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dans quelqu'une de ses parties, d'altérations plus ou moins profondes. Quant à la pièce attribuée mensongèrement à des tiers, l'infraction résulte uniquement du mensonge (1).

Les termes de notre article étant généraux, il faut l'étendre à tous écrits, même aux écrits politiques.

A notre avis, il est regrettable que le délit n'existe qu'autant que la paix publique aura été troublée. Ce qui s'est produit à diverses reprises, dans une certaine partie de la France, justifie nos regrets.

Il est évident que la paix publique ne sera que très exceptionnellement troublée par des inventions de cette sorte ou par des falsifications de pièces. Ce ne sera guère que par la publication d'un message apocryphe du Président de la République, de renseignements très importants, supposés de provenance officielle, authentique, que le trouble. pourra être produit.

Donc, toutes les inventions apocryphes en matière électorale ne sont plus réprimées pénalement, non plus que les suppositions d'écrits (2). Il y a là une lacune.

Une grave question se pose. Celle de savoir, si notre délit (de l'article 27) peut se confondre avec les crimes de faux et d'usage de faux en écriture (3).

d'approbations ou de désapprobations imaginaires. Nous ne parlons pas des mensonges par réticence ».

Francisque Bouillier: Etudes morales sur le mensonge.

MM. Chautemps et autres ont déposé à la Chambre, le 28 février 1899, un projet de loi aux termes duquel, entr'autres dispositions, ces députés correctionnalisent le délit de publication ou reproduction de fausses nouvelles, de pièces fabriquées ou falsifiées, faites de mauvaise foi; ils suppriment, pour la nouvelle fausse, la condition qu'elle devra avoir troublé la vie publique.

(1) Vente: Traité des fausses nouvelles, no 57. Rousset, no 1357.

(2) Sous l'empire du décret de 1852 on pouvait punir le fait d'avoir publié dans un journal, un rapport attribué à une commission du Conseil général, qui différait notablement du document authentique. C., 22 août 1874. Cpr. Pau, 18 juin 1875. C. 27 juillet 1875.

(3) On peut citer un décret du 6 floréal an II, aux termes duquel était puni de mort l'auteur des lettres anonymes ou signées de noms supposés, qui tendaient à faire passer les personnes auxquelles on les adressait pour complices d'un crime attentatoire à la sûreté générale de l'Etat. V. Merlin, Répertoire, vo Calomnie, n° 3. Cpr. aussi Loi du 10 décembre 1830 (art. 4 et 5).

Par exemple, le fait de la fabrication de lettres sous un nom supposé, pour nuire à la réputation d'autrui en le calomniant, constitue le crime de faux en écriture privée prévu par l'article 150 du Code pénal. C., 12 janvier 1809, 12 novembre 1812 ou 1813, 18 novembre 1832. Cpr. Chassan, t. I. p. 243. Bourguignon, sur l'article 130. Merlin, vo Calomniateur. De Grattier, t. I, p. 186. Il sera d'ordinaire rigoureux de viser cet article, et il est bien certain que le ministère public, sauf dans des cas très graves, hésitera de ce chef à saisir la Cour d'assises. Grellet Dumazeau, t. I, no 29.

Mais, nous ne saurions approuver un arrêt de la Cour d'Alger, du 28 janvier

3 Considérations communes aux deux paragraphes précédents.

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242.-Compétence, action, pouvoirs du juge. — Le délit peut être poursuivi d'office par le ministère public; il est de la compétence de la Cour d'assises. On pourra saisir la Cour d'assises de tout département dans lequel le journal aura été distribué, comme celle du département où il est imprimé (1).

Quand il s'agira d'autres écrits que le journal, ou de la parole, la Cour d'assises compétente sera celle du lieu de la publication ou de la reproduction (2).

Le délit de fausse nouvelle peut, quelquefois, constituer un autre délit (diffamation, outrage, offense, menace, etc.). On pourra, sauf le cas d'indivisibilité (3) poursuivre simultanément ou non les deux délits. Ceci a une certaine importance au point de vue de la preuve d'abord, de la compétence ensuite, et, enfin, du droit de poursuivre l'action (4). Le juge du fait apprécie souverainement les circonstances qui entourent la perpétration du délit, celles qui sont extérieures, extrinsèques à l'acte pris en lui-même. La Cour de cassation contrôle et vérifie l'interprétation donnée à l'acte ainsi qualifié, elle en détermine le sens et la portée, mais sans pouvoir rien changer aux constatations du juge du fait (5).

La procédure que nous avons indiquée pour la Cour d'assises est applicable (6).

1886, d'après lequel il n'y aurait pas faux, si l'on se trouvait en présence d'une prétendue copie d'une pièce imaginaire. Cet arrêt décide, comme conséquence, qu'il n'y a pas de poursuite possible, en vertu de l'article 27, si la publication n'a pas occasionné un trouble à la paix publique.

Au contraire, comme notre article 27 ne parle pas de fabrication proprement dite, qu'il n'y est question que de publication ou de reproduction, nous pensons que les articles 145 et ss. du Code pénal, demeurent applicables, à la condition que la pièce réunisse les éléments constitutifs du faux.

Il en est de même de l'usage du faux. La remise d'une pièce fausse au gérant d'un journal, constituera le crime d'usage de faux.

(1)V. n° 103. C., 30 janvier 1858,

(2) V. n° 103.

(3) V. n° 88.

(4) C., 30 janvier 1858, 8 novembre 1861, 11 février 1864. Riom, 13 novembre 1867. Bourges, 7 mars 1879. Bordeaux, 26 décembre 1890. Trib. corr. de Moulins, 16 août 1867. Cpr. Dijon, 21 août 1886. Douai, 22 juillet 1874. V. nus 104 et ss.

(5) V. n° 56, C., 30 janvier 1858, 9 janvier 1864, 17 juillet 1868, 9 janvier 1875. Sur les pouvoirs de la Chambre des mises en accusation. V.no 114. V. C., 31 mai 1850.

(6) V. nos 112 et ss.

CHAPITRE DEUXIÈME

FAUSSES NOUVELLES DE DROIT COMMUN

A côté de la fausse nouvelle prévue par l'article 27 de la loi de presse, il y en a d'autres qui font l'objet de dispositions de lois spéciales ou d'articles du Code pénal.

243.

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Citons d'abord la loi du 24 juillet 1867, article 15. Nous avons déjà étudié cet article (1).

244.

Décret du 2 février 1852.

Puis l'article 40 du décret du

2 février 1852, qui réprime la fausse nouvelle émise soit pour surprendre, détourner les suffrages, déterminer l'abstention d'un ou de plusieurs électeurs, soit à influencer l'exercice du suffrage universel (2).

245, Ensuite les articles 419, 420 du Code pénal. Ils visent les nouvelles fausses, les bruits calomnieux ou les manoeuvres frauduleuses tendant, à opérer la hausse ou la baisse des fonds publics et marchandises.

Ces articles sont encore en vigueur. Cela résulte du rapport de

(1) V. no 179, 3o supra, p. 149 et ss.

(2) L'article 40 est ainsi conçu :

<< Ceux qui, à l'aide de fausses nouvelles, bruits calomnieux ou autres manœuvres frauduleuses, auront surpris ou détourné des suffrages, déterminé un ou plusieurs électeurs à s'abstenir de voter, seront punis d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 1.000 fr. à 2.000 fr. »

La condamnation entrainera l'incapacité électorale.

Il ne suffit pas, pour caractériser le délit prévu par l'article 40 du décret du 2 février 1852 que l'on rencontre dans le fait incriminé les deux éléments: fausse nouvelle et détournement de suffrages, il faut, en outre, que l'auteur de la fausse nouvelle ait été de mauvaise foi. Rennes, 30 janvier 1899.

M. Lisbonne, de la discussion et d'ailleurs d'une disposition catégorique (1).

En voici le texte :

ARTICLE 419 DU CODE PÉNAL.

Tous ceux qui, par des faits faux ou calomnieux semés à dessein dans le public, par des suroffres faites aux prix que demandaient les vendeurs eux-mêmes, par réunion ou coalition entre les principaux détenteurs d'une même marchandise ou denrée, tendant à ne pas la vendre ou à ne la vendre qu'à un certain prix, ou qui, par des voies ou moyens frauduleux quelconques, auront opéré la hausse ou la baisse des prix des denrées ou marchandises, ou des papiers et effets publics au-dessus et au-dessous des prix qu'auraient déterminés la concurrence naturelle et libre du commerce, seront punis d'un emprisonnement d'un mois au moins, d'un an au plus, et d une amende de 500 à 10 000 francs. Les coupables pourront de plus être mis, par l'arrêt ou le jugement, sous la surveillance de la haute police pendant deux ans au moins et cinq ans au plus.

ARTICLE 420.

La peine sera d'un emprisonnement de deux mois au moins et de deux ans au plus, et d'une amende de 1.000 à 2.000 francs, si ces manœuvres ont été pratiquées sur grains, grenailles, farines, substances farineuses, pain, vin ou toute autre boisson.

(1) Il est certain que des articles de journaux pourront constituer l'infraction de l'article 419. M. Pelletan a dit au Sénat : « N'y a-t-il aucun danger aux fausses nouvelles? Il y a un danger, vous l'avez reconnu ; vous voulez même punir les journalistes pour ce délit la baisse et la hausse des fonds publics. D'après ce que j'ai pu entendre à cette tribune, vous ne voulez pas abolir l'article du Code pénal qui punit les fausses nouvelles qui auront agité les fonds publics et les auront fait hausser ou baisser arbitrairement. Vous y renvoyez les journalistes, et vous dites que, nécessairement, ils feront hausser ou baisser les fonds publics qu'alors vous reprendrez sous cette forme le délit de fausses nouvelles et que vous enverrez en police correctionnelle le journaliste, précisément pour avoir fait baisser ou hausser les fonds, Mais il y a des dangers bien plus grands. »

La mise en surveillance qui pourra être prononcée sera de cinq ans au moins et de dix ans au plus.

La loi punit ici la nouvelle fausse (faits faux ou calomnieux) qui a déterminé une hausse ou une baisse sur les marchandises ou les effets publics (1).

Les articles 419, 420 ont leur source dans les lois révolutionnaires auxquelles ils empruntent, d'une part, la prohibition de ces conventions par lesquelles les commerçants fixent, en commun, le prix de leur industrie et de leurs travaux, d'autre part, la proscription de ces spéculations qui, en resserrant dans quelques mains une même marchan· dise, tendent à en exagérer le prix.

Le législateur a voulu atteindre aussi l'accaparement et l'agiotage (2). La libre concurrence a une limite.

L'article 419 est général et s'applique ainsi bien aux intérêts privés qu'aux intérêts généraux.

Le mot marchandises est pris dans un sens générique et comprend, non seulement, les choses qui se mesurent, se pèsent ou se comptent, mais encore les contrats d'assurance de transport et de message

ries (3).

Par denrées, il entend tout ce qui sert à la nourriture et à l'entretien des hommes et des animaux (4).

Enfin, l'article parle de papiers et effets publics. On a essayé, vainement, en présence, de termes aussi nets, de faire rentrer les actions,

(1) Il faut que cette hausse ou cette baisse se soient réalisées et aient suivi les moyens frauduleux. Rapport de M. Lepelletier. D. P., 79, 1. 346.

C., 29 mai 1840, 9 avril 1863. Cpr. C., 1er février 1834.

Il faut une relation directe de cause à effet, entre la nouvelle et la hausse ou la baisse. Paris, 27 décembre 1884, 28 février 1888. Cpr. C., 29 mai 1840, 9 avril 1863, 14 juillet 1854.

(2) V. Lois du 14 juin 1791, art. 4; du 26 juillet 1793, du 13 fructidor an III, art. 1er à 5.

Mirabeau, Dénonciation de l'agiotage, 1787, in-8° Massé, Dr. commercial t. II, n° 942. Buchère, Traité des opérations de bourse. no 215. Proudhon, Manuel du spéculateur, p. 4.

Indépendamment des faux bruits, des suroffres, des coalitions employés pour provoquer la hausse ou la baisse, la loi atteint tous autres moyens frauduleux quelconques.

(3) C.; 1er février 1834, 16 mai 1845, 26 juin 1850, 3 février 1855.

L'article 419 s'applique aux bouchers, fabricants, détenteurs principaux de mêmes denrées qui se coalisent. Larombière, Des obligations, art. 1133, no 21. Laurent, t. XVI, no 142.

C., 31 août 1838. 29 mars 1840, 3 juillet 1841. 13 janvier 1879, 11 février 1879. Cpr. C. 10 avril 1863.

(4) C,, 19 avril 1834.

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