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PROLOGUE.

M. CHANVILLE.

Ur faifons-nous dans le Foyer? Allons nous habiller, afin que l'on commence.

Madame FAVART.

Pour un inftant encor je demande quartier:
Si vous fçaviez... je fuis dans une tranfe
En vérité je meurs de peur.

M. CHANVILLE.

Ah! vous voulez jouer l'Auteur!

Madame FAVART.

Je ne le fuis que trop peut-être, pour ma gloire.

M. CHANVILLE.

Çà, 'parlons férieufement;

Vous voudriez me faire accroire

Que la Piece eft de vous?

.

Madame FAVART.

Je vous en fais ferment.

M. CHANVILLE.

Tant pis, je crains qu'elle ne tombe,

Madame FAVART.

J'en tomberai malade de chagrin ;

Il vaut mieux ne la pas donner.

Quelle folie !

Après tout, il n'eft pas certain
Qu'elle foit fi mal accueillie;

Par-ci, par-là, je crois qu'elle est assez jolie :
Eft-elle bien de vous ?

Madame FAVART.

Ah! voilà le refrain.

Oui fans doute parlez, peut-elle être risquée ?

Oui.

:

M. CHANVILLE.

Madame FAVART.

D'ailleurs pour ce foir nous l'avons affichée.
M. CHANVILLE.

Elle pourroit fort bien ne pas l'être demain.
Madame FAVART.

Vous vous plaifez à me voir affligée.

M. CHANVILLF.

Paint du tout ; & je fuis un ami confolant.

Votre mari du moins l'a corrigée.

Madame F AVART.

Mais quand cela feroit ainsi,

Penferiez vous que ce fût un grand crime?
On doit confulter ceux qu'on aime & qu'on eftime.
Où pourrois je trouver un plus fincere ami?
M. CHANVILLE.

Un époux pour ami! votre Piece eft mauvaise,
Et cela n'eft pas théâtral.
Madame FAVART.
Qu'a-t elle donc qui vous déplaifè?

Ce n'eft qu'un rien.

M. CHANVILLE.

Un rien pour le Public eft mal.

Que pensez-vous des vers?

Madame FAVART.

Je vous les abandonne.

M. CHANVILLE.

Et par quelle raison?

Madame FAVART.

Ils ne font pas de moi.

M. CHANVILLE.
Eh bien! cela m'étonne.

Madame FAVART.

Je fuis toujours de bonne foi:

Je n'ai point ce talent; auffi quand je compofe,
Je cherche quelque Auteur docile & complaifant,
Qui veuille bien donner des graces à ma profe
En y jettant des vers le charme féduifant.
M. CHANVILLE.

De trouver des rimeurs vous devez être fure
Et l'effain poëtique à vous plaire excité,
Attend l'ordre de vous: vous avez la bonté
D'écrire quelques traits jettés à l'aventure,
Et vous dites après d'un ton de dignité :
Qu'on porte cette profe à la manufacture,
Et qu'on la mette en vers.

Madame FAVART.

Vous voilà bien content

De pouvoir me railler; mais convenez pourtant
Que le plan d'une Piece eft le plus difficile.
M. CHAN VILLE.

Et celui-ci vous a donc bien couté?

Madame FAVART.

Vous le trouvez mauvais ?

M. CHANVILLE.

Oh! non, en vérité;

Je ne fuis pas affez habile
Pour critiquer ce qui n'exifte point.
Madame FAVART.

Il faut prouver cela ; j'infifte fur ce

M. CHANVILLE.

point.

Votre Piece eft fans fond; c'est un ouvrage étique : La Scene eft au village; & fans fçavoir pourquoi, Vous y campez l'Amour qui n'y fait nul emploi : Un perfonnage auffi métaphysique,

Avec trois payfans, n'est-il pas déplacé ?
Madame FAVART.

Je crois que pour ce Dieu c'eft un choix très-fenfé:
Dans les cieux il s'endort à côté des Déelles.
Croit-on que fur la terre il foit plus refpecté ?
Vous fçavez qu'à la ville on n'a que des foibleffes
Que l'on prend pour la volupté.

A la Cour il fe trouve encor plus maltraité;
Sans être né fenfible, on affecte de l'être ;
On jure par fon nom fouvent fans le connoître;
On l'y traite à peu près comme la vérité.
Ayant donc le deffein de le faire paroître,
J'ai cru que le village étoit l'unique lieu
Où l'on pût décemment faire paffer ce Dieu.
M. CHANVILLE.

Ces perfonnages-là font rebattus, nous laffent:
Prefque toujours ils font froids à glacer.
Croyez que de l'Amour vous pouviez vous paffer.
Madame FAVART.
Jamais les femmes ne s'en paffent.

M. CHANVILLE.
Je leur en fais mon compliment.
Madame FAVART.

Vous autres, vous avez Phoebus qui vous inspire;
Vous l'invoquez pompeufement.
Pour nous qui ne fçavons parler que fimplement,
Nous fupplions l'Amour d'accorder notre lyre.
Chacun s'adreffe au Dieu de fon département.
M. CHANVILLE.

J'efpere qu'on lui feta grace,

Puifque de votre efprit il eft le précepteur;