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Cette résurrection des corporations sera l'objet de notre examen et occupera le livre quatrième. Mais à mesure que l'organisation de la société reprendra des forces, cette question reparaîtra dans tout l'éclat de son danger. Ce sera l'objet de notre cinquième livre. Nous y suivrons la discussion dans toutes ses phases, plutôt comme historien que comme controversiste. Certes elle n'est pas épuisée : elle contient le dernier mot de cette grande et terrible querelle de la société morte et de la société naissante.

Nous ne sommes plus à une époque d'aveugles accusations, de discussions ardentes et passionnées.

Il ne s'agit désormais que d'examiner les faits, d'assurer l'exécution des lois et d'en réparer les lacunes si ces lacunes existent. Le cri d'alarme contre les abus convient à peine aujourd'hui, que toutes les passions sommeillent, et que, pour les éveiller, il faudrait commencer par les créer de sa propre main.

Telle ne sera pas notre œuvre. Nous nous renfermerons avec un soin attentif dans les limites légales, dans l'étude d'une jurisprudence d'autant plus épineuse, qu'elle procède à la fois de deux états incompatibles de société. Sans prendre violemment parti pour l'un ou pour l'autre, sans condamner le passé ni le présent, nous cher

cherons dans l'histoire elle-même les causes de cette situation complexe, et dans l'esprit des peuples les motifs de ces mouvemens opposés.

Nous essayerons de fixer la législation à cet égard, ou d'attirer vers ce qu'elle réclame de travaux supplémentaires l'attention de ceux qui font les lois.

Quelques uns des législateurs eux-mêmes ignorent peut-être ou méconnaissent la terrible difficulté de l'œuvre qu'ils essaient. Ne craignons pas de descendre dans les profondeurs de la question; l'examen est toujours utile. Puisse, lorsque ce problème se représentera de nouveau, quelques lumières inattendues jaillir de ces recherches! Puisse la voie se trouver éclairée par la sincérité et le patriotisme de ce travail ! Ce sera notre plus douce récompense.

Ce qui est certain, c'est que la difficulté est plus grande qu'on ne l'a pensé. Il est question de l'éducation publique, de l'existence permise ou illégitime d'associations en dehors de la société elle-mêine; c'est le point central où viennent se heurter deux sociétés ennemies celle d'autre fois et celle de nos jours; c'est là, comme sur un dernier écueil, que s'entrechoquent le passé et le présent.

DES

CORPORATIONS RELIGIEUSES

AVANT 1789.

LIVRE PREMIER.

CHAPITRE Ier.

Naissance et établissement des corporations religieuses. — Combat de la législation romaine et du christianisme. — Effet de ce combat au Nord et au Midi. Son influence sur la réforme et la révolution.

Les modernes ont emprunté deux choses à l'antiquité; la législation romaine et le christianisme, né sous Tibère, persécuté jusqu'au règne de Constantin et dominant après lui.

La législation romaine a été l'origine commune de toute la vie civile dans le midi de l'Europe. C'est à cette unique source que les sociétés nouvelles, avides de stabilité, d'organisation et de force politique, ont été s'abreuver. Le christianisme de son côté a servi d'aliment moral à toutes les populations du Nord et du Midi. C'est par lui que se sont groupés sympathiquement les peuples, pour marcher à la civilisation renouvelée. C'est lui, et tous les philosophes modernes ainsi que les plus savans jurisconsultes le reconnaissent, qui, du cahos ténébreux du moyen-âge, a fait sortir la lumière; par lui les sciences se sont conservées, les arts ont fleuri, les terres se sont cultivées, les mœurs se sont adoucies; il apportait le lien moral, comme la loi romaine donnait aux peuples le lien civil.

*

Mais ce que la plupart des historiens nouveaux ont oublié d'observer ou de dire, c'est que le christianisme n'avait existé dans l'antiquité qu'à titre de révolte contre la loi romaine, et que la loi romaine, fidèle à ses principes, avait constamment puni cette révolte: il fallait donc, ou qu'il envahît la loi pour la dominer et l'étouffer, ou que la loi l'envahît et l'effaçât.

Pendant le moyen-âge, ce fut le christianisme qui eut l'avantage. Depuis le xve siècle, la loi romaine reprit le dessus. Le combat des Guelfes

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