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êtreinformé de l'abondance; car il faut CHAPITRE que tout le monde ait été pleinement raffafié s'il est resté du furplus: & les Apôtres rempliffent douze paniers de ce que le peuple a laiffé. A qui ces douze paniers pleins de reftes, peuvent-ils laiffer quelque refte d'incrédulité ?

Le peuple touché d'un miracle fi étonnant & auquel il avoit tant d'interêt, ne doute point que Jefus-Christ ne foit ce Prophete par excellence que Dieu avoit promis comme devant fucceder à Moïfe, & être après lui le mé- Dent.18.15. diateur d'une nouvelle alliance : & il veut le déclarer Roi, parce que le Meffie, felon fes idées, devoit être Roi à la maniere des autres Princes, & regner fur Ifraël comme David & Salomon l'avoient fait. Cette quatrième circonftance eft une nouvelle preuve du miracle & de l'impreffion qu'il avoit faite fur tous les efprits.

Enfin Jesus-Chrift parlant le lendemain à ce même peuple dans la Ville de Capharnaum, qui étoit encore plein d'admiration pour lui & pour le miracle qu'il avoit fait, lui reproche d'être plus fenfible à l'effet temporel de ce prodige, qu'à l'ufage qu'il en devoit faire pour fon falut éternel; & ce re

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proche ne confirme pas feulement le miracle, mais il y ajoûte une nouvelle dignité, en nous découvrant le principal deffein que Jesus-Chrift avoit en le faifant, & le myftere auquel il avoit voulu le faire fervir.

Il n'eft donc pas poffible de fermer les yeux à une telle lumiere, ni d'obfcurcir un miracle qui a eû plus de dix mille perfonnes, je ne dis pas pour fpectateurs, mais pour conviés; les femmes & les enfans étant au moins en pareil nombre que les hommes, & qui eft fi néceffairement lié à d'autres circonftances également publiques & certaines. Mais il n'en faut pas demeurer là; & fi le miracle eft indubitable, il eft indubitable auffi que J.C.eft le Meffie, & qu'il eft Fils de Dieu : car dans le même difcours où il parle de ce prodige aux Capharnaïtes, il dit claireJean. 6.pla- ment : "Qu'il eft le pain de vie, le pain defcendu du Ciel, & qui donne » la vie au monde; que quiconque croît » en lui aura la vie éternelle, & qu'il reffufcitera au dernier jour ceux qui » feront venus à lui, après y avoir été » attirés par le Pere célefte. Il prouve ces vérités fecretes par le miracle public. Il dit que ce miracle en eft le figne

fieurs fois.

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extérieur & le fceau; & comme on ne peut réfifter à l'évidence du prodige manifefte & public, on doit écouter avec une entiere docilité la doctrine dont il eft la preuve.

Retournons donc fur nos pas, & confiderons entre les mains de JesusChrift les cinq pains & les deux poiffons, comme le grain & la femence que fa providence multiplie chaque année par un miracle auffi réel & encore plus étonnant, quoiqu'on y foit accoutumé. Voyons comme dans les prodiges même il fuit l'ordre qu'il a prefcrit à la nature en exigeant du côté des hommes quelque chofe qui cache la création, & qui tienne aux anciennes créatures qu'il veut multiplier. Admirons comment fes mains fécondes fe déchargent dans celles de fes Apôtres, & par celles-ci dans le fein de fon peuple, fans que perfonne puiffe pénétrer le fecret d'une telle fécondité, quoique tout le monde y participe. Et comment dans la multiplication & la diftribution d'un aliment temporel, il marque le myftere de la parole Evangelique, & de la nourriture fpirituelle qu'il donne immédiatement à fes Miniftres, & qu'il fait arriver par leur

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ministere jusqu'aux enfans & aux plus petits.

Mais fur-tout confiderons combien il eft attentif à prouver qu'il eft le Prophéte par excellence & le Meffie promis, fans fouffrir néanmoins que le peuple l'établiffe Roi, parce qu'il l'eft d'une maniere plus fublime & plus parfaite que le peuple ne penfe & qu'il ne le défire. Il prouve ce qu'il eft, fuit ce que le peuple veut lui donner. L'un & l'autre font dignes de lui, & je le reconnois à tous les deux.

&

Enfin admirons comment après une tel prodige il lui demeure infiniment fuperieur, comment ce qui éblouït le peuple le touche peu & même l'afflige, & combien le miracle en lui-même Jui paroîtroit inutile s'il se bornoit à l'admiration d'un peuple intereffé, & s'il n'étoit la figure & la promeffe d'un autre plus digne de fa magnificence & de fon amour pour fes Elus. » Vous » me cherchez, dit-il, non parce que » vous avez vû des miracles,( dont la » foi doit être le fruit,) mais parce que vous avez été raffafiés. Travaillez, » non pour avoir une nourriture qui périt, mais pour celle qui demeure » pour la vie éternelle, & que le Fils

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lui

que

» de l'Homme vous donnera. Car c'est Dieu le Pere a clairement défigné & comme caracterisé en vous nourriffant d'un pain miraculeux dans le défert.

ARTICLE 1 I I.

Seconde multiplication des pains, non-seulement certaine, mais qui devient la preuve de plufieurs miracles qui l'avoient précedée.

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Le miracle dont nous parlons a été réiteré une feconde fois avec des circonftances prefque femblables, & cette réiteration acheve de mettre le comble aux démonftrations précédentes. Voici comme faint Matthieu rapporte ce fecond prodige: » Jefus étant venu fur Matt. 1 5.597 » le rivage de la mer de Galilée, & » étant monté fur une montagne où » il s'affit, de grandes troupes de peu

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ple l'y vinrent trouver, ayant avec » eux des boiteux, des aveugles, des » muets, des eftropiés & beaucoup d'autres infirmes dont ils fe déchargerent à fes pieds, (a) & il les guérit: de forte qu'ils étoient tous dans l'admiration voyant que les muets parloient, (a) Projecerunt eos ad pedes ejus.

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