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licat et subtil de Louis XVIII, l'empêchèrent toutefois de se compromettre en se livrant trop étourdiment à cette armée protectrice. Charles X, roi d'une piété sincère, fut moins prudent que son frère, et ne tarda pas à tout compromettre; les missions furent autorisées, les jésuites reparurent; jamais, il faut en convenir, on ne les avait complètement détruits; mais c'était la première fois qu'ils levaient la tête avec tant d'audace.

A cette réapparition, un mouvement général dé colère et d'effroi se fit sentir dans la société française.

L'ordre des jésuites n'avait pas cessé de subsister. Dès l'an 1801, Pie VII redemanda que le vicairegénéral fût réinstitué en Russie. L'an 1804, il rétablit l'ordre pour la Sicile; l'an 1814 (14 août) pour toute la chrétienté, avec tous ses droits, avec tous ses statuts. L'ordre reparut solennellement dans le duché de Modène en 1815; en Piémont, en Espagne et en Suisse en 1818. L'Allemagne et le Portugal lui opposèrent plus d'indifférence. En France, nous avons déjà vu ses membres apparaître sous le titre de Pères de la Foi. Partout ils fondèrent d'importantes maisons. Le monde sait le rôle important qu'ils jouèrent sous la restauration; leurs nombreux élèves, l'action qu'ils exercèrent, les missions qu'ils établirent, les sympathies et les antipathies qu'ils provoquèrent excitèrent la ter

reur des uns, l'espoir des autres. En Espagne, expulsés dès 1821, ils furent rappelés incomplètement en 1823. La Russie, qui les avait maintenus quand tout les rejetait, les bannit pour cause de prosélytisme en 1817.

Alors, et à leur occasion, se souleva un problème multiple. Les ordres religieux conviennentils à la société actuelle en France? sont-ils d'accord avec la législation de notre époque ? sont-ils décidément et définitivement repoussés ? quelles sont les conditions de leur existence, soit actuelle, soit future? Toutes ces questions difficiles, épineuses si vous les prenez une à une, le deviennent davantage si vous les réunissez et les groupez. Telle est la question la plus vitale de l'époque, celle qui préoccupe les esprits.

Les deux partis tranchent la question avec aisance. Les corporations, disent les uns, sont détruites par les lois françaises; elles sont étrangères et inutiles au christianisme. Qu'on les punisse si elles osent se présenter, et tout sera dit. Au nom de la liberté, disent les autres, nous réclamons, pour les ordres monastiques, l'admission dans les Etats libres; ils sont conformes à l'esprit chrétien, qui est l'esprit moderne.

Entre ces assertions contradictoires, choisira qui voudra : la route est ouverte aux passions; les intérêts ont le champ libre.

Pour nous, en dehors de ces préoccupations, nous présentons la question dans toute sa force, le problème dans tout son danger.-Oui, les associations religieuses sont analogues à l'esprit catholique et chrétien. - Oui, elles sont interdites par les lois modernes.-Oui, l'esprit des sociétés modernes, esprit de christianisme et de liberté, se contredit lui-même en les bannissant.-Tels sont les véritables termes d'un problème singulier dont nous n'avons pas voilé l'importance ou dissimulé la difficulté.

CHAPITRE III.

MM. de Laborde, Montlosier, Dupin, de Maistre.

Un des plus libéraux parmi les écrivains modernes, M. de Laborde, reconnaît que la religion. catholique a été la source de l'esprit d'association dans les temps modernes (1), et nous avons reconnu plus haut que les empereurs romains, représentans et conservateurs de la discipline dans

(1) De Laborde, sur l'Esprit d'Association.

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