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Un grand coupable vient de satisfaire, en tombant, au juste ressentiment et aux douleurs de la France.

Toutefois, Messieurs, cet acte mémorable de justice nationale, que le gouvernement consacre, est loin d'être entièrement consommé. Il reste des traîtres à punir.

Et si la justice des hommes pouvait toujours, dans sa marche, suivre la loi d'une distribution régulière, peut-être d'autres têtes eussent été frappées avant celles de Labédoyère et de Ney.

Il est d'autres hommes, sans doute, dont l'impunité est encore le scandale des lois, l'espoir des factieux, la terreur des amis de la patrie; et c'est à vous, Messieurs de la Chambre des députés, qu'il appartient incontestablement aujourd'hui de les désigner.

La sagesse du meilleur des rois, d'accord avec sa bonté paternelle, d'accord avec l'unanime vœu des Français, vous attribua solennellement le droit, vous confia expressément le soin d'assister et d'éclairer sa royale sollicitude dans la recherche des auteurs et des complices de l'irréparable attentat que la France déplore.

Hatez-vous donc, Messieurs, de remplir ce triste et rigoureux devoir, grand et spécial objet de votre mission.

Les habitants des Bouches-du-Rhône, témoins et particulièrement victimes de la trahison la plus lâchement méditée et la plus longuement soutenue qui apparaisse parmi cette multitude effrayante de trahisons, viennent vous conjurer de prendre en main leur cause et celle de la France.

Ils vous conjurent par tout ce qu'il y a de solennel et d'auguste dans vos fonctions, par le doux espoir de la publique paix, qui doit être le fruit de vos travaux, de signaler à la haine de la France, au mépris de l'Europe et à la réprobation de la postérité, le gouverneur de la 8e division militaire, en mars dernier.

Une masse accablante de faits irrécusables et de circonstances qui sont de notoriété publique, établit inévitablement l'évidence de son crime, et prouve que ce vieux guerrier (né sur un sol qui n'était pas celui de la France); ce guerrier, dont les rapines si fameuses avaient flétri tous les exploits (Murmures), s'est rendu coupable de la trahison la plus lâchement méditée, et la plus longaement soutenue parmi cette multitude effrayante de trahisons.

Il est constant, en effet, qu'à la nouvelle du débarquement de Buonaparte, parvenue à Marseille dans la journée du 3 mars, Masséna demeura seul immobile au milieu de l'agitation générale que pendant deux jours il lutta opiniatrement contre l'ardeur effervescente de la garde nationale et du peuple marseillais, entourant sa demeure et demandant à grands cris l'ordre de courir aux armes ; qu'il mit en œuvre toutes les ressources de son habileté pour créer des obstacles, pour convaincre les habitants de Marseille de l'inutilité de leurs efforts. « Soyez sans inquiétude, leur disait-il, j'ai pris toutes les disposi'ions nécessaires pour arrêter Buonaparte. » Il est constant que le 83 régiment, parti pour aller en apparence rompre le pont de Sisteron (1), marchant par simples journées d'étape, séjour

(1) Chacun sait que le pont de Sisteron, sur lequel on pourrait à peine passer deux de front, aurait été suffisamment défendu par trente ou quarante hommes, et qu'on pouvait le détruire en cinq minutes.

nant à Aire, et suivant la route longue et tor tueuse qui lui avait été tracée, perdit en chemi tout le temps qui était nécessaire pour observe le libre passage de l'usurpateur.

Il est constant que ce ne fut que dans l journée du 6, que le gouverneur, pressé par la voix menaçante du peuple, par l'orage que d justes soupçons formaient sur sa tête, consentità laisser partir un bataillon de six cents homme de la garde nationale, répétant toujours : « Allez mais c'est inutile, j'ai tout prévu. »

Masséna assurait avoir donné des ordres, avoi pris toutes les mesures que les conjonctures com portaient; mais il est constant, Messieurs, qu'i n'avait rien fait, non, rien, de ce que lui prescrivait si impérieusement son devoir, et de c que lui permettaient les immenses ressource qu'il avait à sa disposition.

La criminelle inertie de Masséna est donc évi demment la première et la plus remarquabl cause des funestes succès, depuis lors, de l'usurpateur.

Et remarquez bien, Messieurs, que pendan trois jours Masséna reste inébranlablement étran ger à tout ce qui se fait, à tout ce qui se prépar autour de lui, qu'il ne prend aucune part à un foule d'actes particuliers et de mesures locale dans lesquels sa qualité de gouverneur lui com mandait d'intervenir; remarquez que ce consen tement qui lui est arraché, après tant de refus n'est qu'une concession de sa frayeur à l'indigna tion publique.

Et cette conduite, Messieurs, va s'explique aisément.

Mille preuves frappantes, mille circonstance diverses, gravées en traits ineffaçables dans l mémoire des Marseillais, et du reste des habi tants des Bouches-du-Rhône, prouvent, attesten invinciblement les relations bien antérieures d Masséna avec l'ile d'Elbe.

Il est de notoriété publique que plus d'ur mois avant le 3 mars, les émissaires de Buona parte, sortis de l'ile d'Elbe à la faveur des congés inilitaires, circulaient dans la ville de Marseille et sous la protection ténébreuse des chefs mili taires, pénétrant jusque dans les casernes, tra vaillaient l'esprit des troupes, et semaient le germes empoisonnés d'une révolte prochaine.

Il est certain que Masséna a dépêché son aid de camp Roux à Buonaparte dans l'intervall du 3 au 10 mars; tout comme il est reconnu qu l'épouse du maréchal dina chez Buonaparte troisième jour de l'arrivée de ce dernier à Paris De tous ces faits, de toutes ces circonstance choisies parmi tant d'autres, dans l'impossibilit de les toutes énumérer, il résulte, Messieurs, ave une pleine évidence, que le maréchal Masséna complétement manqué à tous ses devoirs enver le prince et la patrie, qu'il les a lâchement trahi tous deux autant qu'il était en lui de le faire.

Il résulte que Masséna peut, à juste titre, êtr considéré comme coupable de toutes les trahison que la sienne a précédées et nécessairement dé terminées; et que tout son sang répandu, sa mé moire flétrie, n'expieront jamais que bien impar faitement un si vaste et si exécrable forfait.

En effet, Messieurs, et vous ne le perdrez pa de vue, la trahison de Masséna, s'isolant de toute les autres par le fait de són antériorité absolue lui appartient uniquement et tout entière: o ne pourra jamais dire qu'elle fut, comme quel ques autres, le produit malheureux de l'entraî nement universel et de la force des choses. Non

et volontaire d'une âme tranquille et en pleine puissance d'elle-même. Le premier de tous Masséna a trahi... Sa trahison était arrêtée au fond de son âme quand la France entière ne comptait encore que des soldats soumis et des sujets fidèles.

Si sa trahison n'avait pas été dès longtemps avant convenue avec lui-même; si son parti n'avait pas été irrévocablement pris, et sa parole engagée à l'usurpateur, aurait-il pu résister aux témoignages touchants de la noble confiance du duc d'Angoulême? Eh quoi! Messieurs, il vient ce prince, modèle de si rares vertus, il tend sa main à ce barbare; et ni la majesté du sang royal, ni ce trop généreux abandon d'un prince incapable d'imaginer tant de déloyauté, ni les larmes enfin et les vœux de toute une cité fidèle, ne peuvent faire sentir à Masséna la pointe pénétrante du remords... Il persiste et c'est avec de telles circonstances, c'est en pressant contre ses lèvres parjures la main du duc d'Angoulême, qu'il combine froidement son détestable complot.

Il le consomme...; et après avoir encore entravé de tout son pouvoir l'organisation des corps francs et des bataillons d'élite, il se hâte d'aller dans Toulon proclamer pompeusement son infamie.

Ici, Messieurs, ses aveux et ses actes imprimés, ses proclamations viennent continuer et confirmer d'une manière accablante notre accusation contre lui.

C'est là, c'est dans Toulon, qu'il ose proclamer Napoleon le souverain le plus légitime qui fùt jamais!... Lui, ce Masséna, qui jurait, un mois avant, de verser jusqu'à la dernière goutte de son sang pour défendre le trône de Louis XVIII!

C'est là qu'il promène triomphalement dans un char, et à la face de dix mille spectateurs confondus de surprise, le buste de l'usurpateur.

C'est là qu'il honore de ses dénonciations le préfet et le maire de Marseille.

C'est là qu'il écrit au préfet que « si dès le lendemain le pavillon tricolore n'est pas généralement arboré, il marchera avec de l'artillerie et suffisamment de troupes pour soumettre la seule ville de l'empire qui se refuse, dit-il, aux vœux de la nation, et à reconnaître le souverain que la France a choisi, le grand Napoléon. »

C'est de là enfin qu'il fait à Napoléon ce rapport si connu, dont la première phrase contient une excuse du retard apporté à l'exécution des ordres qu'il avait reçus, phrase étincelante de vérité, pour prouver l'existence, très-antérieure au débarquement fatal, de ses intelligences avec Buonaparte et à l'ile d'Elbe. Tout les atteste dans ce rapport; il cite le compte rendu d'une foule de mesures combinées avec une parfaite tranquillité, et exécutées avec une rare exactitude.

Votre prudence, Messieurs, appréciera de nouveau toutes les preuves résultantes de ces pièces authentiques.

Masséna pourrait-il donc espérer d'échapper à la conviction qui le presse de toutes parts avec tant de force!..... Osera-t-il entreprendre de se justifier?

Non sans doute; et s'il l'osait nous lui demanderions :

Quand Buonaparte pesait encore sur la France de toute l'immensité de sa tyrannie, si un Bourbon fût venu débarquer sur le rivage de la Provence, dites, auriez-vous donc trouvé si difficile de le repousser? n'auriez-vous pas en un instant dissipé tous les obstacles? et pour vous-même marcher à la tête de vos soldats, n'auriez-vous

pas retrouvé un moment toute la force et toute l'ardeur de vos jeunes années ?

Auriez-vous par de lâches mensonges et d'infâmes stratagèmes réprimé leur ardeur et paralysé leur énergie?

Auriez-vous enfin passé ces trois jours d'où dépendait le salut de l'Etat, dans la plus complète inertie?

Ah! renoncez, renoncez du moins à l'espoir audacieux de tromper la justice du Roi, quand votre trahison est manifeste, quand par tant de preuves accumulées, elle éclata dans les murs de la fidèle Marseille !... Quelles que soient la souplesse de votre génie et l'habileté de vos calculs, elles doivent céder ici, n'en doutez pas, au suprême et terrible ascendant de la vérité. Vous vous empresserez, Messieurs, nous n'en doutons pas, de seconder de toute l'autorité de vos augustes fonctions et de toute l'énergie de votre caractère, le vœu d'une province fidèle, et la France avec elle.

Ah! dans ces jours de rigoureuse expiation et de représailles inattendues, quand la patrie humiliée se voit presque réduite à cacher ses nombreuses plaies sous des lambeaux quand nous demeurons tous écrasés sous le poids des misères publiques, quel homme, quel citoyen sans patriotisme et sans courage à l'aspect de tant de maux, oserait être contraire au vou de notre profonde autant que juste indignation?

Quel perfide apologiste du pardon et de la clémence illimitée, insensible à nos malheurs, s'il n'est pas le complice de ceux à qui nous les devons, nous accusera de reculer devant la réunion des partis et des opinions contraires?

Eh quoi! faudra-t-il que nous recevions dans nos bras et que nous traitions en frères les Masséna, les Miollis, les Chabert, les Gardanne, ses émules en perfidie?...

Non, Messieurs, si de tels hommes pouvaient échapper à l'animadversion des lois et au cri de la France indignée, le sang de Labédoyère et de Ney aurait injustement coulé.

Loin de tarir la source de nos discordes, vous auriez préparé, dans une suite interminable des réactions, un aliment inépuisable.

Mandataires du peuple, vous connaissez vos engagements et vos devoirs; c'est de leur accomplissement, vous le savez, que la France doit tenir sa future existence politique, et le trône des Bourbons sa stabilité.

Hâtez-vous donc, Messieurs, de répondre au vœu public, en vous occupant sans relâche du grand et important objet de votre mission.

Désignez les coupables à la justice du Roi, montrez-vous, comme la Chambre des pairs, grands et impassibles.

La reconnaissance de la patrie réserve à vos travaux, à votre constance et à votre courage un immortel salaire.

Plusieurs voix. Quelle date?

M. le rapporteur. La pétition était parvenue à la Chambre avant la loi de l'amnistie.

M. le Président. La discussion est ouverte sur le renvoi proposé.

M. Voysin de Gartempe. Si la pétition qu nous dénonce aujourd'hui un grand coupable avait été lue il y a trois mois, peut-être le renvoi en question aurait-il eu quelque influence sur ce qui s'est passé; mais la politique a ordonné une amnistic générale. Cette loi de pardon existe; elle trace la règle de conduite que nous devons tenir. Gardons-nous de nous en écarter. C'est en enfreignant les lois que les peuples se

perdent; ce n'est qu'en les observant religieusement qu'ils peuvent se maintenir et se con

server.

La loi d'amnistie a prévu les cas d'exception au pardon généreux qu'elle prononce et qui est l'expression du vou national (Il s'élève des murmures). Je le répète, la loi est l'expression de la volonté publique. Il n'est pas permis de douter de l'opinion en faveur de la loi (L'orateur est de nouveau interrompu). Je respecte comme je le dois le vœu de la majorité, mais je réclame le droit de manifester librement des sentiments que je crois utiles.

M. le Président. Il est de mon devoir de rap. peler que l'on ne doit pas interrompre les orateurs.

M. Voysin de Gartempc. L'amnistie est devenue une règle générale pour tous. On ne peut la violer ni directement ni indirectement; elle le serait si nous nous occupions de délits politiques anéantis et pardonnés; si nous donnions de l'éclat à des dénonciations nouvelles sur des faits antérieurs, sur des faits remis, et qui ne doivent plus exister à nos yeux. Masséna aurait beau avoir tenu la conduite odieuse que l'on suppose, ne faisons pas sur lui une expérience dangereuse qui accoutumerait à la violation de la loi, et en ferait perdre tous les avantages.

Après avoir combattu le renvoi comme inutile, l'opinant termine en demandant l'ordre du jour.

M. Hyde de Neuville pense qu'il importe que le ministre de la guerre soit éclairé sur la moralité des sujets qu'il aurait à choisir pour les employer à des opérations du plus haut íntérêt. Si, sous le rapport de la justice, les faits que l'on reproche au maréchal Masséna peuvent lui être remis, il n'en est pas de même sous le rapport de la discipline militaire, et c'est par cette considération que l'orateur appuie le renvoi de la pétition, qui aurait dû, ajoute-t-il, être lue avant l'amnistie.

La Chambre, consultée, décide que la pétition sera renvoyée au ministre. Elle se forme en comité général pour continuer la discussion du rapport de M. Roux-Laborie, concernant le clergé.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. LAINÉ.

Comité secret du 6 février 1816.

Le procès-verbal du comité secret du 5 février est lu et adopté.

L'ordre du jour appelle le développement de la proposition (de M. de Pouilly) relative à la répartition des réquisitions faites dans les départements occupés par les armées françaises et étrangères.

M. de Pouilly (1). Messieurs, la principale source de notre richesse a toujours été la fécondité de notre sol. Nous en obtenons des produits qui s'élèvent au delà de la masse de nos besoins, et c'est surtout l'exportation de ces produits surabondants qui peut faire rentrer les métaux que nous enlève un million d'étrangers. L'agriculture n'est pas sans doute la seule cause de la richesse et de la puissance des nations; mais les temps ne sont pas encore venus où l'industrie commerciale et manufacturière, bien plus avantageuse que tous les travaux d'un peuple cultivateur, répandra partout l'aisance en assurant la fortune. publique, et nous devons, pour réparer nos per

(1) Le discours de M. de Pouilly n'a pas été inséré

tes, chercher en ce moment tous les moyens c favoriser l'agriculture.

Lorsqu'au mois de juin 1815, le sol français f occupé par toutes les armées de l'Europe, n'existait aucun magasin de vivres, pas mên pour l'armée française; la voie seule des réqu sitions put pourvoir à la subsistance d'un illic d'hommes et de deux cent mille chevaux

Dans les premiers temps de l'invasion, le poid des rations n'ayant pas été fixé, l'avidité soldat était sans bornes. Une satiété complè pouvait seule mettre un terme à ses besoins sam cesse renaissants. Les préfets, les sous-préfet les maires, ne connaissant plus les limites d départements et des arrondissements, les com missaires de toutes les armées, de toutes les n tions, frappaient quelquefois simultanément, sans le savoir, le même village de réquisition et chacun d'eux demandait en même temps totalité des rations qu'il croyait que ce villa; pouvait fournir. La commune était toujours m nacée d'exécution militaire, si, dans le délai vingt-quatre heures, les objets requis n'étaie livrés. Des réclamations sans nombre se so élevées de toutes parts contre les injustices d maires. Mais le plus juste d'entre eux, celui q aurait le plus désiré faire peser également tout les charges, ne pouvait exiger les fournitur requises que chez ceux des habitants chez le quels elles existaient; et il est souvent arri qu'un seul individu a fourni la réquisition e tière qui était imposée à toute une commun C'est ainsi qu'ont été éxigées, avec une iniqui révoltante, mais prescrite par l'impérieuse loi la nécessité, les subsistances des hommes et d chevaux.

Les avoines, les pailles, les fourrages, n'ont se trouver que chez les cultivateurs, de mèr que les blés, les bestiaux; et dans quelques d partements les grains nécessaires à la confectio des bières et des eaux-de-vie. Et cette char énorme vint peser sur ces mêmes cultivateurs moitié ruinés déjà par tous les fléaux de la gueri dans le printemps de 1814, campagne pour e désastreuse et à la suite de laquelle ils furent e core frappés d'une nouvelle plaie, d'une épizoot qui existe même encore aujourd'hui dans qu ques cantons, et qui fit surtout alors des rav ges dans la Bourgogne, la Champagne et la 1 cardie.

Pendant deux années consécutives, sur que ques points, les moissons ont été détruites par marchie des armées; sur d'autres, les bestiaux c disparu, des troupeaux entiers de mérinos C été livrés à la voracité du soldat, les instrumen aratoires ont été brûlés dans les camps, les el vaux ont tous été requis pour faire des tran ports militaires dans des provinces éloigné Quelques-uns ont succombé sous l'excès des fa gues, et ceux qui sont revenus n'ont trouvé leur retour qu'une nourriture insuffisante d'une qualité inférieure, la meilleure ayant to jours été prise par les soldats étrangers qui faisaient eux-mêmes le choix. Nous ne pouve pas en ce moment réparer tous ces maux. Il est de plus grands encore sur lesquels nous pouvons que gémir. Mais la justice et l'intérêt p blic nous prescrivent de venir autant qu'il possible au secours des cultivateurs épuisés [ iant de pertes.

Ceux d'entre vous, Messieurs, qui habitent c départements qui ont été occupés par les arm étrangères, savent bien que la compensation c

sition, qui a eu lieu par un arrêt du conseil, n'a été qu'un bien faible dédommagement des dévastations de 1814. Ce dédommagement a été accordé en masse aux communes et aux arrondissements sans avoir égard à la quantité des réquisitions individuelles fournies par chaque contribuable. Je ne puis m'empêcher de vous observer, Messieurs, que cette mesure, qui a confirmé les décisions d'un sort aveugle, n'a donné qu'un bien faible secours aux cultivateurs qui ont perdu la totalité de leurs récoltes et de leurs bestiaux, et qu'elle n'eu a donné aucun à ceux des fermiers qui, par les stipulations du bail, ne sont pas chargés des contributions; le dégrèvement ayant alors été à l'avantage du propriétaire, tandis qu'au contraire, ce fermier a encore eu à sa charge la moitié de l'impôt de guerre.

Il est généralement reconnu que le tiers du produit des terres, ou sa valeur en argeut, doit appartenir au propriétaire, lorsqu'il ne fait aucun frais de culture, usage adopté dans les départements qui ont été le plus fatigués par le séjour des armées; les deux autres tiers sont au fermier. Les réquisitions en nature devraient, d'après cette base, peser sur le fermier pour les deux tiers. Mais les charrois ont été faits presque en totalité par le laboureur; il perd aussi la valeur des moissons qui ont été détruites par la marche des hommes et des chevaux, ainsi que la valeur entière des réquisitions dont il n'a pu obtenir de reçus, ce qui est souvent arrivé, et quelquefois même lorsque les mauvais traitements du soldat mettaient en fuite le conducteur, ce qui entraînait de plus encore la perte de la voiture et des chevaux. Toutes ces considérations, Messieurs, m'engagent à vous proposer de faire supporter également le payement des réquisitions par le propriétaire et par le fermier, chacun pour moitié. Quelques préfets ont voulu adopter ce mode de répartition; mais il est des contribuables qui s'y sont refusés. La seule autorité administrative n'a pas le droit de les y contraindre; et s'il n'intervient une loi ou du moins une ordonnance qui répartisse plus également les réquisitions de 1815, de grandes injustices seront encore maintenues, et la spoliation totale d'un grand nombre de laboureurs sera confirmée.

Ce n'est point un impôt à établir, c'est une compensation de l'inégalité des charges qui ont pesé au hasard en 1815; c'est la juste répartition de contributions qui ont été acquittées en nature.

Les erreurs commises, et commises en grand nombre dans tous les pays, et dans tous les villages qui ont été occupés par les armées, peuvent être réparées par une ordonnance royale, sans frais, et sans retarder même d'un seul instant la rentrée des contributions. Cette ordonnance, en prouvant la sollicitude du gouvernement et la volonté de diminuer autant qu'il est possible les pertes de l'agriculture, ferait naître chez les laboureurs un nouveau sentiment de reconnaissance. L'amour des peuples est le plus sûr garant de la stabilité de l'ordre établi. Nous devons seconder les vues bienfaisantes du meilleur des rois, relever les chaumières incendiées, et chercher tous les moyens d'encourager l'agriculture.

Je vous demande, Messieurs, que Sa Majesté soit suppliée d'ordonner qu'un conseil composé du maire et de cinq répartiteurs, fasse dans chaque commune rurale le relevé de la valeur des réquisitions livrées par cette commune dans le courant de 1815, dont on aura les reçus, et d'après le tarif des objets requis qui sera fixé par le préfet.

Le total de la somme des réquisitions constatées sera réparti sur tous les contribuables de la commune, de manière que celui qui n'a pas fourni assez, ou qui n'a pas fourni du tout, paye son contingent dans le délai d'un mois; et celui qui a fourni plus qu'il ne devait, recevra aussi en argent et dans le délai d'un mois, des mains du percepteur, l'excédant de ses fournitures.

La somme à imposer sur chaque individu, le sera en proportion de ses contributions foncière, personnelle, mobilière, des portes et fenêtres et des patentes, s'il est domicilié dans la commune, et les propriétaires de biens affermés, en quelque lieu que soit leur domicile, seront tenus d'acquitter la moitié de la valeur des réquisitions qui doivent peser sur le bien, en raison de la contribution foncière à laquelle ce bien est porté, l'autre moitié restant à la charge des fermiers, quelles que soient les stipulations du bail.

Ne sont point compris dans la présente et dernière disposition, les propriétaires des moulins, forges, verreries, usines quelconques, la taxe des réquisitions pour la subsistance des troupes restant, pour les biens de cette nature, entièrement à la charge des locataires; pour l'usine seulement, les propriétés qui y sont attachées rentrent dans la classe de tous les biens affermés.

Je vous prie d'observer, Messieurs, que la misère des cultivateurs, bien plus fâcheuse par ses résultats que le malaise des propriétaires, amène la destruction de tous les éléments de l'agriculture, dont les travaux et les produits peuvent seuls à présent réparer les maux que nous avons soufferts.

La Chambre prend la proposition en considération, et décide qu'elle sera imprimée avec les développements.

Il s'élève une discussion pour savoir si la proposition sera renvoyée dans les bureaux ou à la commission du budget.

Un membre observe que la question se trouve implicitement renfermée dans le budget présenté, quí a déjà été examiné dans les bureaux, et elle se lie tellement au budget, qu'il est naturel que la commission soit appelée à s'occuper de la proposition.

Après avoir entendu plusieurs orateurs, la Chambre décide le renvoi à la commission' du budget.

La discussion s'ouvre sur la proposition de M. le comte de Blangy, relative à l'amélioration du sort du clergé et à la suppression des pensions dont jouissent les prêtres mariés.

M. Cardonnel, député du Tarn. Messieurs, après les ravages épouvantables qu'une philosophie paradoxale et criminelle avait dès longtemps préparés, et que la plus hideuse des révolutions a depuis cumulés et consommés dans notre malheureuse France; après les fléaux de toute espèce que l'impiété a versés par torrents sur cette terre désolée, qu'il est beau, Messieurs, qu'il est consolant de voir les députés du royaume s'empresser, à l'envi, de cicatriser les plaies faites au corps social par le renversement du trône et de l'autel, et de réparer, avec le zèle pur et désintéressé que l'amour de la patrie et de la vertu peut seul inspirer, les malheurs de la religion et de ses ministres !

Grâces soient rendues à l'honorable collègue qui, dans cette importante session, a cru devoir attacher le premier anneau de cette auguste chaîne à laquelle il est dans vos intentions généreuses de lier désormais la nation, et qui a posé la première pierre d'un édifice que, dans l'intérêt des

l'Etat, il est si nécessaire de reconstruire sur de nouveaux fondements!

La première proposition de M. de Castelbajac, que déjà vous avez accueillie avec quelques modifications et quelques additions que j'eus l'honneur de vous soumettre, a été, pour ainsi dire, l'heureux signal de cette lutte honorable et religieuse, dans laquelle, rivalisant de patriotisme, plusieurs orateurs recommandables vous ont successivement soumis des idées salutaires qui tendent toutes au grand but que nous voulons atteindre, le rétablissement de la religion, et la restauration de la morale.

Dans le moment où vous vous occupiez déjà du soin de procurer quelques ressources au clergé, en fixant le principe, le mode, la forme et les conditions auxquels il lui sera désormais libre d'acquérir, par donation, disposition testamentaire ou autrement, un de nos collègues, M. de Blangy, vous proposait d'en augmenter le chétif patrimoine par l'extinction de ces pensions mal à propos qualifiées ecclésiastiques dont jouissent les prêtres mariés, et ceux qui volontairement ont abandonné le sacerdoce; idée juste et morale qui découle naturellement de ce principe gravé dans tous nos cœurs, que celui qui a été infidèle à sa religion et à son dieu, n'offre pas une grande garantie de sa fidélité à sa patrie et à son Roi.

L'on vous demandait presque en même temps de faire disparaître du Code de nos lois, ces dispositions honteuses qui ne sont point en harmonie avec la religion sainte que professe la grande majorité des Français, d'accorder aux ministres des cultes une salutaire participation dans les actes de l'état civil, sur lesquels, par la nature même de leurs fonctions, ils doivent exercer une influence nécessaire, et de faire de la religion la base essentielle de l'éducation publique, en plaçant l'instruction sous la surveillance immédiate des évêques et des archevêques de France.

C'est encore dans ce même moment que le Roi très-chrétien, que le fils aîné de l'Eglise, vous a fait présenter, par son ministre de l'intérieur, un projet de loi qui affecte à l'amélioration du sort du clergé et des institutions qui en dépendent, le produit des extinctions, par décès, des rentes viagères et des pensions ecclésiastiques, et qui, en attendant et à compter du 1er janvier 1816, met à la disposition du ministre de l'intérieur une somme à valoir sur le produit de ces extinctions.

Une commission, nommée par vos bureaux sur ce projet, s'occupait déjà de son examen, lorsqu'un rapport éloquent, fait au nom de la commission, sur la proposition de notre honorable collègue M. de Blangy, a justement réveillé tout votre intérêt en faveur d'un clergé si horriblement poursuivi et trop longtemps abandonné.

C'est de l'objet de ce rapport étincelant d'esprit et plein de sensibilité, que je viens vous entretenir aujourd'hui.

Mes idées différent un peu de celles de l'ingénieux rapporteur, moins cependant sur le fond que sur la forme du projet qu'il vous a présenté.

Personne ne partage plus sincèrement que moi les nobles sentiments qu'il a manifestés: j'applaudis, avec tous mes collègues, au mérite brillant de son discours; mais j'avoue que les faits sur lesquels je voudrais pouvoir baser mon opinion, dans la proposition toute nouvelle qu'il nous soumet, ne me paraissent point parfaitement éclaircis; que je ne comprends pas suffisamment encore les motifs déterminants auxquels se rattachent les conclusions qu'il a prises, qu'il ne me

si l'augmentation d'un cinquantième dans no impôts, déjà trop onéreux, peut être accordée san inconvénients, pour l'année 1816; que rien ne m laisse deviner par quelle nouvelle branche de re venus nous pouvons, en ce moment, faire face un surcroît de dépense de 19 millions, que jedoute dans le cas où ce sacrifice serait encore possible si les délais, les lenteurs et les formes qui de vraient nécessairement accompagner le projet d loi, pourraient bien se concilier avec l'urgent nécessité du budget; que les images brillantes dont est parsemé le rapport, les idées grandes e fortes, les observations sages et profondes don il se compose, ne dissipent point entièremen dans mon esprit les inquiétudes que peut fair naître une mesure dont la malveillance et la noir calomnie ne manqueraient pas de s'emparer, e contre nous et contre le clergé, et contre le gou vernement lui-même...

Déja, Messieurs, j'avais cru remarquer un vic primitif dans la proposition de M. de Blangy c'était d'avoir uni à un incident particulier d notre révolution irréligieuse, la cause générale d la religion.

C'en serait un non moins grand de jeter la con fusion dans la marche de la restauration projeté et, voulant le bien avec sincérité, de se laisse conduire dans une voie qui peut en détourner.

Rappellons les faits et les principes, pour nou bien entendre.

Il faut sauver simultanément la religion et l'Etat Un secours pécuniaire considérable est néces saire pour relever la religion expirante; l'Etat es dans un tel embarras de finances, qu'il est prè de succomber si l'on aggrave ses charges. Certes voilà un difficile problème, et ce problème, tou tant que nous sommes, nous désirerions cepen dant de le résoudre, s'il était possible, avant l fin même de cette session.

On se demande quelquefois, et dans le publi et dans cette Assemblée, pourquoi le gouverne ment, qui traite solennellement la question finan cière, néglige la question religieuse; pourquoi l gouvernement, qui voit les Chambres s'agite chaque jour avec tant d'ardeur pour la religion leur abandonne sur ce point l'initiative des pro positions les plus urgentes; enfin pourquoi il n ressaisit pas cette initiative, qui, peut-être, a ét livrée trop souvent parmi nous aux aberrations d sens individuel?

Je pense que ces reproches ne sont pas fondés Le meilleur des rois n'a pas un seul instan perdu de vue ce qui tient le premier rang dan l'ordre de ses affections, de sa croyance et de se devoirs.

Le ministre des finances ne vous a-t-il pas dit en présentant le budget de l'Etat, que le fils d saint Louis s'était occcupé avant tout, et person nellement, et avec un intérèt profond, de so Eglise, qui allait périr faute de subsistance?

Il a présenté, comme la pensée du monarque lui-même, des propositions analogues à cette situation malheureuse. Ces propositions, renouvellées plus tard par le ministre de l'intérieur, on été renvoyées à vos bureaux, et successivemen à une commission dont j'ai l'honneur d'être membre.

Dans ce premier plan qui a été d'abord ma éclairci ou mal interprété, il s'agit principalemen de céder au clergé, à perpétuité et comme rente constituée, le fonds des rentes ecclésiastiques, te qu'il se trouverait arrêté le 1er janvier 1816, et le fonds des rentes viagères existantes à la mêm

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