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De même, quand la décision annulée émane d'une Cour d'appel, les règles de la compétence ordinaire en matière de délit, qui exigent le renvoi devant un tribunal correctionnel, se trouvent en conflit avec le principe fondamental de notre organisation judiciaire, qui ne permet pas de référer la décision du juge supérieur à la censure d'un juge inférieur.

La Cour suprême a décidé que c'est devant un tribunal correctionnel, hors du ressort de la Cour d'appel, et non pas devant une autre Cour d'appel, que l'affaire doit être renvoyée (1).

Une Cour d'appel ne saurait sans contrevenir de la manière la plus grave à la règle de la séparation des pouvoirs, connaître du recours formé contre un arrêté d'un Conseil de préfecture prononçant une condamnation pour outrages à des magistrats dans l'exercice de leurs fonctions, car elle se subordonnerait les Conseils de préfecture, en faisant dépendre de son appréciation le libre exercice de leur juridiction et le respect qui lui est dû. Au surplus la juridiction d'appel est déterminée, non par la nature de l'affaire ou de la peine encourue, mais par celle de la juridiction qui a prononcé en premier ressort (2).

347. Le législateur de 1857 et de 1858 s'est inspiré des mêmes principes dans l'élaboration des Codes de justice militaire pour l'armée de terre et pour l'armée de mer.

Non seulement les rédacteurs de ces Codes ont compris la nécessité d'y insérer des dispositions analogues à celles de l'article 505, mais ils ont cru qu'il était indispensable de les aggraver en ce qui concerne les militaires marins ou assimilés (3).

1869. Trib. corr. Guingamp, 7 décembre 1871. Trib. de Bourges, 11 novembre 1885.

(1) C., 3 décembre 1885, La Cour de cassation a voulu dans l'intérêt du droit de la défense, assurer au prévenu, le bénéfice des deux degrés de juridiction. (2) Aix, 5 décembre 1884. V. no 93.

(3) Article 116 loi des 9 juin 4 août 1837; article 146 des lois des 4 1858.

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Dans l'exposé des motifs du projet du Code militaire pour l'armée de terre, on lit Le projet autorise le Conseil de guerre à punir, audience tenante, les perturbateurs, même ceux de l'ordre civil, d'un emprisonnement de deux ans. On comprend la nécessité de cette dérogation au principe qui règle la compétence. L'individu qui vient s'attaquer à la justice militaire, mettre obstacle à ses graves fonctions, sait à quoi il s'expose; il n'a pas droit de se plaindre, et si la répression instantanée est quelquefois indispensable, c'est surtout quand il s'agit de faire respecter la justice. Le projet dispose que la voie de fait, l'outrage ou la menace seront jugés séance tenante. La peine, pour celui qui n'est ni militaire ni assimilé, quels que soient ou son grade ou son rang, sera celle que prononce

C'est en effet, en se plaçant dans cet ordre d'idées, qu'ils ont décidé que tous les membres des Conseils de guerre, en tant que juges, seraient désormais considérés comme les supérieurs de l'accusé, quel que fût son grade, et que les offenses qui leur seraient adressées, par des militaires, prendraient le caractère de délits commis envers les supérieurs pendant le service. En modifiant sur ce point la législation antérieure, ils ont voulu protéger avec plus d'efficacité la personne des juges, affirmer avec plus de force leur autorité et le respect qui leur est dû (1).

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le Code pénal militaire contre les crimes ou les délits, commis envers ses supė. rieurs pendant le service. » — - Le projet est devenu le texte définitif,

L'exposé des motifs du Code de justice militaire pour l'armée de mer développant les mêmes idées, insiste sur ce point que l'outrage à la majesté de la justice en fonction exige une réparation immédiate, et le texte de la loi reproduit, à cet égard, des dispositions analogues à celle qu'édicte le Code de l'armée de terre. (1) Quant aux outrages par les militaires, V. suprà, p. 527, note.

TOME 11

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CHAPITRE DEUXIÈME

EXAMEN DES ARTICLES 10, 11 DU CODE DE
PROCÉDURE CIVILE

348. Ces articles contiennent en faveur des juges de paix, une protection spéciale, qui existe concurremment avec celle des articles 504, 505 du Code d'instruction criminelle, et 90 du Code de procédure civile (1).

Mais les articles 10 et 11 ne s'appliquent qu'aux parties en cause (2). L'individu qui, cité devant le juge de paix, insiste à l'audience pour que son affaire soit retenue, est une partie en cause.

Les avocats ou avoués, lorsqu'ils plaident leur propre cause, ne doivent être considérés que comme parties (3).

Si les actes de trouble, de tumulte, etc., étaient reprochables à des assistants, ce serait l'article 504 qu'il faudrait invoquer (4).

Le juge de paix, si les parties enfreignent le respect qui est dû à la justice, peut condamner à une amende de 10 francs au maximum, avec affichage du jugement, en autant d'exemplaires qu'il existe de communes dans le canton (5).

(1) V. no 99 et 100.

(2) C., 24 mai 1862.

La doctrine contraire aboutirait contre le vou du législateur, à l'impunité des actes d'irrévérence que le droit commun ne réprime pas et qu'un plaideur prudent aurait réservés pour le moment où le rôle vient d'être épuisé. Le moyen de nullité pris de la violation des droits de la défense, en ce que la parole n'aurait pas été donnée à l'inculpé, devant le juge du premier degré, pour s'exprimer et se défendre ne peut être reproduit devant la Cour de cassation s'il n'a été proposé aux juges d'appel. C., 14 janvier 1898.

(3) C., 1er mars 1877. 29 juin 1877. Cpr. Metz, 21 mai 1820.

Mais au cas où la condamnation est prononcée pour fautes commises à l'audience, V. C., 23 avril 1830.

(4) Faustin-Hélie, no 2380. Berriat St-Prix: Trib. de police, no 155.

(5) C., (ch. réun.), 25 juin 1855.

Le juge de paix ne peut prononcer les peines édictées par les articles. 10, 11, qu'autant que les faits se passent à l'audience (1).

Il doit entendre l'inculpé, à défaut de quoi la condamnation manquerait de base légale (2).

Dans le cas d'insulte ou d'irrévérence grave, le juge de paix dresse procès-verbal et peut condamner à un emprisonnement de trois jours au plus (3).

Ces jugements sont, en tous cas, exécutoires par provision, ce qui ôte tout intérêt pratique à l'appel.

Bien entendu, si les insultes ou irrévérences ont le caractère d'un outrage, d'injures, s'il y a des voies de fait, le juge de paix, par application des articles 181 et 505 du Code d'instruction criminelle, pourra, même en audience civile, infliger des peines correctionnelles en se basant sur les articles 222 et autres du Code pénal (4).

Le procès-verbal dressé par le juge, pour constater les irrévérences ne peut être, quant à la matérialité des faits, débattu par la preuve contraire. Il fait foi jusqu'à inscription de faux (5).

En cas d'annulation, par la Cour de cassation (6), d'un jugement d'un juge de paix, qui a statué séance tenante, sur un délit commis à son

(1) Carré, Q: 50. Bioche, v Juge de Paix. no 171. Carré : C., ann., article 11, n° I, V. cependant Chauveau Q: 50.

Lorsque des paroles irrévérencieuses, prononcées par l'inculpé à l'égard du juge de police, se rattachent de la manière la plus directe au jugement qui vient d'être prononcé et n'en ont point été séparées par un laps de temps appréciable, elles peuvent régulièrement être considérées comme prononcées, l'audience tenant

encore.

(2) Trib. corr. de Bordeaux, 7 août 1868. Cpr., C. 20 juin 1855.
(3) C., 29 juin 1877. V. Locré, t. XXI, p. 44. Cpr. C., 20 juin 1855.

(4) C., 3 août 1854, 25 juin 1855. C., 14 décembre 1889. La Loi sur la Presse ne peut paralyser la répression. C., 4 mai 1888.

(5) C., 29 juin 1877. Trib. d'Avallon, 41 novembre 1884. Gazette du Palais, du 26 février 1885.

(6) Le juge de paix, jugeant au civil, qui fait application une partie des articles 10 et 11 du Code de procédure civile, pour réprimer Firrévérence grave que cette partie a commise envers lui, fait office de juge de simple police et prononce une condamnation pénale à raison d'une contravention: sa décision infligeant une peine d'emprisonnement ou une amende excédant cinq franes est susceptible d'appel, aux termes de l'article 172 du Code d'instruction criminelle, devant le Tribunal correctionnel.C. 3 novembre 1899.

C'est à tort qu'on reprocherait, dans l'espèce, au Tribunal correctionnel de ne point avoir statué sur des conclusions d'incompétence, si son jugement déclare que la partie condamnée par le juge de paix, à une peine d'emprisonnement, avait le droit de se pourvoir en appel devant lui, et qu'ainsi son appel est recevable: cette formule contient en effet, l'affirmation motivée de la compétence du Tribunal. Même arrêt.

Le ministère public ne pourrait non plus, faute d'intérêt, demander la nullité du jugement statuant sur la compétence, par le motif qu'il n'a pas statué sur les dé

audience, c'est devant le tribunal correctionnel, et non devant un autre juge de paix, que l'affaire doit être renvoyée.

pens, puisque le prévenu dont l'appel était déclaré recevable, ne pouvait être condamné aux frais, non plus que le ministère public. C., 3 novembre 1899. Cpr. C., 24 mai 1867.

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