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fois le commentateur moderne et l'annaliste ancien.

Non seulement on se livrait à la débauche, dit le spirituel commentateur de Tite-Live, << mais de là aussi, de cette boutique (ex eadem officinâ) partaient de faux témoins, des lettres supposées, des attestations infidèles et des jugemens corrompus, falsi testis, falsa signa, testimoniaque et judicia et eadem officinâ exibant.

» Multa dolo, le dol et la ruse y venaient au secours de la violence.

>> Ces affiliations gagnèrent de l'Etrurie jusqu'à Rome, où elles se propagèrent à la manière d'un mal contagieux. L'étendue de la ville, où certains désordres étant plus habituels étaient aussi moins remarqués, les déroba quelque temps à la surveillance des magistrats; enfin le consul Posthumius en eut avis.

>> Un jeune homme, nommé Æbutius, resté orphelin et ayant perdu ses tuteurs, avait été confié aux soins de sa mère remariée en secondes noces à Titus Sempronius. Le beau-père avait mal géré les affaires du pupille; il était hors d'état d'en rendre compte, et il fallait ou perdre Æbutius ou le placer de quelque façon que ce fût dans une position dépendante, aut tolli pupillum, aut obnoxium sibi vinculo aliquo fieri cupiebat. Le tuteur ne trouva rien de mieux que de faire entrer son

pupille dans la société corrompue des Bacchanales, via una corruptala Bacchanalium erant.

» La mère d'Æbutius le fait appeler; elle lui dit: << que pendant qu'il était malade, elle avait fait vœu, s'il recouvrait la santé, de le faire initier aux mystères de Bacchus; que, le voyant guéri, elle voulait en conscience acquitter sa promesse et que son fils eût à s'y disposer.

>> Æbutius se fùt peut-être rendu aux désirs de sa mère; mais il en fut détourné par sa maîtresse (Hispala Pecinia), qui, craignant de perdre son amant, lui fit une horrible peinture de ce qu'elle avait appris au sujet de l'association.

» Effrayé par ce tableau, le jeune homme déclara à sa mère, qu'il ne ferait pas profession dans l'ordre des Bacchanales: Negat initiari sibi in animo esse.

» Le beau-père était présent ; il s'irrite, il s'enflamme, et fait jeter le fils à la porte par quatre esclaves.

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>> Le malheureux jeune homme, ainsi chassé de la maison paternelle, se retire chez sa tante Æbutia, lui expose la cause de sa disgrâce, et, par ses conseils, il va révéler le fait au consul Posthumius.

>> Ce magistrat lui dit de revenir dans trois jours; il emploie ce temps à s'assurer de la moralité du révélateur et de sa tante Æbutia; il interroge celle-ci, lance un mandat d'amener contre Hispala, qui, d'abord surprise, témoigne des craintes

sur le sort que peuvent lui faire éprouver les affiliés, elle demande même qu'on lui procure un asile hors d'Italie, où elle puisse terminer ses jours à l'abri de leurs coups. Le consul la rassure; elle parle enfin, et révèle les statuts de l'association, originem sacrorum exponit.

» Ce n'était d'abord qu'un oratoire de femmes, primo sacrarium id fœminarum fuisse. Les hommes n'y étaient point admis. Mais ensuite les statuts reçurent différens changemens dictés, disaiton, par l'ordre des dieux, tanquam deûm monitis. Hispala expose les désordres dont elle se dit informée; la fantasmagorie déployée dans les mystères pour effrayer les néophytes et dominer les imaginations; elle ajoute que cette congrégation, au point où elle est arrivée, comprend un très grand nombre de personnes; qu'elle forme, pour ainsi dire, un autre peuple au sein de la nation multitudinem ingentem alterum jam propè populum esse; elle compte quelques nobles en hommes et en femmes, in his nobiles quosdam viros fœminasque. On capte, on enrôle la jeunesse, captari ætates.

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» Ces révélations terminées, Hispala renouvelle ses prières pour qu'on veille à sa sûreté. Le consul y pourvoit ainsi qu'à celle du jeune Æbutius; il fait ensuite son rapport au sénat.

Les sénateurs sont frappés de terreur, patres

pavor ingens cœpit; ils craignent, dans l'intérêt public, que ces congrégations et ces assemblées nocturnes ne couvrent quelque dessein caché, quelque danger secret ; ils tremblent qu'à leur insu, dans leurs propres familles, ne se trouvent quelques affiliés de ce qu'ils regardent comme un complot.

>> Toutefois, ils commencent par rendre grâce à Posthumius de ce qu'il avait exploré cet événement avec autant de sagacité que de prudence et de discrétion. Passant ensuite à la délibération le sénat ordonna aux consuls d'instruire extraordinairement sur tout ce qui avait rapport à l'association des Bacchanales et à leurs mystères. On promet des récompenses aux révélateurs ; on prescrit de rechercher soit dans Rome, soit au dehors, les chefs, hommes et femmes, de la congrégation sacerdotes rerum sacrorum, seu viri seu fœminæ essent, non Romæ modo, sed per omnia conciliabula conqueri. On publia dans Rome et dans toute l'Italie une proclamation pour défendre à tous et à chacun des membres de la congrégation de se réunir et de s'assembler.

L'autorité municipale (œdiles plebis) fut spécialement chargée de veiller à ce que rien de ce qui aurait trait au culte ne se fit en secret. La juridiction des triumvirs auxquels on adjoignit quelques constables, eut mission de disposer des

gardes dans les divers quartiers pour prévenir les attroupemens et les incendies.

>> Ces précautions prises et chacun étant à son poste, les consuls convoquèrent l'assemblée du peuple, et, après avoir adressé aux dieux du Capitole la prière accoutumée, Posthumius s'exprima en ces termes : « Romains, dans aucune oc>>casion il ne fut plus convenable, plus nécessaire » d'adresser aux dieux de la patrie cette prière » solennelle qui nous avertit que ce sont là les >> divinités qui doivent être réellement l'objet de » votre culte, que vous devez honorer et prier » à la manière de vos aïeux, et non ces dieux » dont le culte superstitieux et dépravé n'offre à >> ceux qui l'exploitent qu'une occasion et un

prétexte d'agir au gré de leurs passions, et d'o>> ser toutes sortes d'attentats. Je ne sais, au >> reste, ni ce que je dois faire, ni ce qu'il con» viendrait de vous révéler. Je crains également » et d'être accusé de négligence si je vous laisse ignorer une partie des faits, et de jeter au mi>> lieu de vous un trop grand effroi si je mets » tout à nu. Quoi que je dise, songez toutefois » que je resterai encore au dessous de l'énormité » du sujet.... >>

>> Après avoir rappelé les bruits répandus sur l'existence de cette association et sur son objet, le consul reprend :

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