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CHAPITRE II

DE L'EFFET SUSPENSIF DES FORMES ET DU DÉLAI
DU POURVOI

138. - Effets du pourvoi. — En vertu de l'article 373, § 4 du Code d'instruction << pendant le délai du pourvoi et s'il y a eu recours en cassation, jusqu'à réception de l'arrêt de la Cour de cassation, il sera sursis à l'exécution des arrêts ou jugements ».

Cette disposition est applicable également aux infractions commises par les divers moyens de publication.

Les effets suspensifs des pourvois s'étendent, non seulement aux peines corporelles, mais aussi aux condamnations pécuniaires et aux réparations civiles.

En vue d'accélérer la procédure, l'article 62 de la loi de 1881 exige que, dans les vingt-quatre heures qui suivront l'expiration du délai de pourvoi, les pièces de la procédure soient adressées à la Cour de cassation, qui jugera, d'urgence, dans les dix jours, à partir de leur réception.

Ces dispositions sont dépourvues de sanction, et dans la pratique on se borne à aller le plus rapidement possible. V. article 9, § 3.

Il est certain qu'un prévenu qui use du bénéfice de l'article 54 de la loi de Presse, qui fait défaut, qui, après opposition, soulève des questions de compétence ou des exceptions donnant lieu à des arrêts susceptibles de pourvoi et qui se pourvoit, peut éterniser la procédure (1).

(1) Les lois du 9 septembre 1835 (art. 26), 27 juillet 1849 (art. 20 et 21), 29 décembre 1875 (art. 9) disposaient qu'il était interdit, de former appel, ou pourvoi avant le jugement ou l'arrêt définitif contre les décisions intervenues tant sur la compétence que sur tous autres incidents. La même solution était donnée, en matière d'opposition.

Pour mettre en lumière ces points, voici, comme exemple pratique, quelle a été la tactique de M. Zola dans sa célèbre affaire. Il a prescrit de déposer avant le tirage au sort du jury, des conclusions tendant à faire déclarer qu'il y avait con

M. le sénateur Joseph Fabre a cherché à remédier à cet état de choses (1).

nexité entre le passage pour lequel il était poursuivi et le reste de sa lettre au président de la République (Cpr. no 88).

Il fallait les déposer avant parce que, si elles avaient été déposées après, le pourvoi devant la Cour de cassation n'eût pas empêché que les débats s'engageassent sur le fond, M. Zola ne pouvant plus faire défaut (article 55 de la loi sur la presse).

M. Labori, son avocat, s'est donc levé pour déposer des conclusions relatives à la connexité. Mais le procureur général s'est opposé à ce que ces conclusions fussent déposées avant le tirage au sort du jury.

Me Labori a alors répondu par des conclusions tendant à ce qu'il fût autorisé à déposer immédiatement ses conclusions relatives à la connexité.

La cour a, par un arrêt, rejeté cette demande.

Quelle est, à ce moment, la situation de M. Zola ? S'il acquiesçait à cet arrêt, le jury était tiré au sort et le débat s'engageait sur le fond.

Il est vrai qu'il pouvait développer alors ses conclusions sur la connexité; mais si, elles avaient été rejetées, comme il ne pouvait plus faire défaut, la discussion ne pouvait plus rouler que sur la phrase visée par l'assignation. Se fût-il retiré après le rejet de ses conclusions sur la connexité, qu'il n'en était pas moins, le cas échéant, condamné contradictoirement.

Or, M. Zola déclarait ne vouloir accepter qu'un débat élargi. Il entendait prouver notamment l'innocence de Dreyfus et l'illégalité de sa condamnation. Il s'est donc pourvu contre l'arrêt rejetant les conclusions par lesquelles il demandait à développer, avant le tirage au sort du jury, ses conclusions sur la connexité. Et il a fait défaut, la cour ayant refusé,de considérer ce pourvoi comme suspensif des débats. Il est certain, néanmoins, qu'il s'agissait d'un arrêt préparatoire ou d'instruction, et que le pourvoi était irrecevable. Il n'y avait pas d'effet suspensif. La Cour d'assises a donc eu raison de passer outre en droit. Mais, son arrêt de condamnation, il fallait l'exécuter. Or, il était par défaut.

En attendant la décision de la C. de cassation sur ce point, le parquet n'en avait pas moins la faculté de faire signifier à MM. Zola et Perreux l'arrêt de condamnation intervenu par défaut. Si la signification était faite, et si M. Zola avait, comme le veut la loi, pour faire tomber l'arrêt de défaut — formé opposition dans les cinq jours, il eût été loisible aux magistrats de faire revenir l'affaire pour être jugée sur le fond, avant même que fût rendu l'arrêt de la Cour de cassation sur la question soumise par le pourvoi. C'est pour éviter cette éventualité, qui eût placé, précisément, M. Zola dans la situation où il eût été s'il avait acquiescé à l'arrêt de la cour d'assises, que l'auteur de la lettre : J'accuse passa la frontière.

En effet, aux termes de l'article 56 de la loi sur la presse, paragraphe 3: « Si la signification de la condamnation par défaut n'a pas été faite à personne ou s'il ne résulte pas d'acte d'exécution de l'arrêt que le prévenu en a eu connaissance, l'opposition sera recevable jusqu'à l'expiration des délais de prescription de la peine » (cinq ans). Si, au contraire, la signification a été faite à personne, les délais d'opposition ne sont que de cinq jours, aux termes du paragraphe 2 du même article.

Ce plan a réussi. M. Zola a, plus tard, formé opposition, et. devant la Cour d'assises de Seine-et-Oise, il a posé des conclusions nouvelles basées cette fois sur l'article 35 § 4. L'arrêt a été alors interlocutoire et le pourvoi de M. Zola a été suspensif.

De même en ce qui touche la condamnation de Zola au profit des experts, il a fallu pour exécuter et puisqu'il était absent procéder à la saisie et vente du mobilier. (1) Voici le passage de sa proposition de loi (7 juin 1900):

« 6o Faculté laissée soit à la juridiction correctionnelle ou de simple police, soit

Nous venons de nous expliquer sur le pourvoi en matière répressive. Le pourvoi en matière civile, au contraire, n'est pas suspensif. Il n'y a pas à distinguer si l'action civile introduite devant les tribunaux civils, est motivée par une infraction de presse (1).

Quant aux pouvoirs respectifs des juges du fond et de la Cour de cassation, nous nous sommes suffisamment expliqué (2).

Délai. Le pourvoi doit être formé, dans le délai de trois jours, au greffe de la Cour ou du tribunal qui aura rendu la décision.

Le délai court du jour de la prononciation du jugement ou de l'arrêt contradictoire.

Mais quand l'arrêt a été prononcé après une mise en délibéré, sans une indication préalable du jour et en l'absence des parties, le délai du pourvoi ne court qu'après l'expiration des délais de l'opposition; et il n'est pas besoin d'une nouvelle signification pour faire courir le délai.

Le délai n'est pas franc. Il suit de là que, seul le jour de la pronon ciation de la décision ne comptera pas dans le calcul. Ainsi le pourvoi contre un arrêt rendu le 1er mai devra être formé au plus tard le 4 (3). Le délai du pourvoi se détermine aisément, quand il s'agit du recours

« à la cour d'assises, lorsque, statuant sur une exception d'incompétence, elles se « sont déclarées compétentes, de passer outre aux débats sur le fond, nonobstant « appel ou pourvoi en cassation ».

«Le législateur de 1881 était loin, dit M. Fabre, de soupçonner la série d'obstructions qu'imagineraient certains journalistes contre les revendications des

tiers.

« Au moyen d'une ingénieuse combinaison de procédés dilatoires, on retarde pendant des années la sentence dernière. Il est fait échec aux lois ; et les décisions ne sont jamais amenées à effet.

« Notre proposition ne guérit pas le mal; mais elle le réduit ». (1) Alger, 27 février 1894.

(2) Voir suprà, nos 55, 56.

(3) C., 19 juin 1890, 12 février 1898, 29 avril 1898, 22 juillet 1899, 23 juin 1900. V. Faivre et Benoist Lévy, p. 258. Contrà, Dutruc, no 434. Bazille et Constant, n° 274.

Jusqu'à la loi du 27 juillet 1849, les délais du pourvoi en matière de presse étaient les mêmes que ceux de l'article 373 du Code d'instruction criminelle. Le condamné, la partie civile, le ministère public avaient donc trois jours francs à partir de la prononciation de la décision pour déclarer le pourvoi (art. 373). Remarquons bien que le délai fixé par l'article 62 ne s'applique qu'aux délits de presse. C'est la qualification donnée par l'arrêt attaqué, qui fixe ce point. C.. 29 décembre 1888, 10 avril 1891. Il suffit que le pourvoi soit formé contre des décisions rendues en matière de presse.

Mais le délai est de 5 jours, au cas de poursuite sur information préalable (articele 48). C., 21 février 1884 (article 301 Code d'instruc.) et de 3 jours franes lorsqu'il s'agit d'un renvoi pour délit. C., 31 janvier 1889, 10 mai 1889.

contre l'arrêt mème de condamnation. Mais, au cours de la procédure des arrêts incidents, des décisions incidentes peuvent intervenir.

Formes.

Dans le silence de nos articles il faut, quant aux formes du pourvoi, se référer aux prescriptions des articles 417 à 419 du Code d'instruction criminelle.

Voici l'article 417:

ARTICLE 417 DU CODE D'INSTRUCTION.

La déclaration de recours sera faite, au greffier, par la partie condamnée, et signée d'elle et du greffier; et si le déclarant ne peut ou ne veut signer, le greffier en fera mention. Cette déclaration pourra être faite, dans la même forme, par l'avoué de la partie condamnée ou par un fondé de pouvoir spécial; dans ce dernier cas, le pouvoir demeurera annexé à la déclaration.

Elle sera inscrite sur un registre à ce destiné ; ce registre sera public, et toute personne aura le droit de s'en faire délivrer des

extraits.

Il est de principe que les formes prescrites par cet article, sont toutes de rigueur et ne peuvent être supplées par équivalents (1).

(1) Jurisprudence constante. V. Hélie, t. IX, p. 393.

Mais s'il était constaté qu'il n'existe pas au greffe de registre destiné à recevoir les déclarations de pourvoi, celles-ci pourraient être faites par requêtes ou exploits, etc.

L'avoué de la partie condamnée n'a pas besoin d'un pouvoir spécial.

Le pourvoi doit, sous peine d'irrecevabilité, lorsqu'il s'agit d'un arrêt de la Chambre des mises en accusation, être formé par déclaration, au greffe de la Cour d'appel qui a rendu l'arrêt attaqué. Le pourvoi formé par déclaration au greffe de la cour d'assises est nul. C., 20 juillet 1885. Cpr. articles 373, 409, 417, 422, 423 du Code d'instruction criminelle.

La déclaration du pourvoi est valablement faite au greffe après l'heure fixée pour sa fermeture et le greffier est tenu de la recevoir.

Doit être déclaré non recevable le pourvoi formé le 12 contre un arrêt du 8, alors même que le demandeur aurait manifesté au greffier en chef de la Cour d'appel son intention de se pourvoir dans le délai légal, s'il ne résulte pas des documents qui peuvent être produits à l'appui de cette allégation que le demandeur a été empêché de réaliser cette intention dans le délai légal, par des circonstances indépendantes de sa volonté. C., 2 juin 1900.

Et il importe peu que le dernier jour du délai pour le pourvoi soit un jour férié pendant lequel le greffe de la Cour d'appel peut être fermé, alors que le demandeur ne justifie, d'aucune diligence, faite par lui, pour réaliser une déclaration de pourvoi. Au surplus, l'article 1033 du Code de procédure civile modifié par la loi du 13 avril 1895 s'applique exclusivement aux délais prévus par les lois de procédure civile et commerciale et ne concerne pas la matière des pourvois criminels. C. 22 juin 1900.

SECTION II

De la prescription.

ARTICLE 65 DE LA LOI DE 1881.

L'action publique et l'action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la présente loi, se prescriront après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte de poursuite, s'il en a été fait.

(Mais voir Loi du 16 mars 1898).

Les prescriptions commencées à l'époque de la publication de la présente loi, et pour lesquelles il faudrait encore, suivant les lois existantes, plus de trois mois à compter de la même époque, seront, par ce laps de trois mois, définitivement accomplies.

Aperçu général. En droit commun, la prescription est en matière de crimes, de 10 ans ; de délits, de 3 ans ; de contraventions de 1 an (articles 637 à 640 du Code d'instruction).

Ici, au contraire, en vertu de l'art. 65, la prescription est très courte. Elle est de 3 mois. Toutefois, en matière d'outrage aux bonnes moeurs par le livre, elle est d'un an (Loi du 16 mars 1898).

La prescription est une excuse essentiellement péremptoire (1) qui, nous le verrons, doit, devant les juridictions répressives, être suppléé

(1) Lorsque le gérant ou l'éditeur sont connus, la prescription, acquise à leur profit, empêche de poursuivre les vendeurs, distributeurs, colporteurs, afficheurs. C., 29 décembre 1882. Cpr. toutefois, C. d'assises de la Seine. 15 février 1886.

Mais il est nécessaire devant la Cour de cassation, que les constatations de fait de l'arrêt ou du jugement justifient l'exception de prescription ou qu'elle résulte de la procédure. C., 13 février 1880.

Lorsque, en défense au pourvoi de la partie civile, le prévenu d'un délit de presse établit que, dès avant le jugement de première instance, l'action était prescrite, il

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