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CHAPITRE II.

Luttes des partis sous la restauration, à propos des corporations religieuses.

Nous avons vu le pouvoir temporel l'emporter, et la société politique, maîtresse d'elle-même, instituer en France la république, puis marcher à la conquête du monde sous les drapeaux de Bonaparte. Cet excès de volonté, cette exagération 'de puissance et d'ardeur vinrent se briser contre le destin, contre les limites naturelles qui bornent toute grandeur humaine. La France, livrée

à cette surexcitation effrayante et sublime, épouvanta l'Europe qui, un, moment domptée, se réveilla ensuite, s'insurgea, contraignit la nation dominatrice à déposer le glaive, brisa le sceptre de Napoléon, le retint captif dans deux îles qu'il a immortalisées par sa captivité et sa mort, et réinstalla le vieux pouvoir monarchique à la place de la dictature napoléonnienne.

Ce pouvoir monarchique n'avait pas existé seul jadis; sous Clovis et ses successeurs, sous Charlemagne et Philippe-Auguste, il avait reçu du pouvoir spirituel sa consécration la plus forte.

En 1814, privé de tout appui, et plus faible en réalité qu'il ne l'avait été dans aucun temps, parce que les racines morales lui manquaient, il essaya, ce qui était inévitable, de retrouver son vieil et légitime allié dans le pouvoir spirituel. Dès le 5 octobre 1814, Louis XVIII, cet homme d'esprit qui comprenait si bien et voilait si habilement la situation, commença par introduire sourdement les corporations dans l'instruction de la jeunesse, en soustrayant à la surveillance de l'Université les écoles secondaires ecclésiastiques, ou comme on les a nommées depuis, les petits séminaires. »

A l'époque où le pouvoir temporel déjà vainqueur, usait de la victoire ébauchée avec une modération magnanime, sous Louis XIV, ce monarque avait eu

soin de garantir l'Université des empiétemens du clergé, et de réserver à l'Etat, c'est à dire à luimême, la surveillance et le patronage suprême de l'enseignement. C'est ce que prouve d'une manière incontestable le préambule de l'édit de Louis XV de février 1763, et que nous allons citer in extensa ;

« Louis, etc.

» Les écoles publiques destinées à l'éducation » de la jeunesse dans les lettres et les bonnes » mœurs, et à la culture et l'accroissement des » différens genres de connaissances que chaque

sujet y peut puiser, autant qu'il convient à » son état et à sa destination, ont toujours élé » comme un des fondemens les plus solides de la » durée et de la prospérité des Etats, par la mul»titude et la suite non interrompue des sujets » qu'elle préparent aux divers emplois de la vie » civile, par l'épreuve longue et assidue qu'elles » font de la portée de leurs talens, enfin par tout >> ce qu'elles contribuent d'avantageux à la gloire >> des sciences et des lettres, qui fait un si grand » sujet d'émulation entre les nations polies. Un » objet si important n'a jamais échappé à l'atten>>tion des rois nos prédécesseurs, et dès les siècles >> les plus reculés de la monarchie, ils en ont été » occupés à proportion de ce que leur permet

>> taient les circonstances des temps, en quoi ils » ont toujours été secondés par le zèle et par les » soins des personnes les plus recommandables de >> leur Etat, et surtout par les principaux membres » du clergé. Dans les siècles d'ignorance et de confusion, les lettres trouvèrent un asile dans les églises cathédrales et dans les monastères les plus célèbres qui purent conserver la liberté et >> leur repos, sous la protection et la garde de nos » prédécesseurs, tandis que l'Université de Paris, » de l'origine la plus ancienne, traçait dès lors le » modèle d'un autre genre d'écoles plus régulier » et plus complet. A l'exemple de cette première » université, formée sous les yeux des rois nos · » prédécesseurs et appuyée de toute leur. faveur, » de toute leur protection, il en a été établi d'au>> tres en plusieurs villes principales de notre >> royaume, où chacune d'elles présente un centre » d'études et de savoir universel érigé en corps » d'université, composé de personnes ecclésiasti» ques et séculières, partagé en autant de facultés » qu'on a cru pouvoir distinguer de genres princi>> paux de sciences relatifs au service de l'Église » et de l'État, et non seulement destinés à les faire » fleurir et à les enseigner, mais encore à confé>> rer des degrés, sur la foi desquels ceux qui les >> obtiennent, après les épreuves requises, puis» sent être admis aux titres et à l'exercice des

>> différentes fonctions de l'ordre ecclésiastique et >> civil: en sorte que l'institution des universités fait une partie essentielle de l'ordre public, » puisque, par les degrés qu'elles confèrent, ce » sont elles qui ouvrent l'accès à la plus grande partie des fonctions publiques, et jusqu'aux dignités les plus imminentes de l'Eglise et de >> l'État. Au grand ouvrage de l'établissement des >> universités, il en a ajouté d'un ordre moins élevé, >> mais d'un détail plus étendu, auquel l'autorité >> et la sagesse des rois nos prédécesseurs ne se » sont pas moins intéressées; fixées dans un certain » nombre de villes, ne pouvant servir qu'à ceux

qui étaient en état de les fréquenter, la jeunesse » se trouvait privée partout ailleurs, même dans >> les autres villes les plus nombreuses et les plus » distinguées, du secours et des avantages de l'é>>ducation publique. Pour y remédier autant qu'il » était possible, la plupart des villes de notre >> royaume ont successivement obtenu l'établisse>> ment de colléges particuliers, bornés à l'éduca>>tion et à l'instruction si utiles en elles-mêmes, >> indépendamment des degrés, et propres en » même temps à y préparer ceux qui, pour les ob» tenir, voudraient dans la suite passer aux univer»sités et y accomplir le cours des études acadé>> miques. Tout a concouru à la dotation de ces » colléges le clergé à celle de la plupart, par

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