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privilégiée et du Soudan, n'a pas le droit de céder sans l'autorisation du Sultan une partie des territoires de l'Empire dont l'administration lui est confiée.

Ce qui prouve encore le désir de séparer le Soudan de l'Égypte et de le faire consacrer par des actes juridiques c'est le traité d'extradition intervenu entre le gouvernement égyptien et le gouverneur général du Soudan. Ce traité qui fut publié dans le journal officiel égyptien en 1902, a la même forme que tout traité intervenant entre deux États distincts.

CONCLUSION

Nous sommes arrivé à la fin de notre étude. Nous avons vu, par l'exposé des actes juridiques que l'Egypte était, avant le firman de 1841 une province de l'Empire Ottoman. Nous avons constaté également, surtout par l'étude des dispositions du traité de Londres du 15 juillet 1840, reproduite par le firman organique, qué cette province africaine revêt un nouveau caractère. Elle resté toujours une province de l'Empire mais à titre particulier. En effet l'Égypte a un gouverneur héréditaire et une autonomie administrative, tandis que les autres provinces sont directement attachées au gouvernement central.

On pouvait nous faire cette objection: c'est jouer sur les mots que d'appeler l'Égypte une province, elle renferme tous les caractères d'un État vassal, ce sont les formules diplomatiques qui cachent la vérité. Nous l'avons écartée : 1o en démontrant que si de nos jours il peut encore exister des États vassaux, nous le devons uniquement à la volonté des Puissances. Or nous avons vu que ces dernières n'ont jamais voulu faire de l'Égypte un État vassal; 2o en remarquant que l'Égypte n'est pas la seule province qui ait une organisation privilégiée, et comment naissent en Turquie des provinces de ce genre;

3o en établissant un parallèle entre l'Égypte et les États vassaux de l'Empire d'abord, et ses provinces privilégiées ensuite.

Nous avons analysé les firmans postérieurs à celui de 1841 et constaté qu'ils ne changent nullement la situation juridique, mais modifient certains points de détails, restreignent ou élargissent les privilèges.

Nous avons exposé les événements qui ont amené l'occupation anglaise et déterminé le caractère de cette occupation qui crée une situation de fait mais ne modifie pas la condition juridique de la province privilégiée visà-vis de la Porte.

Depuis qu'il occupe la vallée du Nil, le gouvernement britannique ne rêve qu'une chose : classer l'Egypte parmi ses possessions coloniales. En effet l'ambition de l'Angleterre est de former un empire colonial. Pour y réussir elle a matériellement besoin de ce pays et du canal de Suez. Dans ce but, elle s'efforce depuis vingt-deux ans d'affranchir la province privilégiée de la Porte de toutes les forces qui empêchent sa domination personnelle. Elle y a réussi en partie; car si juridiquement l'Angleterre n'a aucun droit sur l'Egypte, en fait elle en est maîtresse. Le gouvernement khédivial est à sa dévotion et doit suivre ses conseils.

La France, qui seule avait énergiquement protesté contre cette occupation, semble s'en désintéresser depuis. quelques années. Si la combinaison diplomatique sur le continent africain dont nous avons parlé dans notre introduction, vient à se réaliser, il sera facile à la Grande.

Bretagne de supprimer les tribunaux mixtes et la commission de la Dette publique et par là toute action européenne en Égypte.

Même si cette combinaison échoue, l'Empire Ottoman ne doit pas compter sur l'Europe pour faire respecter ses droits. Il doit chercher les moyens de se rénover pour agir lui-même. S'il persiste à rester dans cet état de désorganisation, il perdra sans aucun doute toutes les parties importantes de ses possessions. Aujourd'hui ce sera la Macédoine, demain l'Arménie, la Syrie, la Tripolitaine.

Pourtant il est facile, croyons-nous, non seulement de prévenir tous ces démembrements éventuels mais encore de former un empire fort et prospère. Voici comment : Le manque d'une constitution logique concordant avec les idées de l'époque et les mœurs des différentes nations qui composent la Turquie est la cause la plus évidente de la décadence turque.

L'idée principale qui guide le Sultan est l'absolutisme. Il veut être l'unique maître, diriger sans contrôle toutes les branches de l'administration et tenir le peuple dans un état d'obéissance aveugle.

A l'époque où la Turquie était toute puissante et où la Porte avait comme idéal social la conquête des pays chrétiens dans le but d'élargir la zone d'influence de l'islamisme, l'application stricte de l'absolutisme et la prépondérance du peuple vainqueur pouvaient être admises. Mais à partir de son affaiblissement, la Turquie aurait dû changer son but social et suivre l'exemple des pays occidentaux. Un raisonnement logique et l'examen

des faits historiques auraient pu lui montrer la fausseté et l'absurdité de ses idées maîtresses. En effet, tous les conquérants qui ont poursuivi un but analogue sont tombés, l'histoire nous le montre, et ont disparu.

La Porte n'a renoncé à son idéal social de panislamisme qu'en 1839. En effet, le 3 novembre de cette année le vizir de la Porte déclarait solennellement à Gulhané que tous les Turcs étaient égaux sans distinction de race ni de religion, que des garanties seraient accordées pour la sécurité de la vie, de l'honneur et de la fortune de chaque sujet, qu'un mode régulier d'asseoir et de percevoir l'impôt serait institué. Après avoir insisté sur la nécessité de la légalité et des institutions. administratives régulières, le firman du Tanzimat' ajoutait... En résumé, sans les lois dont on vient de voir la nécessité, il n'y a pour l'Empire ni force, ni richesse, ni bonheur, ni tranquillité; il doit au contraire les attendre de l'existence de ces lois nouvelles. >

Il est évident que la Turquie a réalisé depuis ce firman d'appréciables progrès d'ordre administratif, malgré l'application défectueuse que les nouvelles lois ont reçue.

Elle a eu, en 1876, une constitution libérale due à l'initiative de Midhat-Pacha, qui ne fut, pour ainsi dire, jamais mise en œuvre mais qui, en droit, existe toujours.

La cause de la mauvaise application des lois, de la nonexécution de la Constitution et par suite de tous les

Hatti-Chérif ou firman du Tanzimat. (NOURADOUNGHIAN, t. II,

p. 288,

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