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jusqu'à ces vénérables pasteurs de nos campagnes; et ici l'étonnement, les regrets doivent redoubler. Rappelez-vous, Messieurs, la vie de la plupart d'entre eux, lorsque l'aisance les laissait libres d'exercer leurs fonctions avec tout le zèle de la charité et du désintéressement, et vous n'hésiterez pas à leur désirer cette ancienne et nécessaire indépendance; vous sentirez que le clergé doit être dans l'aisance, et pour cela propriétaire. Il n'y a pas d'aisance assurée sans propriété.

Ces curés, au milieu d'un peuple simple, souvent les seuls instruits, étaient les seuls instituteurs de la jeunesse, les seuls en état de donner un conseil utile aux familles comme aux particuliers, et de répandre dans les campagnes quelque instruction, quelques connaissances; et elles étaient gratuites. Entourés de gens la plupart pauvres, ils allaient encourager le faible, et reprendre le vicieux (c'est un de leurs premiers devoirs). Mais quand, jadis, ils étaient en état de porter quelques secours temporels, le faible était doublement soutenu; le vicieux, en recevant le bienfait, était forcé aussi de recevoir le reproche. Ils visitaient l'homme affligé, le malade: combien les consolations qu'ils leur portaient étaient douces ! comme elles devenaient efficaces, quand elles étaient accompagnées de consolations temporelles! Moyen certain de persuader le pauvre, de le distraire de sa peine, de diminuer ses souffrances ! Il était rassuré sur les besoins du moment, l'espérance voilait à ses yeux le mal et les besoins du lendemain. Celui qui venait de soulager les maux présents avait obtenu la confiance, et il persuadait quand il promettait la fin des maux et la future récompense du courage à les souffrir. La sienne était tout entière dans les bénédictions qu'il emportait.

Messieurs, cette peinture n'est pas idéale; tous, nous avons vu cet effet heureux de l'aisance dans les curés, et d'une aisance modique. Quelques propriétés dans leurs mains réaliseraient de nouveau ce bonheur dans nos campagnes.

Combien leur sort est différent aujourd'hui ! Ils n'ont pas le nécessaire assuré. Le malheureux qu'ils vont visiter, qui manque de tout, qui souffre et privations et douleurs, qui en est tout préoccupé, qui y est livré tout entier, comment goûterait-il les consolations spirituelles, utiles sans doute, mais dont il sent moins le besoin et le prix ! C'est le besoin physique qui le tourmente, et son pasteur ne peut le soulager! Le conseil est à peine écouté; la réprimande paraît dure, et elle est mal reçue: accompagnée de quelque don, elle eût été si utile! Le curé le voit, et il se retire plus affligé de l'impuissance de son zèle que de ses propres privations; et si son devoir le retient près du pauvre dont la fin approche, combien son cœur souffre de l'entendre demander quelque soulagement, et de ne pouvoir le lui apporter ! de voir une famille entière pleurer sa misère impuissante, et de n'avoir que des pleurs à partager avec elle! Et quand cette famille, privée par la mort de son seul soutien, éprouve le besoin d'un consolateur, faudra-t-il qu'au lieu de donner des consolations, il lui demande son dernier écu pour prix du dernier service rendu au maiheureux père? Triste ressource, qui cesse d'en être une pour le pasteur sensible! ressource qui, dans son origine, était à peu près insignifiante par sa modicité, et que le besoin des curés a transformé en un revenu indispensable!

Messieurs, voilà l'effet du manque d'aisance dans les curés de campagne. Voilà la peinture

trop vraie de ce qui existe partout aujourd'hui. Le curé voit ses paroissiens craindre son approche, s'éloigner de lui, parce qu'ils lui doivent une somme modique; ces malheureux habitants, qui sentent surtout leur pauvreté, voient avec moins de regret leur commune abandonnée de son pasteur; mais en s'éloignant du ministre on s'éloigne de la religion, et la religion finit par s'éteindre. Les impies l'avaient bien jugé, quand ils dépouillaient les curés. Relevons la religion dans les campagnes, en les rendant propriétaires. Un des moyens les plus simples est d'autoriser les libéralités; leurs besoins connus de tous stimuleront le zèle, et malgré les difficultés que les lois actuelles présentent, déjà l'on emploie la voie des fidéicommis: voie immorale, en ce qu'elle tente la cupidité; peu sûre, et par là moins employée; momentanée, et nous devons travailler pour l'avenir; enfin, moyen illégal, en fraude de la loi, et qui pour cela seul doit être réprouvé par le législateur; mais c'est un motif pour nous d'espérer que les libéralités, encouragées et protégées par le gouvernement, fourniront au clergé des ressources considérables.

Il est un genre d'établissement d'une nécessité indispensable pour soutenir la religion, et qui réclame les plus pressants secours : je veux parler des séminaires. Vous n'ignorez pas que le nombre des prêtres diminue chaque année dans une progression effrayante. Déjà beaucoup de paroisses sont sans pasteurs. Si l'on n'y pourvoit sans délai, bientôt le mal sera extrême. Depuis que le clergé est dépouillé, les parents savent que le sort futur de leurs enfants serait incertain dans cet état; ils n'osent les y destiner; les études préliminaires sont très-longues. Si les séminaires étaient dotés, du moins en partie, les parents seraient moins effrayés des dépenses d'une longue éducation. Ces réflexions feront, je le désire, impression sur votre esprit, et vous feront sentir la nécessité d'assurer aux séminaires des ressources solides. Le dernier gouvernement, en établissant quelques bourses, n'avait pris que des demi-mesures, qui tendaient à mettre la religion sous sa main; et vous, Messieurs, vous désirez réellement sauver la religion, et la rendre indépendante.

Il faut aussi des temples; il faut au culte une certaine pompe : l'homme ne peut être isolé de ce qui frappe les sens. Si Dieu demande de nous, avant tout, l'adoration en esprit et la soumission du cœur, nous lui devons aussi le culte extérieur. Il est important d'attacher les peuples à ce culte par ce qui peut y attirer. A différentes époques, des idées de perfection imaginaire et hors de notre nature, ont fait proscrire et la pompe et la plupart des actes religieux. Rejetons, Messieurs, ces prétendues perfections prises hors de l'homme; il faut à ce culte un certain éclat; il faut donc au clergé des propriétés qui lui en donnent la possibilité.

Ces réflexions s'appliquent aux chefs des diocèses, aux évêques. Voudrait-on s'effrayer des abus de la richesse? Ah! Messieurs, déplorons que ce danger soit si loin de se faire sentir. L'Etat ne pourra-t-il pas arrêter, quand il le jugera nécessaire, cet accroissement de fortune? 11 l'a fait, jadis, peut-être trop tard; mais le gouvernement actuel de la France nous laisse la certitude que l'abus serait promptement signalé, et aussitôt arrêté.

La commission dont j'ai l'honneur d'être l'organe, nous propose d'autoriser les libéralités en faveur du clergé existant aujourd'hui, et les acquisitions qu'il ferait par contrat. Nous allons

développer cette loi importante dont nous ne pouvons établir que les bases; elle fournira matière à plusieurs lois de détail, et à plusieurs règlements plus ou moins urgents.

La commission a pensé que le principe ne devait pas être simplement adopté, mais qu'il pouvait être mis à exécution des aujourd'hui. Elle restreint cependant cette faculté d'acquérir au temps et délai de vingt années. La commission croit que cette faculté pourra être prorogée, qu'il sera utile de le faire. Elle sait aussi que si l'on pouvait en craindre des abus avant cette époque, une loi peut toujours suspendre cette faculté d'acquérir. Le pouvoir législatif ne peut être borné ni limité pour l'avenir; mais la commission a cru utile de fixer cette époque, pour prévenir des craintes plus fondées, pour ôter tout prétexte de plaintes.

Dans le projet de loi, le clergé est autorisé à recevoir par testament, ou dans toute autre forme légale; mais sous le nom de clergé, il n'est, il ne peut être ici question que des évêques, des chanoines, des curés et vicaires que j'appellerai bénéficiers, et des établissements reconnus dans chaque diocèse. Leur utilité est avouée par le gouvernement; leur existence précaire exige de lui des secours qui sont une charge considérable pour l'Etat. Quelle raison pourrait lui faire apporter des entraves à ces acquisitions? Il sentira que son intervention peut tarir la source des bienfaits.

Il ne s'agit point des vices de forme qu'on pourrait reprocher à un testament ou à tout autre acte, ni des intérêts d'un tiers qui se trouveraient lésés: cela rentre dans les attributions des tribunaux, et tombe sous la surveillance ordinaire du ministère public.

L'intervention politique, administrative du gouvernement ne peut avoir pour objet que l'établissement même (nous le supposons reconnu utile), ou sa dotation, et il lui en faut une.

Otons les entraves, encourageous, et nous pouvons espérer dans le zèle des fidèles.

Ce désir d'inspirer une entière confiance aux donateurs, nous a fait rejeter la nécessité d'un placement, sur le Trésor, des dons faits en numéraire. La disposition contraire n'était qu'une loi bursale. D'ailleurs, la fortune du clergé ne serait pas aussi indépendante; et nous croyons avoir prouvé la nécessité de cette indépendance. Nous proposons donc d'autoriser les placements en immeubles ou rentes. Les sommes au-dessous de 300 francs sont seules exceptées de cette nécessité de placement, et pour la quotité de 300 francs, nous avons suivi la règle actuelle.

L'évêque dans chaque diocèse en est le seul chef, il est le représentant naturel dans ces différents actes; mais il statue sur les intérêts de tous, il n'est que chef; il sera donc dirigé par un bureau diocésain soit dans l'acceptation des dons, soit dans la destination spéciale à leur donner, s'il n'en ont aucune, soit dans l'emploi à faire des dons en numéraire. C'est donc l'évêque qui traitera; c'est un individu qui traite, mais il le fera pour et au nom d'un corps et à perpétuité : c'est un usufruitier, mais il traitera en toute propriété.

Je viens de vous parler d'une destination spéciale. C'est un des principes, bases de notre projet de loi. C'est la propriété que nous désirions cousacrer; chaque objet aura donc son propriétaire désigné par le donateur ou par le bureau; c'est donc l'intérêt et de la fondation et du béné

des inconvénients, soit dans leur administ soit dans la distribution des revenus, soit dans la fixité de leur emploi.

Un autre principe, base essentielle de projet de loi, est le respect pour les intenti donateur. Quoi de plus sacré aux yeux de les peuples, que la condition apposée à un ou la volonté d'un testateur ! Partout cett lonté doit être notre guide, et quand elle sur un but particulier d'utilité, sur le choix bénéfice, et même quand elle règle le genre ministration. S'écarter de ce principe, qui rigueur et de toute justice, serait d'ailleurs gner toute confiance.

Nous ne nous sommes occupés, jusqu'à pré que de la dotation des bénéfices et des étab ments reconnus par le gouvernement, et qu' sire sans doute voir prospérer. Mais il peut a qu'un particulier désire ériger un nouveau de bénéfice, créer un établissement quelcon le gouvernement doit décider de son utilité. jours il en a eu droit; toujours il l'a exercé : de nouveau dans un État ne doit s'introduire tre le gré ni même à l'insu du gouverner Les règlements déterminent la forme des i mations et de l'autorisation nécessaires : elles ont paru dans ce cas aussi indispensables qu seraient nuisibles à l'effet de la loi, si on les geait pour les établissements existants. Il en de même de toute fondation nouvelle, ce qu truit d'avance l'objection ou de supersition de caprice.

L'article 4 du projet de loi rassure sur l' de confiance; les dispositions du code exi pour les dons faits à l'individu, et dans son in particulier la loi ne concerne que ce qui subsister à perpétuité.

Pour ce qui regarde l'administration, commission a cru renforcer encore son sys de propriété, en la confiant au bénéficier, à blissement; c'est le meilleur moyen de conser le bénéficier oubliera qu'il n'a qu'un usu et que sommes-nous tous sur la terre, que usufruitiers! Cependant, il peut y avoir des a ce sera au bureau diocésaín à surveiller l'a nistration.

Il est temps, Messieurs, de vous parler de bureaux diocésains; ils ne seront point une tion entièrement nouvelle, et votre commi a toujours cherché à se rapprocher le plus pos de ce qui était leur existence date de Charlo en 1567; plusieurs lois postérieures les co ment; une foule d'arrêts du conseil les main dans leurs attributions: elles avaient pour cipal objet la distribution et la levée des déc (véritable administration). Ce sont ces bu diocésains qui seraient les conseils des évêq le projet de loi leur donne une composition logue à leur ancienne composition; six mer pris dans les différents corps du clergé, et sidés par l'évêque; pour les fonctions et to qui peut les concerner, ce sera la matière règlement; le manque d'un règlement mun aux différents bureaux diocésains y introduit des variétés nuisibles, et en 1770, semblée du clergé en sollicitait un des min du Roi. Je n'entre dans ces détails, Messieurs pour vous faire remarquer que nous avons vous offrir un mode qui convienne et aux bres du gouvernement, et aux membre clergé.

L'article 7 traite des droits du fisc; ils s doivent être les mêmes que ceux perçus su

quisition. Mais il y a des droits de mutation éventuelle; ou peut leur donner pour origine le droit d'amortissement, comme déjà du temps de saint Louis, et réglé par plusieurs ordonnances de ses successeurs, en 1275 et 1291. On pourrait observer que nos rois ont souvent accordé, soit modération du droit, soit exemption totale en faveur des cures, des séminaires, des établissements de charité; mais le triste état de nos finances ne nous permet pas d'y renoncer. Ce droit varie suivant le genre d'actes, et suivant les personnes; il doit donc être calculé sur un taux moyen, et d'après les probabilités de retour. Votre commission a cru que ce droit payé en une seule année (tous les vingt ans par exemple), serait une charge trop pesante, et que 15 centimes additionnels de principal de l'impôt foncier, équivaudraient à ce droit unique, et formeraient pour l'Etat un revenu plus égal.

Enfin, votre commission a cru moral, et par conséquent utile à la religion, de fixer des bornes aux libéralités de ce genre; elle vous propose de les limiter à la moitié de la portion disponible, dès qu'il y a un parent au degré successible: l'exécution en est déjà déterminée par le Code dans des cas semblables; elle n'a cru pouvoir laisser une liberté entière de disposer, que quand le fisc est appelé à la succession, faute d'héritiers.

Je viens, Messieurs, de vous détailler les dispositions du projet de loi et leurs motifs, Si vous l'acceptez, ce sera un premier pas de fait pour procurer au clergé une propriété (et dans le bien, il est important d'avoir fait le premier pas, il est important de ne pas le différer). Vous avez senti, je l'espère, la nécessité de tirer le clergé de cette dépendance de besoins, qui avilit. Vous avez senti qu'il

utile doit être dans l'aisance pour être plus

Vous voulez le rétablissement de la morale, et pour cela l'affermissement de la religion; on ne peut en détacher ses ministres, il est temps de s'occuper de leur sort; je le répète, point de morale sans religion, point de religion sans ministres, point de ministres sans l'indépendance de l'aisance, et point d'aisance assurée sans propriété.

Messieurs, la France est le royaume très-chrétien; notre Roi est le fils aîné de l'Eglise ; Louis XVIII est un prince religieux: sous ses auspices, la religion de nos pères doit se relever; votre commission vous offre un moyen d'y concourir, en suppliant très-humblement Sa Majesté de proposer à la Chambre un projet de loi qui contiendrait les dispositions suivantes :

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« Art. 1er. Pendant l'espace de vingt années, à dater de la promulgation de la présente loi, le clergé de chaque diocèse, représenté par son évêque, qui aura préalablement pris l'avis du bureau diocésain, mentionné en l'article 6, est autorisé à recevoir par testament et à accepter toutes donations de biens meubles ou immeubles qui pourraient être faites pour l'entretien du culte, de ses ministres, des séminaires ou de tout autre établissement ecclésiastique reconnu par le gouvernement, en les appliquant à la destination voulue par le donateur; pour lesdits objet être possédés en toute propriété par les titulaires de bénéfices ou leurs successeurs, ou par lesdits établissements ecclésiastiques.

a Art. 2. Lorsque le donateur n'aura pas indiqué une destination spéciale, le bureau diocésain appliquera l'objet de la donation à tels établissements ou bénéfices particuliers qu'il jugera convenable. Lorsque l'objet de la donation sera une

somme d'argent au-dessus de 300 francs, le bureau diocésain en déterminera l'emploi soit en construction et réparations d'édifices nécessaires au culte, soit en acquisition d'immeubles et rentes au profit des bénéfices ou d'établissements que le donateur aurait désignés. L'évêque du diocèse est, dans ce cas, autorisé à acquérir au nom et pour lesdits bénéfices ou établissements.

« Art. 3. Lorsque des libéralités par acte entrevifs auront pour objet l'érection d'un nouveau titre de bénéficier, un nouvel établissement ecclésiastique ou toute autre fondation, ces libéralités pourront être acceptées par l'évêque, mais elles n'auront leur effet qu'autant qu'elles seront autorisées par le gouvernement. Néanmoins, cet effet remontera au jour de l'acceptation par l'évêque, ou s'il s'agit d'un legs, au jour du décès du testateur.

Art. 4. L'article 909 du Code civil continuera à avoir son effet quand les libéralités en faveur d'un ministre du culte lui seront propres, et ne seront pas destinées à être possédées par ses successeurs à perpétuité.

«Art. 5. L'administration des biens ainsi donnés ou acquis appartiendra au bénéficier, à la fabrique ou à l'établissement auxquels ces biens auront été exclusivement affectés, à moins que ces donateurs, par des clauses particulières, n'en aient eux-mêmes réglé l'administration. Néanmoins le bureau diocésain aura le droit de surveillance sur l'administration desdits biens.

« Art. 6. Le bureau diocésain sera composé de l'évêque, qui le présidera, du premier vicaire général, des trois principaux curés du diocèse, d'un chanoine choisi par le chapitre de la cathédrale, et du supérieur du séminaire.

Art. 7. Il sera perçu, au profit du gouvernement. sur les acquisitions à titre gratuit ou œuvres qui auront lieu en vertu de la présente loi, les mêmes droits que sur les particuliers. Il sera de plus perçu chaque année 15 centimes additionnels sur le principal de la contribution foncière à laquelle lesdits biens seraient imposés. Ce droit tiendra lieu envers le fisc de tous droits de mutation éventuelle quelconque.

«Art 8. Les libéralités par acte entre-vifs ou par testament, faites en vertu de la présente loi, ne pourront excéder la moitié de la portion disponible déterminée par le Code, si le donateur laisse un parent au degré successible. Dans le cas contraire, elles pourront absorber la totalité de ses biens. Les dispositions du Code, relatives à la portion des biens disponibles et à la réduction, seront observées ainsi que toutes lois antérieures qui ne seraient pas contraires aux dispositions de la présente loi. »

L'Assemblée ordonne l'impression du rapport. M. Barthe-Labastide a la parole pour développer les motifs de la proposition tendante à supplier le Roi de proposer une loi qui autorise les conseils généraux de département, les conseils d'arrondissement et les conseils municipaux à disposer des centimes additionnels.

M. Barthe-Labastide. Messieurs, né dans le Languedoc, ancien témoin de la sagesse de l'administration des Etats de cette province, et du bonheur dont jouissaient ses habitants, j'ai souvent déploré les maux qui n'ont cessé de peser sur eux depuis qu'ils sont privés de cette autorité tutélaire.

Je n'ai surtout jamais pu m'expliquer comment un peuple pouvait croire conquérir sa liberté, lorsqu'on le privait en effet des libertés et des franchises dont il était en jouissance depuis

tant de siècles, et qu'il subissait l'esclavage le plus dur qui ait jamais pesé sur des hommes.

Je me représentais mes concitoyens contribuant autrefois librement, et dans la proportion de leurs moyens, aux charges générales de l'Etat; chargeant ceux d'entre eux qui offraient le plus de garanties, par leur rang, leurs lumières et leur fortune, de fixer le mode le plus doux et la répartition la plus juste de l'impôt, ainsi que du soin de veiller à la confection ou à l'entretien de tout ce qui pouvait être utile, avantageux ou même honorable au pays Et je les vois aujourd'hui dans l'impossibilité de faire la moindre dépense pour réparer leurs voies de communication les plus nécessaires et les établissements publics les plus indispensables, quoique accablés sous le poids énorme des contributions de toute espèce qui se sont successivement accrues depuis vingt-cinq ans; et avilis par des modes de perception plus intolérables encore que les impôts eux-mêmes.

Ces réflexions, d'abord particulières à mon pays, se sont bientôt étendues, et je n'ai pas tardé à reconnaître que le Languedoc partageait ses malheurs avec la France entière.

Dès le premier instant que je fus investi de l'unanime confiance de mes concitoyens, je fis le vœu de réclamer contre ces horribles abus, et je viens aujourd'hui l'accomplir.

Ce qui surtout m'a confirmé dans cette résolution, c'est que, toutes les fois que la conversation, soit dans les bureaux ou ailleurs, est tombée sur cette matière, j'ai trouvé la plupart de vous, Messieurs, pénétrés des mêmes sentiments qui m'animent, c'est que je les ai trouvés fortement exprimés dans des ouvrages politiques et administratifs justement estimés; c'est, enfin, parce qu'à quelques mots échappés dans cette tribune, à la franchise d'un habile et vertueux ministre, je crus reconnaître que le moment favorable était venu de rendre les Français heureux et vraiment libres.

Je suis bien assuré, Messieurs, qu'il en est bien peu parmi vous qui n'aient été à portée de prendre quelque part à l'administration de leur département; et qu'ils me permettent de leur demander ce que peuvent aujourd'hui les conseils généraux? Ils seront sûrement d'accord avec moi qu'ils peuvent voter, imposer, disons mieux, écraser leurs administrés; mais qu'ils ne peuvent absolument rien faire de ce qui leur serait utile. Ils ont beau affecter et percevoir des fonds, pour tel ou tel objet d'un intérêt majeur et pressant; un ordre supérieur arrive, ces fonds sont enlevés, et la réparation la plus urgente, indéfiniment ajournée. Que si, quelquefois, par bonheur, on parvient à obtenir une autorisation, depuis longtemps sollicitée, les dégradations se sont successivement accrues dans l'intervalle, et la somme nécessaire est décuple de ce qu'elle aurait été primitivement.

Ce système de centralisation exagérée doit son origine aux conceptions atrocement fiscales du dernier despotisme; la force, la terreur ont pu momentanément le soutenir; mais une force plus puissante, la force irrésistible des choses, doit nécessairement le renverser.

N'hésitons donc plus, Messieurs; rendons à chaque pays le droit sacré et imprescriptible de veiller à ses intérêts les plus chers!

Que chaque commune, chaque arrondissement, chaque département, soit soumis à l'administratration générale, pour des intérêts généraux, mais jamais pour des intérêts particuliers.

C'est alors qu'un ministre, dégagé d'une mul

fiants, pourra porter toute son attention grandes et importantes affaires qui in essentiellement l'Etat.

Lorsque le cardinal de Richelieu traçai du changement de système en Europe, i culait pas les devis d'une fontaine de N d'une place de Montpellier. On gouverna on ne veut qu'administrer aujourd'hui. A bureaux des divers ministères pourraient comparés à des casernes peuplées de b de commis, à qui l'on est forcé de confi cision de toutes les affaires locales, don est impossible d'avoir aucune connaissan

C'est bien alors encore qu'on pourra su de grands et de petits emplois ! Je ne vous nerai pas le détail; votre imagination y su et vous montrera les économies qui pour apportées dans toutes les branches de l' tration générale; et je ne crains pas que disiez, Messieurs, que l'économie n'est pa saire aujourd'hui.

Cette réduction éloignerait encore cet tude d'ambitieux intrigants, qui, attirés capitale par l'espoir d'obtenir des emplo nent y perdre, pour ne rien dire de plus temps et leurs moeurs, qu'ils n'auraient pas perdus dans leurs familles.

En donnant une entière confiance aux des communes, aux conseils d'arrondiss aux conseilsgénéraux, croira-t-on se trom que le gouvernement ne choisira leurs ad teurs que parmi les principaux intéressés de grands propriétaires ou de gros né bien reconnuspar leur instruction, leur am leur pays et leur sincère attachement à légitime? Et qu'on ne me dise pas qu'on induit à erreur! Jamais les choix ne fure ciles tous les hommes ont été soumis à des épreuves; ils sont tous connus, tous jourd'hui, et la Providence, qui veille e salut de la patrie, en réunissant une a telle que celle que vous composez, M semble avoir voulu ménager au gouverne moyens faciles et sûrs d'éclairer tous se

:

C'est la raison qui me fait désirer que cinq ans les fonctionnaires locaux soie més par le Roi; après cette époque, ils se sentés par les colléges électoraux, aux c et dans les formes qui seront ultérieurer terminées.

Ces places devront être gratuites, et r pas qu'on ait de la peine à les remplir de bons et dignes citoyens ambitionnero neur de servir utilement leur pays. Les dont ils ont été abreuvés jusqu'à ce jou les éloigner, mais lorsqu'ils auront la de coopérer au bien, comptez qu'il s'en tera.

Permettez-moi de hasarder une cons nouvelle. Nos constitutions, récentes e commandent-elles pas une mesure de pré Naguère, un premier ministre n'était qu mier favori; son éloignement n'influait sur ses collègues. Aujourd'hui, qu'il est v ment le premier ministre de l'Etat, en de même ? N'avons-nous pas à craindr retraite entraîne celle du ministère e danscette hypothèse, veuillez concevoir d embarras inextricables le nouveau serait et à combien de fluctuations et de varia rait exposé le régime des administration si vous ne vous décidiez pas à le détermi manière fixe.

poser une innovation, ou l'on admettrait, du moins, cette différence, que les innovations dont on n'a cessé d'essayer depuis vingt-cinq ans, consistaient à renverser tout ce que le temps avait reconnu bon et utile, pour y substituer des systèmes abstraits et impraticables, tandis que celleci n'est qu'un simple retour à ces anciens principes, dont l'expérience des siècles nous a démontré les avantages.

Oui, Messieurs, l'exécution du plan que je vous soumets n'aura que des résultats satisfaisants; vos nouveaux administrateurs se livreront successivement, avec lenteur et persévérance, aux réparations et améliorations qu'exigent les routes, les ponts, les canaux, les marais, les établissements publics; ils feront leurs efforts pour encourager l'agriculture, le commerce, les arts, l'industrie; contribuables eux-mêmes, on ne les verra pas s'abandonner à des entreprises insensées; et l'on peut assurer d'avance qu'ils porteront la plus scrupuleuse attention et la plus rigoureuse économie sur tous les comptes et sur toutes les dépenses.

Mais ils jugeront qu'ils se doivent, avant tout, à deux objets plus importants encore: la religion et la morale; ils s'étudieront à investir les ministres du culte du respect et de la considération qu'on n'aurait jamais dû leur ôter; ils préviendront leurs besoins, et ils placeront ceux qui se seront le plus distingués par leur vertu et l'austérité de leur conduite, à la tête de ces établissements, l'asile et le refuge des infirmités et des faiblesses humaines; ils les chargeront de veiller sur les hospices des malades, des enfants trouvés, sur les prisons, et enfin sur tous ces dépôts, monuments précieux de la bienfaisante et prévoyante charité de nos pères. En approchant les hommes malheureux ou égarés, en les secourant, en les servant, ils gagneront la confiance de tous, et ils les ramèneront insensiblement à ces principes immuables, qui sont la seule base et les seuls fondements de l'édifice social.

Pour rétablir la morale, ces sages fonctionnaires inspecteront soigneusement ces écoles primaires, où l'enfance doit recevoir les règles de la conduite de la vie; ils en éloigneront ceux des instituteurs qui auront déshonoré leur talent ou par l'abus qu'ils en auront fait, ou par les mauvaises mœurs qu'ils auront affichées, en un mot, ce seront des pères de famille, et ils travailleront pour l'éducation de leurs enfants : c'est vous en dire assez.

Pour terminer enfin, et ne pas abuser plus longtemps de votre indulgence, l'effet nécessaire de ces causes doit être le bonheur du peuple, qui s'attachera tous les jours davantage au gouvernement réparateur à qui il devra une nouvelle existence; il bénira à jamais le nom, je ne dis pas du meilleur des rois, mais du meilleur des hommes, et pour me servir à propos d'une expression dont on a si souvent abusé, ces institutions vraiment libérales, une fois assises et senties, je suis persuadé que si nous étions malheureusement encore menacés de quelque trouble, la masse entière de ce peuple, satisfaite de sa position, offrirait un double rempart et contre les projets d'un souverain ambitieux, qui voudrait tout asservir, et contre les folles tentatives d'une assemblée factieuse, qui voudrait tout ren

verser.

Je conclus, Messieurs, à ce que la Chambre supplie humblement le Roi de proposer une loi qui autorise les conseils généraux de département, les conseils d'arrondissement et les con

seils municipaux à disposer des centimes additionnels destinés à leurs dépenses locales.

Messieurs, la Charte, article 19, nous laisse la liberté de demander une loi sur un objet quelconque, en indiquant ou n'indiquant pas ce que nous trouvons convenable quelle contienne.

Je me suis borné à demander simplement une loi sur l'emploi des centimes additionnels destinés aux dépenses locales, sans préciser ni détailler les articles de la loi, parce que je sens combien les moments sont pénibles, et qu'il n'entre, et n'entrera jamais dans ma pensée, d'entraver la marche du gouvernement. J'ai donc uniquement voulu établir le principe, laissant à la sagesse du Roi et de son conseil de proposer les articles et de les adapter aux circonstances actuelles.

Je sens fort bien que, dans le moment, nous ne pouvons pas faire tout le bien que nous désirons; mais nous en ferons un peu, et, dans des temps plus heureux, nous en ferons davantage; l'essentiel aujourd'hui, je le répète, est d'établir le principe.

M. le Président consulte la Chambre. Elle décide que la proposition est prise en considération et qu'elle sera imprimée, avec ses développements, pour être soumise à l'examen des bureaux, en même temps que le budget, et renvoyée à la même commission. La séance devient publique.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.
PRÉSIDENCE DE M. LAINÉ.
Séance du 13 janvier 1816.

Le procès-verbal de la séance du 11 janvier est lu et adopté.

Quinze pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions, lecture faite des noms des pétitionnaires.

L'ordre du jour appelle la communication des rapports de la commission des pétitions.

M, le comte de Sainte-Aldegonde, rapporteur, a la parole.

Voici l'analyse de ces pétitions, et les décisions prononcées par la Chambre.

Les capitaines de navires au long cours de Marseille demandent: 1° que les navires qui ont été francisés avant le 31 mai 1814 dans les divers pays réunis à la France, ne soient plus admis à être armés sous pavillon français; 2° que les équipages des bâtiments français ne puissent admettre dans leur formation que le tiers d'étrangers, suivant l'article 8 du règlement du 24 octobre 1681; 3° que les étrangers qui, dans le temps de la réunion, ont été admis au grade de capitaine au long cours, ne puissent en remplir les fonctions si au préalable ils n'ont été naturalisés Français, d'après les formes voulues par la loi.

(L'objet de cette pétition ayant paru à la commission d'un grand intérêt pour la marine française, elle propose et la Chambre prononce le renvoi au ministre de la marine.)

Des militaires mutilés, au nom de 2,500 de leurs frères d'armes, exposent à la Chambre qu'en récompense de leurs services et de leurs blessures, il leur a été accordé des dotations au moyen desquelles ils ont pu soutenir leur pénible existence et faire subsister leur famille; qu'aujourd'hui ils sont privés de ces dotations qui étaient établies dans des contrées maintenant étrangères à la France; qu'ils ont plusieurs fois réclamé,

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