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PREMIÈRE PARTIE

Situation juridique de l'Égypte vis-à-vis de la Porte

CHAPITRE PREMIER

Situation de l'Égypte d'après le Firman de 1841

SECTION I

MÉHMED-ALI ET LES ÉVÉNEMENTS D'ÉGYPTE AVANT 1841

Méhmed-Ali, fondateur de la dynastie des gouverneurs d'Égypte, est né à Kavala (Macédoine) en 1769. Issu d'une famille pauvre et obscure, orphelin dès son enfance, il entre au service du gouverneur du pays qui, frappé par l'intelligence vive et l'activité prodigieuse de son jeune serviteur, lui offre un poste subalterne dans l'administration. Il part, à la tête d'un bataillon de bachibouzouks pour l'Égypte, lutter contre les troupes françaises. Il prend part, en 1799, au combat d'Aboukir où il admire le génie du général français. Méhmed-Ali a trouvé là son modèle.

Après l'évacuation de l'Égypte par l'armée française, le gouvernement impérial entreprend la répression de la rébellion séculaire des Mameluks. Méhmed-Ali offre ses services à Kosrev-Pacha, gouverneur d'Egypte, et combat contre les insurgés. Victime d'une injustice de la part de Kosrev-Pacha, il passe au camp ennemi.

Ses vertus militaires, son caractère plein d'autorité et de ruse, lui donnent, en peu de temps, une grande popularité parmi les Mameluks, qui en font leur chef.

Il obtient facilement de la Porte, en 1805, le Pachalik d'Égypte. Il comprend que, pour se rendre le seul maître en Égypte, il faut se débarrasser des Mameluks. Il attire les beys influents, par une ruse, au pied de la citadelle du Caire et les fait fusiller. Par cet acte barbare et peu scrupuleux, il affirme son autorité en Égypte et délivre le peuple d'un fléau qui durait depuis plusieurs siècles.

Méhmed-Ali n'est pas homme à se contenter du rang de simple gouverneur. Son but est de s'affranchir complétement de l'autorité du Sultan et de s'installer en Égypte en souverain indépendant.

Parmi les nombreux services qu'il avait rendus à l'Égypte, il faut citer celui de l'organisation de l'armée sur le modèle des armées européennes. Il comprend que le gouvernement de son souverain, écrasé sous le lourd fardeau des guerres intestines, ne pourra résister à ses attaques. Il profite de toutes les occasions pour désobéir aux ordres souverains et affirme ainsi de plus en plus son autorité en Égypte.

C'est ainsi qu'en 1831, profitant d'un petit incident

sans importance survenu entre lui et le Pacha d'Acre, il envoie son fils Ibrahim en Syrie, avec une armée de 24,000 hommes, contre ce Pacha. Méhmed-Ali ne s'attaque pas directement au Sultan, mais prétend réprimer la conduite du Pacha d'Acre. Quoique illettré, le gouverneur d'Égypte est un éminent administrateur et un fin politique. Attaquer directement le Kalife et le Padichah aurait compromis tous ses desseins; l'armée égyptienne, composée entièrement de musulmans, ne lui aurait peutêtre pas obéi. Il savait que le gouvernement impérial ne tolérerait en aucune façon qu'un de ses gouverneurs fasse, sans sa permission, la police de l'administration. d'une autre province. Il préférait être déclaré rebelle et s'y attendait. En effet, la Porte le révoque de toutes ses fonctions et le déclare rebelle.

Ibrahim envahit la Syrie, s'empare de plusieurs places importantes en faisant subir aux troupes de son souverain de graves défaites.

Le Sultan, devant les victoires incessantes de son sujet rebelle qui marchait sur Constantinople sans trouver devant lui aucune résistance sérieuse, fit appel à l'assistance de la Russie qui s'empressa de prêter son concours à la Porte. Le général Mouravieff, ambassadeur de Russie, envoya un message au fils du Pacha rebelle pour l'engager à arrêter sa marche.

Ibrahim, soutenu par la France, refusa de conclure un armistice, donnant comme raison qu'il ne dépendait pas de lui, simple général, de conclure un armistice, qu'il lui fallait, pour cela, attendre les instructions de

son père. A la suite du refus d'Ibrahim, la Russie envoya une flotte et une armée à Constantinople pour repousser ses attaques.

L'amiral Roussin, ambassadeur de France, protesta auprès de la Porte contre l'acceptation du concours russe qui assurait à la Russie une situation prépondérante en Turquie. La Porte voulut bien donner satisfaction aux réclamations de l'amiral Roussin mais elle lui demanda, en retour, l'appui matériel de son pays afin de repousser les attaques d'Ibrahim.

I intervint entre la Porte et l'amiral Roussin, le 21 février 1833, un arrangement' par lequel la Porte s'engage à renoncer à toute espèce d'assistance étrangère qu'elle se trouverait avoir demandée en raison des circonstances, et l'ambassadeur français offre les bons offices de son gouvernement pour régler le différend entre le gouverneur rebelle et le Sultan.

La Russie, sur la demande de la Turquie, rappela sa flotte, et l'amiral Roussin envoya un message à MéhmedAli escomptant l'influence de la France sur le Pacha d'Égypte. Celui-ci n'accepta pas l'arrangement intervenu entre la Porte et l'ambassadeur de France.

La mission de l'ambassadeur échoua donc complètement laissant la Porte dans une mauvaise posture. Elle se trouvait seule en face du danger; elle fit appel, de nouveau, à l'assistance de la Russie, qui envoya aussitôt une flotte et une armée à Constantinople.

NOURADOUNGHIAN EFFENDI, op. cit.. t. II, p. 228.

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