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Qui, dans sa vanité, fait semblant d'oublier
Tacite au pilori, tout prêt à le lier ;

Et s'endormant ainsi dans une paix douteuse,
Sans entendre venir la vengeance boiteuse,
Légue une belle tâche à la postérité :

Celle de le flétrir pour une éternité !

Maintenant que je l'ai fait sortir de son Louvre, Que je l'ai dépouillé du manteau qui le couvre, Si son nom en votre âme éveille un peu l'effroi, Lisez bas : Empereur, ou Président, ou Roi !

ABEL ELIE

Né à Port-au-Prince en janvier 1841. C'était le fils ainé d'Auguste Elie, homme politique remarquable, qui fut Ministre des Finances du Gouvernement Geffrard.

Abel Elie suivit son père en France (1848 ) et rentra avec lui au pays en 1861. Il fit partie de la société lettrée de son temps, et, de concert avec M. Charles Villevaleix, tint l'office de chroniqueur pour le compte-rendu des soirées du Théatre Frédéric. Dans les dernières années de sa vie, il travailla à des coupes de bois dans l'ile de la Tortue.

Il est mort à Port-de-Paix en 1876. Quelques-unes des poésies d'Abel Elie ont paru dans le Bien Public. M. Frédéric Marcelin en parle avec éloge dans le tableau qu'il trace de la vie littéraire sous Geffrard, à propos de Ducas-Hyppolite. Le poète en avait lui-même préparé un recueil, destiné à la publicité, sous le titre de Premiers accords.

ZIMBLIS

NAIADE HAITIENNE

Celui qui la contemple ne doit plus espérer de voir le lever de l'aurore et d'entendre le cri de l'alouette.

ALLAN CUMINGHAM.

Sous les nonchalantes arcades

Des manguiers verts,

On entend, là-haut, des cascades
De chants divers;

Mais tout-à-coup on voit les ondes
Plus bas quitter

Leurs bonds, leurs fantasques rondes
Et s'arrêter.

C'est le bassin plein de mystère,

Où vient quand se couvre la terre De clair obscur,

Brillante de nacre et pensive,

Les traits pâlis,

Parmi les perles de la rive
S'asseoir Zimblis.

Zimblis, c'est la péri légère
Qui, dans la nuit,

Doit sur la rive mensongère,
Lente et sans bruit,

Voir si quelque mortel profane,
Sous les manguiers,

Viendra ternir l'eau diaphane

Avec ses pieds. . .

Car cette naïade farouche

Ne permet pas,

Ne permet pas que toute bouche Baise ses bras.

Elle obéit à son caprice,

Et, bien souvent,

Elle s'immole en sacrifice
L'homme rêvant.

Dans le bassin d'azur que moire
L'étoile d'or,

Tandis qu'il se penche pour boire,

Cachée encor,

Elle le regarde, l'épie;

Et tout-à-coup,

Elle prend par le bras l'impie,

Et par le cou ;

Et dans le tourbillon qu'irise
Le feu follet,

L'attire, le tord et le brise;
Puis, tel qu'il est,

Aux regards des hiboux l'étale,
Tandis qu'aux cieux

Luit de l'aurore boréale

L'œil radieux ! . . . .

A. F. BATTIER

Né à Port-au-Prince, le 8 juillet 1841. Débuta dans l'enseignement et s'éleva au poste de Chef de Division du département de l'Instruction publique. Passionné pour le beau, il eut en poésie toutes les grandes ambitions et dans la mesure de ses facultés, servit la cause de l'art avec une ferveur d'apôtre. Un drame en vers, Anacaona, qu'il fit représenter à Port-au-Prince en 1882 et dont le manuscrit s'est perdu, contribua tout particulièrement à entretenir l'enthousiasme et l'émulation parmi la jeunesse. On lui doit, en outre, un volume de poésies. poésies légères, odes, élégies, poëme épique, fables, intitulé « Sous les bambous » (Imprimerie Kugelmann, Paris) et quelques articles de journaux. L'épidémie de petite vérole qui, de 1881 à 1883, décima le pays, emporta Battier, dans le plein épanouissement de sa renommée locale.

LA LÉGENDE de la tigE D'AMITIÉ

A. M. T. Guilbaud.

Colinette et Colin, dès leur tendre jeunesse,
De s'aimer à jamais avaient fait le serment.
Enfants des bois tous deux, gais, pleins de gentillesse,
Ils trouvaient le bonheur en chantant, en s'aimant.

L'amour, sous les bambous, leur versait l'allégresse.
Mais, hélas ! le bonheur ne dure qu'un moment ! ...
Colin vint à mourir. O douleur! ô tristesse !
Colinette ne sut que pleurer son amant,

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