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missaires pris dans le sein de l'assemblée, pour vérifier ces faits. >>

On demande que le comité de sûreté générale soit chargé de cette vérification.

Le président. « L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur le jugement du ci-devant roi. Cependant le ministre de l'intérieur demande la parole pour dénoncer un objet relatif à l'approvisionnement de Paris. »

Le ministre obtient la parole.

Roland. «Il est question des subsistances qu'on amène. à Paris; il est évident qu'il y a une faction qui s'oppose à leur arrivée; il y a des émissaires envoyés sur toutes les routes par où elles viennent: on force les voitures de rétrograder les municipalités n'osent pas s'y opposer. J'ai écrit plus de trente lettres aux municipalités voisines. J'ai reçu une dénonciation que j'envoyais avec cette lettre au président de la convention, lorsque je me suis décidé à venir moi-même l'apporter à l'assemblée. »

N.... « Je demande la peine de mort contre les émissaires. (Des applaudissements unanimes s'élèvent et se prolongent dans toutes les parties de l'assemblée. La presque totalité des membres demandent par acclamation à aller aux voix.)

La peine de mort est décrétée.

Lebas. «Je ne sais pas jusqu'à quel point est fondée l'opinion de ceux qui pensent qu'il est impossible que le peuple français soit reconduit au pouvoir absolu ; tout ce que je puis dire, c'est que j'ai entendu ce matin un membre de cette assemblée prononcer entre Biroteau et Buzot ces paroles; si nous jugeons le roi, nous sommes perdus ; le lendemain il y aura une insurrection. »>

Buzot. « Je demande la parole pour un fait c'est que, j'arrive à l'assemblée, c'est que je n'ai vu ni entendu Biroteau, c'est que je n'ai parlé aujourd'hui qu'à Grangeneuve, que je ne lui ai point parlé du roi; c'est qu'enfin je me suis levé deux fois pour demander l'ordre du jour, effrayé que j'étais de la perte d'un temps si précieux. »

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On demande l'ordre du jour.

Marat. « Je demande la parole. »

Quelques voix. Est-ce contre l'ordre du jour?

Marat. « C'est pour une motion d'ordre et de salut pu

blic. »

L'assemblée passe à l'ordre du jour, et ordonne la lecture de la lettre du ministre de l'intérieur.

Le ministre de l'intérieur au président de la convention nationale.

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« Je vous prie de mettre sous les yeux de la convention la copie d'une déclaration faite au département de Paris, par le citoyen Vilmorin, l'un des administrateurs du département. Il résulte de cette déclaration que les citoyennes Roger et Gillet de Balainvilliers près Longjumeau, venant à Paris dans la nuit du 4 au 5, pour apporter du blé au marché, ont été arrêtées en deçà de Longjumeau, par des inconnus qui, malgré leurs réclamations et leurs instances, ont forcé leurs maris et leurs voitures de rétrograder, et que ces citoyennes ont été obligées de venir à pied à Paris.

» Je suis d'autant plus effrayé de cette violence, que de pareilles arrestations ont été faites du côté de Meaux. Je propose une mesure extraordinaire. Je demande que la convention m'autorise à envoyer sur toutes les routes qui aboutissent à Paris, de la gendarmerie, avec pouvoir d'arrêter toutes les personnes qui s'opposeraient au libre accès des voitures qui amènent les subsistances à Paris, et de les conduire dans les prisons de cette ville; pour être jugées par le tribunal criminel de Paris. »

La demande du ministre, convertie en motion, adoptée.

Carra. « Voulez-vous savoir quels sont ceux qui envoient des émissaires pour arrêter la circulation des grains; quels sont les auteurs des insultes faites journellement à la convention, et de tous les autres désordres? ce sont les agents des banquiers de Vienne, Berlin, Londres et Madrid. Vous sentez que le coup qui va faire tomber tête de

Louis XVI va faire chanceler celle des despotes. Voilà pourquoi ils voudraient exciter une insurrection et un massacre. Vous verrez tout cela clair comme les autres complots que vous a dévoilés notre commission des douze. Vous ne le croyiez pas, quand je ne cessais de vous le dire; il faut donc accélérer le jugement du ci-devant roi. »

Bourbotte. « Il me semble que, dans toutes les discussions relatives au jugement de Louis Capet, nous n'avons pas pris le caractère et l'attitude qui conviennent aux représentants d'un peuple libre. Trois semaines s'étaient écoulées depuis que le comité de législation avait fait son rapport sur cet objet, et l'assemblée cherchait encore à s'éclairer sur l'existence d'un principe qu'elle seule a métamorphosé en problème ; et l'assemblée qui veut apprendre aux nations à reconnaître leurs droits de souveraineté, quand il s'agit de prononcer sur le sort d'un tyran qui a voulu poignarder une nation entière, avait mis en question si cet homme pouvait être jugé! Enfin par vos deux derniers décrets vous avez anéanti vos doutes à cet égard. Je les regardais comme une atteinte à la souveraineté nationale, parceque le peuple, qui vous en a confié l'exercice, ne vous a pas donné le droit de la restreindre. Un temps viendra sans doute, où plus âgés pour la république, car nous ne sommes encore que des enfants, regardant de plus près ce vain fantôme de l'inviolabilité, le considérant sous toutes ses formes chimériques, nous rougirons d'avoir un jour essayé de le combattre; enfin, après trois semaines d'une discussion qui aurait pu faire croire que les despotes exercent encore, même après leur chute, une tyrannie morale sur l'esprit des peuples, vous avez définitivement atteint le dernier terme de cette question qui va décider du sort de tous les tyrans de l'univers, et conséquemment du sort des nations qu'ils tiennent encore dans les fers. Songez, avant que de vous livrer à aucune mesure à cet égard, que tous les peuples de la terre vous observent; songez que votre exemple est le fanal qui va les guider dans la

route qui conduit à l'affranchissement; et songez aussi q i que la lenteur que vous avez mise à déclarer qu'un roi coupable, l'assassin d'une nation, doit compte de ses crimes à la justice commune, va peut-être retarder de dix ans le succès de leurs efforts pour l'extinction totale des tyrans qui les oppriment, parceque vous leur avez appris qu'un roi n'est point une personne morale, mais simplement un homme dont la tête coupable doit tomber sous le glaive des lois, comme celle d'un autre criminel. Il est un moyen de racheter à leurs yeux cette première faiblesse, c'est de ne point entraver aujourd'hui la marche de cette affaire par des formes dont la lenteur pourrait devenir interminable.

» D'ailleurs une question qui tient si essentiellement au bon ordre et à la tranquillité publique, une question qui, jusqu'à ce qu'elle soit terminée, deviendra la cause d'un accroissement considérable de troubles, que les royalistes et les chevaliers du poignard, car il en existe encore, ne manqueront pas d'exciter dans toutes les parties de l'empire; cette question, dis-je, doit avoir une solution plus rapide, et vous n'attendrez pas sans doute, pour la décider, que tous les despotes de l'Europe, dont la cause est si étroitement liée à celle de Louis XVI, aient couvert des feuillets de leur liste civile les plaies profondes que les prisonniers du Temple se sont plu à creuser dans le sein même de la liberté. Déjà, on vous l'a dit, des larmes salariées sont répandues; on cherche à influencer l'esprit du peuple et de ses représentants par une foule de jérémiades, que je regarde comme les derniers cris de l'aristocratie aux abois, pleurant sur la ruine de la royauté. Le but de ceux qui les répandent est de nous tromper sur le genre de peine à infliger à Louis XVI, en cherchant à étouffer dans nos cœurs les cris des victimes immolées à sa scélératesse, les cris de tant de citoyens dont le sang coula près de cette enceinte, dont les veuves même nous écoutent peut-être en ce moment; mais ces victimes étaient nos frères; mais leur mânes demandent vengeance, leurs mânes seront vengés.

» Rappelons, citoyens, ces vérités, ces maximes politiques d'un homme dont l'image, plus révérée que ne mérite de l'être celle de Mirabeau, habite en ce moment le sanctuaire où vous êtes; elle peuvent s'appliquer à Louis XVI et à ceux qui partagent sa prison : « Tout malfaiteur attaquant le droit social devient par ses forfaits traître et rebelle à sa patrie. » Il cesse d'en être membre en violant ses lois, alors il lui fait la guerre. Alors la conservation de l'état est incompatible avec la sienne; il faut que l'un des deux périsse. Et quand on fait mourir le coupable, c'est moins comme citoyen que comme ennemi. La procédure, le jugement sont les preuves et la déclaration qu'il a rompu le traité social: conséquemment il n'est plus membre de l'état, dès lors il doit en être retranché, et l'on a droit, même pour l'exemple, de faire mourir celui qu'on ne peut conserver sans danger.

Citoyens, je ne suis monté à cette tribune que pour proposer à l'assemblée des moyens d'ôter promptement à ceux qui cherchent à dénaturer, aux yeux du peuple, nos dispositions à l'égard des prisonniers du Temple, tout prétexte de le tromper encore, pour le porter à quelques démarches qui pourraient nous faire regretter la lenteur de nos mesures. Ces moyens sont:

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>>1° De mettre à l'instant même Marie-Antoinette en état d'accusation;

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» 2o De décréter s'il faut que Louis Capet comparaisse devant vous; de décréter, dis-je, que Louis Capet sera traduit dès demain, au plus tard, à la barre de cette assemblée;

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» 5o D'ordonner à nos deux commissions des vingtquatre et des douze de vous présenter une série de questions à lui faire, non pour l'interroger sur ses crimes, car vous ne devez le considérer que comme un ennemi avec lequel vous êtes en guerre, mais pour savoir s'il veut déclarer ceux qui lui ont conseillé une partie de ses crimes, ou qui en ont partagé avec lui l'exécution;

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» 4° De dresser l'état nominatif de ces mêmes crimes,

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