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le 30 mars dernier, dans une cérémonie publique relative à la reconnaissance des nouveaux ofliciers de la cohorte urbaine, les anciens officiers s'étant tous fait inscrire pour le bataillon en activité. C'était dix jours après l'occupation de la capitale par Bonaparte, et ces sentiments électrisaient encore tous les cœurs; et nos volontaires espéraient encore, à cette époque, se porter jusque sur la Loire, pour y arrêter les progrès de la puissance de l'usurpateur. Illusion trop flatteuse, et qui devait trop tôt s'évanouir! Ce qu'on pouvait encore à cette époque, et ce qu'on eùt exécuté sans la trahison de Decaen à Bordeaux, et de Laborde à Toulouse, c'était de porter la ligne de défense jusque sur la Dordogne, et ce plan, dont l'éxécution était commencée, se liait aux opération de l'armée du duc d'Angoulême.

Ce fut le 4 avril, au matin, que nous apprimes la chute de Toulouse et l'arrestation de MM. de Vitrolles et de Damas. Nous avions connu dès la veille tous les détails de la trahison qui avait livré Bordeaux aux rebelles. Montauban n'était plus tenable, et le conseil général dut cesser ses fonctions. Tout était soumis autour de nous; les routes de Paris, de Bordeaux et du Languedoc étaient interceptées: une ville de 25,000 âmes, ouverte et sans défense, qui, deux fois, depuis la Révolution, avait vu à ses portes des armées dirigées contre elle, devait-elle s'exposer inutilement à une troisième attaque? Elle céda, après un conseil de guerre, comme l'eût fait une ville forte, abandonnée à elle-même. Elle quitta son attitude hostile, mais elle n'eut jamais celle de la soumission, et durant l'interrègne, il fallut constamment une garnison pour la contenir. Il en était ainsi dans tout le département; partout le peuple resta fidèle, partout il s'abstint opiniàtrément de toute coopération au maintien de l'usurpateur. On n'y considera pas l'Acte additionnel comme un acte indifférent, et qu'on pouvait signer sans conséquence; il fut envisagé comme un attentat aux droits de la maison de France, auquel on ne pouvait adhérer sans félonie ou lâcheté; aussi le plus grand nombre des fonctionnaires mêmes refusèrent leurs votes, et la plupart des dépositaires forcés des copies de cet acte, offertes à la signature des citoyens, les rapportèrent sans avoir voulu même y apposer la leur.

Cette association turbulente, qualifiée de Fédération, n'osa jamais se montrer dans le chef-lieu du département, et la crainte qui contint ceux qui auraient voulu s'y montrer les sauva de la honte d'être connus. Qu'on juge, sur ces détails, de la facilité avec laquelle le gouvernement légitime a été rétabli parmi nous!

Dès le mois de juin tout était disposé pour l'insurrection. Des compagnies secrètes s'étaient or ganisées, les volontaires royaux, poursuivis partout comme déserteurs, s'étaient réfugiés dans les bois, où des agents fidèles pourvoyaient à tous leurs besoins; tous attendaient le signal avec une impatience qu'on avait peine à contenir: il fut donné prématurément par la bataille de Waterloo. A la première nouvelle, indirectement répandue, du résultat de cette affaire, tout éclata à la fois. L'enthousiasme n'eut plus de bornes, le drapeau blanc fut successivement arboré dans une fonle de communes; et quoique les soldats essayassent partout de s'y opposer, ils ne pouvaient suffire à réprimer ce qu'on appelait encore dans le langage officiel, des excès punissables, et que nous appelions déjà hautement des actes de fidélité.

Bientôt le gouvernement royal fut officiellement

manifestée, avait entrainé les autorités civile militaires du département; et tel fut l'effet l'enthousiasme populaire, que cette garni même, qui s'était montrée si idolâtre de Napolé se laissa entraîner aussi, et comme malgré e à détester son idole, à partager les élans de la publique, excitée par le retour du roi légitim

Cependant le général Decaen opprimait toujo Toulouse, et Clausel était encore maître de L deaux. Une correspondance journalière était blie entre eux et le général de l'armée de la Lo par le moyen des estafettes, nous interceptâr cette correspondance. Le général Decaen vou rallier autour de lui tous ses détachements centraliser ses forces au chef-lieu de son co mandement. Nous empêchàmes le départ huit cents hommes qui formaient notre garnis et les retinmes parmi nous. Ainsi contrarié d tous ses projets, et craignant peut-être une a que, Decaen hésita, et bientôt après abando un poste qu'il ne pouvait défendre. Clausel plus longtemps; mais il suivit enfin l'exemple son collègue, et se déroba nuitamment aux p suites ordonnées contre lui. Le midi de la Fra se trouva ainsi délivré, sans qu'aucun étran eût paru sur son territoire. Une division des mées alliées vint postérieurement occuper la vence, en vertu des conventions particulièr mais elle n'y fut point nécessaire au rétabli ment de l'autorité royale.

Les Espagnols se présentèrent ensuite dan Roussillon et dans les pays des Basques; les tants de ces contrées, trompés sur leurs intentio se préparèrent à les combattre, et l'on vit nos taillons royaux, qui s'étaient formés contre Na léon, se rallier encore contre des étrangers les projets étaient inconnus.

Heureusement que le duc d'Angoulême. prompt à se décider et si actif à exécuter, eu temps d'employer son intervention; il prévint lutte contre un allié généreux, dont l'amitié n est plus que jamais nécessaire. C'est sûremen considération de ces événements qui décida soumission du général qui commandait l'ar de la Loire; placé entre un ennemi victorieu des départements si énergiques, que pouva entreprendre? L'armée qu'il commandait eut sans doute prolonger trop longtemps encore l' tation et l'inquiétude dans l'intérieur; elle vait troubler tous les départements qu'elle tra sait; mais elle était française, et c'eût été 1 elle un triste avantage que d'affliger la pa sans espoir de réaliser de coupables chimère au risque de fournir aux étrangers le malheur prétexte de couvrir de leurs troupes la France tière. La nomination du duc de Tarente, reco général en chef, fit cesser toute indécision.

Messieurs, j'ai abusé peut être de votre patien mais tous les faits que j'ai cités appartien certainement à la question qui nous occup font partie de notre histoire durant l'interrè ils servent à appuyer l'opinion de l'auteur proposition comme celle du rapporteur; ils glorieux pour mes concitoyens, et j'ai dù les e ser, pour montrer combien le départemen Tarn-et-Garonne a mérité sa part de la récomp proposée. Si j'eusse pu remonter à des épo antérieures, j'aurais eu beaucoup plus à citer Je vote pour l'adoption de la proposition M. Michaud.

Un quatrième membre (M. le comte I bert de Sesmaisons) parle dans le même que M. de La Bourdonnaye.

dit que la proposition est faite dans des formes et tend vers un but qui ne peuvent pas convenir à une assemblée législative. Il établit qu'une loi ne peut avoir pour objet de donner des éloges, et que c'est au Roi à juger si la législature doit être appelée à immortaliser la mémoire des hommes qui se sont montrés véritablement Français.

In sixième membre (M. Regnouf de Vains) dit que la Chambre peut rendre hommage à la fidélité, mais qu'elle doit s'en rapporter au cœur du prince pour la récompense.

Il vote comme le rapporteur de la commission. L'ordre du jour motivé est réclamé sur toutes lés propositions.

M. le Président, après avoir fait le résumé des opinions, met aux voix l'ordre du jour, tel qu'il est motivé par le rapporteur, tant sur les propositions antérieures au rapport que sur celles qui l'ont suivi.

L'ordre du jour est adopté.
La séance devient publique.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.
PRÉSIDENCE DE M. LAINÉ.

Séance du 31 janvier 1816.

M. le marquis de la Maisonfort donne lecture du procès-verbal de la séance du 17, et l'énoncé de beaucoup de nouvelles pétitions adressées à la Chambre.

Le même secrétaire présente l'hommage des productions dont les titres suivent :

Une gravure de Louis XVI d'après le tableau original de M. J. Boze;

Ecrit pour la défense de XVI, par M. Dalmas; Principes élémentaires d'application de la théorie des finances de l'Etat, par M. Hertzroy;

Relation d'un voyage fait à Londres en 1814, ou Parallèle de la chirurgie anglaise avec la chirurgie française, par M. Roux;

Epitre en vers sur l'anniversaire du 21 janvier 1815, par M. La Montagne;

Le 21 janvier 1815, essai en vers, par M. Vieillard;

Eloge de Louis XVI, par M. Regnaud de Paris; Ode à Louis XVI, martyr, par M. Fonvielle ; Projets d'impôt et de taxe pour le budget de 1816, par M. Gerdret ;

Les Bourbons, ou Précis historiques sur les princes de cette famille et la France en deuil, sont offerts par madame veuve Petit ;

Mémoire sur l'instruction publique, par M. Jean Couturier, professeur aux lycée de Dijon.

Ces divers objets seront mentionnés au procès-verbal et déposés à la bibliothèque de la Chambre.

M. le Président communique à l'Assemblée la demande, faite par M. le lieutenant gênéral comte Ernouf, d'un congé pour se rendre, conformément à l'ordre qu'il en a reçu de S. Exc. le ministre de la guerre, au chef-lieu de la troisième division militaire, dont le commandement supérieur lui a été confié par Sa Majesté.

M. Regnouf. Ce n est point pour m'opposer à la demande qui vous est transmise par M. le président que je me présente à la tribune, mais pour vous parler en général de l'inconvénient qui peut résulter de la multiplicité de pareilles sollicitations. Depuis quelque temps beaucoup de congés ont été demandés, et la Chambre les accorde avec une facilité que le public paraît re

marquer avec déplaisir, je dirai même avec peine. A une époque où la Chambre est sur le point de terminer ses travaux, où deux lois importantes appellent surtout l'attention et les lumières de tous les membres celle concernant les élections qui doit servir de base à notre système représentatif, et cet immense budget qui doit tranquilliser les citoyens sur tous leurs intérêts, et assurer le repos politique de la France, convient-il que beaucoup de ses députés s'absentent de leur poste et manquent à leurs fonctions? Je supplie la Chambre de ne plus accorder de congés, parce que les travaux dont elle a à s'occupper exigent la coopération de tous les membres qui la composent.

M. Voysin de Gartempe. Je pense, avec le préopinant, qu'il serait peu convenable d'accorder des congés dont la demande ne serait motivée que sur des intérêts de famille ou purement individuels. Mais lorsque le Roi a cru devoir nommer un de nos collègues pour commander une place importante, auriez-vous le droit de l'empêcher d'obéir aux ordres de Sa Majesté? Metz, chef-lieu de mon département, où le général Ernouf doit se rendre, est un poste militaire du plus grand intérêt dans les circonstances. Entouré de troupes alliées, l'esprit qui anime ses habitants est bon, mais il ne doit pas moins être surveillé, et Sa Majesté pouvait-elle faire choix d'un mandataire plus digne que le général en chef qu'elle envoie? Avant de statuer sur les observations du préopinant, je demande que la Chambre accorde le congé qui vient de lui être de

mandé.

M. le comte de Marcellus partage l'avis de M. Voysin de Gartempe à l'égard du congé demandé par le général Ernouf, mais en déclarant qu'il ne peut s'empêcher d'émettre le vœu que les députés des départements, dès le moment qu'ils ont été élus, ne puissent exercer d'autres fonctions que celles de législateurs.

M. le Président. Le vœu que vous venez d'exprimer pourra devenir, si vous le jugez convenable, le sujet d'une proposition suivant les formes voulues par le règlement.

Un membre. La mission donnée aux députés des départements n'est que temporaire; elle ne leur est pas confiée à la condition de renoncer à un état quelconque. Or, la profession militaire est un état honorable qu'un député se fait gloire de conserver. Il reste sous ce rapport dans la dépendance du chef du gouvernement, auquel il ne peut se dispenser d'obéir. Il serait impraticable de lui prescrire, à raison des fonctions législatives qu'il partagé avec ses collègues, de méconnaître une dépendance que réclament impérieusement ses devoirs militaires.

On demande à aller aux voix.

Un autre membre pense au contraire que cette doctrine pourrait avoir de graves conséquences, et que beaucoup de membres n'accepteraient la mission de députés que pour pouvoir solliciter et obtenir plus facilement des places qui souriraient à leur ambition. Il supplie la Chambre de se montrer extrêmement sévère.

La Chambre, consultée par M. le président, accorde le congé demandé par M. le lieutenant général Ernouf.

L'ordre du jour appelle trois rapports de la commission des pétitions.

La Chambre entend successivement MM. de Sainte-Aldegonde, député de l'Aisne, Lallard, du Pas-de-Calais, et le comte d'Hautefeuille du Calvados.

Sur la proposition du premier rapporteur, la Chambre renvoie à la commission du budget :

1o La pétition des fabricants d'huile de la ville d'Arras, qui demandent que l'impôt auquel ils sont assujettis soit établi sur des bases plus modérées.

2o Celle des débitants de boissons du Havre, qui demandent la suppression des exercices, et proposent qu'il leur soit accordé des licences annuelles.

3o Soixante-sept autres pétitions, toutes relatives aux finances et à l'impôt, et qui contiennent, dit le rapporteur, plusieurs documents et observation sutiles à consulter.

M. Pouillet, de Lure, demande que, vu le malheur du temps, il y ait une loi qui suspende pendant trois ans toutes les expropriations forcées, et qui autorise les juges à accorder aux débiteurs malheureux par l'effet des événements un répit plus ou moins long, afin de se mettre en mesure de remplir leurs engagements.

La première partie de la demande du pétitionnaire, étant inadmissible, et la seconde partie étant prévue par les lois existantes, la Chambre passe à l'ordre du jour.

M. le comte de Tryon demande que le serment soit aboli en France, attendu le mauvais usage qu'on en a fait, et qu'on y substitue cette formule Je promets sur l'honneur.

La commission ne voit pas que l'abus qu'on a pu faire du serment soit un motif suffisant pour le supprimer, ni qu'il puisse être remplacé dans tous les cas par la formule proposée. Elle propose en conséquence de passer à l'ordre du jour, et son avis est adopté.

M. Trebort, de Metz, demande que, pour augmenter les finances de l'Etat, on rende aux pièces de 48, de 24, et 3 francs leur ancienne valeur.

Cette demande étant jugée incompatible avec notre système monétaire actuel, elle est écartée par l'ordre du jour.

M. Langlois Maheu, membre du collège électoral du département de l'Eure, demande: 1° la suppression des pensions accordées par Buonaparte à ceux qui l'adulaient, qui faisaient chanter des couplets sur les théâtres, et à des comédiens qui avaient su lui plaire; 2° que la faculté du retrait soit rendue aux parents de celui qui vendu ses biens à vil prix; 3° de faire supporter une taxe sur leurs biens à ceux qu'on bannira de France, et à tous ceux qui ont pris part à la révolte.

L'ordre du jour est également adopté sur les trois pétitions.

M. Raffelin, avocat de Nancy, envoie un projet de loi tendant à rectifier les inconvénients qu'il dit exister dans la division entre deux administrations, de la surveillance et de la perception du droit de garantie sur les matières d'or et d'argent.

Ce projet de loi et un mémoire qui l'accompagne, sont renvoyés au ministre des finances.

M. Daché, proprétaire à Coutances, se plaint de ce que les curés desservants sont mal payés; il envoye un projet de loi tendant à leur allouer divers accroissements de rétributions.

Renvoi à la commission chargée de l'examen du projet de loi sur l'amélioration du sort du clergé.

M. de Rochefort, de Narbonne, réclame contre l'article 14 du projet de loi présenté le 18 décembre, ainsi conçu Nul comptable envers le

des députés. Cette disposition, ajoute le pétiti naire, aurait l'inconvénient d'écarter de la Cha bre beaucoup de personnes de mérite, qui po raient donner d'excellentes idées dans la discu sion des finances.

Renvoi à la commission chargée de l'exam du projet de loi sur les élections.

M. Bernard, de Metz, demande qu'attendu silence du Code d'instruction criminelle su manière de purger les défauts en matière corr tionnelle, il soit fait une loi qui déclare nuls non avenus tous les jugements par défaut rend jusqu'à ce jour, à la charge par le condamné se constituer prisonnier dans un délai fixé; frais de la condamnation par défaut restant à charge.

Toutes les dispositions actuelles du Code d' struction criminelle étant fixées et subordonn les unes aux autres, votre commission a c dit le rapporteur, qu'il pouvait y avoir de gra inconvénients à en rcviser isolément quelqu parties. C'est pourquoi, sans préjuger sur la qu tion proposée, elle vous propose de renvoyer pétition au bureau des renseignements pour ê consultée, s'il y a lieu, lorsque la Chambre gera convenable de s'occuper de la révision Code d'instruction criminelle. Cet avis adopté.

Le sieur Desportes fils se plaint de vexatio qu'il dit avoir éprouvées au mois de juillet d nier de la part du préfet de la Nièvre et d des sous-préfets du même département pour av manifesté pendant l'usurpation son attachem au Roi.

Il demande que sa pétition soit renvoyée ministre compétent, à qui il soumet plusie questions sur les formes qu'il doit suivre po obtenir justice. La commission pense que délits dont se plaint le pétitionnaire étant co verts par l'amnistie, il n'y a pas lieu à délibé sur sa demande, et elle propose le simple ren au ministre de l'intérieur comme renseigneme sur les fonctionnaires qui y sont désignés.

Et quant aux questions que contient la pétitio le rapporteur propose l'ordre du jour, motivé s ce que les lois existantes ont réglé les forme suivre pour demander justice des abus d'autor commis par les fonctionnaires publics.

Un membre pense qu'il s'agit de délits con un particulier; que dès lors ils ne sauraient ê couverts par la loi d'amnistie, qui réserve contraire aux particuliers le droit de se pourv devant l'autorité compétente. Il demande que pétition soit renvoyée au ministre compétent av recommandation.

On demande la lecture du texte de la pétitio M. Bellart. Ou le délit est public ou il particulier; dans le dernier cas, chaque citoy a le droit de poursuivre devant les tribunaux. C au pétitionnaire à se décider de lui-même. Chambre ne doit pas prendre connaissance d'a faires individuelles. Je demande le renvoi au n nistre de la justice.

On insiste pour la lecture de la pétition. La Chambre consultée décide que la pétiti sera lue.

Immédiatement après cette lecture le reny au ministre de la justice est ordonné.

M. Sauvage, de Paris, demande qu'on fas payer une amende de 1,000 francs à tout jou naliste qui publierait une nouvelle controuv

Les lois existantes, dit le rapporteur, suffise pour la répression des abus de la presse, et

SECONDE RESTAURATION.

[Chambre des Députés.] M. le comte de Marcellus. J'engage la Chambre à ne pas passer légèrement à l'ordre du jour sur cette pétition. Je ne puis m'empêcher de parler à la Chambre de l'abus de la presse relativement à nos comités secrets. Tous les bons esprits sont révoltés de la manière dont un journal a rendu compte de la séance secrète de samedi, concernant la proposition de M. de Castelbajac sur les donations au clergé, de cette séance où la Chambre a signalé avec tant d'intérêt et son respect pour Dieu et son amour pour le Roi.

M. le Président fait observer à M. de Marcellus que l'objet dont il entretient la Chambre touchant les comités secrets, peut être la matière d'une proposition directe dans une autre circonslance.

L'ordre du jour sur la pétition de M. Sauvage est adopté.

MM. le prince de Rohan, le bailli de Clugny, les commandeurs de Dienne, de Bataille et de Château-Neuf, adressent à la Chambre une réclamation tendant à ce que les biens non vendus de l'ordre souverain de Saint-Jean de Jérusalem, lui soient restitués.

Tels sont sommairement les motifs dont ils s'appuient:

« Ces biens, disent-ils, proviennent originairement ou d'acquisitions faites par l'ordre, ou de concessions de propriétés provenant de la libéralité des familles dont les enfants y étaient admis comme membres du souverain. De tels titres,étayés d'une jouissance non interrompue pendant plusieurs siècles, ne purent les soustraire à la rapacité du gouvernement révolutionnaire quoique les chevaliers prouvassent par plusieurs arrêts du parlement que leurs personnes et biens avaient toujours été séparés et distingués d'avec le clergé, ils furent assimilés aux ordres mendiants, et dépouillés comme eux; ils reçurent quelques modiques pensions, qui bientôt cessèrent en partie d'être payées.

Une circonstance assez remarquable, c'est que le même décret qui tend à détruire l'ordre en France et en prononce l'expropriation, le reconnaît à Malte, et charge le pouvoir exécutif de régler la somme annuelle pour laquelle la France contribuera à l'entretien de son port et de son hôpital.

« Depuis cette époque, malgré les divers échecs que le malheur des temps a fait éprouver à l'ordre souverain de Saint-Jean de Jérusalem, quoiqu'une trahison sans exemple leur ait fait perdre cette ile fameuse, que tant d'exploits avaient illustrée, il n'a pas toutefois succombé à tant de désastres. Un lieutenant du grand maître, reconnu par toutes les langues ainsi que par le pays, siége encore en ce moment à Catane en Sicile, nomme des ministres près les cours étrangères, et administre les affaires de l'ordre. Ses plénipotentiaires au congrès avaient présenté une demande aux souverains, afin d'obtenir, en remplacement de Malte, un établissement qui mit les chevaliers à même de protéger, comme par le passé, le commerce des puissances chrétiennes et de faire la guerre aux Barbaresques. On allait s'occuper de leur demande, lorsque l'arrivée de Buonaparte en France vint interrompre les opérations du congrès.

[31 janvier 1816.]

sement réclamée par l'équité on voudrait supposer
que l'ordre a cessé d'exister.

« Plus disséminé qu'autrefois à raison des cir-
constances, il n'en subsiste pas moins et est en-
core reconnu par une partie de l'Europe; c'est en
son nom que les signataires de la présente récla-
mation viennent vous demander un acte de jus-
tice dont vos principes connus semblent ne leur
pas permettre de douter. »

Votre commission, après avoir donné la plus scrupuleuse attention à la nature de cette réclamation, sans pouvoir se dépouiller de l'intérêt que sa justice est faite pour inspirer, songeant néanmoins qu'il n'entre point dans les attributions de la Chambre de pouvoir y faire droit, vous propose, en la rangeant dans la classe de celles qui sont faites au nom d'une puissance étrangère, de la renvoyer au ministre des relations extérieures.

M. le comte de Marcellus. Messieurs, qu'il me soit permis de recommander à des législateurs assemblés au nom de l'honneur et de la foi, la réclamation si intéressante qui vous est adressée par la commission des trois langues françaises de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Cet ordre, si respectable, si illustre par son origine, ses institutions, ses exploits, ses revers; cet ordre dont le nom seul rappelle de si grands noms, de si grandes choses; cet ordre, Messieurs, si utile et si glorieux, est destiné, n'en doutons pas, à revivre en France pour le maintien et la prospérité du trône et de l'autel. Il y fera briller encore ces nobles vertus que le monde chrétien est depuis si longtemps accoutumé à admirer en lui. Quels exploits, en effet, ne sont pas surpassés par les hauts faits des d'Aubusson, des l'Isle-Adam, des Gozon, des Naillac! Quels guerriers ne cèdent pas à de tels héros la double palme de la valeur et de la vertu ! Qu'il est beau, Messieurs, de voir les hommes les plus illustres de l'Europe, par l'éclat de leur bravoure et le mérite de leurs aïeux, consacrer leurs armes et leur vie à la protection des faibles et à la défense des opprimés! Qu'il est beau de voir cet ordre naître dans les lieux mêmes où voulut naître et mourir le Sauveur du monde, secourir comme lui le pauvre et l'étranger, n'abandonner sa tombe sacrée qu'après qu'elle est tombée entre les mains des infidèles, défendre la Terre-Sainte tant qu'elle put être défendue, confier ensuite ses destinées à la mer qu'étonne et subjugue un si grand courage, renouveler à Rhodes les merveilles d'un des siéges les plus vantés de l'antiquité, épouvanter la puissance de Mahomet, tomber après des prodiges de valeur sous les coups du grand Soliman, dont la fierté s'abaisse devant ses ennemis vaincus, errer d'ile en tle en faisant admirer à l'univers de si héroïques infortunes, se venger à Malte de la prise de Rhodes, en triomphant de son vainqueur, donner toujours au monde les plus grands exemples et les plus hautes leçons, jamais plus digne des regards du ciel et de l'admiration des hommes, que lorsque, aux prises avec l'adversité, il faut lutter contre tous les revers de la fortune! Les annales de l'ordre de Malte offrent les plus grands souvenirs que puisse retracer l'histoire moderne, et prouvent à tous les siècles que le courage au-dessus de tous les courages, est celui qu'inspire la fidélité à ses devoirs, et qu'animent dans le cœur des héros chrétiens, les hautes pensées et les consolantes espérances de la religion. Jamais une si belle institution fut-elle plus nécessaire? Oui, si l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem n'existait pas, des législateurs français

«Depuis ce temps, le pape, l'Espagne et Naples ont restitué à l'ordre ses biens non vendus situés dans leurs Etats. L'Autriche les a toujours respectés et a même encore un ministre de cette puissance accrédité à sa cour. Ce serait donc à tort que pour se dispenser d'une restitution impérieu-devraient le créer aujourd'hui. Il existe encore,

Messieurs, et remercions-en la Providence. C'est à nous à ne pas laisser éteindre, c'est à nous à rallumer cette sainte flamme qui embrasait les cœurs de nos pères, ce feu sacré qui a brillé jadis d'un si grand éclat, et dont une si précieuse étincelle nous reste. Il revit déjà, cet ordre célèbre, il revit dans le monde catholique où on s'est haté de lui rendre ses biens non vendus. Les souverains de l'Europe sont trop intéressés à la conservation des saintes maximes sur lesquelles sont fondés leurs trônes pour ne pas protéger, pour ne pas rétablir un ordre qui en est en quelque sorte le dépositaire, et qui fût de tout temps consacré à la fidélité et à l'honneur. Nous nous ferons un devoir de suivre de tels exemples et de prévenir à cet égard le vœu du Roi Très-Chrétien, Mais en attendant, Messieurs, je me borne à vous prier d'accueillir avec intérêt la demande de MM. les chevaliers de Malte, en la renvoyant, d'après les conclusions de votre commission, à M. le ministre des relations extérieures.

M. le vicomte de Castelbajac. Je viens appuyer, Messieurs, les conclusions de votre commission; l'ordre de Malte me paraît être dans la même position en France que les personnes auxquelles une loi rend les biens non vendus. Cet ordre, qui laisse à la France tant d'illustres souvenirs, peut encore être d'un bien grand secours. Dans l'état de dénuement et d'appauvrissement de ressources dans lequel nous nous trouvons, pourquoi nous priver de faire ce qui est bien, et du bien que nous pouvons trouver pour nos familles dans cet ordre antique qui s'honorera, je l'espère, dans quelque temps, d'appeller aussi dans son sein ces guerriers qui, dans ces derniers temps, ont acquis leur noblesse à la pointe de leur épée? En appuyant le rapport de la commission pour renvoyer avec intérêt au ministre des relations extérieures la pétition des langues de France, jedemande qu'elle soit aussi renvoyée de la même manière à la commission du budget chargée de s'occuper des ressources de l'Etat.

La Chambre, consultée par M. le président, décide que la pétition sera renvoyée simultanément au ministre des relations extérieures et à la commission du budget.

M. Janot, de Poligny, département du Jura, se plaint des vexations qu'il éprouve depuis longtemps, et demande qu'il soit enfin mis en terme à sa captivité.

La commission, dont M. Lallard est rapporteur, propose de renvoyer cette réclamation au ministre de la justice pour y faire droit si elle est fondée.

Un membre croit devoir appeler l'intérêt de la Chambre sur l'infortune de M. Janot. Depuis sept ans, dit-il, le pétitionnaire est détenu sans qu'on ait eu aucun fait à lui imputer pour motiver une accusation. L'opinant convient que M. Janot, autrefois capitaine au régiment de Foix, puis inspecteur de l'habillement, a dissipé sa fortune, mais sans avoir jamais fait tort à personne, et n'avant rien à se reprocher que contre lui-même. Réduit à vivre d'aumônes, il vint à Paris d'où il fut renvoyé à Poligny. Abandonné de sa famille, un cordonnier lui donna un asile et des secours. Il résultait de quelques autres détails donnés par l'opinant, que la famille du pétitionnaire a provoqué et maintenu jusqu'à ce moment sa détenion. Il l'a connu. et quoique, de son aveu, il se soit éloigné de lui, il croit pouvoir assurer que la triste position où se trouve cet infortuné est digne de toute l'attention de la Chambre.

tion soit renvoyée sur-le-champ par M. le prés dent au ministre de la police générale, avec inv tation d'éclaircir cette affaire, de rendre la liber au détenu, ou de lui donner des juges qui déc dent de son sort conformément aux lois,

M. le Rapporteur ne voit pas d'inconvénie à renvoyer au ministre de la police plutôt qu celui de la justice; mais il pense avec la con mission que le renvoi pur et simple doit suffi

M. le Président rappelle l'usage suivi da des cas semblables dans la session précéden Jalouse du droit de pétition, la commission s'o cupait autant qu'il était en elle de vérifier faits, et présentait ensuite un nouveau rapport. M. Voysin de Gartempe pense que le ren au ministre de la justice est de droit commun le seul convenable. Le ministre vérifiera si motifs de la détention sont fondés; et s'ils ne sont pas, la liberté sera rendue au pétitionnai Le dévoir de la Chambre est de renvoyer sa clamation à l'autorité compétente. De cette n nière elle n'empiétera pas sur les attributions pouvoir exécutif, et c'est ce qui aurait lieu si e faisait elle-même une enquête.

M. le baron Pasquier appuie l'observati de M. le président. Sil est un point pour leq le droit de pétition soit un droit sacré, c'est co qui touche à la liberté individuelle. Il ne voit cun inconvénient à ce que la commission pre des renseignements, soit au ministère de la j tice, soit à celui de la police générale. Il doi avoir un dossier concernant le pétitionnaire, l'on ne refusera pas de le laisser consulter. Il f que la Chambre puisse avoir un moyen de con tre les faits

La Chambre décide que la commission des titions prendra des renseignements sur la ré mation de M. Janot et lui fera un nouveau rapp

M. le Président annonce qu'attendu l'hie avancée, MM. les députés ne se réuniront demain dans leurs bureaux pour s'occuper du nouvellement de la commission des pétition délibérer sur la proposition de M. de Blangy. La séance est levée.

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