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matiques ou politiques des hommes d'État anglais ainsi que des protestations réitérées de la France et de la Turquie qui n'admettent pas cette situation de fait.

L'Égypte reste donc au point de vue du droit une province privilégiée de l'Empire Ottoman.

De fait elle est plus qu'un État protégé qui nécessite un contrat juridique réglant les attributions de l'État protecteur et de l'État protégé. Elle est une colonie anglaise puisque dans toutes les branches de l'administration ce sont les fonctionnaires anglais qui prennent les décisions et ce sont les fonctionnaires égyptiens qui sont obligés de les exécuter.

Quand cessera cette situation de fait qui est le plus abominable acte arbitraire de nos jours? On ne peut le prévoir ?

L'opinion publique anglaise est pour la continuation perpétuelle de cet état, qui procure à l'Angleterre des avantages politiques et écconomiques.

Ce passage de lord Milner qui explique la situation actuelle de l'Égypte vis-à-vis de l'Angleterre est très caractéristique :

« C'est un protectorat déguisé d'une étendue indéterminée, d'une durée indéfinie pour l'accomplissement d'une chose difficile et lointaine...

Dascet dit à son tour :

« ... Le devoir de l'Angleterre n'est pas de faire la prospérité de l'Égypte; mais nous avons le devoir de maintenir l'empire

ΙΟ

anglais. Or le maintien de l'empire exige que nous restions en Égypte. >

Ce ne sont évidemment pas des raisonnements juridiques; mais des raisonnements d'interêt personnel. En Égypte, il y a le canal de Suez qui est le plus court chemin qui conduit dans les Indes. Il y a le Soudan que l'Angleterre considère comme sa propre colonie; il y a aussi des intérêts politiques. D'après l'opinion publique anglaise, le gouvernement anglais ne pourrait quitter l'Égypte parce qu'il laisserait la France seule dans la Méditerranée. Il faudrait pour cela que la France quittât la Tunisie en même temps que l'Angleterre quitterait l'Égypte.

Nous avons vu que tous ces raisonnements n'ont aucune valeur au point de vue du droit. La situation de la France en Tunisie ne peut être comparée à celle de l'Angleterre en Égypte.

Le gouvernement français est le protecteur de droit de la Tunisie. Ce protectorat est accepté par le bey de Tunis aussi bien que par toutes les Puissances. L'Angleterre elle-même a reconnu le protectorat français.

Aucun acte juridique ne consacre l'occupation anglaise. C'est en vertu d'une Force et non d'un Droit que l'Angleterre occupe l'Égypte depuis vingt-deux ans et cette occupation arbitraire ne change pas, en droit, la situation juridique de l'Égypte vis-à-vis de la Porte.

CHAPITRE III

Le Soudan égyptien et sa situation juridique

Nous avons séparé la question du Soudan égyptien de la question générale de l'Égypte parce que, comme nous allons le voir, il y a pour le Soudan égyptien une politique particulière de l'Angleterre et un régime juridique anormal.

Le Soudan égyptien comprend toute la région qui s'étend au nord de Ouadi-Halfa jusqu'au lac Albert Nyanza, depuis les confins des plateaux de l'Abyssinie à l'est jusqu'aux frontières indécises de l'Etat musulman de Ouadaï à l'ouest; on doit y joindre la région limitrophe de la Mer Rouge au nord du Tigré jusqu'au 20o parallèle nord environ. Il embrasse ainsi tous les territoires arrosés par les innombrables sources du Nil, les bassins fermés du Darfour et du Kordofan et les régions désertes qui séparent Souakin et Massaouah du Nil.

Sans le fleuve sacré, l'Égypte ne formerait qu'un vaste désert à l'exemple du Sahara. Sa prospérité dépend du Nil qui a ses sources dans le Soudan où des travaux peuvent améliorer ou diminuer son cours. Le Soudan, à

son tour, dépend de l'Égypte au point de vue économique ne pouvant écouler ses produits que par Massaouah et Souakin.

Les deux pays dépendent donc réciproquement l'un de l'autre. C'est pour ce motif que tous les conquérants de l'Égypte ont entrepris en même temps la conquête du

Soudan.

Cette vaste contrée ne pouvait pas laisser indifférent Méhmed-Ali. Plusieurs autres motifs l'ont décidé à entreprendre l'expédition du Soudan. Les Mamelucks s'étaient réfugiés en masse dans la province de Dongola. Il fallait les en chasser pour prévenir des dangers futurs. Méhmed avait besoin aussi d'esclaves pour l'exécution de grands travaux qu'il avait entrepris et de bons soldats. pour réaliser ses projets d'indépendance. Or le Soudan pouvait lui fournir tout cela.

Le Sultan accordait à Méhmed-Ali le gouvernement héréditaire de l'Égypte en même temps que par le firman du 13 février 1841 il lui confiait l'administration des provinces de Nubie, du Darfour, du Cordofan et du Sennaar.

...

Ces concessions étaient faites à Méhmed-Ali à titre viager. « .. J'ai pris aussi la résolution, dit le firman, de t'accorder, sans hérédité, les gouvernements du Darfour, de Nubie, du Cordofan et du Sennaar avec toutes leurs dépendances, situés en dehors de l'Égypte. ›

Il est à remarquer que les deux ports, Souakin et

NOURADOUNGHIAN, op. cit., t. II, p. 323.

Massaouah, qui, plus tard, allaient jouer un rôle important, n'étaient pas compris dans le firman. Ils étaient depuis longtemps incorporés à l'Empire Ottoman.

C'est sous le règne d'Ismaïl-Pacha, dont l'unique désir était de s'affirmer le plus puissant prince africain, que les ambitions de Méhmed-Ali sur le Soudan furent reprises.

Deux firmans de 1865 lui concédaient, à titre héréditaire, les possessions soudanaises y compris les ports de Massaouah et de Souakin'.

En 1870, Ismaïl envoyait au Soudan une armée d'occupation sous le haut commandement de Samuel Baker et lui en confiait le gouvernement général.

Lors de la déposition d'Ismaïl, le pays jouissait d'une certaine prospérité grâce à l'activité infatigable de Baker. Le bassin du Nil était divisé en seize provinces. dont la capitale était Khartoum?.

Le droit de l'Égypte et par conséquent de la Turquie sur ce pays n'était pas douteux.

Le Khédive occupe effectivement ces provinces et les administre au nom du Sultan. Il a le droit de conserver

Voyez firman du 8 juin 1873. (NOURADOUNGHIAN, t. III, p. 347.)

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