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tous les peuples libres ont fait, avec raison consister une grande partie de la liberté à consentir par leurs députés les subsides demandés par le Souverain; mais jamais on ne les a vus révoquer ces subsides une fois consentis; jamais on ne les a vus ressaisir dans les mains du souverain les valeurs qu'ils lui avaient abandonnées pour remplir ses engagements, et le forcer ainsi à y manquer. Voilà, Messieurs, voilà ce qu'aucune assemblée, états, diètes, parlements ou législatures n'ont jamais fait.

Ici, Messieurs, et avant de passer au deuxième arriéré, je dois vous exprimer une crainte. Sans doute je suis monté à cette tribune plutôt pour remplir un devoir, que dans l'espérance de transmettre à d'autres ma propre conviction. Je ne voudrais pas cependant avoir produit des sentiments qui fermeraient les cœurs aux vérités que je crois salutaires. Or, un des orateurs (1) qui les a combattues, a exprimé une vive indignation que l'on prit tant de peine pour défendre la monarchie contre les meilleurs amis du monarque, que l'on citât sans cesse les exemples de la Révolution à ceux qui, sans cesse, en avaient été les antagonistes et les victimes. Je comprends cette sorte d'indignation, Messieurs, et quoique j'aie pu l'exciter moi-même, je dirai volontiers que je la partage. En y réfléchissant, à quoi imputer ce Contraste? à la fausse position dans laquelle se place, à nos yeux au moins, tout ami du monarque qui se méprend sur les véritables maximes de la monarchie, sur les bons moyens de la servir c'est parce qu'il est ami de son Roi, parce qu'il sent fermement en lui qu'en définitive le trône n'a rien à craindre d'un sujet prêt à périr pour le défendre; c'est par ce sentiment peut-être qu'il sera moins scrupuleux observateur d'une forme constitutionnelle, lors surtout qu'au fond il croira rendre un grand service à son pays, à son Roi même. Mais ce n'est pas seulement pour ce jour, c'est à jamais que les formes constitutionnelles doivent défendre le trône; ce n'est pas seulement contre nous, c'est contre tous nos successeurs; et que ce mot nous rappelle qui a siégé avant nous dans cette enceinte. C'est dans les temps les plus difficiles, les plus calamiteux, qu'il faut que notre exemple soit cité pour faire observer cès formes et non pour les violer.

J'ajouterai encore que, même en ce moment, un zèle tropardent, trop ombrageux, devient nuisible, s'il ébranle comme importunes les barrières que séparent notre action de l'action du pouvoir royal. Parce que nous avons vu tomber le trône, ce n'est pas une raison pour sans cesse y porter la main (Des murmures interrompent); parce que nous avons vu le Roi trahi, ce n'est pas un motif pour assiéger de nos méfiances, de nos alarmes, ses serviteurs actuels: chaque chose a son temps et chacun son office. A notre arrivée, il était bien, il était nécessaire d'appeler des épurations; mais aujourd'hui, que depuis six mois on a refait toutes choses, changé, remanié les administrations, leur adresser encore en masse les mêmes reproches, appeler à grands cris l'épuration des remplaçants, comme on a fait celle des remplacés, ce n'est pas seulement une chose intempestive, c'est une chose éminemment dangereuse (Un grand nombre de voir : Oui! oui !). On se plaint que les ministres ne marchent point, je m'étonne, moi, qu'ils puissent faire un seul pas, lorsque, si l'on ne les décrédite pas eux-mêmes, on décrédite au moins, on décourage tous leurs subordonnés :

tout se paralyse, chacun hésite lorsque chaque démarche peut amener une accusation; le carac tère national s'altère, la délation, horrible flu, commence à infecter la France. Il est temps qu us emploi cesse d'être un crime, et la confiance 14 Roi un titre de suspicion. (Vifmouvement d'adkesion.)

Je puis traiter de l'arriéré postérieur à la Res tauration, parce qu'aucune loi n'a encore regi comment il serait payé.

Divers orateurs se sont expliqués sur la cunsolidation. Les uns l'ont appelé un mode de paye ment équitable, nécessaire; les autres l'ont qualifié de spolation, de banqueroute. Pour résouire la question, ramenons-la à ses termes les plas simples.

Ecartons d'abord avec la commission toutes les créances illégitimes; elle l'a dit, une liquidation sévère doit en faire justice.

Maintenant, demandons-nous ce que c'est qu'une créance. C'est une propriété, mais une propriet tout aussi respectable que la propriété du sol lui même; je me trompe, sous un aspect, elle lest davantage, elle a plus de titres à la protection des lois; car le sol demeure en la garde de son posseur; la créance est commise à la foi d'autru:: créance et confiance sont un. Ainsi, la loi qui sévit contre un débiteur infidèle, venge à la fis et la propriété lésée et la confiance abusée. Entre toutes les créances, celles sur l'Etat sont les plus sacrées. Ici le créancier a dit au débiteur: je sais que vous êtes puissant, je sais que vous serez arbitre de mon sort; mais je sais aussi que vous êtes juste, qu'au besoin vous seriez généreux. Si la chose est ainsi, et qui pourrait le nier? réduire la créance d'un particulier sur l'Etat, est donc une confiscation non moins odieuse, qu'enlever partie de son capital de sa caisse, que l'évincer de partie de son domaine.

Cependant on vous propose de refuser à jamais, au créancier postérieur à la Restauration, ao créancier qui à cru à la première Restauration, qui a cru à la seconde, le payement de son capital, de le convertir en une rente à 5; s'il veut rentrer dans ce capital, il faudra qu'il vende la rente à un cours qui, dans ce moment, decline au dessous de 60, qui, au jour de sa liquidation. peut être bien inférieur. Il faudra qu'il perde deux cinquièmes, moitié ou davantage; et c'est le créancier de décembre dernier qui subira cette perte. lorsque le créancier de janvier sera payé intégralement; est-ce là de l'équité? Et que sera-ce si, à ce traitement, nous ajoutons insulte?

Si cette mesure n'est absolument nécessaire, avouez qu'elle est éminemment frauduleuse et tyrannique; hatez-vous done de prouver sa nécessité.

Mais d'abord, quelle nécessité peut jamais autoriser l'Etat débiteur à dénaturer forcément, arbitrairement le titre de son créancier? En Etat, comme tout débiteur, peut ne pas payer comp tant; il peut demander du temps; mais il ne peut pas dire qu'il ne payera jamais; il ne peut pas dire qu'il ne payera que partie, et annuler le surplus de la créance.

Vous dira-t-on qu'il faut reléguer ces maxims étroites dans les écoles ou les tribunaux; que la morale politique est autre que la morale privee? On vous tromperait, Messieurs.

Interrogez, d'une part, les peuples dont les finances sont délabrées, et chez qui la ruine priblique a entraîné tant de ruines particulieres; ils

mesures iniques qu'ils ont dû et leur discrédit et leur ruine.

Interrogez au contraire les peuples qui ont vraiment des finances, l'Angleterre, l'Amérique, la Hollande, la Prusse, la Saxe, et leur demandez leur secret. Elles vous répondront: La bonne foi, et plutôt que d'y manquer, toutes sortes de sacrifices.

Vous leur conterez vos désastres, votre épuisement, vos charges. Les uns vous montreront des charges proportionnellement plus lourdes encore; d'autres, des revers plus grands, un épuisement plus douloureux; mais au delà, après des années de résignation et de fidélité, ils vous en feront voir le prix dans le recouvrement du crédit, de l'indépendance, de la dignité nationale.

Pensez-y bien, Messieurs, tout se lie en ce monde; depuis vingt-cinq ans la foi française est devenue trop justement suspecte en Europe; les effets survivent à leurs causes, et nous ne l'éprouvons que trop; l'étranger honore la loyauté du Roi; il demande encore des garanties de celle de la nation. C'en sont de mauvaises à donner, Messieurs, que d'établir en principe qu'une loi sur les créances de l'Etat oblige les créanciers sans obliger l'Etat; que d'imposer aux nationaux, pour 100 francs, la même valeur qui ne se vend pas 60, et que nous venons de donner aux étrangers pour 75; que de prouver, en un mot, par le fait, que nous ne sommes fidèles à nos engagements, que nous n'observons la loi qu'avec le plus fort. Un publiciste de nos jours a fait cette réflexion aussi juste que profonde: « Lorsque les peuples « ont perdu leurs traditions, il leur faut tout écrire, jusqu'à leurs mœurs. » Ainsi, au sortir de la terre d'Egypte, de la maison de servitude, comme Israël avait perdu la mémoire des patriarches et de leurs pieux exemples, Dieu résolut de donner à son peuple des lois écrites. Une de ces lois fut celle-ci : Tu ne voleras point. Ainsi, après les longues erreurs de la Révolution, après tant de manquements de foi, de spoliations, d'iniquités, de tyrannies, le Roi que la Providence nous a rendu et qu'elle inspira, sans doute, le Roi, raffermissant, par la loi fondamentale, le principe même de la société, la propriété, le Roi dit à l'Etat qu'il instituait: Tu ne dépouilleras point « celui qui aura remis sa fortune à ta foi; tes « engagements avec tes créanciers seront inviola« bles (1). »

Cette loi fondamentale a reçu nos serments; la France, le monde, regardent comment nous allons les remplir.

Je vote sur les deux arriérés, conformément à la proposition du Roi. Je me réserve de voter sur les autres parties du budget, d'après les lumières qui résulteront de la discussion.

La Chambre ordonne l'impression du discours de M de Serres.

M. Roux de Laborie (2). Messieurs, la matière soumise à vos délibérations est immense; quel coup d'œil peut espérer d'en mesurer l'étendue, d'en embrasser l'ensemble? Personne plus que moi ne paraîtrait téméraire en concevant seulement le projet d'une telle entreprise; il est loin de ma pensée; mais il me semble que l'on doit déjà aux lumières répandues par la discussion, de pouvoir élever des doutes sur quelques parties d'un sujet qui ne comprend rien moins que le présent et l'avenir de la France.

(1) Art. 70 de la Charte constitutionnelle.

(2) Le discours de M. Roux de Laborie est incomplet au Moniteur.

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to Que la loi du 23 septembre 1814 n'est pas obligatoire pour vous;

20 Qu'une fois vos consciences en liberté, vous ne devez plus prendre pour guide que la justice et l'intérêt public;

3o Je vous soumettrai ensuite quelques réflexions sur l'article du projet de votre commission, qui vous propose d'ajouter au budget de 1816, cinq millions pour les dépenses du culte. Et sur ce dernier point, Messieurs, je dois vous rassurer d'avance. Ne craignez pas que trop obstinément fidèle aux devoirs que vous m'aviez imposés dans une autre circonstance, je vienne encore vous soumettre au douloureux tourment d'entendre les cris de la justice, du malheur et du besoin, inutilement adressés à la conviction, à l'impuissance et à la

bonté.

Et d'abord, Messieurs, la loi du 23 septembre est-elle obligatoire ? Je crois que s'il s'agissait de prouver qu'elle n'était, dans le principe, ni utile, ni juste, ni politique, on serait aujourd'hui facilement d'accord; elle n'a guère été ici défendue que pour la forme, par des arguments de position, par une apologie obligée.

Comment soutenir, en effet, qu'il fût raisonnable de sacrifier à un arriéré incertain, dont l'appréciation a varié de 20, 30 et 40 p. 0/0, la masse fixe, certaine et vraiment inappréciable, parce que la perte en serait irréparable, d'une portion considérable du reste de nos forêts?

Comment croire qu'à la première renaissance du jour de la justice, au bruit des applaudissements de la France qui saluait le retour de la légitimité, devant le sentiment si vif et si universel de la nécessité de finir la Révolution, on ait pu continuer les systèmes de l'usurpateur, payer ses dettes avec le bien d'autrui, et regarder comme des propriétés disponibles dans l'intérêt du trésor royal celles qui restaient par miracle aux autels dépouillés, les débris du patrimoine des communes de France? Comment croire qu'en présence du Roi légitime, dont, il est vrai, on ne s'est pas alors avisé d'invoquer la conscience, on ait pu violer les maximes fondamentales du gouvernement des rois, ses ancêtres, sur l'inaliénabilité des biens et surtout des forêts de la couronne ; en présence du fils de saint Louis, achever de déshériter l'Eglise? Comment aujourd'hui défendre le mérite financier d'un système jugé par l'événement, puisque cette monnaie, promise aux créanciers comme moyen de payement intégral, perdait, en moins de deux mois, 22 p. 00? Et qu'a-t-il fallu pour la soutenir? Vendre rapidement les meilleures parties de ces forêts, dont, pendant les débats, on n'avait obtenu à cette tribune la disponibilité qu'à la condition presque expresse de les hypothéquer sans les vendre.

Ce n'est donc pas du merite de la loi du 23 septembre qu'il s'agit, c'est de son autorité : mais nous connaissons malheureusement ces injustices consacrées par l'intérêt social, arrachées, au nom du repos des peuples, à la conscience des législateurs et des rois, à propos desquelles on peut dire que la témérité qui ne les regarderait pas comme irrévocables, ressemblerait presque, par ses funestes effets, au malheur de les avoir originairement commises. Est-ce, Messieurs, sur une injustice de ce genre que nous avons encore à gémir? Je ne le crois pas; en général, il est un premier caractère auquel la politique marque et reconnaît ces calamités nécessaires, il faut qu'elles

soient consommées; et, par exemple, la Charte couvre de son impénétrable égide les 36,000 hectares aliénés par suite de la loi du 23 septembre, comme les 2 milliards de biens vendus en vertu du premier acte de la législation spoliatrice, de ce décret de funeste mémoire, rendu le 2 novembre 1789. On vous a parlé d'un engagement pris avec les créanciers de l'Etat. Avec quel créancier de l'Etat? C'est donc avec ceux qui les deviendraient; car personne n'était encore liquidé. Est-ce avec ceux des 300 millions qui restent, ou avec ceux des 200 millions environ qui ont disparu, et qu'on avait supputés par erreur? Un engagemen! Est-ce à la France, sortant par miracle du tombeau, et survivant à l'agonie 1815, qu'on peut vouloir imposer des engage ments qui soient fixes, irrévocables, sans être synallagmatiques? Où estil ce contrat en vertu duquel le créancier qui n'était pas liquidé alors, qui ne l'est pas aujourd'hui, qui ne le sera peut-être jamais, car son titre n'est pas établi, peut venir vous dire : « Voilà nos conventions, j'ai tenu les miennes, accomplissez « les vôtres ? » Et non-seulement aucun créancier n'est porteur d'un pareil titre souscrit par le gouvernement actuel, mais il n'en a jamais reçu de semblable d'aucun autre gouvernement antérieur. Son contrat primitif, comme tous ceux qui se passent avec le despotisme, était un véritable contrat aléatoire, une espèce de loterie, où la corruption, Tadresse, le crédit, l'intrigue dirigeaient, suppléaient le hasard; on était payé par les primes; les plus heureux pouvaient espérer que 30, 40 bons billets sur 100 sortiraient de la roue là étaient consolidés; le reste devait disparaitre dans ces cartons fameux qui ont rempli un des plus vastes hôtels de la place Vendôme; dans ce gouffre d'un véritable arriéré qu'assurément n'auraient jamais comblé les forêts de l'Etat, ni celles du clergé, ni celle des communes.

ceux

Supposons, Messieurs, qu'à l'une des plus fameuses époques de l'usurpation, Bonaparte eût réuni tous ses créanciers et qu'il leur eût dit: «Avant de partir pour les victoires qui doivent achever ma puissance et ma grandeur, je veux << assurer tout ce qui vous est dû et encourager, « par un système d'acquittement tout nouveau « sous mon règne, les efforts dont je pourrais encore avoir besoin; vous allez partager ma for« tune et faire des vieux pour elle; je veux vous << traiter tous, comme jusqu'ici, les heureux « d'entre-vous; vous allez gagner les 15 ou 20 p. 00, prélèvement ordinaire de la faveur et de «la corruption; toutes vos créances liquides seront « consolidées... » Quelle joie, Messieurs, quelle surprise, quels concerts de bénédictions pour ce bienfaiteur, pour ce père des créanciers de l'Etat ! Vous savez si, en 1814, ils auraient encore été heureux d'obtenir du Roi légitime ce qu'ils n'avaient jamais pu espérer de l'usurpateur; mais nous avions sur le crédit des expériences à faire qui nous ont garanti de cette idée trop simple. Combien vous-mêmes devez regretter que Bonaparte, ou le premier ministre du Roi, ne vous aient pas rendu ce service; vous auriez évité une de ces dures leçons que personne ne vous épargne; on ne vous aurait pas, a l'avant-dernière seance, en termes sees et clairs, appeles banqueroutiers; on n'aurait pas interrogé, à votre honte, l'histoire ancienne et moderne, ni suscité contre vous les plus célèbres axiomes de la probité royale! La probité royale! N'y aurait-il pas un de ces abus de mots qui nous sont reprochés, à l'invoquer en pareille circonstance! la bonne foi! L'enten

par l'histoire, a consacré le nom à l'immortali. de la vertu ! Quelle bonne foi, Messieurs, qucelle qui, vendant dans les communes d'Aisabe et de Franche-Comté, ces forêts garanties par ie traité même de réunion à la France, dirait au propriétaires dépouillés : « Voilà pour 100, £».

«

5,000 livres de rentes qui pourraient ne vous « en coûter que 60, mais j'en trouve ais « à vos dépens 40, afin d'en donner intégras«ment 100 à des créanciers qui auraient été bet«reux, il y a un an, d'en recevoir 60! Est-ce donc là la loyauté qu'on vous recommande Appellera-t-on probité le brigandage qui vole pur payer? Est-ce la cette vertu à laquelle un prin. appelé en témoignage pour vous faire rougır. promettait, si elle était jamais bannie du reste de la terre, un dernier et inviolable asile dans 1cœur des rois?

Comme vous l'a si bien dit l'un des orateu à qui les principes de la matière sont le plus familiers, puisqu'ils ont fait l'étude de sa vie, d-s lois de finances, des dispositions législatives sur le budget sont, en quelque sorte, mixtes, et tiennent autant de la nature des mesures administratives, que de celles des lois : toutes les fois qu'el -s ne fixent pas le mode précis de l'exécution d'un engagement contractuel, les lois de finance peuvent et doivent souvent être modifiées relativement à ce qui n'a pu être exécuté dans l'année qu'elles embrassent: il ne reste que la reconnaissance de la dette sur laquelle elles ont statué, et l'obligation de la payer, toujours en conciliant, seton les circonstances, la foi due aux engagements, la justice et l'intérêt public.

M'est-il permis, Messieurs, de pousser plus loin cette doctrine professée par notre savant collègue, et de vous demander si ce que j'ai moi-meine puisé à des lumières supérieures aux miennes. n'est pas exact? N'est-il pas de l'essence d'une loi de finance d'être annuelle, comme il est de l'essence de toute autre d'être éternelle?

Une loi de finance, le budget n'est ni ne peut être obligatoire au delà de l'année dont il calcule les besoins; le budget fixe d'une manière speciale le mode d'acquittement d'une charge, d'une obli gation existante, mais le budget ne peut en con stituer une nouvelle, ni acquérir de nouveaux droits à des tiers, parce qu'aucun tiers ne saurait être admis à y stipuler comme partie; parce qu'un budget n'est autre chose qu'un état de recette et de depense de l'année qui va suivre, le projet arrêté par les pouvoirs constitutionnels de l'applica tion des revenus publics aux charges publiques Ces charges peuvent augmenter, nous ne le savons que trop; quant aux impositions, source des revenus, elles ne peuvent être établies que par une loi, et il est de l'essence des lois sur l'impôt de n'avoir qu'une seule année de durée.

Si la Charte permet de voter pour un terme un peu plus long les contributions indirectes, ce n'est que par exception, par une disposition expresse; quant à l'impôt direct, la Charte interdit cette faculté d'une manière absolue.

Mais s'il est vrai que la matière essentielle, ou plutôt l'unique matière d'un budget, les recettes et les dépenses de 1 Btaf n'aient qu'une seule année de durée, n'est-il pas absurde de pretendre que la force et l'autorité d'un budget puissent s'étendre Jau-delà?

Remarquez, Messieurs, à quel point les adversaires de la commission sont obligés de meconnaitre ces principes pour établir leur système. Invoquer en 1816 Texécution du budget de 1815,

leur plaît d'extraire de ce budget depuis l'article 21 jusqu'à l'article 31, et ces dix articles de la loi d'une année, ils vous les présentent comme une loi éternelle, irréfragable.

Si on les en croit, ces articles ont aliéné sans retour 300,000 hectares de forêts, abandonnés au ministère des finances, sous la seule condition d'acquitter les dettes de l'arriéré. A cet égard, disent-ils, tout est consommé; il importe peu que les bois soient ou non vendus; que les créanciers soient ou non payés; par rapport à la Chambre, ces bois sont censés vendus et les créanciers acquittés.

Quel langage! quel système ou quel oubli des relations qui doivent exister entre le ministère des finances et la Chambre des députés; comme si entre eux rien pouvait reposer sur des hypothèses, comme si rien pouvait censé être que ce qui est en effet; comme si le ministère ne devait pas à la Chambre le compte et l'état des bois qu'il a réellement vendus, le tableau du produit de ces ventes, l'emploi qu'il en a fait, enfin la désignation précise de ceux de ces bois qui n'ont pas été aliénés, et dont, par là même, la destination peut encore, peut toujours être changée! Non, Messieurs, non, cette prétendue loi, cette mesure annuelle n'avait pas besoin d'être rapportée; comme il n'était pas nécessaire de dire qu'au budget de 1815, succéderait le budget de 1816, et encore comme un arrangement à terme finit quand le terme arrive, ou comme un bail expiré n'a pas besoin de résiliation.

S'il en était autrement, Messieurs, ces formes tutélaires du gouvernement représentatif, ces avantages incontestables de la publicité enchaîne raient l'avenir; par cela seul qu'on aurait publié des plans, discuté des projets à une tribune, on se trouverait à son insu avoir pris des engagements irrévocables, signé des contrats; toutes ces chances, auxquelles les gouvernements sont soumis, les guerres, les désastres, les bouleversements politiques, tourneraient contre eux, et les laisseraient, sans les mêmes moyens ni les mèmes ressources, avec les mêmes obligations et les mêmes charges.

Quelle autorité ces considérations générales n'empruntent-elles pas du moment actuel! Quels changements dans un plan de finances ont-ils jamais été plus terriblement justifiés, plus cruellement absous par le malheur et par la ruine?

Comment se trouve devant vous, au moment de cette discussion solennelle, la France de 1816, comparativement à la France de 1814? A quel arriéré, ou à quelle masse de dépenses extraordinaires était appliquée la loi du 23 septembre? A un arriére évalué environ 700 millions. Quelle est aujourd'hui la masse des charges extraordinaires de la France, y compris et ce même arriéré de 1814, et celui de 1815, et les contributions de guerre, et l'entretien des troupes alliées? plus de deux milliards! Voilà comment a changé le passif de la France et son actif, qu'est-il devenu? Nul doute qu'il ne soit diminué d'un milliard par les suites de la plus épouvantable catastrophe politique dont les temps modernes gardent le souvenir.

Eh bien! Messieurs, la Chambre peut-elle maintenir, dans des circonstances si différentes, des arrangements pris sous l'espoir d'un tout autre avenir? Ramenons ici une de ces comparaisons qui rassurent toujours, parce que, comme on l'a très-bien dit à cette tribune, la force consent si rarement à être juste, que l'honneur des gouver

nements est en sûreté quand ils se soumettent aux lois qui gouvernent les conditions privées; qui oserait soutenir que dans des circonstances toutes semblables, une fortune particulière, dont le passif et l'actif auraient été à ce point dénaturés et bouleversés, pourrait, devrait même être si injustement, si inégalement fidèle envers quelques-uns, pour devenir injuste, spoliatrice envers tant d'autres, ou plutôt envers tout le reste de ses créanciers?

Est-ce à la France, plus pauvre d'un milliard, et devant 1,500 millions de plus, qu'on aurait proposé de payer le quart de ce qu'elle devrait, intégralement, avec 8 p. 0/0 d'intérêts, en y sacrifiant tout ce qu'elle a de disponible, et de rester ensuite en face des trois quarts de sa dette, n'ayant à déléguer que des impôts sans mesure, ou, en d'autres termes, le reste du sang et de la substance des peuples?

Quelle bizarre et judaïque abstraction favorable à cette dette sans noms propres, sans intérêts individuels, sans titres, à cette masse du premier arriéré, non liquidée, pourrait la faire considérer comme plus privilégiée par le seul bonheur de sa date, que l'arriéré qui la suit immédiatement? La partie légitime de celui-ci ne se compose-t-elle pas des dettes contractées sous le gouvernement du Roi, et la justice de traiter également les deux arriérés ne semblait-elle pas avoir d'abord frappé le ministre de Sa Majesté? On lit dans le discours au Roi, page 10:

« Votre Majesté, sans cesser d'être juste, aurait «pu se montrer sévère pour les créanciers d'un "gouvernement illégal. Elle a autorisé la liqui«<dation et le payement de leur dette; mais puis« que les ressources ordinaires de 1815 sont épui«<sées, puisque les 70 millions qui devaient <concourir à l'amortissement de l'arriéré ont été

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employés aux dépenses du service courant, il « est juste, il est nécessaire que les payements restant à faire, et qui forment déficit sur 1815, « viennent s'ajouter à la dette arriérée.

« C'est ainsi que doivent être payées les dépenses « de 1814 qui appartenaient au gouvernement du premier trimestre: les créanciers du second tri« mestre de 1815 ne peuvent être traités diffé

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<< remment. »>

Tant il est vrai, Messieurs, comme on l'a dit, que tout se tient dans un projet de finances, que les principes quelconques vrais ou contestables sur lesquels on l'appuie, s'éclairent, s'invoquent mutuellement, et qu'on ne peut retirer un titre sans changer toute la loi.

Aussi, Messieurs, vous avez obéi à la force des choses sans blesser les principes, en retenant l'examen du plan qui vous avait d'abord été proposé, et qui vous appartenait tout entier. Ses diverses parties ne vous étaient-elles pas naturellement soumises, par cela seul que le premier de vos devoirs est de vous occuper du budget, et que le budget sera toujours, quoi qu'on en puisse dire, ce que n'a pas encore payé, par conséquent, ce que doit payer la France au moment où il vous est soumis?

Vos droits et vos devoirs, en matière de finances, quelles en sont donc les bornes? Quelle en est l'origine? N'est-ce pas là la base, la gloire, le principal bienfait du gouvernement représentatif? Notre vieille monarchie n'a-t-elle pas, à cet égard, l'honneur d'avoir transmis aux temps modernes des principes déjà consacrés aux époques contemporaines de sa naissance? Quelle différence peuton admettre entre le droit de consentir l'impôt et le devoir de l'appliquer à ce qu'il doit

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acquitter, ou, en d'autres termes, entre le droit de consentir l'impôt et le devoir de le restreindre, de l'étendre, de soulager ou de charger davantage les peuples, c'est-à-dire de fixer ce qu'ils doivent comme ce qu'ils payent, puisqu'ils ne peuvent être obligés à payer que ce qu'ils doivent et selon qu'ils le doivent? Quel envahissement de l'initiative que le soin de se conformer précisément à votre devoir, de ne pas régler le chapitre du revenu sans arrêter le chapitre de l'emploi? Vous attaquez, dit-on, la prérogative royale, parce qu'à cette question: « Quelles sommes la nation doit-elle payer? répondez: « Voyons d'abord ce qu'elle doit et comment elle le doit. Tel est donc l'entraînement des doctrines absolues et de la détermination de censurer et de blåmer, prise d'avance! Mais puisque la discussion actuelle a sans doute élé plutôt le prétexte que le motif de cette amère censure, puisque les reproches qu'on vous adresse ont de l'ensemble, puisqu'on vous impute un système suivi d'agression contre la prérogative royale, système qu'on appelle un héritage révolutionnaire; puisque enfin on accuse vos passions de tourmenter les mots pour en arracher le sens qu'elles sollicitent, ne nous sera-t-il pas permis aussi de nous plaindre d'un abus de mots, de l'abus surtout d'un mot, et de quel mot! d'un nom, et de quel nom! du grand non du Roi! Puisqu'il s'agit de faire assaut de doctrines politiques sur la prérogative royale, et de montrer de quel côté se trouve plus de vénération, de culte et de respect, ne pouvons-nous pas le demander, est-il utile, est-il permis, es il convenable, est-il constitutionnel d'appeler souvent, et par cela même de compromettre ce nom sacré ? Si, à la seconde, on peut dire à la première année de l'action d'une constitution nouvelle, nous n'avions besoin, par malheur ou par nature, d'innover dans la nouveauté même, n'aurions-nous pas trouvé, en étudiant l'unique modèle existant de la monarchie représentative, d'autres murs législatives, d'autres habitudes de discussion, et enfin le monar chique, l'inviolable usage de ne pas parler du Roi dans les débats parlementaires?

On vous a dit ici qu'il nous fallait une royauté autre que la royauté anglaise: mais si cette fois on laisse aux mots le sens qu'ils consentent à exprimer naturellement, on voulait dire, sans doute, qu'il ne faut la royauté française ni moins forte, ni moins révérée, ni plus inutilement interpellée, et par conséquent compromise, que la royauté anglaise et de quel côté, encore un coup, se montre-t-on plus respectueux? Est-ce du côté de ceux qui, dans chaque projet de loi, dans chaque discussion, ramènent, comme un argument, ce nom qui ne doit jamais être entendu qu'avec obéissance, prononcé qu'avec empire? Qui done révère davantage et la prérogative et la majesté royale elle-même? Ceux qui l'interrogent et la font parler témérairement, ou ceux qui la contemplent dans un religieux silence? Ceux qui l'entrainent dans la lice, ou ceux qui la font juge du combat? Ceux qui l'abaissent, ou ceux qui l'exhaussent? Ceux qui la descendent au niveau des hommes, ou ceux qui la placent loin des regards, au fond d'un sanctuaire impénétrable, y résidant à l'exemple de la Divinité dont elle tient ses droits; comme elle, inaccessible, inviolable, pouvant être invoquée toujours, interrogée jamai-? Voilà notre profession de foi, voilà notre irrévérence, voilà notre impiété monarchique, ou plutôt voilà notre symbole!

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faire intervenir dans une discussion législa! T la pensée du Roi, parce que les pensé s CBI sont des lois! Nous croyons qu'on peat encore interpeller sa conscience, et nous avo 5*, si on l'a fait quelquefois avec inconvenance avec erreur : il ne le faudrait pas, ne fût-ce pour éviter le scandale d'entendre appeler la os science du fils de saint Louis au secours du s tème qui veut vendre les biens des comman les biens du clergé ! Nous nous figurons, dans tre croyance constitutionnelle, la pensée qui Ja volonté du Roi, placée bien au-dessus et d projets de ses ministres et des discussions de us Chambres; nous nous figurons le Roi permett tout et souvent dans la seule intention de proquer l'opinion, d'interroger les lumières; re. dant tout, écoutant tout puis, souverain arbit et juge suprême, prononçant, quand il lui pliit mot, première expression de sa véritable per-et tout ensemble de sa volonté, ce mot qui est : loi en sorte qu'il soit permis jusque-là an instinct du zèle et du dévouement, de deviner vu, mais comme la conscience de l'ho nuer gieux entend la divinité sans qu'elle s'explit. N'est-elle donc pas permise cette respectueuse ne terpretation de l'acte constitutionnel? Vest-" pas là ce qu'a voulu le Roi en se reservant, d. + sa Charte, ce privilége qui parait une inconel quence aux yeux du vulgaire et qui est en e le résultat d'une haute sagesse, le resume de tou'r la doctrine monarchique, ce privilége qui conISS dans le droit qu'a le prince de rejeter eacore loi même originairement émanée du trône Puz on, sans blasphème, dire que le oui et le " aura été exprimné par l'acte d'une seule et méc» volonté; non, sans doute, mais le Roi aura jur propos que les ministres proposassent, qué 1Chambres delibérassent, et c'est la prem fois qu'il apparaitra pour prononcer et pour ver loir!

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Certes, Messieurs, puisque vous êtes destins. trouver, surtout, votre apologie dans des in pations contradictoires; puisqu'on vous as aussi quelquefois d'autre chose que d'être revi lutionnaires, et, par rapport à la préroga',y= royale, d'autre chose que d'en être les en om je crois être descendu ici dans le secret de v anes monarchiques, avoir révélé sans votre ave: mais sans crainte d'être démenti par vous, la r ritable garantie de la sincérité de vos sermen's oui, vous avez juré fidélité à la Charte, pareng Vous avez rencontré dans la Charte toutes i idées sur l'autorité royale, parce que vous sav. retrouvé l'essence meine de notre antique tuon 5chie; parce que, la Charte ainsi comprise et lek une fois placé si haut entre la terré et le cid, “ plus grand de nos rois, ce modèle accompli de royauté personnellement exercée, ce prince, g parmi les Bourbons, immortel parini les ra rois, Louis XIV, apparaissant tout à coup u lieu de nous, se rasseoirait sur le trône si dis ment occupé par son petit-fils, avec confiang t saas regrets; il reconnaitrait, sur ce falte de monarchie constitutionnelle, son autorité torr entière, plus forte, plus puissante; non plas aves tie par des remontrances qui étaient des secouss14 mais éclairée par des discussions regulières,¦ t que aujourd'hui la fidélité courageuse s'adres plus bas que le trône, l'éclairé sans le compte mettre; elle ne lui adresse plus directern paroles, par là même toujours irrespetuus *, et l'on peut quelquefois, grâce au myst re der 4. heureuse combinaison, discuter sans inconvenient

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