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GABRIEL CHARMES, Un essai de Gouvernement européen en Égypte (15 août et 1er décembre 1879).

L'insurrection militaire en Égypte (15 août et 1er septembre 1883).

· ED. PLANCHUT, L'Égypte et l'occupation anglaise (1er décembre 1888 au 1er février 1889).

INTRODUCTION

La question d'Égypte est intimement liée à la question d'Orient. Mais le fertile bassin du Nil fait aussi l'objet d'une question spéciale. Cela ne doit pas nous étonner, puisque la grande question d'Orient a donné naissance à plusieurs questions particulières : les questions crétoise, arménienne, macédonienne, auxquelles s'est jointe, depuis de longues années déjà, celle d'Égypte, qui doit faire l'objet de cette étude.

La question d'Orient et par suite celles qui en dérivent ont évidemment leur cause dans la décadence de l'Empire Ottoman.

Les Turcs étaient guidés dans leurs conquêtes par l'idée d'élargir la sphère d'influence de l'Islamisme. Dans ce but ils avaient concentré à Constantinople toute la force islamique. C'est ainsi que le sultan Sélim entreprenait la conquête de l'Égypte non seulement pour l'annexer à ses possessions, mais surtout pour se substituer au Kalife qui résidait dans ce pays. La dynastie des Osmanlis poursuivait donc la tâche entreprise par le Prophète et ses Kalifes.

Grâce à la vertu guerrière de la nation Ottomane, l'Empire des Sultans s'étendait rapidement en Europe. Devant ce péril turc, les pays conquis ou menacés se coalisèrent pour chasser les Ottomans de Constantinople. De là des guerres perpétuelles entre la Turquie et les pays limitrophes.

Tandis que la Porte Ottomane, constamment préoccupée du maintien de son empire en Europe, n'accordait pas à ses sujets chrétiens un droit égal à celui de ses sujets musulmans, et laissait ainsi subsister dans le cœur des peuples vaincus la haine du vainqueur; en Europe, au contraire, des nations se formaient et marchaient vers une ère de progrès et de prospérité.

Le déclin de cet empire, dont l'idéal social était établi sur des bases aussi faibles, était facile à prévoir.

La Russie et l'Autriche, profitant de la faiblesse de la Turquie, étendaient à son détriment leur pouvoir et leur influence.

L'Europe avait consacré, depuis les traités d'Utrecht (11 avril 1713) et de Rastadt (6 février 1715), le principe de l'équilibre européen, c'est-à-dire l'égalité de force et d'influence des Puissances. Depuis l'alliance perpétuelle (20 novembre 1815), toutes les questions intéressant le maintien de cet équilibre étaient élucidées par le Concert Européen, qui devenait ainsi une institution. quasi-régulière.

L'Europe ne pouvait plus permettre à aucun État de repousser les Turcs de l'autre côté du Bosphore et s'emparer de Constantinople.

Si donc la Turquie existe, et s'il y a une question d'Orient, c'est uniquement parce que l'équilibre européen l'exige.

Pour maintenir cet équilibre nécessaire pour la paix universelle, les Puissances placèrent la Turquie sous leur protectorat collectif à partir du traité de Londres de 1827, lors de l'insurrection grecque.

Sur ce protectorat viennent se greffer les capitulations, qui attribuent non seulement des avantages aux Européens au détriment des Turcs, mais encore donnent aux Puissances le droit d'intervenir même dans les attributions. les plus intimes de l'administration.

Combien de fois n'a-t-on pas vu les Puissances protester contre les réformes d'ordre administratif tentées

par quelques hommes d'État intelligents, sous prétexte qu'elles portaient atteinte aux droits de leurs nationaux reconnus par les capitulations.

Toujours dans le but de maintenir l'équilibre européen et de prévenir le danger d'une conflagration générale, les Puissances posaient, dans le traité de Paris du 30 mars 1856, le principe de l'intégrité de l'Empire Ottoman. Elles réglaient en même temps la question serbe et moldo-valaque en donnant à ces pays, où la Russie et l'Autriche exerçaient une influence morale et matérielle, une autonomie administrative.

Le traité de Berlin de 1878 modifiait singulièrement celui de San-Stéphano' qui assurait à la Russie un pro

Livre Jaune, affaires d'Orient, Congrès de Berlin 1878, p. 21.

tectorat presque exclusif sur la Turquie. Les Puissances avaient poursuivi, en se réunissant à Berlin, l'idée de maintenir l'équilibre européen et de sauvegarder les intérêts collectifs qu'elles avaient en Turquie.

L'Égypte, qui fait partie de la Turquie, avait eu sa large part dans tous les maux de ce malheureux Empire.

Mais nous avons dit plus haut que l'Égypte faisait l'objet d'une question spéciale. En effet, quoique située en dehors de l'axe géographique oriental, l'Égypte a une grande importance au point de vue économique aussi bien qu'au point de vue de la politique européennne.

Au point de vue économique, le Soudan dépend d'elle pour écouler ses produits, le canal de Suez' est le chemin le plus court qui lie l'Europe aux Indes et à l'Extrême-Orient. Elle est au point de vue de la politique européenne, un point stratégique important sur la Méditerranée.

Les yeux des Puissances étaient donc fixés d'une façon particulière sur la province africaine. Aucune d'elles ne devait penser à la conquérir; ce serait méconnaître le principe du protectorat collectif.

La question spéciale d'Égypte, soulevée pour la première fois par Méhmed-Ali, passa successivement par trois phases.

Avant le percement de l'isthme, cela était vrai également, puisqu'on a toujours projeté de le creuser.

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