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par la suite révoqués ou confirmés, mais parce qu'on pourra ou modifier ou défaire votre ouvrage, ce n'est pas une raison pour ne rien faire. C'est ainsi qu'un père de famille élève un bâtiment auquel il s'attache à donner le plus de solidité et d'étendue possible. Il sait bien que ses enfants pourront le rectifier et même l'abattre, si cela leur convient, mais il espère aussi qu'ils pourront le conserver, et il bâtit dans cette espérance. C'est précisément, Messieurs, ce que nous avons à faire.

On a pensé que la caisse ayant un fonds déterminé, il pourrait se trouver des circonstances extraordinaires, une insurrection, un désastre, une famine qui exigeraient des fonds à l'instant même; ces fonds seraient disponibles à la caisse, et on ne pourrait s'en servir. Je réponds que c'est précisément contre ces cas extraordinaires qu'il faut tenir les ministres en garde contre eux-mêmes, coutre leurs propres besoins. Il faut que même le service courant, devenant difficile, les ministres sachent bien que le fonds d'amortissement est inaltérable. C'est à cette garantie que tient le crédit et l'institution dont vous vous occupez. A cet égard, l'affectation du revenu des postes ou de toute autre branche de recette parait indispensable avec les 500,000 francs par moi proposés. L'orateur, en passant, émet ici, comme d'une utilité applicable dans l'avenir, l'affectation d'un fonds spécial pour la dette consolidée; il pense qu'on en retirerait de très-grands avantages.

Le fonds proposé pour la caisse doit suffire. Vainement on a dit que ce fonds ne suffirait pas avec avantage contre la masse de dettes flottantes. J'observe qu'il ne s'agit ici ni de lutte ni de jeu. La caisse d'amortissement n'est point une arme avec laquelle le gouvernement veuille lutter contre les joueurs à la hausse et à la baisse ; c'est un organe de la vie financière de l'Etat, si on peut s'exprimer ainsi, organe qui entretient le mouvement et la circulation, et maintient, par la seule opération dont il est chargé, un juste équilibre entre l'accroissement possible et la réduction calculée de la rente. C'est en ce sens qu'il est essentiel que la caisse n'ait pas d'autres fonds à sa disposition que ceux qui lui sont attribués, parce qu'alors on pourrait l'accuser et elle ne pourrait peut-être pas se défendre d'entrer elle-même dans le jeu dont on a parlé de favoriser tantôt la hausse tantôt la baisse, pour amortir plus facilement. Ces moyens sont indignes du gouvernement, et il faut en repousser jusqu'à l'idée.

Toutefois, en déterminant le fonds, l'opinant désirerait qu'on pût établir une base qui donnât précisément à la caisse 1 p. 0/0 de la dette consolidée. Cette proposition lui paraît raisonnable, ou le cinquième juste de l'intérêt. Il vote, au reste, pour le projet de la commission.

La discussion est fermée.

M. le Président rappelle quelques points de différence entre le projet de la commission et celui des ministres. Les ministres proposaient deux sous-directeurs. M. le Président demande si les ministres insistent.

M. Portal, du banc des ministres, déclare qu'ils n'insistent pas à cause de la formation de la nouvelle caisse des consignations et dépôts. Les articles sont mis aux voix et adoptés comme il suit :

TITRE X.

De l'organisation et de la dotation de la caisse d'amortissement.

Art. 90. « La caisse d'amortissement, actuellement existante, sera liquidée. Les sommes dont elle est débitrice passeront à la charge du Trésor, qui sera tenu de rembourser les capitaux et de payer les intérêts, dans les cas et aux époques où il y aura lieu auxdits remboursements et payements.

Art. 91. « Il sera créé une nouvelle caisse d'amortissement, qui sera surveillée par six commissaires.

«La commission de surveillance sera composée d'un pair de France, président, de deux membres de la Chambre des députés, de celui des trois présidents de la cour des comptes qui sera désigné par le Roi, du gouverneur de la Banque de France, et du président de la chambre de commerce de Paris.

« Les nominations du pair de France et des deux membres de la Chambre des députés seront faites par le Roi sur une liste de trois candidats présentés par la Chambre des pairs et de six candidats présentés par la Chambre des députés.

« Les nominations seront faites pour trois ans. « Les membres sortant seront rééligibles. >>

Art. 92. «La caisse d'amortissement sera dirigée et administrée par un directeur général, auquel il pourra être adjoint un sous-directeur. »>

« Il y aura un caissier responsable. »

Art. 93. « Le directeur général, le sous-directeur et le caissier, seront nommés par le Roi. Les traitements du directeur général, du sous-directeur et du caissier, seront fixés par le Roi, sur la proposition de la commission de surveillance. »

Art. 94. Le directeur général sera responsable de la gestion et du détournement des deniers de la caisse, s'il y a contribué ou consenti.

« Il ne pourra être révoqué que sur une demande motivée de la commission de surveillance, directement adressée au Roi, »>

Art. 95. « Le caissier sera responsable du maniement des deniers. Il fournira un cautionnement dont le montant sera réglé par une ordonnance du Roi, sur la proposition de la commission. »

Art. 96. « Le revenu des postes est exclusivement et immuablement attribué à la caisse d'amortissement.

« Ce revenu sera versé par douzième de mois en mois à ladite caisse. Si le produit de chaque mois ne s'élève pas au douzième de 14 millions, la différence sera payée par le Trésor, dans les quinze premiers jours du mois suivant.

« Le caissier de l'administration des postes ne sera valablement libéré des sommes qu'il aura dù verser à la caisse d'amortissement, que par un récépissé du caissier de cette caisse, »>

A l'article 97, M. le président rappelle les amendements et propositions de MM. Richard, de Pommeuse et Benoist.

M. Corbière pense que ces amendements doivent être écartés pour le moment; au moins le principe invoqué par M. Benoist a été autant que possible suivi par la commission; elle propose un fonds de 20 millions qui doit agir sur une dette dont l'intérêt annuel serait de 5 millions. La proportion de 1 p. 0/0 du capital ou du cinquième de l'intérêt est donc gardée il y a plus, la Chambre n'ayant rendu que facultative la consolidation de l'arriéré, il est à présumer que cette consolidation ne sera pas totale, ou qu'elle sera plus lente qu'elle ne l'eût été si le premier avis de la commission eût été adopté. En outre, le fonds annuel de 20 millions sera donné à la caisse, et elle n'aura à agir que sur huit mois de l'année : c'est un tiers de valeur de plus donné pour cette année au fonds qui lui est consacré.

La Chambre accorde unanimement la priorité au projet de la commission, et adopte les articles suivants :

Art. 97. « Il sera versé, en outre, dans la première

quinzaine de chaque mois, par le trésor royal, à la caisse d'amortissement, une somme de 500,000 francs. »

Art. 98. « Les versements à faire en vertu des deux articles ci-dessus, auront lieu par huitième à compter du 1er mai 1816. »

Art. 99. « A mesure que lesdites sommes seront versées dans la caisse d'amortissement, l'emploi en sera fait en achats de rentes sur le grand-livre de la dette publique.

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Art. 100. « Les sommes qui rentreront par le payement des semestres, seront également et immédiatement employées en achats de rentes. »

Art. 101. « Les rentes acquises par la caisse, au moyen 1o des sommes affectées à sa dotation; 20 des arrérages desdites sommes, seront immobilisées, et ne pourront, dans aucun cas ni sous aucun prétexte, être vendues ni mise en circulation, à peine de faux et autres peines de droit contre tous vendeurs et acheteurs. «Lesdites rentes seront annulées aux époques et pour la quotité qui seront déterminées par une loi. »

Art. 102. « La caisse d'amortissement ne pourra recevoir aucun dépôt ni consignation de quelque espèce que ce soit. >>>

(Ici trouvent leurs places les dispositions présentées par M. le commissaire du Roi, Portal. Voyez plus haut.)

Art. 104. « Tous les trois mois, les commissaires surveillants entendront le compte qui leur sera rendu de la situation de cet établissement. Ce compte sera rendu public.

« Ils vérifieront, toutes les fois qu'ils le jugeront utile, et au moins une fois par mois, l'état de la caisse, la bonne tenue des écritures, et tous les détails administratifs. »

Art. 105. « La commission fera passer au directeur général les observations qu'elle jugera convenables, et qui cependant ne seront point obligatoires pour lui. » Art. 106. A la session annuelle des Chambres des pairs et des deputés, le pair de France comme commissaire du Roi, au nom de la commission, et en présence du directeur général, fera un rapport aux deux Chambres sur la direction morale et sur la situation matérielle de cet établissement.

« Ce rapport et les tableaux dont il pourra être accompagné seront rendus publics. »

Art. 107. « il ne pourra, dans aucun cas ni sous aucun prétexte, être porté atteinte à la dotation de la caisse d'amortissement. Cet établissement est placé de la manière la plus spéciale sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative.

M. le Président lit l'article 108 ainsi conçu : Art. 108. « La condition mise par la loi du 5 décembre 1814, à la restitution des biens provenant d'émigrés, qui ont été cédés à la caisse d'amortissement, est revoquée. Ces biens seront rendus aux propriétaires, lorsqu'ils auront rempli les formalités prescrites par cette Joi.

« A l'égard des biens à restituer qui consisteraient en domaines engagés, la loi du 11 pluviose an XII, et le paragraphe second de l'article 15 de celle du 14 ventôse an VII, sont rapportées. Les possesseurs réintégrés ne seront assujettis qu'à l'exécution des autres dispositions de cette dernière loi.

«La présente disposition sera commune à tous les engagistes. »

M. Piet réclame la parole pour une observation importante dans l'intérêt des émigrés qui étaient engagistes et ceux des domaines de la couronne.

Il demande une explication sur le second paragrahe de l'article, et sur le précédent qui, se référant à plusieurs lois, ont besoin, pour être compris, que l'on sache ce que c'était que le domaine de la couronne, la condition qui renfermait une aliénation de partie de ce domaine, condition annoncée par ce mot seul engagement; entin, quel était l'état de la législation ancienne et nouvelle à l'égard des domaines engagés.

Après avoir parcouru rapidement ces trois

vrer son domaine avec tous les droits attachés à cette espèce de propriété lors de la confiscation. Mais il observe que la restitution ne doit pas s'étendre jusqu'à donner à l'engagiste des dr plus grands et surtout des droits préjudiciabi à ceux du domaine de la couronne.

L'article 107, tel qu'il est rédigé, ferait éprouver ce préjudice, si la rédaction proposée était auoptée par la Chambre.

A la place de cette rédaction, M. Piet demande que la dernière phrase du deuxième paragraphe de l'article 107 soit ainsi rédigée :

« Les engagistes réintégrés dans leurs domai«nes n'en obtiendront la possession et la pro« priété qu'au même titre et sous la condition al« tachée à la nature de l'ancien engagement. »

Par cette disposition, dit l'opinant, justice e faite à l'émigré. Cette justice est entière, car recouvre intégralement tout ce qu'il a perdu par la confiscation. L'obstacle qui s'opposait à la re titution par l'affectation des biens à la caisse d'amortissement est levé.

D'autre part, le droit appartenant au domaine de la couronne, droit sacré, droit que les Etats généraux avaient réclamé, qu'une législation 22: avait établie, ce droit sera respecté.

L'orateur s'attache à démontrer l'importance de ce droit, inhérent en quelque sorte a la mǝnarchie elle-même, que les domaines de la cooronne ont consolidé pendant tant de siècles, et fait valoir la force du contrat d'engagement, I a térêt de l'Etat, les deux législations ancienne et nouvelle, enfin la raison tirée de la nécessite de conserver des bois d'une étendu de 300 arpents et au-dessus, raison qui seule a détermine le deuxième paragraphe de l'article 15 de la foi du 14 ventose an VII et des dispositions postérieures.

M. Piet termine en disant que le Roi ne pat être privé de la faculté réservée expressément far l'engagement de racheter, quand il sera possibe de le faire, les domaines de la couronne qu. n'ont été aliénés que sous cette condition.

M. le baron Favard (1). Messieurs, permettez-moi de vous soumettre quelques observations sur l'article 107 (2) du projet de votre commis sion des finances, relatif à la restitution des biens non vendus des émigrés comme membre de la commission qui avait été chargée de faire cele restitution, je me fais un devoir de vous rendre compte des entraves que lui ont fait éprouve? les lois dont on vous propose de rapporter cer taines dispositions.

La loi du 5 décembre 1814 a ordonné que les biens invendus des émigrés leur seraient resttués.

Cette loi est un grand acte justice; mais il faut le dire, il est resté imparfait contre les intentions qui l'ont fait rendre.

(1) Le discours de M. Favard est incomplet an Moniteur.

(2) Art. 107. « La condition mise par la loi du 5 4 << cembre 1814, à la restitution des biens provenant « d'émigrés qui ont été cédes à la caisse d'amortisse«ment, est revoquée. Ces biens seront rendus aux propriétaires, lorsqu'ils auront rempli les formals prescrites par la loi.

A l'égard des biens à restituer, qui consistere « en domaines engagés, la loi du 11 pluviose __ in Vil << et l'article 15 de celle du 14 ventose an VII

« rapportes. Les possesseurs réintegres ne ser at a

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« sujettis qu'a l'exécution des autres dispositions de cette dernière loi.

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La présente disposition sera commune à tous les

D'abord, pour ne pas porter atteinte aux droits, dont se trouvaient grevés les biens d'émigrés qui avaient été cédés à la caisse d'amortissement, la loi du 5 décembre 1814 a ordonné qu'ils ne seraient restitués à leurs anciens propriétaires que lorsqu'il aurait été pourvu à leur remplace

ment.

Ces biens sont évalués, dans le rapport du ministre des finances, à un capital de 4 millions. Le remplacement prescrit par la loi n'ayant pu s'opérer dans les circonstances fâcheuses qui ont pesé sur la France, il en résulte qu'une foule de familles malheureuses ne jouissent pas encore de leurs propriétés; mais le Roi, dont la sollicitude paternelle s'affligeait de ce retard, s'est empressé de profiter de la nouvelle organisation de la caisse d'amortissement, pour le faire cesser en vous proposant d'ordonner que les biens en question seraient immédiatement restitués.

Le ministre des finances vous a dit à cette tribune que les créanciers de la caisse d'amortissement ne pourraient pas se plaindre de la remise de ces biens, parce qu'on avait eu soin de les remplacer dans le budget par un capital équivalent à leur valeur réelle (1).

Ainsi la première partie de l'article 107, qui révoque la condition mise par la loi de 1814 à la restitution des biens des émigrés, cédés à la caisse d'amortissement, ne peut présenter aucune difficulté, puisque cette condition se trouve remplie par le budget.

Mais la seconde partie de cet article, qui est un amendement proposé par votre commission, exige peut-être quelques développements; il a pour objet de lever l'obstacle qui empêche plusieurs émigrés de jouir pleinement de la restitution qui leur a été faite, en vertu de la loi de 1814, parce que les biens à eux restitués sont des bois au-dessus de 150 hectares réunis au domaine de l'Etat par la loi du 11 pluviose an XII, dont le rapport vous est demandé.

Des bois de cette nature se trouvant aussi dans les biens cédés à la caisse d'amortissement, il est nécessaire, et pour les restitutions déjà faites, et pour celles qui auront lieu en vertu de la nouvelle loi, et enfin pour tous autres engagistes de bois au-dessus de 150 hectares, de régulariser une législation qui ne saurait s'accorder avec les principes de justice qui caractérisent notre gouver

nement.

Pour bien apprécier les réformes proposées, il est indispensable d'analyser les lois auxquelles il s'agit de les appliquer, et de donner une idée de l'esprit qui les a dictées.

Une quantité prodigieuse des domaines de l'Etat avait été aliénée sous les règnes de nos rois. La Révolution survint, et, dans le désordre des finances, qu'elle accrut d'une manière si désastreuse, les hommes qui gouvernaient alors crurent apercevoir un moyen de salut dans la réunion au domaine de ces portions aliénées, et dans le produit de leur vente.

Plusieurs lois ordonnèrent cette réunion; mais avec toute la rigueur des opinions qui dominaient alors, nulle justice dans les remboursements à faire aux engagistes; nul égard pour des possessions anciennes, et dont le revenu avait servi à l'établissement des familles; nul égard pour les services qui avaient mérité ces concessions; le fisc dépouilla une partie des engagistes, sans les

(1) Observations faites par le ministre sur les lois des 23 septembre et 5 décembre 1811 dans la séance du 16 mars.

T. XVI.

indemniser, ou les ruina par l'effet de ses liquidations.

Cependant le plus grand nombre était resté en possession.

Les vues du gouvernement se portèrent de nouyeau sur les ressources que présentait cette sorte de bien; on venait de sortir de l'abîme du papiermonnaie, et des besoins urgents réclamèrent de nouveaux moyens.

Mais l'effervescence des premières crises était passée; on sentit, presque généralement, la nécessité d'être juste, et on chercha les moyens de concilier les intérêts des engagistes avec les besoins de l'Etat.

La loi du 14 ventôse an VII fut la transaction qui fit passer de l'état de possesseurs précaires à celui de propriétaires incommutables, les détenteurs de domaines engagés.

Elle sera dans tous les temps une époque mémorable;

Parce que, d'une part, elle fixe le sort de familles dont beaucoup ne tenaient leur existence que de cette sorte de propriété, et que, de l'autre, elle a changé irrévocablement l'ancienne législation sur l'inaliénabilité du domaine de l'Etat, législation qui ne peut plus exister dans nos moeurs, depuis que nos finances ont pourvu à tous nos besoins, et que les anciennes exceptions avaient déjà fait tomber en désuétude.

La seule obligation que la loi du 14 ventôse an VII a imposée aux engagistes, a été de payer le quart de la valeur estimative des biens.

Ainsi, tout a été consommé pour ceux qui y ont été admis.

Mais le deuxième paragraphe de l'article 15 de cette même loi, excepte de l'avantage de devenir propriétaires incommutables, en payant le quart, les engagistes des forêts au-dessus de 150 hectares.

Et le même article porte qu'il sera statué définitivement sur cet objet par une loi particulière.

Près de cinq ans se sont écoulés sans que cette loi soit intervenue.

Enfin, la loi du 11 pluviôse an XII a paru; mais quel a dû être l'étonnement des détenteurs de forêts au-dessus de 150 hectares, quand ils ont comparé les avantages que la loi du 14 ventôse an VII accordait aux engagistes de bois au-dessous de cette contenance, avec le dépouillement total que celle de l'an XII opérait sur eux-mêmes?

En effet, cette dernière loi, en réunissant au domaine tous les bois au-dessus de 150 hectares, ne laissait aux engagistes que la ressource ruineuse d'un remboursement (en rentes sur l'Etat) des quittances de finances, et des améliorations qu'ils avaient faites.

Quel était donc le motif d'un tel changement dans le sort de détenteurs dont la condition est la même? Nous le trouvons dans le rapport qui fut fait au Corps législatif à cette époque, là conservation des forêts et l'accroissement des revenus forestiers.

Ce motif était séduisant, mais on n'en violait pas moins les principes de la justice distributive.

Les bois au-dessous de 150 hectares, cédés par la loi du 4 ventôse, étaient dans une proportion immense en comparaison de ceux au-dessus; et le but qu'on se proposait était manqué entière

ment.

Aussi la loi du 11 pluviose an XII, présentée dans le temps au Tribunat, fut rejetée comme étant en contradiction avec l'esprit de justice qui

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avait dirigé celle 14 ventôse an VII; elle ne fut adoptée par le Corps législatif qu'à une faible majorité.

Ces circonstances vous prouvent, Messieurs, qu'à cette époque, la loi de l'an XII était déjà repoussée par les hommes qui en appréciaient les conséquences.

Je dois cependant convenir qu'en dépouillant ces engagistes, le gouvernement sentit la nécessité de respecter le caractère de la possession.

L'article 8 de la loi porte que, jusqu'au remboursement complet des sommes revenant à l'engagiste, d'après la liquidation qu'elle ordonne, il recevra les trois quarts du produit des coupes de bois.

J'appelle, Messieurs, votre attention sur cette disposition d'une part, elle réserve au gouvernement le quart du revenu, et en cela elle rentre dans les principes de la loi du 14 ventose an VII, qui ne demande au détenteur des portions de bois au-dessous de 150 hectares que le quart de la valeur, pour devenir propriétaire incommutable.

De l'autre part, elle réunit la propriété au domaine, et ne promet aux détenteurs qu'un remboursement qui leur serait très-nuisible.

Ce mode de remboursement a paru si injuste dans application qu'on a essayé d'en faire, qu'il ne s'est opéré aucune espèce de liquidation; la loi du 11 pluviose an Xil n'a été exécutée jusqu'à présent que dans la réunion au domaine des bois au-dessus de 150 hectares, et dans la jouissance du quart du revenu d'iceux, en faveur de l'Etat.

Si le dernier gouvernement n'a pas osé opérer la spoliation qui résulterait, pour certains engagistes, de l'exécution de cette loi, peut-on aujourd'hui la conserver? Pourquoi l'engagiste de bois au-dessous de 150 hectares serait-il mieux traité que l'engagiste de bois au-dessus de cette contenance? Le titre de l'un et de l'autre avant la même origine, n'est-il pas juste de donner à chacun le meine effet, en faisant jouir tous les deux du bienfait accordé par la loi du 14 ventose an VII? Convient-il que l'un puisse conserver sa propriété, en payant le quart de sa valeur, et que l'autre soit non-seulement dépouillé de la sienne, mais qu'il soit encore obligé de recevoir en rentes sur l'Etat le montant des indemnités qui peuvent lui être dues?

Tel serait cependant le sort des engagistes de bis au-dessous de 150 hectares, et notamment des émigrés auxquels des bois de cette nature ont été ou seront restitués, si la loi de l'an XII était mai atenue. Il est digne de l'Assemblée de provoquer le rapport d'une pareille loi.

En adoptant, Messieurs, une mesure aussi sage, vous readrez commune à tous les engagistes la loi du mois de ventôse an VII; vous consoliderez dans la main des engagistes de bois au-dessus de 150 hectares des propriétés incertaines; vous procurerez au Trésor le quart de la valeur de ces propriétés; vous les ferez entin rentrer dans la circulation pour être assujetties à la contribution foncière et aux droits de mutation. Tous ces avantages ne sont-ils pas fort au-dessus de ceux qui pourraient résulter de l'exécution de la loi de pluviose an XII, dont l'injustice ne saurait être plus évidente?

Je vote pour l'adoption de l'article 107 du projet de la commission.

Cet article est unanimement adopté. La Chambre ordonne l'impression du discours de M. Favard.

On allait délibérer sur le titre X du crédit sup

nies de M. le président et de M. le rapporteur, la Chambre remet la discussion de ce titre au mɔmer: où elle aura statué sur la balance générale des recettes et dépenses, d'après les modificati adoptées sur les diverses parties du budget.

M. le comte de La Bourdonnaye obtient la parole pour une proposition additionnelle.

Messieurs, indépendamment des impts in 1.rects perçus en vertu des lois, et qui font part des revenus de l'Etat, il en est qu'un abus ius ou moins ancien semble avoir autorisés. et 95° l'application de leurs produits à des dépenses g il n'est point rendu compte, soustrait à votre exa

men.

C'est dans ces ressources particulières que la police trouve ces moyens de surveillance et d influence secrète qui rendent sa puissance si ut ou si redoutable, suivant l'usage qu'elle en fait, ou pour le bien de l'Etat, ou à l'avantage d'use faction.

C'est avec ces fonds considérables que les ministres de l'usurpateur soudoyaient dans toute l'Europe cette foule d'agents et de sicaires toujours prêts à exécuter les actes audacieux de a volonté.

C'est avec ces fonds qu'ils entretenaient es nombreux espions qui, sous toutes les formes pri sous tous les masques, s'introduisaient dans les salons comme dans les tavernes, dans les prom nades publiques comme dans les retraites les pus ignorées.

C'est avec ces fonds qu'ils étaient parvenus découvrir, à déjouer toutes les conjurations, a faire livrer tous les conspirateurs, et à consider un trône odieux à la majorité de la nation que des événements extraordinaires et le cone us miraculeux de toutes les puissances de 1 Eureont pu seuls renverser.

Cependant ces impôts, dont les produits as rent presque seuls le service du ministere de 12 police générale, ne pourraient plus être preleva si, par des dispositions précises, vous n'en ante risiez pas la perception. L'article 27 de votre baz get s'y opposerait.

Je viens, Messieurs, vous les faire connaître, el vous proposer de régulariser ceux que vous jaz rez convenable de conserver, afin que, sous i pire des lois, il n'existe aucun impôt qui ne sol consenti par le pouvoir législatif; et que <1 'z raison d'Etat exige que le produit en soit employ sans rendre compte, la France sache du mons quelles ressources les deux Chambres mettet a la disposition du ministre de la police, pour a surer la tranquillité publique et la securite 34

citoyens.

Alors tous les bons esprits pourront faire un rapprochement entre les moyens contiés à la po lice et les succès qui en sont le resultat, et uz! avec connaissance de cause.

C'est en se rappelant que les mêmes moye placés dans les mains d'un ministre devoue a l'usurpateur, ont suffi pour entretenir des agents très-actifs dans toute l'Europe, maintenir u obéissance passive dans un empire beaucoup pus étendu que la France, et dans lequel des passif et des souvenirs de toute nature n'étaient ps moins difficiles à contenir que ceux d'amour"br, que l'on trouvera, sinon des motifs de securi pour l'avenir, du moins la certitude que la severna économie portée par la Chambre dans toutes le autres parties de l'administration ne s'est port étendue sur tout ce qui tient à la police et a À sûreté du royaume.

est celui que l'on connait sous le nom de ferme des jeux.

Institution immorale, sans doute, mais que la prudence et la politique doivent maintenir dans un grand Etat, et qu'il est nécessaire de surveiller pour lui ôter une partie de ses graves inconvénients.

La ferme des jeux est un privilége accordé à un entrepreneur d'établir dans toute la France, sur les points les plus fréquentés par les étrangers et les oisifs, des maisons de jeu dans lesquelles la surveillance de la police et la présence du public ne laissent que le danger inévitable des chances de la fortune, des faux calculs et de l'imprudence, et garantissent des piéges bien plus redoutables que l'adresse et la mauvaise foi tendraient à la jeunesse et à l'inexpérience dans des réunions secrètes.

Cet impôt mis sur le désœuvrement et la cupidité des joueurs se compose d'une somme fixe et annuelle et d'une portion dans les bénéfices éventuels.

Cette portion dans les bénéfices du jeu me paraît devoir être changée en une somme fixe. Il semble trop immoral que la police, qui doit tendre constamment à prévenir les abus, ait un intérêt à les étendre et qu'elle soit à la fois juge et partie dans une matière où elle prononce en dernier

ressort.

Les plaintes scandaleuses qui se sont élevées contre le sieur Bernard, fermier des jeux. (Quelques murmures s'élèvent. Plusieurs voix :

Ecoutez, écoutez.....) plaintes sur lesquelles il n'a pas encore été statué, malgré leur publicité, ne justifient que trop mon assertion et doivent faire désirer davantage qu'on prenne cet objet en considération.

En outre, est-il convenable de laisser dans le vague de l'incertitude une portion aussi considérable des revenus de l'Etat, qui ne peut être connue que du seul ministre de la police, et dans laquelle les agents de Buonaparte ont trouvé la source de ces fortunes scandaleuses qui ont révolté jusqu'à leurs partisans?

Il serait, sous tous les rapports, beaucoup plus convenable que le prix du bail fut augmenté, et que la police se trouvât sans intérêt dans les profits de la banque des jeux.

Le second de ces impôts est celui qui se prélève sur les voitures et cabriolets de place de la ville de Paris.

Cet impôt, assez onéreux aux entrepreneurs, peut paraître injuste au premier aperçu. On ne conçoit pas d'abord pourquoi ces hommes, déjà soumis au droit de patente, supportent encore de nouvelles charges.

Mais vous remarquerez, Messieurs, qu'une police très-sévère doit contenir des hommes exigeants et souvent immoraux, auxquels la nécessité force de confier chaque jour des êtres faibles ou des étrangers qu'il est si facile de surprendre, d'intimider ou mème d'entraîner dans les lieux dangereux, en abusant de leur ignorance des localités ou de l'obscurité de la nuit.

Il semble assez naturel de soumettre à un impôt destiné par sa nature à salarier les agents de

veillance aussi active.

Dans l'intérêt même des propriétaires de ces voitures, il importe qu'il ne soit pas libre à chacun de concourir à cette nature d'entreprise. Leur nombre, porté au delà des besoins, nuirait à tous. Il est naturel de le fixer. Cette fixation détermine la quotité de leurs bénéfices; il est juste qu'ils

en cèdent une portion pour s'assurer le reste. On peut appliquer les mêmes raisonnements à un autre impôt mis sur une classe d'êtres dégradés et corrompus (De nouveaux murmures interrompent.) dont l'existence est un mal nécessaire des grandes villes et l'objet d'une surveillance qui ne peut être trop active.

Il me reste à vous entretenir, Messieurs, d'un dernier impôt d'autant plus odieux qu'il est plus récemment établi, et qu'on n'y est pas familiarisé par l'habitude. Je veux parler d'une imposition de 1 centime par feuille, d'impression mise arbitrairement sur les journaux.

Son origine remonte à l'époque où Buonaparte, pour diriger plus aisément l'opinion publique et faciliter la surveillance des journaux, en réduisit le nombre à quatre.

Il crut devoir indemniser les propriétaires des feuilles supprimées. Sans lois, sans décrets, il exigea cet impôt, et en affecta le produit à cette destination.

L'accroissement du nombre des souscripteurs aux journaux maintenus dédommagea les entrepreneurs de ce surcroît de dépense.

Mais le 21 octobre 1814, la loi sur la liberté de la presse changea cet état de choses. Elle voulut qu'aucune feuille périodique ne parût sans l'autorisation du Roi.

Par cette disposition le nombre n'en fut plus déterminé. Le motif pour lequel l'impôt avait été établi ne subsiste plus. L'avantage que retiraient les propriétaires des journaux conservés a disparu avec leurs priviléges, leurs frais seuls sont restés. Le prix des abonnements s'est accru, le nombre des souscripteurs a généralement diminué dans la même proportion.

Le trésor public en a souffert, parce que le droit de timbre légal, fixé à 4 centimes 1/2 par feuille d'impression des journaux, a considérablement diminué, et l'intérêt public a été sacrifié à l'intérêt de la police.

Si du moins cette portion de l'impôt était employée au service de l'Etat, le mal serait moindre. Il n'en est point ainsi.

Une partie des fonds qui en proviennent est employée à donner des primes d'encouragement aux propriétaires des journaux que le ministre de la police favorise. Et quand on sait que ce sont le Journal général, les Annales politiques et littéraires, le Journal des maires qui obtiennent cet avantage, on devine assez quel genre d'intérêts ils peuvent inspirer au ministre.

Une autre portion de cet impôt sert à payer les censeurs établis par la police près de chaque journal.

Cet établissement tout nouveau, et qui a pour but d'ôter toute espèce de liberté aux rédacteurs des feuilles publiques, est entièrement opposé à l'esprit de la Charte et de la loi sur la liberté de la presse.

Cette loi soumettait les journaux à l'autorisation royale, mais elle ne les astreignait pas à insérer les articles rédigés par des censeurs; elle ne leur défendait pas d'exprimer des opinions sur tout ce qui est soumis à la discussion publique de la Chambre.

En un mot, la loi avait pourvu à ce que les journalistes ne pussent entretenir un esprit de faction en France; mais elle n'en avait pas voulu faire une arme entre les mains d'un agent de l'autorité. La loi du 21 octobre 1814 avait confié l'inspection de la liberté de la presse à un directeur de la librairie; le législateur s'était bien gardé de remettre ce pouvoir entre les mains d'un

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