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Explication des deux articles 414, 415.

Abusive ou non, juste ou injuste, la coalition des patrons ou celle des ouvriers sont permises. Et même la coalition violente, factice, frauduleuse, ne tombera pas plus sous le coup de la loi que la coalition naturelle, paisible et sincère. Seulement les auteurs des violences, menaces, fraudes, etc., seront poursuivis et punis; mais la coalition sera respectée. On n'a voulu réprimer que l'atteinte à la liberté du travail (1).

Pour que le délit des articles 414 et 415 existe, il faut la réunion de deux conditions:

1° Qu'il y ait des violences, des voies de fait, des menaces, des manoeuvres frauduleuses constatées et consommées:

2o Que ces violences, etc., aient eu pour objet d'atteindre, par une cessation simultanée du travail, à la liberté du patron ou de l'ouvrier.

Que faut-il entendre par menaces et manœuvres frauduleuses?

L'article 414, ne définissant pas les menaces, a laissé nécessairement à ce mot sa signification naturelle. La menace doit s'entendre ici de toute espèce d'acte d'intimidation inspirant la crainte d'un mal, et non pas seulement des menaces des articles 305 à 308, 434 du Code pénal (2).

Par manœuvres frauduleuses, terme très large, il faut entendre, par exemple, les affirmations mensongères.

vers scrutins relatifs à la représentation du travail: savoir nominations des administrateurs de syndicats, des délégués ouvriers, des délégués mineurs, des membres des chambres de commeree, tribunaux de commerce, conseils du travail. «En cas de récidive l'interdiction sera de six ans ».

Ce projet est aussi combattu par les chambres de commerce que par les syndicats ouvriers. Ces derniers redoutent le vote au scrutin secret.

(1) Mais l'article 1382 peut rester applicable. V. Los 215, 45..

(2) Aux termes d'un arrêt rendu le 5 avril 1867 par la chambre criminelle (D.67 1. 89), les menaces dont l'emploi, pour amener ou maintenir une cessation concertée du travail en vue d'une hausse ou d'une baisse de salaires ou d'une atteinte au libre exercice du travail ou de l'industrie, sont réprimées par l'article 414 du Code pénal ne sont pas seulement ces menaces de voies de fait caractérisées par les articles 305 et suivants du même Code. mais toutes celles qui peuvent aboutir à l'un de ces résultats; par suite les ouvriers qui, par la menace d'une désertion de l'atelier adressée au patron et suivie en effet d'une grève, obtiennent le congédiement d'un de leurs camarades mis en interdit par un comité directeur, commettent le délit prévu par cet article 414. L'arrêtiste (M. Dalloz) dit très exactement à ce propos : « Ainsi il est bien démontré que les rédacteurs de la loi du 25 mai 1864 ont entendu le mot « menaces » dans le sens général de violences morales

$5. Loi du 24 mai 1834 (Mouvement Insurrectionnel).

374. - La loi du 24 mai 1834 prévoit également des menaces, dans ses articles 6, 7, 9, comme élément constitutif des infractions qu'elle envisage dans ces textes (1).

375.

-

§ 6. Décret du 2 février 1852. Elections.

Il s'agit ici des menaces en matière électorale : art. 39 (2), 41, 45 du décret du 2 février 1852.

et que du moment où une atteinte à la liberté du travail a pu en résulter, les menaces sont punissables, quelle que soit la nature du mal ou du préjudice indiqué. »

En conséquence il a été jugé que la mise à l'index d'un patron n'est pas seulement la défense ou l'interdiction de travailler pour le compte de ce patron, mais encore la menace d'une perte absolue et définitive du travail pour tout ouvrier qui consentirait à se laisser employer par lui. Civ, C., 9 juin 1896.

En Angleterre, une loi du 29 juin 1871, frappe d'emprisonnement le fait de surveiller les abords d'une usine ou de suivre avec persistance des ouvriers dans les rues. Peut-être. en raison des circonstances, nos Tribunaux pourraient-ils voir dans des actes de cette nature plus qu'une simple intimidation, mais une véritable menace.

Dans un article de la Revue Parlementaire, M. Barthou a critiqué les articles 414, 415.

Il aime mieux « le droit commun », bien que les pénalités du droit commun, des articles 305 à 308 permettent au juge de se mouvoir entre 6 jours et cinq ans de prison.

L' « aggravation » n'est certainement pas imputable à l'article 414, et l'on ne distingue pas très nettement quel profit retirerait le délinquant du passage au << droit commun », du moins au point de vue pénal.Il y en a un cependant : c'est que l'auteur de la menace pour être punissable devrait avoir fait craindre un attentat, une violence, une voie de fait ayant un caractère personnel. Toute autre menace échapperait à la répression, même, par exemple si le délinquant gréviste menaçait l'ouvrier désireux de continuer son travail de lui briser ses outils, etc. N'y a-t-il done que la menace d'une agression personnelle qui puisse agir sur l'esprit d'un homme et entraver l'exercice de son droit au travail ?

Au surplus, où sont donc les décisions de justice qui ont donné à ce mot « menaces» une extension manifestement abusive, inacceptable ? S'il en existe, il n'eût pas été superflu de les citer.

Enfin un dernier grief le plus sérieux, parait-il, contre l'article 414 - c'est qu'il prévoit également les manoeuvres frauduleuses » et que ces termes là encore ne sont pas suffisamment précis, peuvent donner lieu à une interprétation arbitraire. Or, cela se retrouve dans les articles 76. 77, du Code pénal.

Mais y ont-elles donné lieu ? C'est là le point intéressant.

(1) V. infra, no 417.

(2) Article 39. - Ceux qui, soit par voies de fait, violences ou menaces contre

D'autre part, les articles 109 à 113 du Code pénal, aujourd'hui abrogés, sont relatifs à l'exercice des droits civils.

Ces articles punissaient :

Art. 109. a) L'empêchement, à l'exercice des droits civiques, par attroupements, voies de fait ou menaces;

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Article 111. b) Les fraudes commises dans le dépouillement des bulletins de vote ou dans les inscriptions de noms sur ces bulletins ; Art. 113. c) Les achats et les ventes de suffrages dans les élec

tions.

Ces trois articles ont été remplacés, pour les élections au suffrage universel par les articles 31 à 52 du décret organique du 2 février 1852, l'art. 27 de la loi du 2 août 1875, et l'art. 14, § 6, de la loi du 5 avril 1884 (1).

Ils ne restent applicables qu'aux élections des maires et adjoints, lesquelles sont faites par un mode de suffrage qui ne se rattache pas au suffrage universel (2).

L'article 109 a été remplacé par les articles 41 à 43 du décret du 2 février 1852 (3).

Quant à l'article 111 et à l'article 113 ils sont remplacés: le premier par les articles 35 et 38; le deuxième, par l'article 33 du même décret (4).

un électeur, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d'exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l'auront déterminé à s'abstenir de voter, ou auront influencé un vote, seront punis d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 100 francs à 1.000 franes; la peine sera du double si le coupable est fonctionnaire public. »

Article 45 (voir suprà, no 342). V. aussi article 41 du décret de 1852 ainsi conçu : << Lorsque par attroupements, clameurs ou dénonciations menaçantes, on aura troublé les opérations d'un collège électoral, porté atteinte à l'exercice du droit électoral et à la liberté du vote, les coupables seront punis d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de 100 franes à 2.000 franes. » (1) C., 5 novembre 1853, 6 juillet 1881.

(2) Cpr. C., 8 février 1878.

(3) Consulter, C., 30 décembre 1871. 8 juillet 1881, 2 février 1882, 18 février 1882. 28 juillet 1882, 24 mai 1884, 14 juin 1884, 2 mai 1885, 6 août 1885. Bastia, 4 août 1871.

(4) II importe peu que la vente des suffrages soit faite autrement que par prix convenu en argent. L'abstention du vote, achetée, est une vente de suffrage. C., 9 janvier 1885.

La tentative de corruption est punissable.

Loi du 9 décembre 1884, article 19 de la loi du 2 août 1875. Loi du 30 novembre 1875. Nimes, 30 mars 1878. C., 7 décembre 1878.

CHAPITRE DEUXIÈME

DES MENACES CONSIDÉRÉES COMME CIRCONSTANCE
AGGRAVANTE DU DÉLIT.

376.

Tantôt, au contraire, la menace est une circonstance qui

vient aggraver le délit.

Il en est ainsi :

1o De l'article 276 du Code pénal :

ARTICLE 276.

« Tous mendiants, même invalides, qui auront usé de menaces ou seront entrés, sans permission du propriétaire ou des personnes de sa maison, soit dans une habitalion, soit dans un enclos en dépendant, - ou qui feindraient des plaies ou infirmités, ou qui mendieront en réunion, à moins que ce ne soit le mari et la femme, le père ou la mère et leurs jeunes enfants, l'aveugle et son conducteur, seront punis d'un emprisonne

ment de six mois à deux ans ».

Mais les propos grossiers, les injures ne peuvent être assimilés à des menaces (1)

2o De l'article 344 du même Code :

ARTICLE 344.

« Dans chacun des deux cas suivants :

(1) V. suprà, no 373. Cpr., Carnot, Faustin Hélie, Blanche, etc.

« 1° Si l'arrestation (illégale) a été exécutée avec le faux costume, sous un faux nom, ou sous un faux ordre de l'autorité publique; 2o si l'individu a été arrêté, détenu ou séquestré, a été menacé de la mort, les coupables seront punis des travaux forcés à perpétuité.

«Mais la peine sera celle de la mort, si les personnes arrêtées, détenues ou séquestrées, ont été soumises à des tortures corporelles

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Il s'agit ici d'arrestations illégales et de séquestrations arbitraires. Il n'est pas nécessaire que les menaces de mort dont parle cet article aient été faites avec quelque ordre ou sous quelque condition, comme dans les articles 305 et suivants.

La loi a considéré que les menaces de mort, bien que simples, étaient une cause d'aggravation, par cela seul qu'elles étaient employées à l'égard d'un détenu. Elles constituent, en effet, un complément de violence, de contrainte morale et de cruauté (1).

3o De l'article 14 de la loi du 3 mai 1844 sur la Police de la chasse :

ARTICLE 14.

Les peines déterminées par les trois articles qui précèdent pourront être portées au double si le délinquant était en état de récidive, et s'il était déguisé ou masqué, s'il a pris un faux nom, s'il a usé de violence envers les personnes, ou s'il a fait des menaces, sans préjudice, s'il y a lieu, de plus fortes peines prononcées par la loi. Lorsqu'il y aura récidive, dans les cas prévus en l'article 11, la peine de l'emprisonnement de six jours à trois mois pourra être appliquée, si le délinquant n'a pas satisfait aux condamnations précédentes ».

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(1) Chauveau et Hélie, t. IV, no 1699.

TOME II

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