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action en simple police contre son dénonciateur pour l'avoir injurié en l'accusant d'être l'auteur de ce vol, la nouvelle plainte s'identifie avec la dénonciation principale et doit être portée devant le même tribunal. Le juge de simple police est incompétent (1).

(1) C., 26 mai 1819.

Le Tribunal de simple police est compétent, en vertu de l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881, pour statuer sur une plainte en injure non publique par lettre missive, alors même que le prévenu, niant être l'auteur de la lettre incriminée, aurait assigné le plaignant devant une autre juridiction répressive, pour dénonciation calomnieuse et usage de faux. Il n'existe entre ces deux actions aucune connexité, les faits délictueux étant reprochés à deux personnes distinctes.

Mais le Tribunal de police, compétemment saisi, doit surseoir à statuerjusqu'à ce qu'il ait été décidé par l'autre juridiction, si le défendeur cité devant lui est ou non l'auteur de la missive incriminée. Trib. simple police de Paris, 15 avril 1899. Une citation en police correctionnelle peut-elle être considérée comme engageant valablement une procédure en usage de faux, alors que l'usage de faux est puni de peines criminelles et justiciable de la Cour d'assises?

Lorsque, devant un Tribunal de répression, une pièce est arguée de faux, ce Tribunal doit, aux termes de l'article 460 du Code d'instruction criminelle, décider préalablement s'il doit ou non surseoir. Il n'y a lieu à sursis que lorsque le faux ou l'usage de faux allégué est tel qu'il tende à justifier le prévenu de l'inculpation dont il est l'objet, et que, d'autre part, l'auteur présumé du faux peut être utilement poursuivi au criminel. C., 26 mars 1818, 6 avril 1821, 31 janvier 1823, voir Leloir (Code d'Instr. crim. annoté art. 460).

Ces principes sont d'une application certaine lorsque, devant le Tribunal répressif saisi, le prévenu justifie de l'introduction régulière d'une procédure criminelle d'usage de faux devant la juridiction compétente.

D'autre part, une citation en dénonciation calomnieuse, bien que de la compétence du Tribunal correctionnel, doit-elle être regardée, par le juge de simple police, comme préjudicielle à la question dont la solution lui incombe ? On est en droit, semble-t-il, d'en douter, car le délit de dénonciation calomnieuse ne résulte juridiquement que de la fausseté reconnue de la plainte en injure et cette reconnaissance ne peut émaner que de la juridiction de simple police compétemment saisie de cette plainte.

TITRE HUITIÈME

DES MENACES

Dans notre législation pénale, les menaces sont envisagées sous trois aspects différents qui feront ici, l'objet de trois chapitres successifs.

CHAPITRE PREMIER

DES MENACES, CONSIDÉRÉES COMME UN DES MOYENS
DE PERPETRATION D'UN DÉLIT

Nous les examinerons sous deux paragraphes.

§ 1er.Articles 179, 181, 219, 223 à 225, 260 du Code pénal.

365.

traindre

ARTICLE 179.

1° Quiconque aura contraint ou aura tenté de conpar voies de fait ou menaces, corrompu ou tenté de cor

rompre par promesses, offres, dons ou présents, l'une des personnes de la qualité exprimée en l'article 177, pour obtenir soit une opinion favorable, soit des procès-verbaux, états, certificats ou estimations contraires à la vérité, soit des places, emplois, adjudications, entreprises ou autres bénéfices quelconques, soit tout autre acte du ministère du fonctionnaire, agent ou préposé, soit enfin l'abstention d'un acte qui rentrait dans l'exercice de ses fonctions, sera puni des mêmes peines que la personne corrompue; toutefois, si les tentatives de contraintes ou corruption n'ont eu aucun effet, les auteurs de ces tentatives seront simplement punis d'un emprisonnement de trois mois au moins et six mois au plus, et d'une amende de 100 francs à 300 francs.

La menace, prévue par l'art. 179 du Code pénal, s'entend de la me nace directe, personnelle, capable d'inspirer à celui auquel elle s'adresse la crainte fondée, de la voir se réaliser et de nature à être exécutée par la personne qui menace.

Si l'accomplissement de cette menace est indépendant de la volonté de celui qui veut contraindre un fonctionnaire à remplir ou non un acte de sa fonction; si le prévenu se borne à exposer, dans un écrit, les conséquences naturelles qui résulteraient du fait par le fonctionnaire de dresser procès-verbal, on ne saurait voir en pareille circonstance la pression coupable que réprime l'article 179 Code pénal (1). Il est évident qu'il y a délit impossible lorsque la contrainte tentée sur le fonctionnaire ne pouvait fatalement obtenir de résultat.

Il en est ainsi, lorsque la lettre destinée à assurer l'abstention de l'agent verbalisateur a été remise à celui-ci, après l'envoi à ses supérieurs du procès-verbal. En effet, la suite à donner au procès-verbal n'appartient plus à son rédacteur, lequel est entièrement dessaisi, et ne peut par conséquent exercer une influence quelconque sur la solution à intervenir. La menace, étant donc inutilement faite, ne saurait tomber sous le coup du dernier alinéa de l'art. 179, puisqu'il ne dépend plus du fonctionnaire, sur la personne duquel la contrainte a été exercée, de se laisser contraindre. Il y a tentative d'une chose impossible (2).

(1) Rapprocher de la loi du 2 août 1875.

(2) Comp. C., 2 avril 1875, et la discussion de la loi du 13 mai 1863. V. Blanche, t. III, no 433; Ortolan, Eléments de droit pénal, 2o éd., n° 1001 et suiv.; Haus,

ARTICLE 184, § 2.

« 2° Tout individu qui se sera introduit à l'aide de menaces ou de violences dans le domicile d'un citoyen sera puni d'un emprisonnement de six jours à trois mois et d'une amende de 16 francs à 200 francs ».

Il s'agit de menaces ou de violences, quelles qu'en soient la nature et quel qu'ait été le résultat.

ARTICLE 219.

«<3° Seront punies comme réunions de rebelles, celles qui auront été formées avec ou sans armes et accompagnées de violences ou de menaces contre l'autorité administrative, les officiers ou les agents de police, ou contre la force publique :

1° Par les ouvriers ou journaliers dans les ateliers publics et les manufactures;

2° Par les individus admis dans les hospices;

3° Par les prisonniers, prévenus, accusés ou condamnés (1).

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Quiconque à l'aide de la menace, écrite ou verbale, de révé

Principes généraux du droit penal belge, 2o éd., t. I, no 458 et suiv. Trib. de Chambéry, 12 juillet 1888.

La contrainte par menaces, prévue par l'art 179 C. pén., doit être de telle nature qu'il soit au pouvoir de l'agent d'exécuter ou de faire exécuter cette menace. (1) V. article 20 de la loi du 15 juillet 1845.

(2) V. suprà, nos 336 à 341, 343.

(3) Cette disposition, empruntée à la loi anglaise, a été introduite par la loi du

lations ou d'imputations diffamatoires, aurait extorqué ou tenté d'extorquer, soit la remise de fonds ou valeurs, soit la signature ou remise d'obligations, dispositions ou décharges, sera puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de 50 francs à 3.000 francs ».

366. Les instructions envoyées par la chancellerie aux parquets, le 30 mai 1863, mettent en relief les caractères du chantage (1).

13 mai 1863. Antérieuremént, on regardait comme constitutive d'escroquerie la menace d'imputation d'un fait faux, faite dans le but d'obtenir un profit illegitime. Mais la menace de révéler un fait vrai n'était pas considérée comme punissable. L'article 400, § 2, a comblé cette lacune.

Le rapport de la Commission s'exprime ainsi : « Nous avons cru devoir nous occuper d'un genre d'extorsion qui s'accomplit à l'aide d'une contrainte morale. Le hasard, l'occasion, une confidence imprudente nous initient quelquefois à des secrets qui intéressent le repos des citoyens, l'honneur des familles, la paix du foyer domestique, et dont la révélation peut amener une poursuite criminelle ou causer un scandale. Il se rencontre des hommes assez vils pour profiter de la connaissance qu'ils ont de ces secrets, et pour menacer de les dénoncer ou de les répandre, si on ne consent pas à acheter leur silence. D'autres, plus éhontés ne savent rien qui puisse compromettre la personne qu'ils ont choisie pour victime; mais ils font naître des circonstances d'où puisse résulter le soupçon d'une action honteuse, et menaçant d'exploiter de simples apparences, ils arrachent à la faiblesse et à la peur, la rançon d'une calomnie dont ils promettent de s'abstenir. C'est ce qu'on appelle vulgairement le chantage... Le chantage doit-il être puni ? Nul ne le conteste, quand il procède par la menace de l'imputation d'un fait faux. On hésite, lorsqu'il agit par la menace de la révélation d'un fait vrai... Sans doute, la personne coupable d'un crime ou d'une faute ne mérite pas une grande sollicitude, et cependant, en cherchant bien parmi les exemples de chantage, que de victimes intéressantes on pourrait rencontrer ? Ce n'est pas toujours à l'auteur de la faute que s'adresse l'extorsion, c'est quelquefois à sa famille, et celle-ci n'a certainement aucun tort... La diffamation ne divulgue ainsi quelquefois que des faits vrais, et cependant la loi n'hésite pas à la punir, sans se préoccuper de la vérité ou de la fausseté des allégations, ni de l'intérêt plus ou moins grand que la personne diffamée peut inspirer. (La preuve est admise aujourd'hui contre les fonctionnaires, etc.- Art. 35, loi du 29 juillet 1881). Le chantage doit donc être puni... On dit que si l'imputation est calomnieuse, la menace est vaine et la crainte chimérique; cependant le danger de perdre sa réputation, si l'on est calomnié, n'est pas toujours une chimère : la calomnie ne laisse-t-elle pas toujours quelque chose après elle ?... Toutefois, il est bien entendu que la victime d'un crime ou d'un délit, qui transige sur l'exercice du droit de plainte ou de se porter partie civile, obtient la réparation du préjudice qui lui a été causé et ne fait rien qui soit illicite ».

Voir aussi art. 470 du Code penal belge; art. 351 du Code pénal hongrois ; art. 409 du Code pénal italien; art. 318 du Code pénal des Pays-Bas, etc.

(1) « Exercée par des misérables pour qui notre législation pénale n'a pas de secrets, et dont toutes les manœuvres sont calculées avec une effrayante habileté, l'extorsion par voie de contrainte morale a pris depuis longtemps, sous le nom vulgaire de chantage, des proportions vraiment inquiétantes. Quelquefois l'autorité, désarmée par l'imprévoyance de la loi, a da assister, impuissante, à ces

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