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Malgré le silence de l'article 61, le ministère public est, également, fondé à exercer le recours dans certains cas (1).

Quant à la partie civile, elle peut exercer le recours quant à ses intérêts civils, mais, comme au cas d'acquittement ou d'absolution de l'inculpé, l'article 412 du Code d'instruction s'oppose à l'annulation de la décision en matière criminelle, il s'ensuit que l'action publique, d'une part, se trouve éteinte, et que, d'autre part, l'article 46 de la loi de presse s'oppose à toute action civile séparée. Le pourvoi est donc irrecevable (2). Mais, en dehors de ce cas, la partie civile peut se pourvoir, comme le prévenu lui-même.

Au correctionnel les articles 216 et 413 du Code d'instruction règlent ses droits (3).

Modification au droit commun. L'article 61 modifie sous certains rapports les articles 420 et suivants du Code d'instruction criminelle.

Le prévenu et la partie civile sont dispensés de consigner l'amende.

(1) « Le droit de se pourvoir en cassation, a dit M. Lisbonne, ne pouvait pas être accordé au ministère public; ç'aurait été déroger aux règles du droit commun au préjudice de la liberté »,

Le rapporteur a, par inadvertance, commis là une inexactitude. En effet, en droit commun, le ministère public a le droit de se pourvoir, dans plusieurs cas, contre les décisions qu'il a intérêt à faire casser. Ce droit lui reste, malgré le silence de l'article 61.

V. articles 441, 442 du Code d'instruction criminelle, Cpr. C., 22 août 1839, 27 novembre 1867, 28 août 1873, etc. Ortolan, t. II, no 2378. Garraud, p. 841, etc., etc. Ainsi, il a été jugé que notre article 61 n'a pas dérogé au droit commun qui, par les articles 373 et 408 du C. d'instruction, reconnait au ministère public le droit de se pourvoir contre les arrêts de la Cour d'appel en matière correctionnelle, contre les arrêts de la chambre des mises en accusation et aussi contre ceux de la Cour d'assises pour fausse application de la loi. L'article 61 ne doit être entendu que dans le sens du principe établi par l'art. 409 du Code d'instruction, qui refuse au ministère public le droit de se pourvoir contre les décisions d'acquittement du prévenu déclaré non coupable par le Jury. Par suite, est recevable en matière de presse le pourvoi, formé par le Procureur général, contre un arrêt de la chambre des mises en accusation. Il en est de même de son pourvoi contre un arrêt de la Cour d'assises, admettant l'exception péremptoire de prescription et déclarant l'action publique éteinte il ne s'agit pas ici, en effet, d'une décision d'acquittement ni d'un arrêt d'absolution. C. 5 janvier 1883, 15 mars 1883. Cpr., Faustin, Hélie, Instr. criminelle, tome VIII, no 306.

Au contraire, en matière correctionnelle ou de simple police, le ministère public a le droit de se pourvoir en vertu des articles 413 et 416 contre toutes les décisions rendues en dernier ressort, même d'acquittement ou d'absolution.

(2) La disposition finale de l'article 412 du Code d'instruction criminelle n'est pas compatible avec la loi de presse. C., 5 janvier 1883, 15 mars 1883, 25 mars 1892. (3) Toutefois, d'après la règle générale, la partie civile, si elle est dénuée d'intérêt, n'est pas recevable à se pourvoir. Cpr. C. 27 juillet 1889.

De même, par dérogation à l'article 421, le condamné est dispensé de l'obligation de se mettre en état (1).

Du pourvoi contre les arrêts incidents. Comme nous avons étudié sous les notes qui précèdent, les pourvois contre les arrêts de diverse nature, nous n'avons plus à nous occuper que des décisions préparatoires ou d'instruction et des décisions interlocutoires ou sur la compétence, ou des décisions qui sont définitives.

Ceci présente un très vif intérêt, parce que le prévenu ou le ministère public ou la partie civile, trouvent dans le pourvoi un moyen dilatoire qui empêche la juridiction (qui a rendu la décision) de statuer. Il est très important de distinguer les décisions préparatoires ou d'instruction des décisions soit interlocutoires ou sur la compétence, soit définitives.

Le pourvoi n'est ouvert pour les jugements ou arrêts préparatoires ou d'instruction qu'après l'arrêt ou le jugement définitif (2). Mais si l'on est

(1) Voici ce qu'a dit à ce sujet M. Lisbonne : « Il est certains cas où le pourvoi en cassation est subordonné, pour être recevable, à la mise en état du prévenu. Il est également nécessaire, hors le cas d'indigence constatée, de consigner l'amende qui est de 150 franes. La mise en état du prévenu, nous a paru exceptionnellement rigoureuse, d'autant mieux que les tribunaux ont la faculté discrétionnaire d'en dispenser. Quant à l'amende, c'est une sorte de cautionnement. Nous avons supprimé l'une et l'autre de ces mesures. Il y avait d'autant moins lieu d'hésiter, quant à la seconde, que la même dispense existe en fait de pourvoi contre les décisions du jury en matière d'expropriation pour utilité publique. Précisons bien que ce n'est que dans les cas prévus par la loi du 29 juillet 1881 qu'il y a dispense de consignation de l'amende. En conséquence, le demandeur en cassation de l'arrêt qui le condamne en vertu de la loi du 2 août 1882 pour publication d'un imprimé outrageant pour les bonnes mœurs est tenu, sous peine d'irrecevabilité de son recours, de consigner préalablement l'amende édictée par l'article 420 du Code d'instruction criminelle. C., 21 juin 1884.

La dispense de mise en état ne profite pas au condamné pour crime, dans le cas de l'article 232 du Code d'instruction, ni au contumace, article 476.

(2) C., 16 juillet 1887. Sont préparatoires ou d'instruction, les décisions : Qui refusent d'accorder à l'inculpé la remise de l'affaire, de surseoir, ou d'ajourner, jusqu'à ce que la Cour de cassation ait statué, sur le pourvoi formé contre un arrêt rendu dans l'affaire; C., 15 avril et 9 septembre 1852, 16 avril 1863.

Qui prononcent la jonction ou la disjonction des poursuites; C., 22 janvier 1825, 3 juin 1826. Bourges, 6 avril 1882. 12 novembre 1880.

Qui, sur la demande de l'inculpé, tendant à la nullité de divers actes de procédure ou d'instruction, joignent l'incident au fond, tous moyens réservés ; C., 14 juillet 1859, 23 novembre 1865, 16 novembre 1866.

Qui ordonnent une audition de témoins (dans le cas où la loi ne la prohibe pas), une expertise, une vérification: pourvu que le fond ne soit pas préjugé ; Qui déclarent qu'il sera passé outre nonobstant une demande en renvoi pour cause de suspicion légitime. C., 12 janvier 1804. A moins que la Cour de cassation ne soit saisie. Cpr. C., 40 février 1832.

Qui, sur le refus d'un journaliste d'insérer une rectification touchant une con

dans ce dernier cas il n'est pas nécessaire de se pourvoir par une déclaration formelle contre les décisions préparatoires ou d'instruction; le pourvoi formé contre l'arrêt définitif s'étend à ces décisions.

versation rapportée dans le journal et déniée par la personne à laquelle elle est imputée, rejettent comme inutile l'audition de témoins tendant à établir que la conversation a eu lieu; C., 16 mai 1884.

Qui statue sur des irrégularités ou des moyens de nullité, de procédure ou d'instruction; C., 24 février 1882, 14 mars 1864.

L'arrêt de la Cour d'assises, qui déclare que la citation a été donnée dans le délai voulu par la loi est purement préparatoire et le pourvoi formé contre cet arrêt n'est pas suspensif. C. 10 février 1900.

L'arrêt qui valide la citation, donnée à la requête de la partie civile n'étant qu'une décision préparatoire, le pourvoi contre ce chef de l'arrêt est irrecevable tant qu'une décision définitive n'est pas intervenue. C., 28 janvier 1882, 28 janvier 1892.

L'arrêt de la Cour d'appel, dans une affaire d'injures et de diffamation entre particuliers, qui statuent sur un incident relatif à une jonction d'instance et à l'exception tirée de la nullité de la citation bien que définitif sur ce double incident, doit cependant être rangé dans la classe des arrêts préparatoires et d'instruction en tant que ne constituant aucun préjugé sur le fond. Il en est, de même, en ce qui concerne un incident relatif à une inscription de faux, lorsque l'arrêt se borne à déclarer qu'il ne lui appartient pas de donner acte au prévenu de son inscription de faux, dont la déclaration doit être faite, conformément à la loi, au greffe du Tribunal. Par suite, le recours en cassation contre cet arrêt, n'est ouvert qu'après la décision définitive sur le fond. C., 5 janvier 1900.

Le recours en cassation contre les arrêts préparatoires et d'instruction n'étant ouvert qu'après l'arrêt définitif, doit être déclaré non recevable, le pourvoi, contre un arrêt de débouté d'opposition rendu sur incident, formé avant la décision définitive sur le fond. Un arrêt de cette sorte, en effet, (rendu dans l'espèce en matière de diffamation), confirmant un jugement déclarant la validité de la citation, bien qu'il soit définitif sur l'incident, n'en doit pas moins être rangé dans la classe des arrêts préparatoires et d'instruction, contre lesquels le pourvoi en cassation n'est ouvert qu'après la décision définitive sur le fond. C., 18 novembre

1899.

Tant qu'un arrêt définitif n'est pas intervenu. « 1o l'arrêt qui a rejeté les conclusions des prévenus, tendant à faire ordonner par la Cour la communication de certaines pièces, ne faisant pas partie de la procédure; 2o l'arrêt qui a rejeté la demande de sursis fondée sur le pourvoi qu'allaient former les prévenus et a ordonné qu'il serait passé outre aux débats », sont préparatoires. C., 3 février 1888. L'arrêt qui admet une personne partie intervenante devant la Cour d'assises, et celui qui repousse l'exception proposée par le prévenu tendant à ce que le demandeur en intervention ne soit pas admis à prendre des conclusions en dommages et intérêts, sont des arrêts préparatoires et d'instruction et ne préjugent pas le fond. C. 5 août 1898.

Ce dernier caractère doit être également reconnu à l'arrêt de la Cour d'assises, qui a refusé de statuer, avant la constitution du jury, sur les conclusions prises par les prévenus, au sujet de l'offre en preuve de faits prétendus connexes ou indivisibles avec l'imputation diffamatoire relevée contre eux. Même arrêt.

Par suite, sont non recevables, les pourvois formés contre de tels arrêts, avant qu'une décision définitive soit intervenue. C., 5 août 1898.

Au cas de crime, en matière de presse, est purement préparatoire l'arrêt de la chambre d'accusation qui rejette l'opposition du prévenu à l'exécution des mandats délivrés par le magistrat instructeur. Cpr. C., 27 décembre 1856.

Le pourvoi en cassation n'est autorisé que pour les arrêts ou jugements soit sur la compétence, soit interlocutoires, soit définitifs (1).

(1) Sont interlocutoires ou définitives et dès lors susceptibles de pourvoi, les décisions :

Qui déclarent irrecevables les oppositions contre les jugements ou arrêts de défaut et continuent la cause à huitaine pour être statué sur le fond. La recevabilité de l'opposition est définitive; C., 21 novembre 1851.

Qui rejettent l'exception fondée sur ce que l'action publique ne peut procéder que sur la plainte de la partie lésée, plainte qui n'est pas représentée ; Č., 14 novembre 1840.

Qui rejettent une inscription de faux; C., 18 mars 1836, ou des reproches contre des témoins; C., 19 novembre 1875, ou des récusations; C.. 14 février 1845.

Qui statuent sur une exception de chose jugée, de prescription, de déchéance ou sur des fins de non-recevoir, etc;

C., 9 janvier 1858, 23 novembre 1866, 27 janvier 1876. Cpr. C., 12 mars 1829. Qui refusent de joindre l'action civile, formée par la partie lésée, à une poursuite dirigée par le ministère public, par le motif que l'intervention de la partie civile dans l'instance correctionnelle, suivie par le ministère public étant non recevable, la demande de jonction devient sans objet. C., 20 décembre 1884.

Qui, réformant le jugement de première instance déclare valable la citation, donnée aux prévenus, à la requête de la partie civile et évoque l'affaire en renvoyant à une audience ultérieure, pour le fond. Il y a ainsi en un seul contexte deux décisions définitives et indivisibles en conséquence cet arrêt ne saurait être considéré comme purement préparatoire et d'instruction, parce qu'il renferme non seulement une décision sur un incident de procédure, mais encore une sentence définitive d'attribution, qui intéresse essentiellement l'ordre des juridictions et les droits de la défense; par suite le pourvoi formé contre cet arrêt est recevable. C., 7 juillet 1900.

Qui autorisent une preuve ou vérification qui préjuge le fond. C., 16 août 1838, 25 mai 1850, 8 janvier 1864, 13 juin 1884.

Ou une preuve qui n'est pas admise par la loi; C., 22 mars 1828, 6 avril 1832. 9 mars 1850, 10 janvier 1862.

Qui sursoient à statuer sur une plainte en dénonciation calomnieuse jusqu'à ce qu'il ait été prononcé par l'autorité compétente; C., 28 février 1812, 7 août 1868.

Qui ordonnent ou refusent le sursis dans les conditions de l'article 35, § 4 de la loi du 29 juillet 1881; C., 7 juillet 1882. Cpr. C.. 28 février 1834, 31 mai 1844, 6 mars 1844, 19 février 1859, 7 juillet 1882. Cour d'assises de Seine-et-Oise 27 janvier 1899 affaire Zola: «Attendu qu'un sursis a été sollicité,non simplement à titre de mesure d'ordre et d'administration, mais par application du quatrième alinéa de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881;

<< Que l'arrêt qui a refusé ce sursis est définitif et de nature à faire grief aux inculpés en ce sens qu'il prononce sur une exception tirée d'un droit qu'ils prétendaient leur appartenir et qui, s'il avait été reconnu, aurait pu modifier les conditions de leur défense en leur permettant de recourir à un mode de justification particulier;

« Que cet arrêt constitue un interlocutoire, et que le pourvoi formé contre lui est en conséquence suspensif ». Tels sont les termes de l'arrêt.

Qui déclarent la composition du tribunal légale et régulière. C., 11 mai 1833. 21 février 1851.

De même l'arrêt d'une chambre des appels correctionnels, qui, en validant la citation introductive annulée en première instance, évoque le fond (art. 215 du

Le pourvoi, formé contre un arrêt préparatoire, ne saurait avoir un caractère suspensif. Par suite, c'est avec raison qu'une Cour d'assises refuse de surseoir aux débats, malgré un pourvoi de cette nature (1).

Il est donc très intéressant de savoir quand un jugement est interlocutoire, ou définitif, à l'opposé des jugements préparatoires ou d'instruction.

Quant à la compétence, la règle est que toute solution sur une question de compétence est susceptible de recours en cassation. Toutefois, nous avons vu que cette règle reçoit de nombreuses modifications ou restrictions. Nous n'y reviendrons pas. Il ne peut être passé outre sur la décision du fond, sous prétexte que le recours formé serait nul. A la Cour suprême seule appartient le droit de rechercher et déclarer l'annulabilité (2).

Code d'instruction) et renvoie à huitaine pour la plaidoirie au fond, rend une décision d'attribution dont le caractère est définitif. C., 10 mars 1882.

La même solution doit être donnée si, au lieu d'évoquer le fond, les magistrats d'appel en renvoient la connaissance aux juges du premier degré : il y a là également une sentence définitive. C.. 6 janvier 1855.

Doivent être considérés encore comme interlocutoires ou définitifs :

Les arrêts de Cours d'assises qui, après la formation du tableau du jury et l'audition des témoins, renvoient à une autre session. C., 29 mars 1849, 10 février 1875. Cpr. C., 2 janvier 1868.

(1) C., 5 août 1898. Voir Faustin Hélie (no 3.949); C., 5 juin 1841, 27 décembre 1850, 26 avril et 27 décembre 1856, 17 avril 1863, 16 novembre 1866.

Cependant le pourvoi, déclaré non recevable, n'en a pas moins pour effet de suspendre la prescription. C., 8 novembre 1889.

(2) Cpr. C., 11 mai 1833, 27 mars 1856.

Mais l'exception d'incompétence peut être jointe au fond quand elle est subordonnée dans son examen, par exemple, à l'existence ou à la non-existence du délit. La décision n'est alors que préparatoire, C., 26 avril 1856. Cpr. C., 25 juin 1825.

La Cour d'assises peut statuer par un seul arrêt sur une exception d'incompétence et sur le fond, lorsqu'elle a été saisie, en même temps, de l'un et l'autre point et les a trouvés tous deux en état d'être jugés, quoique les conclusions n'aient porté sur le fond que subsidiairement. C., 5 février 1858.

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