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intervention de ce genre, mais c'était en faveur des sujets de l'Empire contre le Sultan; ici, au contraire, les Puissances interviennent au profit du Sultan contre un sujet rebelle.

Cela montre clairement que la Turquie est placée sous une sorte de protectorat de fait de l'Europe. Si la Turquie fut admise comme partie dans ce traité, c'est après coup et sur la demande de lord Palmerston.

Nous donnerons ici, les passages du traité de 1840, intéressant directement la situation juridique de l'Égypte, soit dans le traité, soit dans les protocoles.

Le préambule de ce traité est ainsi conçu

« Sa Majesté le Sultan, ayant eu recours à leurs Majestés la Reine du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, l'Empereur d'Autriche, roi de Hongrie et de Bohême, le roi de Prusse et l'Empereur de toutes les Russies, pour réclamer leur appui et leur assistance au milieu des difficultés dans lesquelles il se trouve placé, par suite de la conduite hostile de MéhmedAli, Pacha d'Égypte, difficultés qui menacent de porter atteinte à l'intégrité de l'Empire ottoman et à l'indépendance du trône du Sultan, leurs dites Majestés, mues par le sentiment d'amitié sincère qui subsiste entre elles et le Sultan, animées de veiller au maintien de l'intégrité et de l'indépendance de l'Empire ottoman, de l'intérêt de l'affermissement de la paix de l'Europe, fidèles à l'engagement qu'elles ont contracté par la note collective remise à la Porte, par leurs représentants à Constantinople, le 27 juillet 1839, etc., etc. »

Dans l'article 2 on trouve le passage suivant :

..... Leurs dites Majestés promettent, en outre, que les commandants de leurs escadres, selon les moyens dont ils

disposent, donnneront, au nom de l'alliance, tout l'appui et toute l'assistance en leur pouvoir, à ceux des sujets du sultan qui manifesteront leur fidélité et obéissance à leur souverain. »

L'acte séparé, annexé à ce traité, contient les concessions que la Porte doit faire à Méhmed-Ali, et les conditions auxquelles elles seront subordonnées.

< Art. rer. Sa Hautesse promet d'accorder à Méhmed-Ali, pour lui et pour ses descendants, en ligne directe', l'administration du Pachalik d'Égypte, et Sa Hautesse promet en outre, d'accorder à Méhmed-Ali, sa vie durant, avec le titre de Pacha d'Acre et avec le commandement de la forteresse de Saint-Jeand'Acre, l'administration de la partie méridionale de la Syrie... »

D'après l'article 2, Méhmed-Ali doit accepter ces offres dans le délai de dix jours, sinon, le Sultan retirera seulement l'offre du Pachalik d'Acre, et si, dans un autre délai de dix jours, Méhmed-Ali n'accepte pas l'administration héréditaire de l'Égypte seulement, toutes les offres faites par la Porte seront nulles et les Puissances agiront pour chasser le Pacha.

<< Art. 5.

Tous les traités et toutes les lois de l'Empire ottoman s'appliqueront à l'Égypte et au Pachalik-d'Acre, tel qu'il a été désigné ci-dessus, comme toute autre partie de l'Empire ottoman. Mais le sultan consent, qu'à condition du

1 Au premier abord, cela paraît bizarre; on peut se demander si l'on peut avoir des descendants en ligne collatérale. Cela veut dire tout simplement que les filles sont exclues de la succession, et si une fille a un enfant mâle, il n'aura pas droit au gouvernement.

payement régulier du tribut sus-mentionné, Méhmed-Ali et ses descendants perçoivent, au nom du Sultan, et comme Délégués de Sa Hautesse, dans les provinces dont l'administration lui sera confiée, les taxes et impôts légalement établis...

Art. 6.

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Les forces de terre et de mer que pourra entretenir le Pacha d'Égypte et d'Acre, faisant partie des forces de l'Empire ottoman, seront considérées comme entretenues pour le service de l'État. »

SECTION II

LE FIRMAN DE 1841

Le délai de vingt jours accordé au Pacha pour l'acceptation des concessions que lui offrait le traité de la quadruple alliance était expiré. La Turquie se trouvait donc libérée de son engagement. Mais il fallait chasser les troupes d'Ibrahim qui occupaient toujours la Syrie. Les Puissances ne laissèrent pas ce soin à la Turquie, et agirent directement. Les troupes alliées débarquèrent à Saint-Jean-d'Acre; Ibrahim se retira sans résistance. C'est à ce moment qu'un firman destitua le Pacha de tous ses titres et fonctions.

Devant l'attitude énergique des Puissances, et malgré l'appui et les encouragements de la France, le Pacha se résigna à n'accepter que le gouvernement héréditaire de l'Égypte.

Un premier firman intervint, en date du 13 février 1841, pour déterminer les privilèges à accorder au Pacha. Mais

sur la protestation de Guizot, les Puissances demandèrent à la Porte de modifier ce firman, qui fut remplacé par celui du 23 mai 1841.

«

TRADUCTION DU FIRMAN DU 23 MAI 1841 !

J'ai eu connaissance de la soumission que tu viens de témoigner, ainsi que des preuves de sincères dévouements et d'obéissance que tu viens de donner dans l'intérêt de ma personne et de mon Gouvernement, et ces dispositions de loyauté et de droiture ont excité ma satisfaction impériale.

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Le zèle et l'habileté qui te caractérisent, ainsi que l'expérience et les connaissances que tu as acquises dans les affaires d'Égypte pendant ta longue administration de cette province, me font espérer que tu justifieras les marques de faveur et de confiance que j'ai daigné t'accorder; que tu t'en montreras reconnaissant, et que tu emploieras tout ton zèle pour transmettre à tes descendants les qualités qui te caractérisent.

. En conséquence, tu es confirmé, avec les privilèges de l'hérédité et sous les conditions suivantes, dans le Gouvernement de la province d'Égypte, dont les limites restent telles qu'elles ont été indiquées dans la carte qui t'a été transmise par mon Grand-Vizir actuel, et qui est munie de son cachet. « Le Gouvernement de l'Égypte passera désormais, en cas de vacance, à tes descendants mâles en ligne directe, et de l'aîné à l'aîné, et l'investiture du nouveau Gouverneur sera faite par ma Sublime Porte.

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Si, par suite des arrêts du destin, la ligne masculine venait à s'éteindre, ma S. Porte devra, en ce cas, pourvoir au choix d'une autre personne, pour l'administration de cette province,

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sans que les enfants mâles, issus de la ligne féminine, aient aucun droit à faire valoir à cet égard.

« Quoique les gouverneurs de l'Égypte aient obtenu le privilège de l'hérédité, ils seront, en ce qui concerne le grade et la préséance, sur le même pied que tous les autres vizirs de ma S. Porte qui les traitera à l'égal de ceux-ci, et qui, dans sa correspondance, emploiera vis-à-vis d'eux les mêmes. formes et les mêmes titres usités pour tout vizir.

<< Toutes les dispositions légales de notre Hatti-Chérif de Gul-Hané, qui consacrent la sécurité complète de la vie, des biens et de l'honneur d'un chacun, seront exécutoires dans la province d'Égypte, où seront aussi complètement mis à exé

cution tous les traités conclus ou à conclure entre ma S. Porte et les Puissances étrangères.

< Tous les règlements faits ou à faire par ma S. Porte seront également appliqués à ladite province, suivant les exigences de la localité et les principes de la justice.

« Tous les impôts et autres revenus seront perçus, en Égypte, en mon nom impérial, et comme les habitants de cette province font aussi partie des sujets de mon Empire, les dîmes et tous les autres droits quelconques y seront adaptés aux principes d'équité qui dirigent ma S. Porte, afin que ces habitants n'aient jamais à souffrir d'aucun acte d'oppression ou de vexation.

On aura soin de payer en son temps le tribut annuel qui sera prélevé sur les droits de douanes, de capitation, de dîmes et autres revenus et produits de l'Égypte, et dont le chiffre est indiqué dans un Firman Impérial séparé.

Les vivres et autres objets quelconques que, d'après un usage pratiqué jusqu'ici, l'Égypte expédiait annuellement en nature aux deux Villes Saintes, continueront à être intégralement envoyés, comme par le passé, à chacune de ces deux destinations.

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