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que ce malheur a pu faire à leur fortune. Cette générosité était digne des représentants de la nation; mais la fortune publique doit être réservée pour ceux qui sont sans ressources. (On applaudit à plusieurs reprises.) Mes enfants croiraient outrager la mémoire de leur vertueux père, s'ils ne se contentaient pas du monument qui va lui être érigé. Agréez donc leur refus comme une légère offrande de leur civisme, que nos malheurs n'ont pu éteindre ni altérer. » (On applaudit.)

L'Assemblée ordonne l'insertion de cette lettre, avec mention honorable, au procès-verbal, dont un extrait sera envoyé à madame Simonneau; décrète que son président sera chargé de lui répondre, et que la lettre et la réponse seront gravées sur une pierre de la colonne qu'on doit élever en l'honneur de M. Simonneau. (On applaudit.)

Un de MM. les secrétaires annonce que le nouveau maire d'Etampes fait hommage à l'Assemblée de l'oraison funèbre de son prédécesseur.

L'Assemblée agrée cet hommage, et en ordonne mention honorable.

Un membre du comité de l'extraordinaire des finances propose, relativement à l'emprunt de 125 millions, un projet de décret qui est adopté en ces termes :

L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'extraordinaire des finances; considérant que le paiement des capitaux compris dans la 47° série de l'emprunt de 125 millions, créé par l'édit de décembre 1784, sortie au remboursement par le tirage fait en janvier dernier est, aux termes de cette loi, exigible au mois d'avril prochain, et qu'il ne doit éprouver aucun retard, décrète qu'il y a urgence.

⚫ L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que la caisse de l'extraordinaire ouvrira, dans le courant du mois d'avril prochain, le paiement de la somme de 6,250,000 liv., à laquelle s'élèvent les capitaux compris dans la 17 sécrie de l'emprunt de 125 millions, créé par édit de décembre 1784, sortie en remboursement pour le tirage fait en janvier dernier. »

M.***, au nom du comité de l'examen des comptes, fait un rapport sur les différentes parties du compte rendu par M. Narbonne, de son administration dans le département de la guerre, et sur les différents marchés qu'il a faits pendant son ministère.

M. CAMBON : Le comité vous a rendu compte d'un marché fait à Londres pour cent cinquante mille fusils qui, pris sur le pied de trente schellings, coûtent, à raison de notre change, 66 liv. la pièce. Or, je trouve que des fusils de 66 liv. sont trop chers. J'ai entendu dénoncer ici le ministre pour n'avoir pas favorisé nos fabriques; il faut donc avant de valider ce compte, avant de libérer M. Narbonne de sa responsabilité, examiner sérieusement la dénonciation de Charleville. En conséquence, je demande l'ajournement de cette discussion à huitaine.

M. CHARLIER : En vertu de la constitution, je demande l'impression de tous les marchés faits par le ministre, ainsi que de toutes les pièces de son compte.

M. CAMBON: Cette impression fera traîner l'affaire en longueur et ruinera la nation. Il faut tout simplement déposer les pièces aux archives, afin que tous les membres puissent aller les y consulter.

L'Assemblée ordonne l'impression du rapport du comité, le dépôt des pièces aux archives, et l'ajournement de la discussion à huitaine.

M. Tronchon fait la troisième lecture d'un projet de décret du comité de l'ordinaire des finances, ayant pour objet de fixer au sixième du revenu net le maximum de la contribution foncière pour l'année 1792.

M."**: Je prétends prouver que la fixation de tout maximum pour la contribution des citoyens est inconstitutionnelle, et que l'Assemblée constituante, après avoir fixé ce maximum au sixième des revenus nets pour 1791, n'ayant pas cru devoir établir ce même maximum pour l'année 1792, nous ne devons pas nous en occuper.

M. GUYTON-MORVEAU: Ceux qui se disposent à combattre le projet de décret qui vous est présenté pour la fixation du maximum de la contribution foncière, ont pensé sans doute que l'Assemblée ne devait rien prononcer à cet égard, attendu que l'Assemblée constituante avait déjà fixé ce maximum pour 1791; car je ne pense pas qu'ils veuillent laisser aux corps administratifs une telle latitude, qu'ils puissent arbitrairement taxer les eitoyens au tiers, ou à la moitié de leurs revenus. Or, je leur observe que c'est la fixation faite par l'Assemblée constituante qu'il s'agit de rectifier pour 1792.

M. CORMEILLE: L'Etat, à la différence du père de famille qui règle ses dépenses sur son revenu, doit déterminer ses recettes sur ses dépenses.

Votre comité des finances n'a pu vous présenter encore le tableau fixe et complet des dépenses nationales pour 1792. Toutefois il n'en est pas moins constant que ces dépenses, d'après nos grands préparatifs de guerre que commandent et la dignité nationale et la sûreté de notre gouvernement constitutionnel, seront supérieures aux dépenses de 1791.

Il est donc de toute nécessité de maintenir l'intégrité des moyens décrétés par l'Assemblée constituante. Le principal de ces moyens est la fixation d'une somme de 240 millions pour la contribution foncière.

Mais l'Assemblée nationale constituante, en décrétant le montant de la contribution foncière, n'a pas déterminé la proportion avec le revenu foncier, au-dessus de laquelle la cotisation de chaque propriété ne devra pas s'élever. Elle vous a chargés de cette détermination, par la loi du 14 octobre dernier.

Devez-vous vous conformer à cette loi ou y déroger? et si vous vous y conformez, quel taux de maximum, dans la proportion avec le revenu foncier, devez-vous adopter? Telles sont les questions livrées à la discussion.

J'avoue que j'ai éprouvé quelqu'étonnement, en entendant élever la première question, et surtout en entendant conclure pour la négative. Les taxes dont se compose la cotisation dans la contribution mobilière, les taxes des patentes, du timbre, de l'enregistrement, des douanes, sont déterminées, et le revenu foncier, seul, ne participerait pas à cet avantage, le plus doux pour le contribuable et le plus désiré par lui, de la certitude de la cote de son tribut! Cette monstruosité existerait dans un Empire dont la constitution proclame l'égalité des droits!

Sans doute, tout membre de la communauté doit fournir son contingent pour les frais du gouvernement conservateur de l'association; mais ce contingent doit être limité aux besoins de la société ; la volonté générale pouvant seule reconnaître ce besoin, il ne peut appartenir qu'à elle de régler ce contingent; toute autre autorité qui ne serait pas la volonté nationale elle-même, et qui le fixerait, serait un acte tyrannique; et le citoyen qui sentirait ses droits, refuserait justement de payer.

La volonté nationale elle-même n'a pas enfin le droit d'exercer un pouvoir arbitraire sur un membre de la communauté. Tout contribuable a donc le droit de savoir ce qu'il doit payer, pour connaître s'il approuve une surcharge, et en poursuivre la réparation. Par conséquent, il est fondé à exiger que ceux qui expriment la volonté du souverain, déclarent la mesure de sa portion contributive dans l'imposition, afin qu'il puisse juger si la distribution faite par l'agence est ou non excessive.

Ainsi donc, il est manifeste qu'il est pour vous d'un devoir indispensable de déterminer la proportion avec le revenu foncier à laquelle la cotisation de chaque propriété pourra s'élever, mais au-dessus de laquelle elle ne puisse s'élever.

J'examine maintenant quelle doit être cette proportion. Votre comité des finances, quoiqu'averti par celui de l'Assemblée constituante que la proportion du sixième fixée par la loi du 10 avril 1791, était insuffisante pour obtenir le total de la contribution décrétée, ne vous propose pas moins d'adopter ce taux de maximum pour la présente

année 1792.

Je dois commencer par une observation essentielle. 4° La contribution foncière ne pèse que sur le revenu net.

Le revenu net, en effet, doit seul un prix de protection au gouvernement, parce que seul il appartient totalement à la propriété pour le maintien de laquelle le gouvernement est institué. Le surplus da revenu, qui est le prix du travail, ne doit rien au gouvernement, étant moins une suite de la propriété que la conséquence du droit de vivre de ses bras, lequel est indépendant de l'économie sociale, et lequel elle ne peut gêner, parce que le droit de vivre existe avant la société, et n'en est pas un avantage.

Mais le surplus de ce produit peut être même épuisé par des contributions pour l'Etat, si ses besoins l'exigent; parce que ce surplus est un effet de la propriété, que la propriété est un avantage de la société, et que la société a le droit de demander le sacrifice des avantages qu'elle procure, s'il lui est nécessaire.

Ainsi donc, la contribution foncière ne pesant que sur le revenu net, c'est l'étendue des besoins de l'Etat que vous devez uniquement consulter dans la fixation du terme que la cotisation du contribuable ne pourra pas outre-pas

ser.

Un nombre suffisant de documents certains n'établit pas, suivant votre comité, qu'il soit nécessaire d'élever ce maxi

mum.

Je résous d'abord par l'assertion contraire du comité des finances de l'Assemblée constituante. On lit, en effet, dans le rapport de ce comité du 21 septembre dernier, que, d'après un grand nombre de renseignements, si la proportion du sixième établi par la loi du 10 avril doit être suffisante dans deux ou trois ans, lorsque les progrès de l'agriculture enrichie des destructions de la révolution auront accru les produits de la terre, et lorsqu'une connaissance plus certaine des richesses foncières aura perfectionné la répartition, elle est actuellement trop faible; qu'elle causerait un vide dans le trésor public; qu'il sera donc vraisemblablement nécessaire de porter ce taux de maximum au cinquième.

Or, je le demande à votre comité ; quels éclaircissements lui sont parvenus, qui démentent ce grand nombre de renseignements constants qu'avait le comité des finances de l'Assemblée constituante, et qu'il lui a laissés.

Beaucoup d'écrivains économistes ne portent la totalité du revenu net territorial de l'Empire, les uns qu'à 4 milliard, d'autres qu'à 1,100 millions, d'autres, enfin, qu'à 1,200 millions.

Or, la contribution foncière étant d'une somme fixe, et étant strictement déterminée par les besoins de l'Etat, tellement que la perception de la totalité de son montant est indispensable pour les couvrir, la sagesse ne commandet-elle pas de régler la proportion de la répartition sur les revenus plutôt en plus qu'en moins, d'autant d'ailleurs qu'il ne faut pas se dissimuler que la tourbe des citoyens n'a pas encore acquis assez de vertu pour être persuadée que l'acquittement de toute la portion pour laquelle il doit contribuer à l'impôt, est de probité? Vous le savez, naguère nos prédicateurs de morale, au tribunal de rémission, ne regardaient pas comme moins purs les fraudeurs dans l'acquittement des tributs envers le prince; ils ne damnaient que les payeurs infidèles de la dime, parce qu'ils la percevaient; et le plus grand nombre d'entr'eux, ardents ennemis de la révolution, n'ont pas, certes, aujourd'hui rétracté leur anti-sociale doctrine.

Je ne puis concevoir que votre comité ait présenté, pour l'un des motifs de son opinion, la circonstance du retard de l'assiette de la contribution de 1791.

Le peuple des campagnes, dit-il, dominé par les besoins qui l'environnent, et naturellement sans prévoyance, ne réserve rien pour l'acquittement de la dette qu'on ne lui demande pas.

Je me contenterai de répondre par des faits: 1° les fruits de 1791 existent encore en quelque partie; 2° sous le régime ancien, les contributions directes étaient arriérées au moins de six mois ; 3° votre comité n'a pas fait attention que la contribution foncière n'est pas due par le simple cultivateur, mais par le propriétaire.

De tous les moyens employés par votre comité, le seul peut-être spécieux, parce que véritablement il indique un désordre à réparer, est celui qu'il fait résulter de l'inégalité très-grande qui existe dans la répartition entre les départements,

Le nivellement des contributions doit sans doute s'opé rer le plus promptement possible; mais il ne peut pas s'opérer soudainement; et en attendant, faut-il laisser périr l'Etat, faute de paiement des contributions?

2o Le taux, au-dessus duquel chaque contribuable aura droit à la réduction, étant déterminé sur la proportion justement présumée du montant total de la contribution décrétée avec le revenu net territorial de la totalité de l'Empire, il s'ensuit seulement de l'inégalité de répartition que quelques ou plusieurs contribuables ne paient pas tout ce qu'ils doivent payer d'après les besoins de l'Etat, tandis que les autres contribuables payent tout leur contingent.

Or, de là, quelle légitime conséquence à déduire! qu'il faut augmenter la cotisation des contribuables qui ne paient pas leur contingent, mais non pas que l'on doive diminuer la cotisation des contribuables qui ne paient que ce qu'ils doivent payer.

Enfin, votre comité laisse pressentir que l'intérêt de la révolution commande encore des ménagements pour les contribuables.

Moi, j'affirme au contraire que jamais circonstance plus favorable ne pouvait se présenter pour élever les contributions à leur juste taux.

La nation demande la guerre; or la guerre peut-elle se faire sans finances? En demandant la guerre, les citoyens témoignent donc hautement leur soumission d'acquitter le montant des contributions indispensables pour

la faire.

En 1789, le contribuable payait la dîme qui est le cinquième du produit net des fonds sur lesquels elle se percevait; il acquittait, sans retenue, les redevances ci-devant seigneuriales; il payait deux vingtièmes; il payait 4 sous pour liv. sous la dénomination de taille. (Je dis 4 sous pour liv., car si dans plusieurs généralités il ne payait que 2 sous, il était tourmenté par les grandes gabelles. ) Je ne parle pas des 4 sous pour liv. du premier vingtième, des 24 sous pour liv. de la taille que j'omets pour répondre aux sous additionnels de la contribution actuelle.

Or, que l'on réduise à une seule somme toutes ces prestations, le calcul donnera certainement un total bien supérieur au maximum fixé au cinquième du revenu net territorial.

Je n'ai pas besoin d'observer que cette proportion déterminée doit porter le taux de la retenue à faire sur les rentes ci-devant seigneuriales foncières perpétuelles, au quart, et la retenue à faire sur les rentes viagères au huitième.

Pour prévenir le déficit probable de près d'un tiers dans la contribution mobilière, je ne vous proposerai ni de lever la cote d'habitation, parce que l'Assemblée constituante, après l'avoir fixée au trois centième du revenu présumé, l'a portée au quarantième; ni la cote des objets de luxe, parce que tout objet de luxe doit être taxé modérément, si l'on ne veut qu'il soit entièrement abandonné.

Mais si la cotisation du propriétaire foncier déterminée par la loi du 10 avril 1791, au sixième de son revenu, doit s'élever au cinquième, pourquoi la cotisation pour la partie de la contribution établie sur les revenus d'industrie et de richesses mobilières, demeurerait-elle la même, lorsqu'il y a également insuffisance pour faire arriver au trésor public toute la somme décrétée pour la contribution mobilière? Ces revenus ne doivent-ils pas également leurs tributs à la société dans la raison de ses besoins? Je dis plus, ils sont plus strictement obligés de contribuer à ses dépenses; car enfin la force pourrait garantir au milieu de l'anarchie la propriété foncière : mais les revenus d'industrie et de richesses mobilières n'existent absolument que par l'opinion, qui n'a de valeur qu'au milieu de l'harmonie. M. Cormeille lit un projet de décret.

M. BEUGNOUX: Devons-nous porter le maximum de la contribution foncière au cinquièmeļdu revenu net, ou le laisser au sixième? Pour décider cette question, il faudrait avoir les connaissances qui manquaient à l'Assemblée constituante; or, les instructions que nous avons apportées des départements ne nous apprennent rien sur la valeur totale des revenus imposables, mais beaucoup sur les erreurs,

les grandes inégalités qui se sont introduites dans la répartition. Les nombreuses demandes en dégrèvement qui ont été faites de toutes parts, annoncent, au contraire, qu'il faudrait plutôt baisser le maximum que de l'élever. En le fixant au cinquième, on augmenterait l'injustice de la première répartition, puisqu'on augmenterait l'inégalité qui existe entre ceux qui ont été moins imposés, et ceux qui l'ont été au cinquième ou plus haut. Ce serait une industrie que de s'exposer à faire payer à un contribuable plus qu'il ne doit réellement, sous le prétexte qu'il a été commis des erreurs dans la répartition; car si ces erreurs sont préjudiciables au trésor public, elles ne viennent point du fait des contribuables. Il faut mêine observer que la fixation du maximum au cinquième du revenu net, s'élèverait au quatrième par le moyen des charges additionnelles, et que demander un quatrième des revenus, c'est nuire et à l'agriculture et au commerce; c'est s'exposer à rendre un grand nombre d'agriculteurs insolvables.

Cette augmentation du maximum ne frapperait pas sur les communes qui ont fait des évaluations trop faibles; car celles qui n'auraient évalué leurs revenus qu'à la moitié de leur valeur, ne paieraient jamais que le dixième, tandis que cette augmentation deviendrait exorbitante pour celles qui ont fait des déclarations exactes, qui ont évalué les revenus à leur juste valeur. Le meilleur moyen de parvenir à une bonne répartition et de prévenir les fausses évaluations, c'est de faire faire un cadastre général des revenus.

Il faudra aussi trouver, pour la contribution mobilière, une autre base que celle des loyers, qui n'atteint pas les capitalistes. C'est par l'établissement d'une imposition indirecte sur les capitalistes, que vous parviendrez au recouvrement parfait des contributions. On pourrait même imposer un vingtième sur les successions collatérales. D'après cela, je crois, avec le comité, que nous devons maintenir le maximum de la contribution foncière au taux du sixième fixé par l'Assemblée constituante, jusqu'à ce que nous ayons des notions plus certaines sur la valeur des revenus imposables.

Un autre membre entre dans différents détails ayant pour objet d'établir qu'un grand nombre de revenus imposables ont été omis dans les évaluations par le comité des finances de l'Assemblée constituante; d'où il conclut que le maximum de la contribution foncière ne doit pas être élevé au-dessus d'un sixième.

M. Guyton-Morveau propose de porter au cinquième des revenus net le maximum des cotes de la contribution foncière.

L'Assemblée ordonne l'impression de son discours.

N. B. Nous en donnerons l'extrait dans le numéro de demain.

M. GRANGENEUVE: Je prie l'Assemblée d'entendre la lecture d'une dénonciation qui lui est envoyée par l'aide-de-camp de la dixième division, par les administrateurs du département des Pyrénées Orientales, par la municipalité de Perpignan, et par le prince de Hesse, cominandant de la division. Elle a pour objet le dénûment de moyens de défense dans lequel M. Narbonne a laissé les départements méridionaux. Voici cette pièce.

• Depuis Bayonne jusqu'aux Bouches-du-Rhône, il n'existe qu'un point par où les Espagnols puissent franchir les Pyrénées. Perpignan est la forteresse qui sert de boulevard aux départements méridionaux. En avant se trouvent Bellegarde, Mont-Louis et autres postes importants. Il est naturel que le premier soin de M. Narbonne a dû être de mettre ces places en bon état de défense. S'il ne l'a pas fait, c'est un traître digne du dernier supplice. Depuis le départ de M. Cholet pour Orléans, la ville et la citadelle de Perpignan sont restées sous les ordres des directeurs du

génie; le château de Bellegarde a été commandé par M. Dax, contre-révolutionnaire décidé. Perpignan est demeuré jusqu'à ce jour sans aucuns préparatifs de défense. Il n'y a pas encore aujourd'hui, 24 mars, deux pièces de canon en batterie. Les officiers du génie, se disant autorisés par le ministre de la guerre, refusent d'obéir aux ordres du général. Ils entreprennent bien des ouvrages nouveaux, mais ils négligent de réparer les anciens, de sorte que la ville n'est pas même à l'abri d'un coup de main. Tel est pour Perpignan le mode d'exécution donné par le ministre de la guerre aux décrets de l'Assemblée nationale. Bellegarde est imprenable, par sa nature, pourvu que sa défense soit confiée dans des mains sûres; aussi a-t-on donné le commandement de cette place à un traître, que le général a démasqué, et qui vient de se sauver en Espagne. Du reste, dans cette place, les canons sont sans affûts et sans boulets, et il n'y a que huit artilleurs pour quarante bouches à feu.

» Les postes de nos départements ont entr'eux tous deux cents pièces de canon, et nous n'avons en tout que cent canonniers avec deux officiers, tandis qu'il faut, pour le service de chaque pièce, huit hommes, dont quatre au moins sachent leur métier; tandis que l'on sait aussi qu'il en faut encore pour remplacer les morts et les blessés. La division ne contient pas la moitié du nombre effectif d'hommes que le ministre de la guerre a annoncé s'y trouver; enfin, il n'y a rien qu'on n'emploie pour dégoûter les gardes nationaux. Il a fallu licencier des bataillons faute de paiements; on dit qu'il arrive des tentes et des effets de campement; toujours est-il vrai que sans la mort de l'empereur, sans le changement du ministère espagnol et la justice faite au nôtre, les traitres seraient peut-être parvenus à nous laisser égorger sans défense.

» Voici un autre fait. Le département de la Haute-Garonne ayant enfin voulu que les bataillons fussent armés, commanda deux mille fusils à la fabrique de Saint-Etienne. Le ministère, consulté sur ce marché, répondit qu'il y avait trop de danger à mettre dans les mains des gardes nationaux des fusils qui ne seraient pas mis à l'épreuve, et qu'il prenait à son compte le marché; sur cinq cent trente-un fusils qu'il envoya, quarante seulement se trouvèrent en état de servir; les autres étaient tout-à-fait usés. » Voilà comment le pouvoir exécutif s'est occupé de mettre en état de défense la plus importante des frontières, celle qui est la plus éloignée de votre surveillance, et près de laquelle sont établis les foyers de la contre-révolution. Il n'est plus douteux que ces florissantes contrées devaient être le théâtre du carnage, et qu'elles le deviendront en effet, si vous laissez la partie se renouer. J'accuse avec tout le pays, et je dénonce à l'Assemblée nationale M. Narbonne comme traître à la patrie pour avoir laissé jusqu'ici les départements méridionaux sans défense. Je le défie de se justifier par les prétendus ordres qu'il dira avoir donnés ; car il est responsable de leur exécution. Je demande qu'il soit mis en état d'accusation pour avoir, jusqu'au 21 mars, laissé la ville de Perpignan, qui est la clef des départements méridionaux, absolument sans défense. »

M. GRANGENEUVE: Cette dénonciation est signée par M. Dubois-Crancé. (Il s'élève quelques murmures dans une partie de l'Assemblée, des applaudissements dans l'autre.) Au bas se trouve l'attestation des officiers municipaux. Elle est ainsi conçue:

« Nous, officiers municipaux de Perpignan, certifions les faits contenus dans la dénonciation ci-dessus véritables, tant ceux qui sont relatifs à Perpignan, et dont nous sommes les témoins oculaires, que pour ceux qui sont relatifs au département de la Haute-Garonne, dont nous avons les pièces justificatives. »

Voici l'attestation du directoire du département.

« Nous certifions véritables les faits ci-dessus, et attestons que la ville et la citadelle de Perpignan, et toutes les autres places du département, on eté laissées dans l'état d'abandon le plus alarmant, malgré nos fréquentes réclamations auprès du ministre de la guerre.

» Certifié véritable par le prince de Hesse, général de la division. »

M. HUA: Si les faits énoncés dans la dénonciation sont vrais, nul doute que le ministre de la guerre

murmures.)

est très-coupable; mais je crois qu'il lui a été phy-, communiquées au ministre. (Il s'élève quelques siquement impossible de pourvoir à tout, et de placer des troupes sur toutes les frontières du royaume. Je demande que cette dénonciation soit communiquée à M. Narbonne, pour qu'il puisse y répondre. Plusieurs voix: A la barre, à la barre.

M. *** : Vous vous rappelez que M. Narbonne vous a déjà rendu un compte à cet égard; il vous a certifié avoir pris toutes les mesures possibles pour mettre les frontières des Pyrénées en bon état de défense. Je demande que le comité de surveillance soit chargé de faire un rapport sur le compte du ministre et sur la dénonciation qui vient d'être faite.

M. GOUPILLEAU: Je fais la motion que le ministre soit à l'instant mandé à la barre.

M. MAILHE J'ai déjà eu l'honneur de rendre compte à l'Assemblée d'un mémoire des citoyens de Toulouse, qui contient absolument les mêmes faits que ceux qui sont énoncés dans cette dénonciation. Il y est dit que le département de la Haute-Garonne, qui n'avait jamais pu obtenir des fusils, prit enfin sur lui d'en commander deux mille à Saint-Etienne; que, lorsque ces fusils furent sur le point d'être livrés aux bataillons de volontaires, pour lesquels ils étaient destinés, le ministre de la guerre en suspendit l'envoi, disant qu'il prenait à son compte le marché. Sur les cinq cents fusils qu'il envoyait, il ne s'en est trouvé que quarante qui aient été jugés susceptibles de soutenir quelques charges: les autres se trouvaient dans un état de délabrement total. Ce même mémoire contient des faits essentiels sur les mouvements qui se font en Espagne. Après des faits aussi multipliés, aussi précis, je ne crois pas qu'il puisse s'élever des difficultés sur la motion qui a été faite de mander M. Narbonne à la barre.

M. *** Je crois qu'avant de mander le ministre à la barre, il faut charger un comité de vérifier les dénonciations.

M. QUINETTE: Je demande que le ministre ne soit point mandé à la barre. Si vous preniez ce parti, vous établiriez une exception en sa faveur. Lorsque des pièces constatent le délit, vous devez accuser et non pas mander à la barre. J'observe que vous avez déjà un rapport du ministre, et que vous pouvez, en comparant ce rapport avec toutes les pièces qui vous sont parvenues depuis, trouver la trace du délit, s'il existe, et alors votre fonction se bornera à rendre un décret d'accusation; si vous le mandiez à la barre, vous feriez croire que vous n'avez pas le droit de rendre un décret d'accusation sans entendre l'accusé, ce qui est faux et ce qui serait dangereux. S'il fallait toujours entendre l'accusé, vous perdriez souvent les moments les plus favorables de déjouer les grandes intrigues. Si M. Delessart, par exemple, avait été entendu, il vous aurait donné de longues explications; il vous aurait peut-être mis dans l'embarras par des subterfuges, par des motifs qui, spécieux au premier abord, quoique sophistiques, auraient peut-être influencé votre délibération. On peut souvent obscurcir les faits les plus évidents et échapper par des subterfuges qui ont moins de puissance sur des tribunaux accoutumés à prononcer leurs jugements avec plus de calme et de maturité qu'une nombreuse assemblée; en un mot, si vous avez des pièces qui constatent le délit, vous devez accuser celui qui en est l'objet sans l'entendre, car ce n'est que devant le tribunal qu'il doit se justifier. Je demande donc qu'il soit fait un rapport fondé uniquement sur les pièces qui sont entre nos mains.

M. FAUCHET: J'observe que le comité de surveillance a reçu plusieurs autres pièces relatives à la même affaire.

M. DUMAS Je demande que les pièces soient

On observe que la communication des pièces n'est point une des dispositions préalables prescrites pour les décrets d'accusation.

L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la proposition de M. Dumas.

Elle charge ses comités militaire et de surveillance de faire lundi un rapport sur la dénonciation de M. DuboisCrancé.

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Notice de la séance du samedi soir.

On a fait lecture de deux pièces envoyées à l'Assemblée par le ministre des affaires étrangères, au nom du roi. La première est un traité fait entre Monsieur et M. d'Artois, frères du roi, et le prince régnaut de Hohenlohe, ainsi qu'entre le prince réguant de Bartensteim, pour la formation d'un régiment d'infanterie et d'un bataillon de chasseurs qui seront employés à titre de subside au service de la France. La seconde est une lettre déhortatoire adressée à ces princes par le cercle de Franconie, pour les engager, même avec menaces, à ne point fournir de troupes aux princes français, ni souffrir dans leurs Etats des rassemblements d'émigrés en armes, ni même un plus grand nombre de ces émigrés que n'en peut comporter l'étendue de leurs possessions. Ces deux pièces ont été renvoyées

à la haute cour nationale. La commission des douze a fait ensuite un rapport sur les troubles du département du Cantal, et proposé un projet de décret qui a été adopté.

SPECTACLES.

THEATRE DE LA RUE FEYDEAU.

Aujourd'hui 1er avril, Concert.

Première Partie. Symphonie de M. Haydn. M. Simoni chantera un air de M. Rispoli. M. Delcambre exécutera un concerto de basson, de la composition de M. Vienne. Mae Morichelli chantera un air de M. Giordaniello, avec accompagnement de clarinette. M. Rode exécutera un concerto de violon, de la composition de M. Viotti.

Seconde Partie. M. Simoni chantera un air de M. Bianchi. M. Punto exécutera un concerto de cor, de sa composition. Mme Morichelli et M. Simoni chanteront un duo de M. Sarti. Le concert sera terminé par l'ouverture de Démophon.

On commencera à six heures précises.

THÉATRE FRANÇAIS, rue de Richelieu. — Aujourd'hui, pour la clôture, la 14° représentation de Caius Gracchus, tragédie nouvelle en 3 actes, suivie du Barbier de Séville.

THEATRE DE Mile MONTANSIER, au Palais-Royal. — Aujourd'hui, Spectacle demandé, le Devin du Village, opéra en un acte; la 3o représentation de la Mort d'Abel, tragédie nouvelle en 3 actes, et le Mariage clandestin, opéra en un acte.

THEATRE DU MARAIS, rue Culture-Sainte-Catherine. Aujourd'hui, le Barbier de Séville, comédie en 4 actes, et le compliment de clôture.

THEATRE DE MOLIÈRE, rue Saint-Martin.— Aujourd'hui, la Suite du Suisse de Chateauvieux ou le Mariage de Rosette; le deuxième Voyage de Boniface à Paris, et les Bonnes Gens ou Boniface et sa famille à Paris.

THEATRE DE LA Rue de Louvois. — Aujourd'hui, pour la la clôture, Geneviève de Brabant, opéra en 2 actes, et sa suite en un acte, précédé de Jeannette et Bastien.

M. Perrin, qui donne tous les ans, pendant la quinzaine de Pâques, ses tours de physique, fera l'ouverture de son spectacle aujourd'hui 1er avril, au Palais-Royal, théâtre ci-devant de M. Moreau, n° 101.

GAZETTE NATIONALE OU LE MONITEUR UNIVERSEL.

N° 93.

Lundi 2 AVRIL 1792. 4o Année de la Liberté.

POLITIQUE. PRUSSE.

Notice historique sur les deux principautés d'Anspach et de Bareith, dont le roi de Prusse vient de prendre possession.

Les principautés d'Anspach et de Bareith, situées dans le cercle de Franconie, sont connues sous trois diverses dénominations, savoir: 1° de Burgraviat de Nuremberg, nom qui tire son origine des anciens burgraves ou gouverneurs établis par l'empereur pour cette ville, et les pays adjacents; 2° des principautés par-delà et en-deçà de la montagne, à cause de leur position locale, attendu qu'elles sont séparées par la montagne appelée le Fichtelberg; la principauté de Bareith est par-delà la montagne, au nordest; et celle d'Anspach, en-deçà de cette montagne, au sudest. Cependant une portion de pays située au sud-est, et qu'on appelle Unterland (Pays-Bas), où se trouve la ville d'Erlang, appartient encore à la principauté de Bareith; 3o des principautés de Culmbac et d'Onoltsbach, des noms des résidences; la résidence de Culmbac a été changée contre celle de Bareith, et on a substitué le nom d'Anspach à celui d'Onoltsbach. Quelques auteurs nomment ces principautés des margraviats, mais cette dénomination est impropre; elles n'ont jamais été des margraviats, et on ne peut leur avoir donné ce nom que parce que leurs possesseurs portaient le titre de margraves de Brandebourg. Indépendamment de ces deux principautés, les margraves de Brandebourg, dans la Franconie, possèdent encore le comité de Sayn-Altenkirchen, dans le cercle de Westphalie. La famille électorale de Brandebourg, qui occupe le trône de Prusse, possédait originairement ces principautés; elle descend de Conrad, comte de Zollern ou Hohenzollern, dans la Souabe, qui, sur la fin du onzième siècle, fut établi, par l'empereur, burgrave de Nuremberg; ses descendants augmentèrent successivement leur patrimoine par de bonnes économies, des acquisitions, des mariages, des héritages. Ces burgraves s'étant acquis une grande réputation par leur valeur et les services qu'ils ont rendus à l'empereur et à l'Empire, dans diverses circonstances, furent bientôt élevés à la dignité de princes; ceux qui se sont distingués particulièrement, étaient Frédéric III, Frédéric IV, Frédéric V et Frédéric VI, le dernier sous l'empereur Sigisinond, qui en 1414 lui donna en gagela Marche de Brandebourg; cette Marche lui fut vendue ensuite formellement en 1415 et en 1417 ce prince fut fait électeur, et la Marche érigée en électorat. C'est ainsi que ces princes de Franconie devinrent margraves et électeurs de Brandebourg Frédéric Ier, électeur de Brandebourg et possesseur du burgraviat de Nuremberg, mourut en 1440; ses trois fils partagèrent entre eux sa succession; l'ainé, nommé Jean, et surnommé l'Alchimiste, à cause de la manic qu'il eut de vouloir trouver la pierre philosophale, ou faire de l'or, eut la principauté par-delà la montagne; le second, Frédéric II, l'électorat de Brandebourg; et le troisième, Albert-Achille, la principauté en-deçà de la montagne. Les princes Jean et Frédéric étant morts sans postérité, leur succession échut à leur frère Albert-Achille, qui, par cet événement réunit de nouveau les principautés dans la Franconie et l'électorat de Brandebourg. Les trois fils d'Albert partagerent de nouveau sa succession; Jean Cicéron eut l'électorat; Sigismond, la principauté de Culmbac, et Frédéric celle d'Anspach. L'héritage de Sigismond passa à sa mort, en 4495, à son frère Frédéric, dont les deux fils se partagè rent sa succession en 1515; Casimir eut Culmbac, et George, Anspach. Leurs fils héritèrent de la succession de leurs pères. Enfin, en 1603, ces principautés, en Franconie, revinrent à la maison électorale, sous Joachim-Frédéric. Cet électeur fit, dans la même année, le pacte de Gera concernant la primogéniture de la maison, par lequel il fut établi que ses frères Christian et Joachim-Ernest, et leurs descendants, conserveraient les principautés de Bareith et d'Anspach; la descendance de Christian finit 2e Série. Tome III.

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en 1769, par la mort du margrave Frédéric-Christian de Bareith, et sa succession tomba en partage à la branche d'Anspach, le margrave Christian - Frédéric - CharlesAlexandre, qui vient de résigner ses possessions en faveur du roi de Prusse, son plus proche agnat. La reversibilité des principautés de Bareith et d'Anspach, à la branche électorale de Brandebourg, a été reconnue, confirmée, et garantie par les parties contractantes et garantes du traité de Teschen, conclu en 1779. Ces pays sont fertiles en toutes sortes de productions territoriales; ses habitants font un grand commerce, surtout de bêtes à cornes ; il y a beaucoup d'industrie dans les villes. Le prince a deux voix dans le collége des princes, à la diète générale de l'Empire, et il est un des directeurs du cercle de Franconie; la religion nationale, dans ces pays, est la protestanteluthérienne.

HOLLANDE.

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Extrait d'une lettre de la Haye, du 27 mars. - Nos lettres de Vienne nous annoncent que nous ne resterons pas long-temps sans avoir un empereur. L'archevêque de Mayence, comme archi-chancelier de l'Empire, a déjà envoyé des rescrits impériaux à toutes les cours électorales, pour leur annoncer la nécessité de pourvoir au plus vite à ce que l'Empire ait un chef; et pour fixer le courant de juillet pour le terme le plus éloigné de l'élection. Dans le mois de mai, les électeurs se rassembleront, à ce qu'on croit, et leur assemblée correspondra à celle d'un congrès qu'il est toujours question d'établir pour les affaires de France. Ce n'est point en personne que les électeurs communiqueront, mais par des ministres accrédités ad hoc. Sans la voie des lettres particulières, la plus grande incertitude régnerait sur ce qui se passe dans l'Autriche; car il est impossible de se fier aucunement à ce que disent les papiers publics; les uns annoncent formellement la continuation de la marche des troupes, les autres la nient. La vérité sur laquelle vous pouvez compter, est qu'il ne marche, jusqu'ici, aucun régiment. Tout est suspendu jusqu'au moment où l'élection aura été déclarée, ou du moins si certaine en faveur de l'archiduc François, qu'il n'y ait plus de doute à ce sujet. Toute la politique autrichienne se réduit, pour ce moment, à conserver l'harmonie la plus intime avec la Prusse, qui est la seule puissance qui pourrait appuyer efficacement les prétentions de quelque autre maison à la couronne impériale. On nommait le duc de Deux-Ponts; mais le fait est qu'il n'y a aucune apparence. - On espère parvenir à contenir la fougue française encore plusieurs mois; le plan, pour y réussir, est tout tracé. Voici comme on compte ici la marche que doivent suivre des conseillers intimes, autant ennemis secrets de Louis XVI qu'ennemis découverts de la constitution de France. La guerre ne peut avoir lieu que d'après la proposition formelle et nécessaire du roi; ainsi il suffira que le roi éloigne telle proposition, tempère, modère, tergiverse, etc. comme il a fait jusqu'à présent. Le système n'est en rien changé ; les cours intéressées au renversement doux et progressif de la constitution, ne sont pour le moment occupées que des moyens de calmer l'effervescence guerrière de M. d'Artois et de M. de Condé, qui voudraient qu'on fit un coup de main. Le succès paraît bien plus sûr de l'autre manière; l'épuisement, la faim, la crainte, la disette de numéraire, le fanatisme religieux; voilà des moyens qui n'ont jamais manqué, quand on les a suivis et employés avec quelque constance; c'est sur eux que l'on compte ; c'est le plan qu'on suivra imperturbablement; la plus grande peur des princes d'Allemagne et de la cour de la Haye, est que les patriotes français ne forcent l'armée à marcher, et à entamer enfin des hostilités. Cette peur vient de ce qu'ils ne peuvent se dissimuler que, dans ce cas, les Pays-Bas, le pays de Liége et la Hollande peut-être, se livreraient à des insurrections qui feraient revivre l'ancien patriotisme. Mais ce qui les rassure, c'est qu'à la tête des troupes françaises sont des généraux qui, quoique leurs ennemis particuliers ont pourtant leur intérêt privé à ce

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