Page images
PDF
EPUB

CHAPITRE IV

LE DÉFRICHEMENT EN FRANCE.

CONDITIONS D'APPLICATION LES EXCEPTIONS DE L'ARLE SYSTÈME DES ZONES DE PROHIBITION.

DES MESURES ACTUElles.

TICLE 224.
LES CAS D'OPPOSITION DE L'ARTICLE 220.

L'INFLUENCE

DU BOISEMENT SUR LE CLIMAT ET LA SALUBRITÉ PUBLI

QUE. LE RÉGIME DES SOURCES ET COURS D'EAU.
LES MONTAGNES ET LEURS PENTES. LES ÉROSIONS DE

LA MER, DES FLEUVES, RIVIÈRES OU TORRENTS.
DÉFENSE NATIONALE.

LA

Il pourrait paraître, d'après ce que nous avons dit de la réforme apportée à la loi forestière par le Corps législatif de 1859, que la libération des propriétaires dont les bois ne rentrent pas dans l'une des six catégories figurant à l'article 228, a été complète et entière. Il n'en est rien. Alors même que le propriétaire serait assuré d'avance, par la situation de sa forêt, qu'aucun des motifs d'opposition au défrichement n'est valable, il est astreint à l'obligation d'une demande en autorisation et ne peut commencer l'opération qu'il se propose, avant d'avoir laissé s'écouler un délai de quatre mois. On imagine facilement le cas d'une propriété boisée, située sur un haut plateau fort éloigné des sources et cours d'eau, dont manifestement la conservation n'intéresse pas la salubrité publique ; ou bien d'un bois situé dans des conditions identiques à celui d'un voisin auquel n'a été op

posé aucun des motifs de l'article 220; dans la première comme dans la seconde hypothèse, une déclaration doit être adressée à l'administration.

Il n'est d'exception à cette règle absolue que dans des circonstances spéciales prévues par l'article 224:

1o Pour les jeunes bois pendant les vingt premières années, après leur semis ou plantation.

Cette disposition existait déjà dans la loi du 9 floréal an XI et dans le Code forestier de 1827;

2o Pour les parcs et jardins clos ou attenant aux habitations.

Cette rédaction présente une particularité. Dans la loi du 9 floréal an XI elle figurait ainsi : « Les parcs ou jardins clos de murs, de haies ou de fossés, attenant à l'habitation principale »; dans la loi de 1827: « Les parcs ou jardins clos et attenant aux habitations. »

La loi de 1859 a modifié ce dernier texte par le changement de la conjonction et en la conjonction ou.

Voici comment s'exprime au sujet de cette différence de texte, l'exposé du projet de loi relatif au Code forestier déposé en 1888: « Une erreur matérielle commise par un copiste en 1859, a été rectifiée dans l'article qui permet de défricher sans déclaration les parcs ou jardins clos et attenant aux habitations et non pas clos ou attenant, comme le porte la loi du 18 juin 1859. »

Ajoutons que la jurisprudence n'a pas admis qu'un jardin non clos attenant à une habitation puisse être défriché sans déclaration préalable (1).

(1) La Cour de Riom a jugé notamment (11 juin 1883) que le paragraphe 2 de l'article 224 du Code forestier qui excepte de la prohibition de défricher « les parcs ou jardins clos ou attenant à une habitation », doit être entendu en ce sens que l'exception n'existe

En s'abstenant de déterminer les genres de clôture auxquels était attachée la liberté de défrichement, à la différence de l'article 5 de la loi du 9 floréal an XI, qui parlait de parcs ou jardins « clos de murs, de haies ou de fossés », le Code forestier a entendu laisser aux tribunaux le soin de décider, dans chaque affaire portée devant eux, ce qu'il convient de considérer comme une clôture (1).

3o Les bois non clos d'une étendue au-dessous de dix hectares, lorsqu'ils ne font pas partie d'un autre bois qui compléterait une contenance de dix hectares, ou qu'ils ne sont pas situés sur le sommet ou la pente d'une montagne.

Lors de la discussion, un membre du Corps législatif, M. Curé, avait proposé vingt hectares au lieu de dix. « En présence des conditions dans lesquelles l'administation forestière est désormais restreinte pour ses oppositions, disait le rapporteur, nous n'avons pas cru devoir aller jusque-là ...>>

Et il ajoutait « Il ne nous a pas non plus semblé possible, comme l'eut encore voulu M. Curé, de déterminer dans la loi les conditions de réunion ou de séparation d'un bois ou d'une parcelle de bois relativement à un autre; cela nous a paru, comme par le passé, devoir être laissé à l'appréciation de l'administration. >>

qu'en faveur des parcs ou jardins qui sont tout à la fois clos et attenant aux habitations.

« Spécialement on ne saurait considérer comme un parc, dans le sens de l'article 224 du Code forestier, un bois attenant à un château mais non clos; peu importe que ce bois réunisse certaines conditions d'aménagement pour le plaisir et l'intérêt du propriétaire » (même arrêt).

(1) Dalloz, Jurisprudence générale, Code forestier, sous l'article 224,

n° 49.

Ce fut en effet, une circulaire du Directeur général des forêts, du 4 décembre 1866, qui indiqua ces conditions:

<«< Les chemins publics ou privés qui traversent un massif de bois n'ont pas pour effet d'isoler les diverses portions qu'ils séparent et dont la réunion constitue un ensemble de dix hectares et au-dessus » (Cass., 28 août 1847).

<«< On considère comme contiguës les portions de bois qui ne sont séparées que par un ruisseau qui n'est, en réalité, qu'un accessoire ou une dépendance » (Cass., 6 août 1846).

Il y a solution entre deux bois séparés par des terres labourées sur une distance de trente mètres » (Décision du ministre des finances, 14 août 1865).

« Il n'y a d'ailleurs aucune distinction à faire entre les bois appartenant au même propriétaire et ceux qui appartiennent à des propriétaires différents; la loi atteint chacune des parcelles qui, par leur réunion, forment un ensemble de dix hectares au moins » (Cass.,8 janvier 1836).

La circulaire ajoute plus loin: « Le bénéfice des exceptions prévues par l'article 224 du Code forestier est applicable même aux bois compris dans les territoires réservés de la zone frontière » (Avis du ministre de la guerre, 1er août 1859).

En dehors des trois hypothèses de l'article 224, les propriétaires sont assujettis à une déclaration. Mais alors. que sous le régime des lois de floréal an XI et de 1827, l'administration était seule juge de la suite à y donner, les motifs qui justifient son opposition ont été énoncés et de plus réduits à six par la législation actuellement en vigueur.

C'était une réforme importante, car les bois ne rentrant pas dans les chefs de l'article 220 formaient alors. annuellement dix-huit vingtièmes des demandes de défrichement.

Un autre système avait été proposé. Il était dû à M. Anisson-Duperron, député, qui demandait en 1838 que l'administration fît dresser un état de tous les bois dont la conservation serait jugée utile et que le défrichement en fût rigoureusement interdit; il exprimait le désir de voir déclarer libres tous les bois de plaine dont, suivant lui, la destruction ne pouvait présenter aucun inconvénient notable (1). En définitive, il aurait été créé une zone forestière de protection, comme il a été établi plus tard une zone frontière dans laquelle tout défrichement peut être empêché.

Le projet de M. Anisson-Duperron ne fut pas accueilli par la Chambre de 1838, bien qu'il eut l'appui du Directeur général des forêts. Il parut sans doute qu'il y aurait inconvénient à autoriser sans contrôle et d'un coup le défrichement de tous les bois de plaine. On s'attacha à cette idée que les dévastations renouvelées de la Révolution pourraient avoir une influence néfaste sur l'atmosphère et, par suite, sur la salubrité du pays. Ce fut à ce propos qu'une discussion vive eut lieu entre deux savants éminents: Arago et Gay-Lussac, le premier soutenant que les défrichements de plaine sont nuisibles à la santé publique, le deuxième multipliant les arguments afin de

(1) Il convient de remarquer que M. Anisson-Duperron émettait ces idées vingt ans avant la discussion de 1859. Il ne présentait d'ailleurs ce projet qu'à titre de transaction, car il était partisan de la liberté complète du défrichement et avait rompu quelques lances pour défendre cette première conception.

« PreviousContinue »