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francs, et abordons la question simplement. Cette démocratie dont on nous menace est un être de raison, car elle ne peut exister que dans les faits ou dans les principes. Les principes, il est vrai, vous ramènent aux faits: ce sont donc les principes qu'il faut éloigner. Or, vous êtes bien sûrs que les petits contribuables éliront de préférence les plus imposés, parce qu'on n'est jamais jaloux que de ce que l'on peut atteindre, et l'on ne peut atteindre que ce dont on est le plus rapproché. On ne choisit pas celui dont on est jaloux, parce que ce n'est pas lui qui vous influence, puisqu'il vous offusque, et l'on ne consent à donner une supériorité sur soi qu'à celui qui est assez éloigné pour ne jamais espérer l'atteindre. Les plus imposés seront donc nécessairement choisis, et c'est ce que nous voulons. Alors vous verrez entrer nécessairement dans les colléges électoraux de riches propriétaires qui seront les véritables représentans de la masse et de la propriété de l'arrondissement, car ils auront été élus par tous les petits propriétaires. Et s'il faut encore une fois jeter un regard douloureux sur le passé dont on nous accuse de vouloir ramener les excès, convenons que les petits imposés furent à la vérité les instruments de nos troubles, mais que leurs auteurs payaient plus de 50 francs d'impôts. La partie démocratique de la France s'est montrée partout dans la classe intermédiaire entre les grands propriétaires et ceux qui payent peu d'impot; mais si j'ai voulu que les assemblées d'arrondissement fussent ainsi composées, je suis loin d'admettre ce principe dans les assemblées qui doivent élire les députés.

Et puisque nous arrivons aux assemblées électorales de département, c'est là que je regarde important que la propriété trouve sa place.

C'est là que les plus forts contribuables doivent venir, au nom de la propriété, nommer les défenseurs de ses droits. Aussi je demande que le tiers du collége électoral de département soit composé de droit des plus forts imposés du département qui y viendraient sans être élus.

Balançons dans une loi sage les avantages et les dangers, et si nous avons été chercher pour élire aux assemblées d'arrondissement les représentants de la petite propriété, choisissons, ou plutôt plaçons sans les choisir, les grands propriétaires dans celle des départements. C'est avec différents matériaux que l'on compose l'édifice social; le premier degré d'élection est populaire; que le contre-poids se trouve dans le second, et que cette assemblée qui doit élire les députés soit composée des éléments les plus sûrs, de propriétaires dont la possession garantit l'amour de l'ordre, et de propriétaires dont le choix de leurs concitoyens garantit l'influence et presque toujours la sagesse. Car, Messieurs, le bon sens populaire vaut souvent mieux que des lumières plus élevées, et les choix que peuvent faire de bons fermiers seront souvent plus sages que ceux de quelques individus plus opulents.

La majorité de la France est royaliste; la majorité de la France veut le gouvernement de Louis XVIII: honorable témoignage rendu en faveur de la nation française par les deux principaux orateurs du parlement d'Angleterre.

Témoignage européen, si l'on peut le dire, et qui, rendu dans la Chambre des pairs et dans celle des communes par les deux illustres ministres qui ont vu de près nos maux, et dont les conseils ont eu tant d'influence sur nos destinées, est le plus glorieux que nous puissions recueillir. C'est au sein de la France qu'ils se sont pénétrés de

notre amour pour nos rois légitimes, et c'est après avoir été témoins de nos transports, que le conseil des rois de l'Europe a fait cet honorable traité dont ont parlé les deux ministres anglais, ce traité immortel qui garantit à la France son intégrité en faveur de la légitimité de ses princes, qui donne à la cause des rois une si noble garantie et à la France une telle certitude de repos; car nous voulons tous le gouvernement légitime.

Si donc l'immense majorité de la France est royaliste, et l'Europe le reconnait, Messieurs, cette majorité fera de bons choix; ceux qui sont placés de droit dans les colléges à cause de leurs propriétés contribueront aussi à les faire, car eux aussi sont royalistes.

Alors la majorité de ces membres sera toujours royaliste, et les députés à venir seront des garants que nous aurons donnés à la France de la pureté de nos opinions, de notre volonté du bien; et l'on pourra dire de nous : L'Assemblée de 1815 fit tout ce qu'elle devait faire: elle tâcha de préparer des remèdes aux maux de son pays.

Je vote pour que le tiers des colléges électoraux soit composé de droit des plus imposés du dépar

tement.

On demande vivement la priorité pour cette dernière proposition.

M. le chevalier Dubouchage. Le Roi a fait proposer par ses ministres qu'il y aurait dans les colléges électoraux de département soixante-dix électeurs de droit, composés des plus imposés du département.

Sans doute, il faut laisser la plus grande latitude possible dans les élections; mais l'objet le plus important est de prévenir un bouleversement dans l'Etat.

Or, qui est essentiellement intéressé à la stabilité de nos institutions, et de nos institutions monarchiques? Ce sont les plus grands propriétaires de France.

Qu'ils soient donc toujours admis de droit dans les colléges électoraux, soit par une politique sage, prudente et prévoyante, soit pour honorer cette propriété foncière qui, en France, est la première et la plus belle ressource de l'Etat.

En Angleterre, la Chambre des communes est composée de sept cents députés. Cependant deux cents députés au plus sont laissés au choix du peuple; la nomination des cinq cents autres appartient à la couronne ou à de grands tenanciers. C'est à ce mode prudent d'élection, à cette restriction, si l'on peut parler ainsi dans le droit d'élection, que l'Angleterre doit sa stabilité.

Si les sept cents députés de la Chambre des communes étaient tous à la nomination de la multitude, il y a longtemps que son gouvernement n'existerait plus.

Nous ne pouvons, en France, admettre le même mode d'élection; mais nous pouvons au moins admettre le principe de ne pas livrer les élections entièrement à la multitude. Il n'y aura pas ici de grands tenanciers qui nommeront plus de la moitié de la Chambre des députés; mais la prudence, la raison et la politique nous conseillent de confier ce droit, que j'appellerai de stabilité, à de grands propriétaires. Ces propriétaires étant admis de droit comme tiers, dans les colléges électoraux de département, y apporteront nécessairement une grande influence; et cette influence ne tendra qu'au maintien des institutions actuelles; tout changement leur serait funeste.

Je vote pour que le tiers des électeurs de département soit composé de droit des plus imposés.

M. Sirieys de Mayrinhac. Les motifs de l'amendement de notre honorable collègue sont puisés dans la garantie que nous demandons tous, et que nous désirons laisser à nos successeurs dans la formation de la Chambre des députés, dont le principal ouvrage est le vote de l'impôt. Oui, Messieurs, nous voulons tous l'indépendance de cette Chambre; et pour l'avoir, cette indépendance, il est nécessaire, dans ma pensée, que la propriété en devienne la première base, parce que c'est la non-propriété qui a causé tous nos malheurs. Là où est la plus grande nécessité et le plus grand intérêt de conserver les lois de son pays, là se trouve la garantie de notre tranquillité. Nos modernes législateurs n'eussent point changé les lois de leur patrie, s'ils avaient été intéressés à leur conservation. Si l'Angleterre conserve son esprit national, si les membres de son parlement maintiennent si religieusement les lois que leur ont transmises leurs ancêtres, tout incomplètes, tout injustes qu'elles puissent être sous certains rapports, c'est qu'ils sont tous intéressés à les soutenir.

Le rapporteur de la commission vous a fait un tableau fidèle de l'influence du Roi, du ministère et des grands propriétaires des lles Britanniques sur les élections des membres de la Chambre des communes. C'est à cette influence nécessaire, qui ne blesse point les droits du peuple, puisque les Anglais sont les plus libres des hommes, qu'est due la durée, la force et la richesse de l'Angleterre. Métions-nous de ces principes subversifs de tout ordre social, qui mallieureusement ont eu trop de partisans, en voulant autoriser les principes déinocratiques dans toute leur étendue, craignons de chercher de nouvelles leçons en faisant de nouvelles expériences.

L'admission d'un certain nombre des principaux propriétaires de chaque département ne peut point nuire au gouvernement représentatif; elle augmente au contraire son indépendance, elle assure les trois principes de notre gouvernement, en les présentant à nos yeux dans cette institution; pouvoir royal dans le dixième choisi par le Roi; aristocratie de fortune représentant la Chambre des pairs, dans l'admission de quelques plus forts propriétaires, ainsi que l'avaient proposé les ministres du Roi; démocratie dans le reste des électeurs choisis par le peuple: tous ces éléments sont libres et représentent tous les intérêts; ils n'ont d'autres mandats que ceux de faire le bien de leur pays et de veiller à son bonheur, et remplissent d'ailleurs les autres conditions d'eligibilité.

D'après ces motifs, j'appuie l'amendement proposé, et je le modifie en proposant qu'il soit réduit au huitième, ce qui fera, avec le dixième à la volonté du Roi, à peu près le quart d'électeurs de droit dans les collèges de département.

M. Janekowitz, député de la Meurthe, Les grands propriétaires ont d'autant plus le droit d'être appelés aux fonctions dont il s'agit, qu'ils représentent en effet, non-seulement leurs intérêts, mais même ceux de cette foule d'hommes qui ont avec eux les rapports les plus étendus et les plus nécessaires. Ils exercent un grand patronage et ils l'exercent d'une manière délicate, car il n'y a point de contact entre eux et les classes inférieures. Ils représentent à la fois les intérêts de beaucoup de personnes et de beaucoup de lieux. Les petits propriétaires peuvent être animés entre eux par des sentiments de rivalité que les grands propriétaires ne connaissent point à l'égard des

est noble, généreux, désintéressé; il ne peut avoir que des avantages.

On demande à grands cris à aller aux voix. M. Forbin des Issarts. Je demande qu'on mette d'abord aux voix le principe; on se déterminera ensuite sur la quotité.

La question préalable est demandée sur le principe. Elle est rejetée à une forte majorité. La Chambre est consultée sur la quotité.

Après quelque hésitation et une épreuve douteuse, elle adopte la proportion du tiers. En conséquence, le tiers des électeurs de départeinent sera choisi de droit parmi les plus imposés des citoyens ayant leur domicile politique dans le département. »

M. Barthe de la Bastide. Vous venez de consacrer un principe salutaire et conservateur: je viens vous proposer de compléter votre loi en mettant un frein à l'ambition des places, ambition qui ne rend pas les citoyens meilleurs ni moins dépendants. Je propose, par article additionnel, de statuer : qu'aucun député, pendant la durée de ses fonctions, ne pourra accepter de places du gouvernement. J'en excepte toutefois l'avancement militaire, conformément à la durée du service.

Un grand nombre de membres. Aux voix, aux voix, appuyé.

La question préalable est vivement demandée. - Elle est mise aux voix et rejetée.

L'Assemblée reste longtemps dans une vive agitation.

M. de Villèle. Sans examiner le fond de la proposition, sans rechercher si elle trouve sa place naturellement dans la loi qui vous occupe, je me bornerai à dire que si elle était adoptée, comme les députés seraient forcés d'opter, il faudrait en revenir aux suppléants.

M. Blanquart de Bailleul. Je ne puis que reproduire, Messieurs, mes observations sur le danger de propositions ainsi improvisées, aussi peu liées aux projets présentés, et soumises dans un mode si peu conforme au règlement Ce n'est point là un amendement : c'est une question isolée; c'est une question de la plus haute gravité. qui devrait faire la matière d'une loi spéciale: elle devrait être faite en comité secret et obtenir la solennité d'un rapport et d'une discussion approfondie. Voyez d'ailleurs que l'on propose une exception pour l'avancement militaire: mais n'y a-t-il que dans le militaire un avancement naturel, légal, hiérarchique, récompense du talent et des services? Que l'auteur de la proposition la soumette dans les termes du règlement; quant à présent je demande l'ordre du jour.

M. le comte de Béthisy. Je demande que vous rejeticz à l'instant la proposition; l'adopter serait porter une atteinte forinelle à la prérogative royale; ce serait manquer de respect au Roi. Vous l'empêcheriez de récompenser ses fidèles serviteurs, dans quelque poste où ils se trouvent places; ce serait lui enlever un de ses plus beaux droits. Je demande que la Chambre se prononce fortement contre une semblable proposition.

M. Delbreil d'Escorbiae. Si la proposition pouvait être adoptée, il faudrait la faire suivre immédiatement d'une autre décision qui consisterait à dire qu'à l'instant même tous les membres qui occupent des places doivent les quitter.

On demande à aller aux voix.

M. le chevalier Dubouchage. La proposition est tout à fait étrangère au projet de loi qui

accordé une marque de confiance et de distinction à une classe qui le mérite à tous égards, et qui toujours trouvera sa plus belle récompense quand on lui accordera de nouveaux moyens de servir le Roi.

de la nature de l'éligibilité. J'applaudis à l'inten-autant que possible. J'ai seulement désiré qu'il soit tion qui a dicté la proposition; mais il faut se tenir en garde contre ces mouvements d'une générosité et d'une libéralité irréfléchies. Rappelons-nous les sacrifices de la nuit du 4 août : rappelons-nous leur résultat, et gardons-nous de rien faire qui leur ressemble. Je demande l'ordre du jour.

M. Barthe de la Bastide. Je retire ma proposition, sauf à la reproduire dans les formes voulues par le règlement.

Un très-grand nombre de voix. Bien, bien, à merveille!

M. Colomb s'écrie: Si la proposition est retirée, je demande à la reproduire.

Une vive opposition se manifeste. — La Chambre passe à l'ordre du jour.

M. le chevalier Odoard. Messieurs, je viens appuyer les propositions faites par nos honorables collègues, MM. de Nadaillac et d'Hautefeuille.

Nous devons, Messieurs, chercher tous les moyens de remplir le vœu général des Français, en donnant au Roi toute garantie dans le choix des députés; trouver par conséquent dans les électeurs cette loyauté qui fera la véritable force du gouvernement.

D'après cette nécessité, j'ai l'honneur de vous soumettre un nouvel amendement qui me paraît juste. Hier, nous avons reconnu qu'il fallait que le Roi ait le droit de désigner un dixième des électeurs pris dans toutes les classes où il plaira à Sa Majesté de les choisir. Aujourd'hui, sans rien changer à cette décision, je propose de donner une nouvelle garantie à la loi qui nous est soumise.

L'amendement que j'ai l'honneur de vous proposer a rapport aux chevaliers de Saint-Louis et chevaliers du Mérite militaire, et aux officiers et chevaliers de la Légion d'honneur. Avant de vous prononcer pour ou contre, permettez-moi de vous développer une seule idée. Messieurs, nous voulons dans les électeurs les véritables soutiens de la légitimité du trône. Eh bien, Messieurs, où les trouvez-vous ces soutiens? Pouvez-vous en chercher de plus dévoués que dans la classe de ceux qui ont consacré et qui consacrent leur existence à soutenir, à défendre des droits aussi sacrés; de ceux qui, par leurs services, par leurs actions, par leur conduite, ont mérité une distinction qui leur trace le devoir qu'ils ont à remplir dans tous les moments de leur vie?

Messieurs, ayant moi-même l'honneur d'être chevalier de Saint-Louis, je connais toute l'étendue de ces devoirs, et je sens combien celui qui qui a obtenu un tel honneur doit être dévoué pour son Roi et sa patrie; l'un et l'autre ne peuvent plus jamais être séparés, et un si grand nombre de Français ont obtenu de justes récompenses en défendant seulement leur patrie, combien ne seront-ils pas heureux et jaloux de prouver qu'ils étaient dignes aussi de soutenir les descendants de saint Louis, de soutenir cette race auguste qui, pendant nombre de siècles, a fait la véritable gloire et le bonheur des Français, et sans laquelle notre France ne peut plus exister.

Soyez persuadés, Messieurs, que les chevaliers de Saint-Louis et chevaliers du Mérite militaire, et les officiers et chevaliers de la Légion d'honneur, porteront pour le choix de francs et loyaux députés au moins le même intérêt que les autres électeurs.

Mais, Messieurs, en vous proposant un amendement, j'ai pensé aux inconvénients qui pourraient en résulter s'il était trop étendu; je l'ai restreint

Messieurs, voici l'amendement que j'ai l'honneur de vous proposer :

« Les chevaliers de Saint-Louis et chevaliers du Mérite militaire, les officiers et chevaliers de la Légion d'honneur, ayant un revenu montant au moins à 1,000 francs, compris leurs appointements, pensions et retraite du gouvernement, seront de droit membres du collège électoral du département où ils auront pris leur domicile politique. Cependant le nombre ne pourra excéder le vingtième des électeurs. S'il s'en trouvait dans le département un plus grand nombre, compris dans le présent amendement, ils seraient tirés au sort par le conseil préposé pour l'organisation des électeurs, et seront toujours admis en nombre égal de part et d'autre pour être électeurs. »

Une foule de membres. La question a été jugée hier.....

D'autres Elle est décidée par les électeurs au choix du Roi.

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M. Odoard. C'est en outre du choix du Roi. On demande la question préalable. · Elle est adoptée presque unanimement.

M. Albert. Je propose de décider que ceux des électeurs qui quitteront leur poste avant la fin des opérations, seront déchus de leur droit jusqu'à la prochaine session.

M. Pardessus. Il n'y a pas de prochaine session.

M. le Président. Ceci paraît être un objet réglementaire.

La proposition n'a pas de suite.

M. Pélissier de Féligonde. Lorsqu'on ne veut parler à cette tribune que le langage de la justice et de la reconnaissance, on y monte sans crainte, on l'aborde avec confiance. C'est aussi avec ce dernier sentiment que je viens, Messieurs, vous proposer un amendement dans l'esprit dé l'article 39 de la Charte; cet article parle d'une exception à l'article 38, et permet de choisir, dans de certains départements, des députés parmi les propriétaires qui ne payent pas 1,000 francs d'impôt.

Eh bien! Messieurs, ce que la sagesse prévoyante de notre auguste législateur accorde aux habitants de ces départements, nonobstant, et même à cause de la stérilité du sol, vous, Messieurs, vous étendrez cette exception à ces braves Français, dont les cœurs si féconds en généreux sentiments, ont prodigué leur sang et ont sacrifié toute leur fortune pour leur patrie! Oui, pour leur patrie, ils voulaient lui conserver le gouvernement paternel des Bourbons. Et quel bonheur si leurs efforts eussent été couronnés du succès! Le ciel, vous ne le savez que trop, Messieurs, avait étendu son bras vengeur sur la France rebelle; mais aujourd'hui qu'il est apaisé, que les vœux de tous sont accomplis, les défenseurs de l'autel et du trône ne pourraient-ils pas paraitre au milieu de nous et nous aider à relever l'un, à consolider l'autre ? ne seraient-ils privés de ce bienfait, que pour avoir des premiers tout sacrifié à de si nobles travaux? Non, Messieurs, cet amendement ne sera point rejeté par vous, et moins encore par celui qui, après avoir tout pardonné, sait tout apprécier, et voudrait tout récompenser. Montrons à toute l'Europe que le feu sacré, que l'amour de la patrie sont dans tous les cœurs; que

l'éclat dont il brille console, enhardisse les amis, les soutiens de la légitimité, étonne, décourage ses ennemis.

J'ai l'honneur de proposer à la Chambre que, les sujets fidèles qui ont été les victimes de leurs opinions royalistes, et ont en conséquence perdu une grande partie de leur fortune en combattant pour les Bourbons, les empêchèrent de descendre de leur trône ou travaillèrent à les y faire remonter, jouissent pendant dix ans de l'exception établie en l'article 39, et soient en tout assimilés aux habitants des départements où le minimum des impôts exigés est le plus bas. » Plusieurs voix. Appuyé.

On demande à passer au scrutin sur l'ensemble de la loi.

La proposition n'a pas de suite.

La Chambre procède au scrutin sur l'ensemble de la loi.

En voici le résultat :

Il y avait trois cents douze votants.

Il y a eu cent quatre-vingt boules blanches, cent trente-deux noires.

M. le Président. Je proclame l'adoption du projet de loi, dont voici le texte :

TITRE PREMIER.

Art. 1er. Il y a une assemblée électorale dans chaque arrondissement; elle peut être divisée en autant d'as semblées de sections que le Roi juge convenable pour faciliter les opérations de l'assemblée électorale.

Chaque assemblée de section procède isolément et définitivement aux opérations qui lui sont attribuées.

Art. 2. L'assemblée électorale d'arrondissement se compose de tous les citoyens ayant leur domicile politique dans l'arrondissement, âges de vingt-cinq ans accomplis et payant au moins 50 francs de contribution directe.

Art. 3. Une commission composée du sous-préfet et de six membres du conseil d'arrondissement désignés par le préfet, dresse, d'après les états fournis par les maires et les receveurs des impositions, la liste des citoyens ayant droit de suffrage dans chaque assemblée de section de l'arrondissement.

Cette liste est affichée dans toutes les communes composant la section, dix jours au moins avant la réunion de l'assemblée électorale; en cas de réclamation contre les opérations de la commission, le bureau de l'assemblée de section prononce.

Art. 4. Les présidents des assemblées électorales d'arrondissement et des assemblées de section sont nommés par le Roi.

En cas de décès ou d'empêchement des présidents nommés par le Roi, le prefet pouvoira au rempla

cement.

Les quatre citoyens les plus imposés de ceux composant l'assemblée de section, remplissent les fonctions de scrutateurs; le président et les quatre scrutateurs nomment le secrétaire.

Art. 5. Les assemblées électorales et leurs sections sont convoquées d'après les ordres du Roi, qui détermine les lieux où elles doivent se réunir.

Art. 6. Les assemblées électorales 1 omment les électeurs de département, et présentent à la nomination du Roi les candidats pour le conseil d'arrondissement: le nombre d'électeurs que nomme, et le nombre de candidats que présente chaque assemblée sectionnaire est réglé en raison de la population de la section et de ses contributions directes.

TITRE II.

Des colleges électoraux de département.

Art. 7. Le nombre des électeurs composant les colléges electoraux de departement ne peut exceder 300, ni être au-dessous de 150. Il est determine d'apres le nombre de députés que le département a droit d'elire. Ainsi, les colleges électoraux des départements qui ont deux députés à élire, sont composés de 150 électeurs; ceux des

départements qui ont trois députés à élire, sont com posés de 170 électeurs, et ainsi de suite, en ajoutan 20 électeurs pour chaque député de plus à élire, jusqu'au nombre de 300 électeurs, qui ne pourra être surpassé, quel que soit celui des députés à nommer.

Art. 8. Pour parvenir à la formation des collèges électoraux, il sera dressé dans chaque arrondissement une liste de tous les citoyens domiciliés dans chaque arrondissement âgés de trente ans accomplis, et payant au moins 300 francs de contribution directe.

Art. 9. Seront électeurs de droit du collège du département, les citoyens les plus imposés, domiciliés dans le département, jusqu'à concurrence du tiers des électeurs voulu par la loi.

Art. 10. Une commission de six membres, prise dans le sein du conseil général du département, nommée et présidée par le préfet, arrête :

1o Le tableau des électeurs de droit conformément à l'article précédent;

2o Le tableau du nombre d'électeurs que doit nommer, et du nombre de candidats pour le conseil d'arrondissement que doit présenter chaque assemblée de section, conformément aux dispositions de l'article 6 de la présente loi;

3o La liste des éligibles au collége électoral du département, conformément aux dispositions de l'article 8 de la présente loi;

4o Le tableau des électeurs nommés pour composer le collège électoral de département d'apres la vérification des procès-verbaux des assemblées sectionnaires. La liste et les tableaux ci-dessus sont affichés dans toutes les communes du département dix jours au moins avant l'ouverture des assemblées, aux opérations ou à la formation desquelles ils sont nécessaires.

S'il s'élève des réclamations sur la validité des élections faites par les assemblees sectionnaires, elles sont portées au collège électoral qui prononce définitivement.

Art. 11 Le Roi adjoint, s'il le juge convenable, à chaque collège électoral du département, un nombre d'électeurs égal au dixième du non.bre total dont doit être composé le college.

Ils seront pris parmi les habitants du département qui ont rendu des services à l'Etat, et ils devront remplir les conditions d'éligibilité voulues par la Charte.

Art. 12. Les présidents des colléges électoraux de département sont nommés par le Roi; en cas de décès ou d'empêchement de la personne nommée par le Roi, le préfet pourvoira au remplacement. Les autres membres du bureau sont nommés par le collége.

Art. 13. Les colléges électoraux de département sont convoqués par le Roi; ils se réunissent au chef-lieu du département.

Art. 14. Les colléges électoranx du département nomment les députés à la Chambre, et présentent à la nomination du Roi les canditats pour le conseil général de département.

TITRE III.

De l'élection des députés.

Art. 15. Chaque département élit à la Chambre des députés, le nombre de députés déterminé dans le tableau annexé a l'ordonnance du Roi du 22 juillet 1815.

Art. 16. Nul ne pourra, après la durée de la présente Chambre, être élu membre de la Chambre des députés s'il n'est âge de 35 ans accomplis, ou si, étant marié ou veuf, il n'est àgé de trente ans, et s'il ne réunit toutes les autres conditions d'éligibilité exigées par la Charte.

Art. 17. Les préfets et commandants militaires des départements ne peuvent être élus membres de la Chambre des députés par les colléges électoraux des départements dans lesquels ils exercent leurs fonctions.

Art. 18. Nul comptable envers le trésor royal ne peut être nommé à la Chambre des députés; il ne devient éligible, mais après être sorti d'exercice, qu'autant que ses comptes ont été assurés, et qu'il en a obtenu la decharge definitive.

Art. 19. Les députés sort élus pour cinq ans.

La Chambre est toujours renouvelée en totalité, soit au bout de cinq ans de son existence constitutionnelle, soit lor que le Roi use du droit qu'il a de la dissoudre. Art. 20. Les deputés à la Chambre peuvent être indefinitivement réelus.

Art. 21. Les députés ne reçoivent aucun traitement.

TITRE IV.

Dispositions générales.

Art. 22. Nul ne peut être membre d'une assemblée électorale ou d'un college électoral de département, S'il n'est Français ou naturalisé Français; S'il ne jouit des droits civils;

S'il est débiteur failli, ou héritier immédiat, détenteur à titre gratuit de la succession totale ou partielle d'un failli;

S'il est en état d'interdiction, d'accusation on de contumace, ou s'il a été privé de ses droits de vote et d'éligibilité, par des jugements rendus en exécution de l'article 42 du Code penal.

Art. 23. Nul ne peut voter dans deux assemblées électorales, ou être membre de deux colléges électoraux de département à la fois.

Art. 24. Les citoyens qui payent des contributions directes dans plusieurs sections, pourront voter à leur choix dans la section où ils ont leur domicile politique, ou dans une de celles où ils payent la quotité de contribution déterminée par la loi.

L'option qu'ils sont autorisés à faire devra précéder la confection des listes de sections, faute de quoi ils ne pourront être inscrits que sur celle de la section où ils auront leur domicile politique.

Art. 23. Les fonctions d'électeur de département sont temporaires, et cessent avec la session du collége électoral.

Art. 26. Les sessions des assemblées d'arrondissement et des colléges électoraux ne peuvent durer plus de dix jours.

Art. 27. Le Roi ordonnera, quand il le jugera convenable, la réunion du collège de département dans un autre lieu que le chef-lieu du département.

Art. 28. Aucune élection n'est valide si la moitié plus un des membres de l'assemblée ou du collége n'y a concouru par son suffrage.

Art. 29. Les élections se font à la majorité absolue des suffrages.

Art. 30. Le président a seul la police de l'assemblée qu'il préside: nulle force armée ne peut être introduite dans l'enceinte de l'assemblée, ni placée à l'entrée, sans la réquisition du président.

Le commandant de la force armée est tenu de déférer aux réquisitions du président.

Art. 31. Les assemblées électorales ne peuvent s'occuper d'aucun autre objet que des élections pour lesquelles elles sont convoquées. Leurs séances ne sont pas publiques.

Art. 32. Les assemblées électorales se séparent au moment où les élections sont terminées.

Art. 33. Elles ne peuvent, sous aucun prétexte, correspondre entre elles, ni directement ni indirectement. Elles ne peuvent conférer aux députés aucune mission spéciale, ni leur remettre des mandats, des cahiers, ou des instructions.

Art. 34. La violation de l'article précédent et des articles 23 et 28, donne lieu à la dissolution d'une assemblée électorale et rend nulles toutes ses opérations. Art. 35. Le président est chargé de l'exécution des lois et ordonnances relatives aux élections, et spécialement des articles 25, 27 et 30 de la présente loi.

Art. 36. Les ordonnances du Roi règlent le mode à observer pour le scrutin et les autres opérations des colleges, qui ne sont pas déterminées par là présente loi.

Art. 37. Pour justifier de la quotité des contributions directes exigées par les articles 2, 8 et 16 de la présente loi, et par les articles 36 et 40 de la Charte, on pourra réunir les contributions payées dans plusieurs départements.

L'impôt des patentes ne sera compté qu'aux personnes qui le payeront depuis plus d'un an.

On comptera:

Au mari, les contributions payées par la femme, quoique non commune en biens;

Au père, celles de ses enfants mineurs tant qu'il jouit de l'administration de leurs biens;

Celles d'une veuve non remariée, en faveur de celui de ses fils, gendres ou petit-fils qu'elle choisira ;

Au fils et au gendre, celles du père ou du beau-père, si le père ou le beau-père leur transfére leur droit. Art. 38. Les justifications énoncées en l'article précé

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NOTA. Le projet de loi sur les élections, voté le 6 mars par la Chambre des députés, fut porté à la Chambre des pairs le 12 du même mois et rejeté le 4 avril suivant. Le lendemain 5 avril, le gouvernement saisit la Chambre des députés d'un nouveau projet de loi sur la composition des colléges électoraux, qui fut adopté le 10 avril avec amendement. On trouvera, annexés à cette dernière séance, divers discours relatifs aux deux projets, qui ne purent être prononcées à la tribune, mais qui furent imprimés et distribués et qui font partie des documents de la session de 1815.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.
PRÉSIDENCE DE M. LAINÉ.

Comité secret du 7 mars 1816.

Le procès-verbal du comité secret du 2 mars est lu et adopté.

M. Louis Admyrauld obtient un congé.

M. le Président donne connaissance à la Chambre d'une lettre de M. le chancelier, coùtenant envoi de la résolution tendant à donner au clergé la faculté de recevoir des donations et de faire des acquisitions, amendé par la Chambre des pairs.

M. le vicomte de Castelbajac (1). Messieurs, un respect particulier pour M. l'abbé de Montesquiou, une grande confiance dans ses talents, m'eussent inspiré, s'il eût été possible, un nouvel intérêt pour le rapport fait à la Chambre des pairs sur votre résolution relative au clergé ; et j'ai dû me féliciter de voir l'espoir de la restauration de l'Eglise confié à celui qui en soutint autrefois si éloquemment les droits. J'ai suivi l'orateur dans son développement; les principes qu'il y établit ne m'étaient pas étrangers; c'étaient ceux qui nous animent, ceux qui ont dicté votre résolution. Comment est-il possible qu'en partant d'une base uniforme, en raisonnant dans le même sens, on arrive à un résultat tout différent? C'est là ce qui m'a paru un problème.

Me défiant de mes propres lumières, surtout quand il s'agit de contrarier les opinions de ceux dont je reconnais la supériorité, ce problème m'eût paru bien difficile à résoudre, sì la discussion éclairée qui a eu lieu à cette tribune ne me fournissait pas des motifs auxquels je trouve que l'honorable rapporteur de la Chambre des pairs n'a pas répondu, et n'a rien ôté de leur force. Il n'est pas nécessaire de revenir ici sur les raisons puissantes qui avaient dicté votre résolution, elles sont présentes au cœur de tous; elles existent toujours, et l'impression de voire désir pour améliorer le sort du clergé n'a pas suffi pour arracher le prêtre à la misère, pour fournir de nouveaux sujets à la milice sainte, pour relever nos temples détruits. Au milieu des grandes villes, la religion conserve encore quelque chose de son imposante et antique grandeur; le pontife

(1) Cette opinion n'a pas été insérée au Moniteur.

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