Page images
PDF
EPUB

10 Outrage dans l'exercice des fonctions. - Une règle importante, c'est que les outrages reçus dans l'exercice des fonctions sont toujours punissables des peines édictées par la loi (art. 222 à 225 du Code pénal, etc.), alors même qu'ils sont relatifs exclusivement à la vie privée du fonctionnaire, magistrat, juré, officier ministériel, etc., qui en est l'objet.

Ces outrages, quoique commis dans l'exercice des fonctions, peuvent être étrangers aux fonctions et ne concerner que la vie privée des fonctionnaires. Il n'importe, De plus, il y a, à les réprimer, une véritable nécessité pratique. L'agent a le devoir d'accomplir l'ordre, la mission qui lui sont commandés; il faut donc, pour qu'il puisse exercer son service, avoir raison, même par la mise en état d'arrestation du délinquant, des outrages qui seraient proférés par ce dernier. La répression doit pouvoir accompagner le délit, et les tribunaux correctionnels sont seuls compétents, par la nature même des choses.

La jurisprudence abonde en espèces, dans lesquelles il s'agit de l'exercice des fonctions (1).

2o Outrage à raison des fonctions. Il est important de distinguer les outrages adressés à des fonctionnaires publics, dans l'exercice de leurs fonctions, de ceux qui les touchent à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions. Il peut, en effet, arriver que les outrages loin de viser le fonctionnaire, s'adressent à lui personnellement, comme individualité privée. Dans ce dernier cas, si le fonctionnaire, etc., n'est pas dans

nes, 3 décembre 1885. Cpr. C., 11 octobre 1821 relatif au port du costume ou des insignes.

La non investiture proprement dite du fonctionnaire ne peut servir d'excuse. C., 26 juin 1851, 8 avril 1860.

(1) Sont, par exemple, dans l'exercice de leurs fonctions:

Le juge sur son siège; le préfet au conseil de révision; le juge d'instruction dans un transport judiciaire, et lorsqu'il procède sur les lieux; le procureur de la République dans son cabinet.

Le ministère public, lorsqu'il requiert à l'audience; les magistrats, quand ils procèdent à des enquêtes, à des ordres, etc., etc. (durante officio).

L'officier du ministère public qu'on va trouver à son domicile pour lui parler d'une poursuite et qu'on injurie. C., 28 décembre 1807.

Le juge de paix, au moment où il accorde à l'offenseur un entretien relatif à une sentence sur une affaire dans laquelle le réclamant était partie.

Le juge de paix qui se trouve sur les lieux litigieux, en vertu d'un transport par lui ordonné, suivi de son greffier, de l'huissier, et en présence des parties ou de l'une d'elles et des témoins, C., 17 thermidor an X.

Le commissaire de police, lorsqu'il agit sur l'ordre de ses chefs, ou en vertu d'une plainte, etc., etc. Dalloz. Jurisprud. générale, vo Outrage. Blanche, t. IV, no 96. Cpr. Chassan, t. I, p. 453, note 2. Bories et Bonassies, no 64. De Grattier, t. II, p. 62. note 3. V. C., 29 juin 1883.

L'adjoint remplissant les fonctions du ministère public en simple police, lorsque, dans l'intérieur de son domicile, il recevait l'inculpé et lui fournissait des explications sur la citation dont il avait été l'objet. C., 28 décembre 1807.

L'adjoint au maire lorsque, requis dans les formes de l'article 587 du Code de

l'exercice de ses fonctions, l'article 222 est inapplicable, le fonctionnaire n'étant à considérer que comme simple particulier.

Lorsqu'il s'agit donc d'outrages à raison ou à l'occasion des fonctions, s'il résulte des circonstances, livrées à l'appréciation des juges du fait, que ces outrages n'ont été inspirés que par des motifs d'ordre privé (non contemplatione officii), et ne sont point relatifs à l'homme public, au service public, etc., etc., les articles 222 à 225 du Code pénal, etc., ne s'appliquent pas.

L'outrage est commis à raison des fonctions, toutes les fois qu'il se rapporte à un acte de ces fonctions. C'est par là qu'on distingue le caractère légal de cet outrage Doit être réputé fait à l'occasion de l'exercice des fonctions l'outrage qui s'attaque, non à la fonction ellemême, mais à l'aptitude du fonctionnaire à la remplir et à la manière dont il l'exerce habituellement (1).

Un magistrat appelé à déposer à l'audience et qui est outragé au dehors à raison de sa déposition ne peut pas invoquer l'article 222. Ce sont les articles 31 et 33 de la loi de presse qui sont applicables (2).

On se sert indifféremment, dans la pratique, des expressions : « à l'occasion des fonctions » ou « relatifs aux fonctions (3).

»

procédure, il procède conformément à cet article. Carnot, t. I, p. 551. De Grattier, t. II, p. 70, note 1. C., 1er avril 1813.

Le maire, lorsqu'il préside le conseil municipal. C. 22 août 1840, 20 juillet 1866. Ou le conseil de fabrique, C., 28 août 1823. Ou la commissions des classifications pour les opérations cadastrales, C. 28 février 1828. Ou lorsqu'il affiche ou fait afficher un placard annonçant une nouvelle politique, C., 1er mars 1833. Ou qu'il préside le bureau électoral. C., 19 août 1837. Mais voir décret de 1852, no 342. Il en est ainsi dans une séance du conseil municipal que le maire préside. C., 10 mai 1845.

(1) C., 10 mai 1845.

Dire à un magistrat qu'il est un misérable, un coupe-jarret, malheureusement le procureur de la République, et que depuis longtemps l'honneur est rayé de son catalogue, c'est l'outrager à l'occasion de ses fonctions. Cpr. C., 2 avril 1825. Dire à un sénatenr, membre de la Haute-Cour: vous avez condamné Déroulède ; votre conduite est infâme, constitue le même outrage. Trib. corr. de la Seine, 9 août 1900.

L'outrage adressé au rapporteur d'un conseil municipal à propos de son rapport est considéré comme fait à l'occasion de ses fonctions. C., 28 avril 1826. De même, on outrage le préfet à raison de ses fonctions, en disant : « Je me moque du préfet et de ses arrêtés; il est payé, et moi je ne le suis pas ». L'injure verbale adressée à un magistrat dans l'espèce, un maire doit être réputée adressée à l'occasion de l'exercice des fonctions de ce magistrat, lorsqu'elle est déterminée par la fonction elle-même, ou par l'un des actes accomplis par ce magistrat. Trib. de Montbrison, 12 octobre 1885.

(2) Paris, 20 novembre 1888.

(3) C., 28 mars 1875, 23 décembre 1880, 29 juin 1883, 21 novembre 1884, 16 février 1889, 14 mars 1889.

Enfin l'outrage est punissable lorsqu'il est commis envers un ancien fonctionnaire ou agent, à l'occasion de ses fonctions expirées (1).

[blocks in formation]

Il s'agit ici de l'outrage fait par gestes ou menaces à un magistrat ou à un juré, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions (Nous avons défini sous l'article 222 ce qu'on entend par magistrat et par juré). Aux magistrats et jurés il faut ajouter les dépositaires de l'autorité publique.

[ocr errors]

336. Les menaces dont parle l'article 223 ont un caractère de généralité. Quant aux gestes, les anciens jurisconsultes considéraient comme gestes injurieux: le jet de boue ou d'ordure, le fait de cracher au visage, de lever une canne ou un bâton sur la tête d'une personne, les sifflets, les applaudissements, les huées, les charivaris, etc.

L'article 223 n'exige pas, comme l'article 222, que les gestes soient de nature, pour être punissables, à porter atteinte à l'honneur ou à la délicatesse. Ils ne sont pas, selon la Cour suprême, susceptibles du caractère de gravité prévu et puni de peines plus sévères, par l'article 222 (2). Mais il faut que l'outrage soit manifesté par un geste réellement outrageant.

Il y a pourtant une nuance importante. Ainsi, un juge condamne un voleur à l'emprisonnement; le lendemain, il est rencontré dans la rue par le condamné qui lui dit : « Misérable, tu aurais dû m'épargner, car tu as volé toi-même telle chose, tel jour, à telle heure ». L'outrage a lieu à l'occasion des fonctions, et non pas « pour faits relatifs aux fonctions ». Grellet-Dumazeau, t. II, no 661. Angers, 2 juin 1873.

De même, si le fonctionnaire était outragé hors des limites du ressort de sa fonction et qu'il agit pour des faits étrangers à cette fonction, il serait à considérer comme un simple particulier. Chassan, t. I, no 568. Nancy, 19 mai 1875. C., 23 mars 1860.

Mais comme nous l'avons dit plus haut, le prévenu ne saurait se prévaloir de l'illégalité ou de l'irrégularité de l'acte du magistrat ou du fonctionnaire. C., 1er avril 1813.

(1) Chauveau et Hélie, t. III, nos 939, 960, in fine. Ortolan, t. II, nos 1718 et suiv. Cpr. C.. 22 août 1840. V. Procès-verbaur du Conseil d'Etat, séances des 8 et 12 août 1809.

L'expiration des fonctions n'empêche pas l'application de l'article. C., 23 mars

1860.

(2) C., 7 mai 1833.

Le fait de diriger habituellement sur un magistrat des regards d'une fixité provocatrice, de passer et repasser devant lui pour le narguer et de le heurter volon

La loi ne distingue pas entre les menaces écrites ou verbales. Les menaces écrites, non publiques, tombent toujours sous l'art. 222 du Code pénal.

Quant à la menace par paroles, elle est punissable sans qu'il soit nécessaire qu'elle attente à l'honneur ou à la délicatesse du magistrat (1).

Nous étudions plus loin les articles 305 et suivants du Code pénal, relatifs aux menaces (2).

L'intention injurieuse étant un des éléments essentiels des délits, doit être annulé l'arrêt qui a fait application de l'article 223 à un individu reconnu coupable d'avoir pris part à des applaudissements qui s'étaient produits à l'audience d'une Cour d'assises, sans qu'il soit déclaré par l'arrêt qu'en agissant ainsi, le prévenu avait eu l'intention d'outrager les magistrats (3).

La peine est de 1 mois à 6 mois. Si l'outrage a eu lieu à l'audience d'une cour ou d'un tribunal elle est de 1 mois à 2 ans (4).

tairement du coude, constitue l'outrage par gestes prévu par l'article 223. C., 28 janvier 1876. Cpr. C., 29 juin 1883.

De même, le fait de s'asseoir dans la salle d'audience, en face du juge en lui "tournant le dos et en refusant de se retourner et de quitter la salle. Montpellier, 14 août 1872.

De même le fait de cracher au visage d'un fonctionnaire. C., 5 janvier 1855. Quid ? d'un sourire ironique ? C., 14 janvier 1881. Cela est une question d'appréciation.

(1) C., 8 octobre 1842. « L'outrage par menaces ou par gestes, dit Carnot (sur l'art. 223, no 2, doit-il, comme l'outrage par paroles, tendre à inculper l'honneur ou la délicatesse du magistrat qui en est l'objet ? L'article 223 ne le dit pas en termes aussi précis que l'article 222, mais il le suppose évidemment, car, dès que des paroles, même injurieuses, ne rentreraient pas dans la disposition de l'article 222, si elles ne portent pas le caractère exigé par ledit article, plus forte raison, les menaces ou gestes ne peuvent-ils rentrer dans celle de l'article 223 lorsqu'ils n'ont pas ce caractère, dès que, surtout, le Code n'y attache pas la même gravité ».

V. aussi, dans ce sens, Chauveau et Hélie, sous les articles 222 et 223, t, III, n° 981. Cpr. Chassan, t. I, p. 555. De Grattier, t. II, p. 56. Bories et Bonassies, vo Outrage, no 39. Morin, vo Outrage, no 9.

(2) V. n 377.

(3) C., 14 janvier 1881.

(4) V. pour cet outrage, no 347.

CHAPITRE TROISIÈME

ÉTUDE DES ARTICLES 224 ET 225 DU CODE PÉNAL ET DE L'ARTICLE 45 DU DÉCRET DU 2 FÉVRIER 1852.

[blocks in formation]

Notre article punit l'outrage fait par paroles, gestes ou menaces à tout officier ministériel ou agent dépositaire de la force publique, à tout citoyen chargé d'un ministère de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions.

Quelles sont les personnes que protège l'article 224?

L'article 224 parle des officiers ministériels, agents dépositaires de la force publique, citoyens chargés d'un ministère de service public (voir article 555 du Code de procédure civile).

337.

Officiers ministériels. Sont des officiers ministériels relativement aux outrages dont ils sont l'objet :

Les notaires (1);

Les greffiers (2);

Les huissiers (3);

Les avoués. Mais lorsque l'avoué est en matière d'ordre amiable, il n'agit qu'en qualité de simple mandataire, et dès lors les outrages qui

(1) C., 13 mars 1812. Chauveau et Hélie, t. III, no 979. Morin, Discipline, t. I, n° 262. Grellet-Dumazeau, t. I, no 395.

(2) C., 29 mars 1845. Cpr. C., 12 février 1886.

(3) C., 26 juin 1879. L'huissier qui, sans instrumenter, s'occupe des recouvrements de son prédécesseur n'est point dans l'exercice de ses fonctions d'officier ministériel. Il s'ensuit que l'outrage par paroles qui lui serait adressé dans ces conditions par un débiteur, ne pourrait constituer le délit prévu et puni par l'article 224 du Code pénal. Lyon, 29 mars 1898.

Les porteurs de contraintes des contributions directes, étant les huissiers des contributions directes, doivent être considérés comme officiers ministériels, dans le sens de l'article 224. C., 30 juin 1832. Contrà, Chauveau et Hélie, t. III. no 979.

« PreviousContinue »