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Mais quel corps menaçant vient troubler la nature
Par fon étincelante & longue chevelure?
Qu'un si grand appareil annonce de fureur !
Vil peuple, il ne doit point te caufer de terreur :
D'un important couroux ces députés finiftres,
Si ce n'eft pour des Rois, partent pour des Minif-

tres.

Le Ciel a du loifir, ou nous fait trop d'honneur: Le feul cri d'un hibou peut nous fléttir le cœur. De tes altres, ô Ciel, n'éteins pas la lumiere, Verrons-nous fans pâlir tomber notre faliere?

vrer le foleil par de grands cris & des bruits de chaudron, fe pratique encore en Egypte. Virgile prétend que le foleil fut attrifté de la mort de Céfar, caput obfcurd nitidum ferrugine texit, & que cet aftre nous avertit des grands évenemens: Ille etiam cacos infare tumultus fæpe monet. Comme nos Aftronomes ont enfin raffuré les peuples contre les éclipfes, le foleil a beaucoup perdu de fon crédit: mais quel crédit ne conferve pas encore la Lune!.

Mais quel corps, &c. Au rapport de Virgile, on ne vit jamais tant de Cometes qu'à la mort de Céfar, nec diri toties arfere Cometa. N'étoit-il pas un homme affez important, pour en mériter? Cette ancienne. opinion commence à fe diffiper. Dans une compagnie cependant où l'on fe mocquoit d'u ne pareille crainte, un Prince répondit fort férieufement aux railleurs : Il est aisé pour vous de rire des Cometés, vous n'êtes pas Princes.

Le feul cri, &c. Funefte préfage pour Didon, com me le croit Virgile:

Solaque culminibus ferali carmine bubo

Sæpe queri, & longas in fletum ducere voces.

Verrons-nous fans pálir des Grecs aux Romains, tember notre faliere? Cet- a paffé des Romains juf Reaperftition qui paffa qu'à nous. Ma note fem

Raflurez-nous, devins, charmes, enchantemens
Amulettes, anneaux, baguettes, talismans,
Et tant d'autres fecours qu'embraffe une ignorance,
Si folle dans fa crainte, & dans fon espérance.

a vû un clou rouillé, une épingle crochue, faire pâlir des guerriers qui avoient plufieurs fois affronté le canon, & qu'un hibou pendant la nuit caufe fouvent plus d'allarmes qu'une troupe de voleurs. Dans tous les tems, dans tous les pays, la foibleffe de notre efprit nous a fait

roit longue, fi à ce pré-
fage j'ajoûtois tous ceux
qu'il a plu aux hom-
mes d'appeller funeftes,
comme les tintemens d'o
reilles, les éternuemens,
la rencontre d'une chien-
ne pleine, d'une louve
rouffe, & les autres dont
parle Horace dans l'Ode
Impios parra, &c. Le Spec-
cateur Anglois dit qu'il craindre.

Somnia, terrores magicos, miracula, fagas,
Nocturnos Lemures, &c. Hor..

Amulettes, anneaux, &c.
Depuis que Dieu s'eft re-
tiré de l'homme pécheur,
il ne lui a parlé que ra-
rement, & toûjours pour
le rappeller à lui, & le
rendre meilleur;cependant
nous nous imaginons qu'il
doit à tout moment fatis-
faire notre curiofité fur
fes frivoles queftions. De-
là tous ces moyens ridi-
cules, que nous avons in-
ventés pour l'interroger;
les oracles de l'Antiquité
dont j'ai parlé au troifié-
me Chant, les entrailles
des victimes, le vol des
oifeaux "
les chênes de
Dodone, &c. Delà les ta-
lifmans, les amulettes, les
anneaux les bulles, &c.

Delà le crédit dans lequel fe font maintenus depuis fi long-tems tous ceux qui fe vantent de predire l'avenir, ou d'avoir la propriété de la baguette: delà tous les myftéres des Cabaliftes. J'ai vû des gens perfuadés de l'exiftence d'un peuple élementaire, & des fubftances aeriennes. Si le premier qui a avancé de pareilles chimeres, les, a avancées férieufement, il avoit un grand mépris pour le genre humain. C'eft la réflé-xion que fait Pline fur une : autre efpéce d'impofteurs. Hac ferio quemquam dixiffe fumma hominum contemptie efto

De toutes nos erreurs quand le nombreux eflain Dans l'Egypte produit, s'échappa de son sein, L'amour d'un doux climat l'emporta dans la Grece. Un peuple qu'endormoient dans une longue ivrefle La Mufique, les vers, les danses, & les jeux, D'Apelle, de Scopas, & d'Homere amoureux,` Confacrant aux beaux arts fes yeux & fes oreil les,

Du Ciel & de la Terre oublia les merveilles
Leurs Sages rarement en parurent frappés: 1
Et jamais les Romains n'en furent occupés.
Tout plein de fon héros, au lieu de la nature
Lucrece leur chanta les rêves d'Epicure.
Ambitieux de vaincre, & non de discourir,

De toutes nos erreurs, &c. L'Egypte fur la meré des fciences & des erreurs. Les unes & les autres paíferent d'abord en Grece. Je ne fais pourquoi quelques-uns de nos Savans ont prétendu trouver nos nouvelles découvertes dans la Phyfique chez les Grecs. Si l'on juge de la Phyfique des Grecs par le traité de Plutarque des opinions des Philofophes ; quel amas d'extravagances! Anaximenes difoit que les étoiles étoient fichées dans le criftal du Ciel, comme des tétes de clou. Anaxagore débitoit que le Ciel étoit de pierre, & le foleil une pierre de feu auffi grande que le Peloponefe. Quand

des Philofophes fameux dans une nation avancent de pareilles opinions, la nation n'eft pas favante. Les Sages de la Grece, occupés de la morale, négli gerent l'étude de lá nature. Thalès cependant fe douta que le foleil devoie être plus grand que le Peloponefe, & entrevit la rondeur de la terre.

Tout plein de son héros &c. La fhysique de Lucrece, la même que celle d'Epicure, eft un amas d'erreurs groffieres. Plufieurs de ces erreurs ont été honorées des vers de Virgile, toûjours trèsgrand Poëte dans fes Geor giques, mais fouvent mau vais Phyficien.

L'art des enfans de Mars, fut l'art de conquérir.
L'étude a peu d'attraits pour les Maîtres du monde.
Le foleil, difoient-ils, va fe coucher dans l'onde,
La voûte dont le cercle a pour base la mer,
Sous fon dôme brillant couvre la terre & l'airy
Et le vieux Ocean, pere de la nature,
Etend autour de nous fon humide ceinture.
Tels étoient leurs progrès, lorfque du vrai favoir
La fureur des combats éteignit tout espoir.

Foible par sa grandeur, ce n'étoit qu'avec peine
Que fur la terre encor Rome étendoit fa chaîne.
D'efclaves trop nombreux fon empire accablé,
Malgré fon double appui, fe fentit ébranlé;
Et lorfque par les mains du conquérant Herule
Le trône des Céfars tomba fous Auguftule,
Sa chûte fit trembler celui des Conftantins.
Le fameux Impofteur fuivi des Sarrafins,
Jetta les fondemens d'un pouvoir formidable,

L'art des enfans , &c. Virgile abandonne aux autres nations la gloire de tous les Arts, même celle de l'Eloquence, orabunt caufas meliùs.

Le folei, c. Quelques peuples s'imaginoient que la terre étoit portée par des élephans. Les Grecs & les Romains croyoient que la nuit les aftres s'alloient rafraîchir dans la mer; que le Ciel nous couvroit comme une voûte, & que l'Ocean environnoit la

terre. Cofme l'Egyptien débite comme l'opinion commune de fon tems, que le foleil fe couchoit derriere une montagne. Delà l'inégalité des jours, fuivant qu'il fe couchoit au haut ou au bas de la montagne.

Jetta les fondemens, c. L'Empire des Califes dont Mahomet jetta les fondemens devint beaucoup plus formidable par l'u nion des Turcs & "des Sar◄ rafins.

Que fous un autre nom rendit plus redoutable
Le peuple que l'Euxin vomit de fes marais,
Du jour que le fecond de fes fiers: Mahomets,
La gloire du Croiffant, & la terreur du monde,
Eut enfin foudroyé Bizance & Trébifonde.

Que nos plus beaux Palais de cendres foient

couverts;

Mais pourquoi tant d'écrits à nos regrets si chers, Sont-ils brûlés comme eux, vainqueur impitoya ble?

L'ignorance à tes vœux fans doute eft favorable. Que crains-tu ? Son empire eft par tout affermi, Depuis que du bon fens un favoir ennemi, Trouvant l'art d'obfcurcir le Maître des ténèbres, Forme dans fes écrits tous ces Docteurs célèbres,

Que nos plus beaux, &c. Quand Mahomet 11. fe rendit maître de Conftantinople, les Palais des Empereurs, les Statues, les Tableaux, & des Bibliotheques plus précieufes en core que tant de rares monumens de l'Antiquité, furent brûlés par un peuple ennemi des Arts & des Sciences.

inintelligible même aux Philofophes. Ariftoteles ipfis Philofophis ignotus. Le P. Rapin qui en a fait un pompeux éloge dans fes. réfléxions fur la Philofophie,avoue cependant qu'il femble n'avoir écrit que pour n'être pas entendu & pour donner de l'exercice aux fiécles fuivans. Pourquoi a t'on voulu perdre fon tems à un pas.. reil exercice?

Le Maître des ténèbres, c. Ariftote, dont la longue & étonnante fortune Forme dans ces écrits commença par l'amour tous ces docteurs célèbres.. que les Arabes prirent Les anciens Philofophes. pour fes écrits, qu'ils obfcurcirent encore par leurs commentaires. Ciseron dit qu'Ariftote eft

avoient négligé la nature: ceux qui les fuivirent la: négligerent encore plus. Pendant plufieurs fiècles

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