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La Porte persistant dans sa mauvaise volonté et ne voulant pas instituer une sage décentralisation, qui est un besoin naturel pour l'être moral, au même titre que l'aliment pour l'être physique, les Puissances l'obligent, par la force, à entrer dans la voie des réformes dans les parties de l'Empire où le peuple se soulève et verse son sang pour sa libération.

Cela se produisit pour la principauté de Samos, le Gouvernement du Mont-Liban, l'île de Crète, et il en sera de même pour la Macédoine.

Ce qui précède nous montre comment naissent en Turquie des provinces privilégiées ayant une certaine autonomie et une organisation différentes des autres provinces.

SECTION IV

COMPARAISON DE LA SITUATION DE L'ÉGYPTE

AVEC LES ÉTATS VASSAUX ET LES PROVINCES PRIVILÉGIÉES DE L'EMPIRE.

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Le traité de Paris du 30 mars 1856 posait le principe de l'autonomie des principautés de Valachie et de Moldavie dans ses articles 22 à 27.

Ce n'est qu'à partir de la révolution de 1866, qui renversait le Hospodar pour le remplacer, au moyen du

sufrage universel, par le prince Charles de HohenzollernSigmarigen, et l'élaboration de la constitution du 1er juillet 1866, que les deux principautés formèrent un État vassal sous le nom de Roumanie 1. La Porte accepta le fait accompli et reconnut le prince Charles comme son vassal, sous conditions que celui-ci s'engagerait :

1o A respecter dans leur intégrité mes droits de suzeraineté sur les Principautés-Unies, qui font partie intégrante de mon Empire, dans les limites fixées par les stipulations des anciennes conventions et par le traité de Paris de 1856.

2o A ne dépasser, dans quelque forme que ce soit, sans une entente préalable avec mon Gouvernement, le chiffre de 30.000 hommes, auquel la force armée de toute espèce des Principautés-Unies pourra être élevée;

« 3° L'autorisation ayant été donnée de notre part aux Principautés-Unies d'avoir une monnaie spéciale, portant un signe de notre Gouvernement qui sera ultérieurement décidé entre notre S. Porte et toi, à considérer cette autorisation sans effet, tant que cette décision n'aura pas été prise;

4° A considérer, comme par le passé, obligatoires pour les Principautés-Unies tous les traités et conventions existant entre ma S. Porte et les autres Puissances, en tant qu'ils ne porteraient pas atteinte aux droits des Principautés-Unies établis et reconnus par les actes qui les concernent; à maintenir et respecter également le principe qu'aucun traité ou convention ne pourraient être conclus directement par les PrincipautésUnies avec les Puissances étrangères. Toutefois, mon Gouvernement Impérial ne manquera pas, à l'avenir, de consulter les Principautés-Unies sur les dispositions de tout traité ou

↑ DESPAGNET, op. cit., p. 94.

convention qui pourraient toucher à leurs lois ou règlements commerciaux.

<< Les arrangements d'un intérêt local entre les deux administrations limitrophes, et n'ayant pas la forme de traité officiel ni de caractère politique, continueront à rester en dehors de ces restrictions.

< 5° A s'abstenir de créer aucun ordre ou décoration destiné à être conféré au nom des Principautés-Unies.

6o A respecter constamment mes droits de suzeraineté sur les Principautés-Unies, qui font partie intégrante de mon Empire, et à maintenir toujours avec soin les liens séculaires qui les unissent à la Turquie;

<< 7o A augmenter le tribut payé à mon Gouvernement par les Principautés-Unies, dans la mesure qui sera ultérieurement fixée de concert avec toi;

8° A ne pas permettre que le territoire des PrincipautésUnies serve de point de réunion à des fauteurs de troubles, de nature à porter atteinte à la tranquillité, soit des autres parties de mon Empire, soit des États voisins;

9° A s'entendre ultérieurement avec mon Gouvernement Impérial, sur l'adoption de mesures pratiques, nécessaires pour rendre encore plus efficace l'aide et la protection dues à ceux de nos sujets qui, des autres parties de mon Empire, se rendront dans les Principautés-Unies, dans le but d'y exercer le commerce 1..... »

La différence entre ce firman et le firman de 1841 adressé à Méhmed Ali saute aux yeux.

Le Sultan confère au prince la principauté héréditaire sous condition de respecter ses droits de suzeraineté.

NOURADOUNGHIAN, t. III, p. 257.

Les traités conclus par la Porte seront obligatoires pour les principautés en tant qu'ils ne porteraient pas atteinte à leurs droits établis et reconnus par les actes qui les concernent.

Il en est différemment pour l'Égypte. Tous les traités conclus et à conclure par la Porte seront obligatoires pour

ce pays.

Il n'y est pas dit que les 30,000 soldats que les principautés réunies pourront entretenir, feront partie de l'armée ottomane; nous savons que l'armée égyptienne en fait partie'.

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En droit, la Bulgarie est actuellement le seul État vassal. Nous disons en droit, car en fait la principauté a l'exercice entier de la souveraineté. Elle envoie des diplomates qui, sous le nom d'agents diplomatiques, traitent directement avec le ministre des affaires étrangères près duquel ils sont accrédités, de toutes les affaires concernant la principauté. La seule différence est qu'ils ne sont pas accrédités comme les autres diplomates auprès des chefs d'État; mais comme les chargés d'affaires, ils sont accrédités auprès des ministres des affaires étrangères.

'La Serbie ayant subi exactement le même sort que la Roumanie, nous croyons inutile d'en parler ici. (Voyez Archives diplomatiques, 1867, t. IV, 1411.)

Lors de la conférence de la Haye, les délégués de la principauté furent admis à siéger, comme les autres délégués, mais sur la protestation de la délégation turque on les a placés à la suite du groupe suzerain; ce n'était, en effet, que par pure forme; il serait évidemment contraire au protocole de placer les délégués d'un État vassal avant les délégués de la Cour suzeraine'.

Juridiquement aussi, la principauté doit payer à la Porte un tribut, mais qu'en fait elle a cessé de payer depuis déjà longtemps.

Ce n'est donc qu'en droit que la Bulgarie est un Etat vassal. Mais nous faisons ici une étude juridique et nous devons nous baser sur des actes juridiques.

Le traité de Berlin fait des provinces danubiennes de l'Empire Ottoman un État vassal sous le nom de Bulgarie.

« Article 1er. — La Bulgarie est constituée en Principauté autonome et tributaire sous la suzeraineté de S. M. I. le Sultan; elle aura un gouvernement chrétien et une milice nationale. »

Cet article marque une différenciation dans les situations respectives de la Bulgarie et de l'Égypte vis-à-vis de la Turquie.

La Bulgarie est une principauté autonome sous la suzeraineté du Sultan; elle a un gouvernement chrétien et une milice nationale. Cela revient à dire que la Bulgarie a, par ce traité, une nationalité distincte de celle

1 M. MÉRIGNHAC. Conférence internationale de la Paix, p. 14. Les délégués étant placés par ordre alphabétique, la Bulgarie prenait matériellement le pas sur la Turquie.

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