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Si l'Évêque de Liége a écrit la lettre qu'on, rale et vertueuse; elles ne prévaudront ja

attribue à sa Grandeur, l'Évêque est donc dans son droit, et il est parfaitement ridicule qu'on vienne le contester: ce qui le prouve, ce sont toutes les folies qu'on débite, depuis quelques jours, à cet égard.

A en croire quelques organes de la presse de gauche, le Clergé n'aurait rien à faire dans ce monde, si ce n'est de vivre dans une espèce d'Yoga indien, d'attendre, de patienter et de souffrir toutes les indignités dont il plaît à quelques individus de le contrister. Heureusement nous vivons dans le pays le plus libre de l'Europe, dans un pays où si chacun a ses devoirs, chacun aussi a des droits. Il faut donc prendre son parti de toutes les indignations de la presse libé

mais ni contre la constitution, ni contre le bon sens public. Les évêques n'empêchent ni ne prétendent empêcher les libéraux d'user des moyens dont ils disposent, dans l'intérêt de leurs idées : les libéraux ne doi

vent pas empêcher les Évêques de jouir d'une liberté égale à la leur.

Aussi Monseigneur l'Évêque de Liége n'a pas seulement très-bien agi au point de vue religieux, moral et social, si le document en question a été publié ; il a encore trèsbien agi au point de vue de la science et de la liberté, car on ne sert jamais mieux celles-ci, qu'en faisant passer dans la pratique les principales applications dont elles sont susceptibles.

DU DISCOURS DE LA COURONNE EN FRANCE.

Le discours de la couronne en France, a provoqué dans la presse des réflexions très-diverses; mais suivant nous, personne n'a ni vu, ni dit en quoi il était en défaut.

Constamment nous entendons les ministres de France, nous vanter les avantages matériels qu'ils obtiennent mais il est à remarquer qu'il n'est jamais question dans ces pièces officielles, ni d'idées, ni de prin

cipes, ni de quoi que ce soit qui rappelle même de très-loin les causes morales de la révolution de juillet; ces discours d'apparat sont toujours tels qu'il n'est pas de gouvernement absolutiste, qui ne fût en situation d'en dire autant; qu'ils pourraient être aussi bien dans la bouche de Charles X, peut-être même mieux que dans celle de Louis Philippe. Nous croyons que c'est là un très-grand danger.

NOUVELLE

REVUE DE BRUXELLES.

DE L'ATHEISME LÉGAL.

Les hommes se classent par les idées qu'ils représentent, et leur importance croit ou décroit en raison de la valeur ou de la stérilité de ces idées. M. le Comte Félix de Mérode peut donc revendiquer une des places les plus élevées dans l'histoire du dix-neuvième siècle.

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Certes, il eut été facile à cette intelligence de se ranger avec distinction, sous la bannière de l'Eclectisme, du Panthéisme ou de toutes ces malheureuses doctrines qu'enseignent encore les esprits les plus ambitieux et les plus enfants de notre époque; mais M. de Mérode a opté pour principe qui a civilisé l'Occident et qui doit civiliser le monde : de plus, il l'a compris dans tous les développements compatibles avec notre faiblesse voilà sa gloire, elle ne périra pas. Nous recevons donc avec le plus profond respect et la plus vive reconnaissance le fragment qu'on va

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lire: nous ne saurions mieux inaugurer la reconstitution de cette Revue qu'en plaçant en tête de nos colonnes le nom d'un personnage en qui se résument deux supériorités qui sont tout ce qu'il y a de plus rare aujourd'hui, savoir un bon sens qui est un véritable génie, et un caractère qui brille de toutes les noblesses de la vertu.

Des hommes éminents de partis divers ont avancé que la loi en France était athée. M. Odilon Barrot, sous la restauration, ne craignit pas de donner à l'ordre légal cette qualification pour la défense d'un client traduit devant les tribunaux; M. De la Mennais dans un autre but l'applique durement à la charte de Louis XVIII, bien qu'elle reconnût la Religion Catholique comme Religion de l'Etat. A la même époque, on tenait aux

Etats-Généraux de Belgique et de Hollande réunis sous le sceptre d'un Roi protestant un autre langage. M. Surmont représentant la Flandre Orientale s'exprimait en ces

termes:

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"La liberté seule sait concilier des obligations et des droits qui semblent se contredire: c'est elle qui laisse au Catholique «la faculté de se soumettre aux croyances « et à la discipline de son Eglise, d'instruire «<et de former, pour le service de ses au<< tels les ministres qui lui sont nécessaires : « au Réformé, ainsi qu'à tout autre culte, «elle laisse la même latitude. La liberté des « cultes n'est point parmi nous une indif férence religieuse, mais une suite indispensable de l'assemblage, sous un même sceptre, de peuples, d'opinions et de « croyances divergentes. A la vérité, les Catholiques ont cru voir des dangers dans plusieurs dispositions de notre pacte fon«damental, mais on a fini par se convaincre que la Religion Catholique, Apostolique et Romaine n'avait besoin que de la simple liberté pour se maintenir dans sa pureté et dans sa plénitude.

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Ce Député n'exprimait pas une opinion isolée particulière à lui seul elle était généralement partagée par ses collègues, défenseurs de la cause catholique dans le Royaume des Pays-Bas, et lors de la Révo lution Belge de 1830, on put apprécier la force et l'influence prépondérante des idées favorables à la plus parfaite liberté de conscience parmi les membres du Congrès où siégeaient quatorze ecclésiastiques.

Depuis la Révolution de juillet, le Clergé de France s'est affranchi de beaucoup d'anciennes théories politiques absolues en

vertu desquelles la Religion et l'Etat monarchique formaient un tout indivisible. Longtemps la situation des esprits fut conforme à cet ordre de choses qu'il ne faut pas juger d'après nos sentiments actuels. Si le régime précédent a produit des abus, l'on ne saurait méconnaître les inconvénients de la situation présente. Quelles que soient les prétentions modernes au progrès, il est certain que les mœurs de la généralité du peuple sont moins pures qu'autrefois, que la loyauté, la droiture dans le commerce et l'industrie ont souffert de profondes atteintes. La vertu est sans doute la plus sûre garantie du bonheur social, et la licence difficile à séparer d'une liberté tutélaire et morale n'engendre que les vices. Un corps essentiellement chargé de les combattre ne pouvait admettre sans regret des principes nouveaux si singulièrement interprêtés d'ailleurs par ceux qui les promulgaient, qu'en laissant le champ libre aux ennemis de l'Eglise, ils la circonscrivaient dans l'enceinte la plus étroite. Qu'un système de liberté large pour le mal, de gêne extrême pour le bien, tende vers l'athéisme, c'est incontestable.

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Cependant un principe n'est pas responsable de l'application mauvaise qui le transforme et le dénature, Dieu a laissé l'homme libre de choisir entre le bien et le mal il n'a pas établi la vraie Religion par la puissance et l'intervention de légions d'anges, mais par le seul glaive de la parole apostolique. Comment donc un Gouvernement qui maintiendrait cette parole libre et sans entraves, en permettant qu'on le contredit quelquefois, scrait-il fondé sur l'athéisme? L'athéisme est la négation de la Divinité. Abandonner aux citoyens d'un pays l'appré

ciation de la vraie parole divine n'est pas nier Dieu.

En supposant qu'il fût mieux de les tenir même de par la loi, sous l'empire d'une seule Religion, encore ce mieux devrait-il être de saison, et qui ne voit qu'en France, en Belgique et dans bien d'autres contrées cette saison est passée au moins pour longtemps. En outre, la crainte de voir le Gouvernement temporel imposer les croyances, est-elle seulement l'attribut des incrédules et des sceptiques? que de raisons pour les âmes religieuses de redouter l'union des deux puissances! Qui a produit la triste situation de l'Irlande, si ce n'est la prétention du pouvoir temporel de régler les choses de Dieu? Qui pousse par une violence aussi lâche que cruelle le schisme autocratique russe sur la malheureuse Pologne? qui étouffe en Suède tout développement du Catholicisme et persécute le consciencieux retour de tout sujet du Royaume à la foi des vieux chrétiens scandinaves? et je ne parle ici que de l'Europe, le mal est bien plus grand dans d'autres parties du monde, chez les peuples courbés sous le despotisme immuable de la barbarie pure ou d'une civilisation éga, lement immobile et barbare au fond, quoique plus raffinée comme celle de l'immense Empire Chinois.

Au moyen âge, en Occident, pendant plusieurs siècles, le pouvoir spirituel fut, il est vrai, fort utilement directeur moral du pouvoir temporel. De l'établissement d'une vaste république de nations conservatrice de la civilisation progressive; parce qu'elle se développait sous le règne du Christ malgré des guerres inévitables; mais plus tard les princes trop orgueilleux pour re

connaître le Saint-Siége Romain, le régulateur moral de la Chrétienté, regardèrent toute puissance comme inhérente de droit divin à leur personne, leur dynastie. Quand ils protégèrent l'Eglise Catholique, ce fut à des conditions qu'ils fixaient eux-mêmes, en raison de leur pleine et certaine science. Henri VIII fut d'abord déclaré défenseur de la foi; puis se fit par bon plaisir, chef absolu d'une Eglise de sa façon créée pour les Anglais. Louis XIV soutint des maximes particulières à son Royaume, il voulut une sorte d'Eglise Catholique à part sous le nom de gallicane, comme si Dieu dont la religion explique les rapports avec l'homme pouvait être autre chose qu'universelle ; puis vinrent les Pombal, les d'Aranda, les Choiseul, ministres philosophes des Rois nommés encore majesté très-fidèle, très-catholique, trèschrétienne, tenant toutes néanmoins le pouvoir spirituel central en suspicion. Après la longue expérience d'une protection royale sujette à tant de vicissitudes, est-ce plonger dans l'athéisme légal que de se confier au principe de la liberté de conscience?

Et cependant un évêque plein de lumières, de sagesse, qui réclame avec un zèle admirable, aidé d'une logique supérieure, les conséquences pratiques de la charte de 1850, en faveur de la liberté de l'enseignement, Monseigneur Parisis, évêque de Langres, suppose toujours que l'athéisme domine la loi du pays. C'est même sur cette idée d'athéisme légal qu'il fonde ses arguments les plus forts contre l'éducation donnée par l'État. Il y a ici malheureusement confusion qu'il importe de démontrer.

Selon les institutions fondamentales de France et de Belgique, l'État n'adopte point

de religion déterminée. Ce qui a été reconnu, gardons-nous d'affirmer le contraire, pour le libre exercice du culte et non pas pour l'anéantir. En effet ces constitutions ne prétendent nullement que les populations qu'elles régissent soient dépourvues de Religion. La Charte Française déclare que la majorité des citoyens français appartient à l'Église Catholique. La Constitution Belge ne s'exprime pas sur un fait palpable: mais elle oblige l'État à pourvoir aux besoins matériels du Culte Catholique et des autres cultes que professent les citoyens Belges. Et de semblables institutions auraient pour base l'athéisme; c'est-à-dire, je le répète, la négation de Dieu; et comment encore une fois nierait-on l'existence de la Divinité, quand on prend un soin particulier d'assurer la célébration du culte divin, qui s'exerce par conviction et librement? La Religion sérieuse chez un peuple, est-ce un ordre de cérémonies officielles ou bien la piété dans les cœurs? Si le Gouvernement travaille à détruire cette piété, il est athée, eût-il même un culte apparent. S'il veille au contraire à ce que rien n'empêche le développement des sentiments religieux les plus vrais, il accomplit son rôle moral et juste en ce monde.

En ce qui concerne l'éducation par exemple, que doit faire l'État selon l'esprit constitutionnel véritable? il doit ou renoncer à y prendre une part directe, ou l'organiser conformément aux principes religieux des parents dont les enfants seront confiés à ses écoles; car les enfants ne sont pas les enfants de l'Administration qui ne possède aucune doctrine propre à elle. Ils appartiennent à la famille où ils sont nés. Aussi

l'éducation publique donnée aux frais de l'État, devrait être mise sur le même pied que les cultes dotés par l'État qu'il ne confond pas ensemble. Les professeurs de collége et les pasteurs se tiennent de très-près. Livrer la jeunesse catholique à un mattre qui n'est point catholique sincère, c'est presqu'aussi absurde que de faire prêcher les Catholiques dans leur Église par un ministre de la réforme, ou les Juifs dans leur synagogue par un évêque. Or, ce serait là démolir les cultes les uns par les autres et qu'importe où s'opérerait une telle œuvre ? si elle s'opère plus ou moins quelque part, fût-ce dans un collège du Gouvernement, elle est indigne de lui. Que si l'on se figure qu'une constitution l'autorise, on aura raison de la dire fondée sur l'athéisme; mais nulle part dans les Chartes Française ou Belge on ne trouvera d'article, d'où découle une si funeste conséquence. Outre la garantie qu'offre la liberté promise, l'enseignement donné par l'État, doit être l'objet d'une loi. Celle-ci fût-elle détestable, ne prouverait que le mauvais vouloir de l'autorité législative du moment. Elle ne rendrait point athée la Charte qui, prise dans son sens naturel évident assurerait d'abord la faculté d'une franche concurrence, d'une concurrence tellement éloignée de l'athéisme, qu'elle est repoussée avec fureur par tous les ennemis de la foi; produirait ensuite un enseignement public fondé sur la Religion des citoyens, de manière à ne pas effacer dans les jeunes âmes à l'école ce qui leur a été appris, soit au foyer domestique, soit à l'Église. C'est ce qu'a su démontrer si bien, Monseigneur l'évêque de Liége, dans son excellent ouvrage intitulé: Vrais

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