieuse éxactitude, celle que vous lui aviez confiée; elle a étudié, réfléchi et mûri les propositions qu'elle vous soumet; elle les croit essentiellement utiles à la bonne organisation du gouvernement représentatif qui nous a été donné; elle persiste à demander à la Chambre l'adoption de la résolution qu'elle lui a proposée.

Un grand nombre de voix. Appuyé, appuyé...
L'impression de ce discours est ordonnée.
On demande la clôture de la discussion.

M. le Vice-Président, MM. les ministres du Roi, présents à la séance, désirent-ils être entendus?

M. le ministre de l'intérieur exprime l'intention de ne pas prendre la parole en cet instant.

On demande de nouveau la clôture de la discussion.

La Chambre, consultée, vote unanimement que la discussion est fermée.

M. le Ministre de l'intérieur monte alors à la tribune et annonce à la Chambre que c'est au moment même où elle a décidé qu'elle fermait la discussion, qu'il a cru devoir faire une observation.

Messieurs, poursuit M. de Vaublanc, lorsqu'on s'est occupé du projet de loi sur les élections, que j'ai eu l'honneur de vous présenter, de trèshautes considérations ont empêché de discuter l'article constitutionnel qui détermine le mode de renouvellement de la Chambre des députés.

Vous avez reçu le projet de loi: une commission a été nommée pour l'examiner et vous en faire son rapport, et elle a cru devoir vous proposer de délibérer sur les modifications dont quelques-uns des articles indiqués sont susceptibles, particulièrement celui relatif au renouvellement.

Dans cette situation, les ministres de Sa Majesté ont dù garder le silence: ils n'ont pas dù prendre part à une discussion dont l'objet principal n'était pas émané du ministère, et qui n'avait pas précisément pour objet le projet présenté au nom du Roi.

Actuellement, Messieurs, que cette discussion est fermée, les ministres du Roi vous expriment le désir que la délibération que vous allez prendre soit par vous envoyée à la Chambre des pairs, dans la forme ordinaire d'une résolution. La Chambre des pairs émettra son vœu sur ces importantes questions, et ce n'est que lorsque le vou des deux Chambres sera prononcé, que le ministère pourra voir quelle sorte de changement la résolution des deux Chambres pourra apporter dans le système et dans l'économie du projet qu'il vous a soumis. C'est alors seulement que le ministère pourra prendre les ordres du Roi.

M. le Vice-Président prend la parole et présente le résumé de la discussion. Il analyse les diverses opinions qui ont été émises sur le rapport de la commission, les reproches qui se sont élevés contre elle relativement à la marche qu'elle a fait prendre à la délibération, les motifs qu'elle a exposés pour sa justification; il rappelle enfin les trois dispositions sur lesquelles la Chambre a à délibérer, et les amendements proposés à chacunes d'elles.

Il termine en exprimant le plus vif regret que

pas lui-même tenu le fil de l'analyse qu'il présente, et ne soumette pas à la Chambre, avec la clarté et la méthode qui lui est propre, l'ordre à suivre dans la délibération dont elle va s'occuper.

Après le résumé qui a duré près d'une heure, et qui a été écouté avec une attention soutenue, M. le Vice-Président annonce qu'il va poser les questions.

M. de Castelbajac et d'autres membres réclament à la fois la parole sur la position des questions.

D'autres membres. Laissez-les poser à M. le président.

M. le Vice-Président pose successivement les trois questions, et rappelle les amendements auxquels elles ont donné lieu.

On demande à aller aux voix.

M. le Vice-Président. Après avoir délibéré sur les questions proposées, il vous restera encore à délibérer si votre délibération sera seulement réunie à votre procès-verbal pour régler celle que vous aurez ensuite à prendre sur l'ensemble de la loi. Vous venez d'entendre le ministre du Roi vous exprimer le désir que votre délibération fût prise dans la forme d'une résolution, et envoyée à la Chambre des pairs. Mais ici il semble que le ministre du Roi a perdu un moment de vue les principes habituels de vos délibérations et les dispositions de votre règlement s'il s'agissait d'une proposition, elle aurait dû être déposée sur le bureau, développée et discutée en comité secret. Mais ici nous délibérons par suite d'un projet présenté au nom du Roi. Nous pouvons en modifier les articles, mais alors il faut que la résolution soit publique et adressée au Roi, pour que Sa Majesté l'adresse, si elle le juge convenable, à la Chambre des pairs. Les conséquences de votre décision à cet égard sont importantes. Il s'agit de changements à apporter à la Charte; or, aucun article ne peut être changé sans l'unanimité des pouvoirs qui constituent la législature. Un seul de ces pouvoirs refusant d'approuver ces changements, les articles se trouvent maintenus par le fait. Vous aurez donc, après avoir voté, à délibérer sur le résultat même de votre délibération et l'effet qui devra la suivre.

M. de Catelbajac. L'observation que j'ai à présenter est simple. Un projet a été proposé au nom du Roi; il a été renvoyé dans les bureaux, un rapport a été fait; le ministre de l'intérieur désire que votre délibération sur les articles séparés du projet soit envoyée à la Chambre des pairs. Cette marche demande une explication de la part des ministres : nous devons désirer savoir si le ministre entend que notre délibération ira à la Chambre des pairs, comme émanée du trône ou de la Chambre seulement. Si la délibération n'est considérée que comme émanant de la Chambre, la forme proposée n'est point convenable.

M. Voysin de Gartempe. J'applaudis au respect religieux de la commission pour la Charte, et je partage l'esprit de réserve qui a dicté son opinion.

Mais je diffère avec elle sur le mode de délibération qu'elle vous propose.

Je ne vois pas quel serait le but d'une résolution qui n'aurait d'autre effet que d'insérer au procès-verbal de la Chambre l'avis de la majorité sur une question qui ne se trouverait pas encore décidée d'une manière absolue et impérative; car il n'y a qu'une loi qui pùt imposer silence aux opinions qui s'élèveraient encore lors de la

contre le systême qu'aurait adopté la majorité de la Chambre.

Nous ne pouvons délibérer que pour consentir la loi, et pour supplier le Roi d'en proposer une.

Si le gouvernement consentait à la division qu'a proposée la commission, s'il prenait pour amendement le projet qu'elle présente, son acceptation nous autoriserait à délibérer; ainsi la loi commencerait dans les formes régulières; elle parcourrait les autres degrés de sa création; et lorsqu'elle serait complète, nous la prendrions pour type de nos nouvelles résolutions sur les autres parties

de la loi des élections à décréter.

Mais le silence du gouvernement ne permet pas cette marche qui serait la plus convenable.

On ne peut adopter celle proposée par M. le ministre de l'intérieur, et qui aurait pour but d'assimiler le rapport de la commission sur une loi présentée, au nom du Roi, par ses ministres, à une proposition de loi faite par un membre de la Chambre.

Il n'est à mon sens qu'un moyen pour sortir de l'état incertain et équivoque dans lequel se précipiterait la Chambre, si elle se permettait de manifester dans ce moment son vœu ultérieur, sur la résolution présentée par la commission : c'est de suspendre sa délibération jusqu'après le nouveau rapport sur le surplus de la loi des élections.

Alors la Chambre délibérera sur l'ensemble, sauf à demander que la loi soit faite en deux titres, sous la même rubrique, ou qu'on en forme deux lois distinctes.

En conséquence, Messieurs, je propose de passer à l'ordre du jour et d'ordonner à votre commission de continuer incessamment son rapport sur la loi des élections, à l'effet, après l'avoir entendu, de délibérer à la fois et ensemble, tant sur le rapport déjà fait que sur celui qui reste à faire. Cet avis est appuyé.

Plusieurs membres réclament la parole. M. Hyde de Neuville monte à la tribune. Plusieurs membres s'aperçoivent que M. Lainé demande à être entendu.

Une foule de voix s'élèvent : M. Lainé! la parole à M. Lainé! (Des applaudissements éclatent dans les tribunes. M. le président rappelle à l'observation du règlement.)

M. Hyde de Neuville descend avec empressement de la tribune, et cède la parole à M. Lainé.

M. Lainé. Messieurs, la Chambre me paraît engagée dans une difficulté qui ne me semble pas devoir être résolue en ce moment, et que même elle n'est peut-être pas en droit de décider. Que vos résolutions prenant naissance dans cette Chambre par la voie d'une proposition, viennent de vous, ou qu'elles résultent d'une proposition faite par les ministres du Roi, au nom de Sa Majesté, ce sont toujours des résolutions. La seule différence est que lorsque la résolution vient de vous, vous pouvez l'adresser à la Chambre des pairs, sans la mettre auparavant sous les yeux du Roi. Il est au contraire d'usage que, lorsque votre résolution résulte d'une proposition faite par les ministres du Roi, ce soit au Roi que votre résolution soit envoyée. Je dis d'usage, car au fond ce ne serait pas une obligation indispensable : un amendement à un projet de loi peut avoir les effets d'une proposition directe, et il est tel amendement qui, envoyé directement au Roi, pourrait placer Sa Majesté dans une position où il ne serait pas convenable qu'elle se trouvât. Le Roi pourrait, en effet, ne pas vouloir s'expliquer sur une proposition qui résulterait d'un amendement adopté par vous, et je crois que rien, dans la Charte, ne

lie Sa Majesté à cet égard, et qu'elle a toujours le droit d'adresser une de vos résolutions à la Chambre des pairs, sans s'expliquer sur ses intentions ultérieures.

Le moment de résoudre la difficulté dans laquelle nous nous trouvons engagés, n'est donc point encore arrivé. Il ne le sera que lorsque vous aurez délibéré sur les articles dont vous vous occupez; c'est alors que M. le président invitera les ministres du Roi à prendre les ordres de Sa Majesté. C'est alors que Sa Majesté donnera ses ordres, si elle le juge convenable, pour que votre résolution soit transmise à la Chambre des pairs. Je conclus donc à ce que vous ne vous occupiez du résultat de votre délibération et de son mode d'envoi, qu'après cette délibération elle-même; ce n'est enfin que lorsque la résolution aura été prise, qu'il conviendra de s'occuper de la question de savoir à qui elle sera adressée, et dans quelle forme elle devra l'ètre. Il peut d'ailleurs arriver, selon l'ordre des questions que présente le résumé de M. le président, que la Chambre n'aura pas besoin de résoudre la question dont elle s'occupe inopinément.

Cet avis est appuyé par un grand nombre de membres.

M. de Trinquelague. La question me paraît pouvoir se réduire à des termes bien simples. Devez-vous extraire des articles du projet de loi et délibérer, pour qu'il résulte de votre délibération une loi particulière sur les articles constitutionnels dont il est question? Pouvez-vous scinder le projet présenté au nom du Roi ? Vous avez pu discuter préalablement, mais vous ne pouvez scinder le projet; votre discussion est fermée vous pouvez délibérer; mais il vous restera ensuite à faire autre chose, il vous restera à appliquer les principes de votre délibération aux autres articles sur lesquels votre commission aura à vous présenter un nouveau rapport. Délibérez donc aujourd'hui sur les questions qui vous sont proposées par assis et levé seulement; et quand vous aurez ensuite délibéré sur le fond et l'ensemble du projet de loi, alors vous délibérerez dans la forme ordinaire et définitive, c'est-à-dire au scrutin.

M. le Ministre de l'intérieur demande de nouveau à être entendu, et il monte à la tribune. Il fait observer d'abord que, quelque attention qu'on puisse mettre à prévoir et à régler les formes des Assemblées représentatives, il est impossible que tout soit réglé, que tout soit prévu de manière à ne laisser, dans aucun cas, de doute et d'hésitation sur la véritable formé qu'il convient d'employer. Le temps et l'usage seuls fixent d'une manière invariable ce qu'on appelle la jurisprudence réglementaire d'une

assemblée.

Votre position, continue M. de Vaublanc est différente de celle dans laquelle vous vous êtes trouvés jusqu'à présent. Vous avez examiné particulièrement des articles constitutionnels sur lesquels les ordres de Roi n'avaient pas prescrit aux ministres d'appeler vos délibérations. Il est donc évident que les ministres n'ayant pas porté leur examen sur les articles qui viennent de fixer votre attention, peuvent penser que le changement de ces articles doit modifier la loi qu'ils ont eu l'honneur de vous proposer; la position, je le répète, est donc nouvelle; mais elle rentre dans les catégories ordinaires, suivant l'observation faite par M. Lainé.

Quand j'ai dit que votre délibération pourrait être envoyée à la Chambre des pairs dans les formes ordinaires, je n'ai pas voulu dire que la

Chambre ne pût pas l'adresser au Roi, afin que Sa Majesté pût donner ses ordres aux ministres, dans le cas où elle jugerait convenable d'envoyer la résolution à la Chambre des pairs. Il semble donc que votre délibération peut suivre la forme attachée aux résolutions émanées de la Chambre même, ou suivre les formes ordinaires prescrites par les lois. Le Roi verra alors, dans sa sagesse, s'il doit l'adresser à la Chambre des pairs. La Chambre aurait pu discuter à la fois les articles de la Charte et ceux de la loi, mais je ne pense pas que la Chambre puisse, après une résolution prise sur les articles constitutionnels seulement, passer à la discussion de tout le projet de loi présenté au nom du Roi; car les ministres pourraient vous dire : Vous avez préjugé des changements qui ne peuvent avoir lieu qu'avec le concours des trois branches de la législature. Ces changements doivent en amener d'autres, et les ministres doivent se réserver de prendre les ordres du Roi pour les changements à faire au projet de loi, d'après la résolution que vous allez prendre. Il y a une bien grande différence entre discuter ensemble tous les articles d'une loi dans laquelle se trouvent des articles constitutionnels, ou prendre d'abord une résolution sur ces articles constitutionnels et délibérer ensuite sur les autres articles.

On demande de toutes parts à aller aux voix. M. Colomb paraît à la tribune.

Une foule de membres se lèvent en criant: Aux voix ! aux voix ! - M. Colomb persiste, le mouvement continue. Il descend de la tribune au milieu d'une vive agitation de l'Assemblée.

M. le Vice-Président demande si l'intention de la Chambre est de délibérer de suite... Il y a un moment d'incertitude; bientôt la très-grande majorité demande la continuation à demain.

La Chambre se sépare alors, en ajournant la délibération à demain une heure.

CHAMBRE DES PAIRS

PRÉSIDENCE DE M. LE CHANCELIER.

Séance du 16 février 1816.

A deux heures, la Chambre se réunit, sous la présidence ordinaire de M. le chancelier.

La séance est ouverte par la lecture du procèsverbal de celle du 10 de ce mois.

L'Assemblée en adopte la rédaction.

L'ordre du jour appelait le rapport de la commission spéciale nommée dans la dernière séance pour l'examen de la résolution de la Chambre des députés relative aux donations et au clergé.

M. le Président annonce que cette commission n'a point encore terminé son travail, et qu'il ne pourra être soumis à l'Assemblée que mardi prochain.

Le second objet à l'ordre du jour était le rapport de la commission spéciale chargée, dans la séance du 23 décembre, d'examiner les questions auxquelles peut donner lieu la formation de la Chambre des pairs en cour de justice.

Au nom de cette commission, M. le comte Molé, l'un de ses membres, obtient la parole, et fait à l'Assemblée le rapport suivant (1)':

M. le comte Molé. Messieurs, la commission

(1) Cette commission était composée de M. le marquis de Talaru, M. le comte Garnier, M. le comte Abrial, M. le comte Molé, M. le comte de Pastoret, M le comte

que vous avez nommée dans votre séance du 23 décembre vient vous présenter le résultat de son travail. Il devait avoir pour objet de définir votre compétence, d'en tracer exactement la limite, et de déterminer votre mode de procéder comme cour de justice.

Nous nous sommes d'abord demandé si une matière aussi vaste ne pouvait être réglée que par une loi, ou si quelques-unes des dispositions qu'elle exige ne pouvaient pas être renfermées dans un simple règlement. Mais en avançant dans notre imposante carrière, nous avons reconnu que des questions qui touchent de si près aux droits les plus sacrés, que des formes où tous les justiciables cherchent des garanties, ne pouvaient se passer de la sanction des lois. Jamais, en effet, elles n'auront à s'occuper d'un sujet plus digne d'elles, ni qui réclame plus impérieusement leur autorité et leur appui..

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Ce qui se pratique en Anglelerre est parfaitement conforme à ce principe:« Toutes ques«tions, dit Blackstone, qui, tout en intéressant particulièrement l'une des Chambres, s'éten«dent encore à d'autres intérêts, ne peuvent être « décidées que par une loi, tandis que les ques«tions qui n'intéressent qu'une Chambre, et dont « la décision ne peut avoir d'influence hors de « son enceinte, deviennent l'objet d'un règle

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Il ne fallait rien moins, Messieurs, qu'une convenance aussi évidente pour vous déterminer. Ce n'est pas à vous, Pairs de France, à vous, par institution et par essence, les conservateurs de la prérogative royale, qu'il faut rappeler les dangers qui accompagneraient l'usage fréquent de ce droit que la Charte nous donne; mais vous ne vous en servez aujourd'hui que pour vous constituer en quelque sorte davantage, et vous rendre plus forts pour conserver ce précieux dépôt que vous êtes chargés de défendre. Car, disent nos anciennes lois, les pairs furent créés pour conseiller et défendre le Roi, ad consulendum, ad defendendum Regem.

Avant d'entrer dans aucun développement, votre commission a voulu, Messieurs, répondre à tous les scrupules, en rappelant ces maximes immuables sur lesquelles repose notre monarchie et en les faisant servir de préambule à son travail.

Dans toutes sociétés civilisées il existe d'ordinaire des antécédents; on trouve auprès des lois des usages pleins d'autorité et presque aussi forts qu'elles. Chez les autres peuples, en un mot, l'expérience des pères n'a point cessé de guider les enfants. Mais une révolution terrible a éteint pour nous ce flambeau commun à toutes les nations. Rien dans notre histoire ne res semble à ce que nous voyons. Nous ne fùmes jamais tels que nous sommes. Il faut en quelque sorte nous créer nous-mêmes, et nous donner par des textes de lois ce que nos voisins ont reçu, et ce qu'on ne devrait jamais tenir que des mains habiles et prudentes du temps.

Eu cherchant les bases de notre compétence, nous avons d'abord essayé de nous rappeler quelle avait été l'origine et la nature de la pairie

res de nos anciens pairs, et leur manière de procéder comme cour de justice.

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La Charte elle-même semblait nous avoir tracé cette marche. Le Roi a dit dans le préambule : Nous avons vu dans le renouvellement de la pairie une institution vraiment nationale, et qui « doit lier tous les souvenirs à toutes les espé«rances, en réunissant les temps anciens et les « temps modernes. Mais plus nous avons étendu nos recherches, et moins nous avons trouvé de faits, d'exemples, de principes, sur lesquels nous appuyer; nous nous sommes convaincus qu'il fallait ne nous attacher qu'à ces maximes de tous les temps, supérieures à tout, et desquelles toute justice découle.

Pour trouver l'origine de la pairie en France il faut remonter au berceau de la monarchie.

En laissant de côté ses temps fabuleux, on voit qu'elle existait avant le douzième siècle, « lors« que les dignités, dit Pasquier, tenues aupara«vant sous le bon plaisir des rois, furent com« muées en fiefs perpétuels.

Louis le Jeune, ayant donné à l'église de Reims la prérogative de sacrer et couronner les rois, ordonna que les pairs, tant ecclésiastiques que laïcs, assisteraient à son sacre et en son parlement, pour juger avec lui les grandes causes.

La pairie renfermait un office personnel et une seigneurie réelle. Un des serments ou des hommages s'appliquait à la seigneurie, c'est-à-dire à la terre, qui était la matière de la pairie; et l'autre, à l'office personnel, qui, selon l'expression du chancelier d'Aguesseau,« en était comme la forme et le caractère le plus éminent. » Le devoir de tout pair, comme de tout propriétaire de fief, était de servir son seigneur à la guerre et dans sa cour de justice. Le service au plaid et le service militaire étaient également commandés par l'honneur.

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Bientôt la pairie du royaume surpassa autant les pairies des grands fiefs par l'étendue et l'importance de ses fonctions, qu'elle lui était supérieure par la noblesse et la puissance de ceux qui en étaient revêtus. Nos rois appelaient les pairs du royaume leurs assesseurs, leurs conseils naturels, les membres de leur couronne. Ils participaient au gouvernement et à la haute administration; cependant la distribution de la justice faisait leur principal attribut. Leur juridiction s'étendait à tous les sujets ou vassaux du Roi, qui arrivaient par voie d'appel devant sa cour féodale. Lorsque les Etablissements de Saint Louis rendirent plus rare l'usage du combat judiciaire, lorsque la pratique et la législation se compliquerent, on leur adjoignit quelques clercs pour l'intelligence des lois. Ces clercs n'eurent d'abord que voix consultative, comme les douze grands juges qui assistent la Chambre des pairs en Angleterre. Peu à peu leur nombre s'accrut, et les pairs se dégoûtèrent de fonctions auxquelles leur éducation et leurs babitudes les rendaient peu propres. Tous les jours des études particulières devinrent plus indispensables, et nos rois trouvèrent nécessaire au soutien de leur autorité et à la bonne administration de la justice de remplacer la cour féodale par une cour de justice perpétuelle, en la séparant de leur conseil, avec lequel leur cour féodale avait jusque-là été confondue. C'est ce que fit l'ordonnance rendue par Philippe le Bel en 1302. Les membres du parlement devinrent, par leurs offices, les égaux des pairs, dont ils remplissaient les fonctions, et la cour des pairs fut remplacée par une cour permanente de justice.

La compétence de la cour des pairs en matière criminelle résultait quelquefois de la nature des crimes; mais plus souvent, et presque toujours, de la qualité des personnes. Les princes, les pairs, les officiers de la couronne, devaient être jugés par elle, quelle que fût la nature des crimes ou délits qui leur étaient imputés. Elle avait principalement pour justiciables les sujets du Roi, que leur grandeur et leur puissance n'auraient pas permis de citer à un autre tribunal. Il est moins aisé de définir sa compétence quant à la nature des crimes; il est même douteux que la connaissance et le jugement d'aucun crime lui fussent exclusivement dévolus, abstraction faite de la qualité des personnes. Les attentats contre la sùreté de l'Etat ou la personne du monarque étant ordinairement commis ou préparés par des hommes considérables, il est difficile de reconnaître s'ils ont été traduits devant la cour des pairs à cause de leurs personnes, ou en raison de leurs actions. La même obscurité couvre nos traditions relativement à la compétence du parlement de Paris, où les pairs siégeaient, et qui, comme cour suprême de justice, avait remplacé la cour des pairs.

Ainsi nous voyons au procès de Damiens que le prévôt de l'hotel s'empara d'abord de l'affaire et du prisonnier, en raison de sa compétence, pour connaître de tous les crimes commis à la suite de la cour. Le parlement allait réclamer, lorsque parurent les lettres patentes qui ordonnaient l'instruction du procès en la grand'chambre, tout en validant la procédure faite en la prévoté de l'hôtel.

L'avocat général Joly de Fleury, en présentant les lettres patentes, établit dans son discours que la connaissance des crimes de lèse« majesté au premier chef n'appartenait qu'à la

« cour. »>

Mais les termes des lettres patentes montrent que le Roi était loin de reconnaître au parlement le droit exclusif qu'il s'attribuait : « Guidés, y « est-il dit, par la confiance que nous avons dans « le zèle et les lumières des magistrats de la « grand'chambre de notre parlement, nous « nous sommes déterminés de lui abandonner « l'instruction et le jugement d'une affaire si «< importante. »

Si le Roi eût reconnu au parlement le droit de connaître seul de tous les crimes de lèsemajesté au premier chef, il se ne fût pas servi d'expressions qui marquent assez qu'en lui abandonnant l'instruction et le jugement du procès de Damiens, il croyait lui donner une marque toute particulière de son estime et de sa confiance.

Quant au mode de procéder devant l'ancienne cour des pairs, ou le parlement qui la représentait, il est difficile de s'en former une idée parfaitement exacte. Quelquefois le Roi saisissait la cour par des lettres patentes, comme dans l'affaire du chancelier Poyet. En 1468, ce furent les Etats de Tours qui ajournèrent le duc de Bourgogne à comparoir en personne au parlement de Paris.

Les procès de la compétence de la cour des pairs étaient jugés en la grand'chambre, sous la présidence du chancelier de France, ou du Roi, s'il lui plaisait y venir.

Quand il s'agissait de l'honneur, de la vie, de l'état d'un pair, soit qu'il fût des douze pairs, ou qu'il tint simplement un duché en pairie, il ne pouvait être procédé contre lui que les pairs appelés, et non-seulement les douze pairs, mais

Chambre ne pût pas l'adresser au Roi, afin que Sa Majesté pût donner ses ordres aux ministres, dans le cas où elle jugerait convenable d'envoyer la résolution à la Chambre des pairs. Il semble donc que votre délibération peut suivre la forme attachée aux résolutions émanées de la Chambre même, ou suivre les formes ordinaires prescrites par les lois. Le Roi verra alors, dans sa sagesse, s'il doit l'adresser à la Chambre des pairs. La Chambre aurait pu discuter à la fois les articles de la Charte et ceux de la loi, mais je ne pense pas que la Chambre puisse, après une résolution prise sur les articles constitutionnels seulement, passer à la discussion de tout le projet de loi présenté au nom du Roi; car les ministres pourraient vous dire Vous avez préjugé des changements qui ne peuvent avoir lieu qu'avec le concours des trois branches de la législature. Ces changements doivent en amener d'autres, et les ministres doivent se réserver de prendre les ordres du Roi pour les changements à faire au projet de loi, d'après la résolution que vous allez prendre. Il y a une bien grande différence entre discuter ensemble tous les articles d'une loi dans laquelle se trouvent des articles constitutionnels, ou prendre d'abord une résolution sur ces articles constitutionnels et délibérer ensuite sur les autres articles.

On demande de toutes parts à aller aux voix. M. Colomb paraît à la tribune.

Une foule de membres se lèvent en criant: Aux voix ! aux voix ! — M. Colomb persiste, le mouvement continue. Il descend de la tribune au milieu d'une vive agitation de l'Assemblée.

M. le Vice-Président demande si l'intention de la Chambre est de délibérer de suite... Il y a un moment d'incertitude; bientôt la très-grande majorité demande la continuation à demain.

La Chambre se sépare alors, en ajournant la délibération à demain une heure.

CHAMBRE DES PAIRS

PRÉSIDENCE DE M. LE CHANCELIER.

Séance du 16 février 1816.

que vous avez nommée dans votre séance du 23 décembre vient vous présenter le résultat de son travail. Il devait avoir pour objet de définir votre compétence, d'en tracer exactement la limite, et de déterminer votre mode de procéder comme cour de justice.

Nous nous sommes d'abord demandé si une matière aussi vaste ne pouvait être réglée que par une loi, ou si quelques-unes des dispositions qu'elle exige ne pouvaient pas être renfermées dans un simple règlement. Mais en avançant dans notre imposante carrière, nous avons reconnu que des questions qui touchent de si près aux droits les plus sacrés, que des formes où tous les justiciables cherchent des garanties, ne pouvaient se passer de la sanction des lois. Jamais, en effet, elles n'auront à s'occuper d'un sujet plus digne d'elles, ni qui réclame plus impérieusement leur autorité et leur appui..

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Ce qui se pratique en Anglelerre est parfaitement conforme à ce principe:« Toutes ques«tions, dit Blackstone, qui, tout en intéressant particulièrement l'une des Chambres, s'éten«dent encore à d'autres intérêts, ne peuvent être « décidées que par une loi, tandis que les ques«tious qui n'intéressent qu'une Chambre, et dont « la décision ne peut avoir d'influence hors de « son enceinte, deviennent l'objet d'un règle

<ment. »>

Nous trouvons aussi dans le même auteur les motifs qui vous ont portés à user dans cette circonstance du droit d'initiative. « Tout bill,

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ajoute-t-il, qui, par ses conséquences, inté«resse les droits ou priviléges de la Chambre « des pairs, est proposé, rédigé, et présenté par « elle. »

Il ne fallait rien moins, Messieurs, qu'une convenance aussi évidente pour vous déterminer. Ce n'est pas à vous, Pairs de France, à vous, par institution et par essence, les conservateurs de la prérogative royale, qu'il faut rappeler les dangers qui accompagneraient l'usage fréquent de ce droit que la Charte nous donne; mais vous ne vous en servez aujourd'hui que pour vous constituer en quelque sorte davantage, et vous rendre plus forts pour conserver ce précieux dépôt que vous êtes chargés de défendre. Car, disent nos anciennes lois, les pairs furent créés pour conseiller et défendre le Roi, ad conprocès-sulendum, ad defendendum Regem.

A deux heures, la Chambre se réunit, sous la présidence ordinaire de M. le chancelier. La séance est ouverte par la lecture du verbal de celle du 10 de ce mois.

L'Assemblée en adopte la rédaction. L'ordre du jour appelait le rapport de la commission spéciale nommée dans la dernière séance pour l'examen de la résolution de la Chambre des députés relative aux donations et au clergé.

M. le Président annonce que cette commission n'a point encore terminé son travail, et qu'il ne pourra être soumis à l'Assemblée que mardi prochain.

Le second objet à l'ordre du jour était le rapport de la commission spéciale chargée, dans la séance du 23 décembre, d'examiner les questions auxquelles peut donner lieu la formation de la Chambre des pairs en cour de justice.

Au nom de cette commission, M. le comte Molé, l'un de ses membres, obtient la parole, et fait à l'Assemblée le rapport suivant (1)':

M. le comte Molé. Messieurs, la commission

(1) Cette commission était composée de M. le marquis de Talaru, M. le comte Garnier, M. le comte Abrial, M. le comte Molé, M. le comte de Pastoret, M le comte

Avant d'entrer dans aucun développement, votre commission a voulu, Messieurs, répondre à tous les scrupules, en rappelant ces maximes immuables sur lesquelles repose notre monarchie et en les faisant servir de préambule à son travail.

Dans toutes sociétés civilisées il existe d'ordinaire des antécédents; on trouve auprès des lois des usages pleins d'autorité et presque aussi forts qu'elles. Chez les autres peuples, en un mot, l'expérience des pères n'a point cessé de guider les enfants. Mais une révolution terrible a éteint pour nous ce flambeau commun à toutes les nations. Rien dans notre histoire ne ressemble à ce que nous voyons. Nous ne fùmes jamais tels que nous sommes. Il faut en quelque sorte nous créer nous-mêmes, et nous donner par des textes de lois ce que nos voisins ont reçu, et ce qu'on ne devrait jamais tenir que des mains habiles et prudentes du temps.

En cherchant les bases de notre compétence, nous avons d'abord essayé de nous rappeler quelle avait été l'origine et la nature de la pairie

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