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naire public, citoyen chargé d'un service ou mandat publics et si

touche les actes du défunt lui-même. Toutefois on ne devra pas facilement, nous le répétons, admettre la diffamation. Il faut sauvegarder les droits de l'histoire. Il va sans dire que les tribunaux devront se montrer très larges et qu'appréciant l'intention de nuire ils pourront souvent relaxer.

Pour être complet, il faut rapporter l'arrêt de la Cour d'assises de la Seine du 3 décembre 1900 qui consacre et résume la thèse contraire :

<< Considérant que cette disposition ne saurait être entendue en ce sens que la loi de 1881 repousse entièrement la diffamation et l'injure envers les morts; que si telle eût été la pensée du législateur de 1881, il l'aurait formellement exprimée et que, d'autre part, on ne peut admettre que l'article 34 ait eu pour objet unique de faire disparaitre une controverse antérieure; qu'à la vérité et pour sauvegarder les intérêts supérieurs de l'histoire, la loi n'admet le délit de diffamation des morts qu'autant qu'elle passe par dessus leur tombe pour aller frapper des vivants, mais que, dans cette hypothèse déterminée elle constitue un délit spécial, prévu par l'article 34 et puni des peines édictées par les articles 31, 32 et 33; que si tels n'étaient pas le sens et la portée de l'article 34, il serait sans signification et sans utilité, puisqu'il n'attribuerait aux héritiers vivants aucune action nouvelle et ne leur accorderait en définitive que l'action personnelle qui leur appartient déjà en vertu des articles 31, 32 et 33 précités;

« Qu'en effet ceux-ci ont toujours le droit, quand sous l'apparence et le prétexte d'imputations dirigées contre leur auteur décédé ils sont personnellement et directement injuriés ou diffamés, de faire abstraction de leur qualité d'héritier et de poursuivre le diffamateur en vertu des articles 31, 32 et 33 et qu'il n'était pas besoin d'un texte nouveau pour le leur conférer ;

<< Considérant qu'en réalité le délit prévu et réprimé par l'article 34 est l'imputation dirigée contre la mémoire du mort lui-même dans le cas où, en même temps qu'elle atteint cette mémoire, elle nuit intentionnellement à l'honneur ou à la considération des héritiers vivants;

«Que la loi n'admet la diffamation envers les morts que dans ce cas unique, mais qu'elle l'admet expressément et que, par suite, l'imputation à la mémoire d'une personne morte étant l'élément caractéristique et prédominant du délit défini par l'article 34, c'est en contemplation de la personnalité même du mort qu'il convient en ce cas de qualifier et de caractériser le délit ;

« Considérant que l'action pénale ainsi accordée par l'acticle 34 aux héritiers vivants du mort diffamé, n'est pas une action qu'ils exercent au nom du mort et comme continuateurs de sa personne ; que c'est bien une action personnelle ayant pour base la lésion qu'ils ont éprouvée et qu'ils exercent en leur qualité propre d'héritiers atteints dans leur honneur et leur considération ;

« Mais qu'en définitive c'est l'honneur du mort qu'ils vengent dans leur propre honneur, quand la diffamation ou l'injure adressée à sa mémoire les atteint direc tement et intentionnellement; que la solidarité de famille qui survit au tombeau ne permet pas de réparer l'honneur de celui de ses héritiers;

« Qu'ils forment un tout indivisible, que diffamer l'un c'est diffamer l'autre et que la loi ne saurait interdire aux représentants d'un mort, l'accès d'un prétoire où leur auteur aurait été admis, quand ils s'y présentent pour défendre dans sa mémoire leur propre considération ;

<< Considérant qu'une telle interprétation de l'article 34 ne présente rien de contraire aux immunités nécessaires de la vérité historique; qu'elle n'est pas non plus en contradiction avec les travaux préparatoires de la législation de 1881 ; « Qu'elle est conforme aux principes généraux de la matière et à l'esprit de la loi de 1881 qui constitue la Cour d'assises, juridiction de droit commun en matière de crimes et de délits de publication;

« Qu'elle est également conforme aux intérêts du prévenu et du plaignant en

c'était à raison de cette situation qu'il serait visé et atteint et si les imputations contre la mémoire du mort dont il est le représentant ou l'héritier, se liaient, intimement ou indivisiblement avec l'exercice de la fonction publique ou du mandat public exercés par ce dernier (1).

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Pouvoir d'appréciation (2). — C'est aux juges du fait qu'il appartient d'apprécier si les héritiers sont suffisamment désignés et si les auteurs

les admettant à faire la preuve de la vérité et de la fausseté des faits diffamatoires et en donnant la publicité la plus large aux débats du procés ;

« Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la compétence juridictionnelle dans le cas où le plaignant agit en vertu de l'article 34 de la loi de 1881, doit être appréciée en considération de la personne même du mort diffamé; que, s'il était personne qualifiée aux termes de l'article 31, et si sa mémoire a été diffamée ou injuriée à raison des fonctions qu'il exerçait ou de la qualité dont il était revêtu de son vivant, ses héritiers, même simples particuliers, s'ils exercent l'action qui leur est conférée par l'article 34 doivent porter leur action devant la cour d'assises;

<«< Considérant que Henry était de son vivant lieutenant-colonel d'état-major et, à ce titre, fonctionnaire publice ;

« Que la dame veuve Henry, agissant tant en son nom personnel qu'au nom de son fils mineur, a cité, en vertu de l'article 34 auquel elle se réfère expressément dans le dispositif et les motifs de son assignation, à l'audience de ce jour de la Cour d'assises, Chambré et Joseph Reinach comme auteur principal et complice de diffamation, qui aurait été commise envers sa mémoire et ce à raison des fonctions qu'il exerçait au ministère de la guerre et avec l'intention de porter atteinte à l'honneur ou à la considération de ses héritiers vivants;

« Que son action ainsi intentée est recevable ».

La Cour de cassation, saisie d'un pourvoi contre cet arrêt par le procureur général, n'a pu l'examiner, l'action publique étant éteinte et, d'autre part, l'action civile étant déférée par la loi d'amnistie à la juridiction civile.

Mais il est évident que à moins que Mme Henry ne modifie sa demande en la fondant sur le préjudice qui lui aurait été causé à elle et à ses enfants, personnellement la question, non plus à vrai dire de compétence, mais de recevabilité de son action, devra être tranchée.

On peut consulter, parmi les décisions les plus récentes: Paris (ch. corr.), 30 mars 1897. Trib. corr. Seine (9 ch.), 3 août 1898. Trib. corr. Saint-Quentin, 19 mai 1892.

On peut consulter encore Trib. corr. Cahors, 28 avril 1898 (Rec. Gaz, des Tribunaux, 1899, 2o sem. 4o part. diffamation, p. 51). C., 10 mai 1900 et le rapport de M. le conseiller Legrix; les réquisitions de M. l'avocat général Lombard sur un incident de sursis soumis à la Cour d'assises de la Seine, dans la même affaire Henry-Reinach, audience du 27 janvier 1899 (Gaz. des Tribunaux, 28 janvier 1899).

(1) Trib. St-Quentin, 19 mai 1892. Cpr. Trib. corr. de Cahors, 26 avril 1898. Par exemple, un ministre est le fils d'un fonctionnaire décédé. On dit de ce mort qu'il a acquis sa fortune par prévarication et on ajoute que son fils use de cet argent pour acheter la conscience de députés.

S'il n'y avait pas indivisibilité ou connexité entre les imputations concernant le défunt et celles qui atteignent les héritiers, ceux-ci seraient fondés, comme simples particuliers, à exercer l'action civile leur compétant, et à la porter, à leur choix, devant le tribunal correctionnel ou le tribunal civil. V. nos 83, 111, 310. (2) Lorsqu'un article de journal impute à la mère du plaignant, décédée, des rela

des diffamations ou injures ont eu l'intention de porter atteinte à leur honneur ou à leur considération.

tions irrégulières, d'où serait issu un enfant naturel, le juge du fait peut décider souverainement qu'il y a là, envers la mémoire de la défunte, une diffamation qui avait pour but de porter atteinte à l'honneur et à la considération de son fils. C., 19 novembre 1900.

C., 3 février 1893. Paris, 9 juillet 1836.

Toutefois, nous ne saurions aller jusqu'à reconnaître aux juges du fait un pouvoir absolument souverain. Suivant la teneur de l'écrit, de l'article, du propos, la Cour de caosation aurait le droit, selon nous, de décider qu'il n'y a atteinte qu'à la mémoire du mort.

TITRE IV

DIFFAMATIONS ET INJURES NON PUBLIQUES

TAPAGE INJURIEUX OU NOCTURNE
ATTROUPEMENTS INJURIEUX OU NOCTURNES

Voici les quatre textes qui s'appliquent à notre matière :

I. ARTICLE 471, § 11 DU CODE PÉNAL.

Seront punis d'amende, depuis un franc jusqu'à cinq francs exclusivement, ceux qui, sans avoir été provoqués, auront proféré contre quelqu'un des injures autres que celles prévues depuis l'article 367 jusques et y compris l'article 376 du Code pénal.

II. ARTICLE 479, § 8 DU CODE PÉNAL.

Seront punis d'une amende de 11 à 15 francs inclusivement les auteurs ou complices de bruits ou tapages injurieux ou nocturnes troublant la tranquillité des habitants.

III. ARTICLE 480, No 5.

Pourra, selon les circonstances, être prononcée la peine d'em

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