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Mais quelle voix terrible et âpre retentit? C'est celle d'un prophète moderne, d'un homme terrible et redouté comme Isaïe, comme Jérémie, comme Ezechiel! C'est M. de Maistre. Jamais clairon guerrier ne fut plus âpre. Quelle logique inexorable! Quelle dure façon de contraindre la raison humaine à subir les dernières conséquences de ses prémisses! Pour lui la société ne peut exister sans l'expiation, les ordres religieux sont une expiation; ils sont à ce titre une base sociale. On ne peut se montrer plus éloquent, plus grand penseur et plus grand écrivain que ce fougueux athlète de la société disparue. Mais M. de Maistre se battait pour un cadavre.

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Les théories des jésuites causaient de l'horreur et leur progrès effrayait les masses. Charles X, au lieu de comprendre ce sentiment national et contemporain dont M. de Montlosier était l'expression la plus fougueuse et M. Dupin l'organe le plus honnête et le plus vif, au lieu d'imiter la prudenté réserve de son père, laissa percer, dès les premiers jours de son règne, cette prédilection

fatale et dangereuse, qui contrariait tout le mouvement de l'époque, cet irrésistible penchant vers le pouvoir spirituel. Sans doute les ombrages populaires ont exagéré cette tendance; mais elle était réelle au fond, sincère et même morale; et parmi les actes significatifs qui annonçaient la résurrection pénible du pouvoir spirituel, nous signalerons le rapport et l'ordonnance sur les écoles ecclésiastiques secondaires :

RAPPORT AU ROI.

« Sire,

» Après les orages de la révolution, la société cherchant à se replacer sur des bases solides qui pussent assurer son repos, le premier besoin qui se fit sentir fut celui de la religion.

>> Le chef du gouvernement d'alors entreprit de relever les autels abattus, et la France se montra ce qu'elle avait toujours été, religieuse et catholique.

» Les peuples se portèrent avec empressement dans nos temples dépouillés : les pontifes et les prêtres reparurent, et commandèrent partout la confiance et le respect.

>> Bientôt on reconnut l'indispensable nécessité de préparer à l'Eglise de France une milice nou

velle qui pût renforcer d'abord et remplacer plus tard ces vétérans du sacerdoce que la persécution avait épargnés. Des séminaires furent ouverts dans. presque tous les diocèses, mais il ne s'y présentait qu'un très petit nombre d'élèves.

>> Les souvenirs de nos malheurs étaient récens; les familles avaient vu moissonner si largement les rangs de la tribu sacerdotale, qu'elles ne voulaient pas exposer ce qu'elles avaient de plus cher aux dangers de ces temps de fureur et d'anarchie. Aussi, au lieu de seconder dans leurs enfans la vocation qui les eût portés au service des autels, elles employaient au contraire toute leur influence à les en détourner. De plus, l'esprit qui dominait alors dans la nation, et de là dans tous les établissemens d'instruction publique, éloignait du sanctuaire la presque totalité de la jeunesse française, poussée en foule dans les carrières qui menaient ou à la gloire des armes ou à la fortune. Un état d'ailleurs qui, en échange des privations continuelles et des pénibles devoirs qu'il impose, n'offre qu'une rétribution modique, à peine suffisante pour fournir aux premiers besoins de la vie, et ne promet d'autres ressources dans la vieillesse, que les secours incertains de la charité, ne devait pas appeler de nombreux aspirans.

>> Dans de telles conjectures on ne pouvait, sans compromettre le sort de l'Eglise de France, s'en

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