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Article unique.

L'article 74 de la loi du 10 août 1871 est

modifié ainsi qu'il suit :

« Art. 71. La commission départementale élit son président et son secrétaire.

« Elle siège à la préfecture et prend, sous l'approbation du conseil général et avec le concours du préfet, toutes les mesures nécessaires pour assurer son service. »

XIII.

LOI DU 20 JUILLET 1899, SUR LA RESPONSABILITÉ CIVILE DES MEMBRES DE L'ENSEIGNEMENT PUBLIC (1).

Notice par M. A. CHAUMAT, avocat à la cour d'appel de Paris,
docteur en droit.

L'article 1384 du code civil dispose ainsi :

« On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais aussi de celui qui est causé par le fait des personnes dont on est responsable, ou des choses que l'on a sous sa garde.

« Les instituteurs et les artisans sont responsables du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance.

<< La responsabilité ci-dessus a lieu à moins que les père et mère, instituteurs et artisans ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité. »

La responsabilité civile ainsi édictée par la loi, pour le fait d'autrui, est basée sur une présomption de faute résultant d'un défaut de prévoyance ou de surveillance; elle est encourue sans que la victime du dommage ou ses représentants légaux aient à prouver la faute personnelle de la personne civilement responsable, et c'est au contraire à celle-ci qu'il appartient de dégager ses responsabilités en prouvant qu'elle n'a pas pu empêcher le fait donnant lieu à cette responsabilité. Une semblable présomption est, en elle-même, très rigoureuse, parce

(1) J. Off. du 25 juillet 1899.

TRAVAUX PRÉPARATOIRES. Chambre exposé des motifs, doc. 1896, p. 359, 396 et 397; déclaration d'urgence, 28 mai 1896; rapport, doc. 1898, p. 777; adoption 21 mars 1898. Senat: texte transmis, doc. 1898, p. 344; rapport, doc. 1899, p. 60; avis de la Commission des finances, doc. 1899, p. 84; fre délibération, 21 mars 1899; 2o délibération et adoption 30 juin 1899.- Chambre : texte transmis, déclaration d'urgence et adoption 30 juin 1899.

qu'elle impose à la personne déclarée responsable une preuve difficile à faire. A la suite de décisions de justice d'une extrême rigueur pour des instituteurs publics, dont les élèves avaient été blessés par leurs camarades, la responsabilité dérivant de cette présomption a paru tout à fait excessive pour les directeurs d'établissements publics d'instruction primaire ou secondaire, qui ne peuvent ni choisir leurs élèves ni les congédier, pas plus qu'ils ne peuvent refuser le concours des maîtres qui sont nommés pour les aider dans la surveillance des élèves.

De nombreuses pétitions se sont produites et, dès 1896, trois projets de loi ont été déposés à la Chambre des députés.

Le premier, projet, émanant de M. Malzac, député, ne comprenait pas moins de 14 articles et renfermait trois ordres de dispositions: Il donnait au ministre de l'instruction publique la mission de déterminer et limiter le temps pendant lequel les élèves des établissements publics d'enseignement seraient sous la responsabilité de leurs maîtres (temps de la classe et de la récréation réglementaire); il créait une procédure spéciale pour la constatation immédiate de la nature et les causes de tout accident, enfin, il autorisait la Caisse nationale d'assurances contre les accidents, instituée par la loi du 11 juillet 1868, à contracter avec les membres de l'enseignement public, soumis à l'article 1784 du code civil, une assurance collective (prime de un franc pour chacun de ces membres), pour le payement en leur lieu et place, des condamnations pécuniaires qui seraient prononcées contre eux en vertu de cet article, ainsi que des frais et débours occasionnés par ces condamnations.

La seconde proposition de loi, formulée par M. Hubbard et plusieurs autres députés, tendait à modifier ainsi le dernier paragraphe de l'article 1384: « La responsabilité ci-dessus a lieu à moins que les père et mère ou artisans ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité. En ce qui concerne les maîtres et instituteurs de l'enseignement public, la responsabilité ne sera encourue que par la preuve de la faute ou du manque de surveillance desdits maîtres et instituteurs, preuve à la charge de la partie plaignante. »

Le troisième projet, émanant de M. Lavy, député, et de quelques-uns de ses collègues, introduisait dans les termes suivants, la substitution de la responsabilité de l'État à celle des instituteurs : « Pour les écoles publiques, l'État seul est civilement responsable. Toute personne intéressée à poursuivre la réparation du dommage causé par un accident survenu à l'école, devra établir devant les tribuuaux compétents, que l'accident aurait pu être évité par une surveillance plus active de la part de l'instituteur, et qu'elle en éprouve un préjudice matériel. »

La commission de la Chambre des députés a examiné ensemble les trois propositions de loi et, sur l'avis conforme des ministres de la justice et de l'instruction publique, elle a pensé que la solution la plus juridique, en même temps que la plus équitable, serait la substitution pure et simple de la responsabilité civile de l'État à celle des membres de l'enseignement public. Elle a, en conséquence, soumis à la Chambre

une proposition de loi en un seul article ainsi conçu: « La disposition suivante est ajoutée au dernier alinéa de l'article 1384 du Code civil: Toutefois la responsabilité civile de l'État est substituée à celle des membres de l'enseignement public. »>

Il résulte du rapport de M. Paul Samary que la Commission a été conduite à cette solution par quatre considérations principales :

1o L'urgence de soustraire les instituteurs aux rigueurs de la jurisprudence nouvelle visant l'application de l'article 1384 et dont le rapport contient un certain nombre d'exemples.

<«< Que l'instituteur qui manque à ses devoirs soit puni, dit le rapport, qu'il supporte les conséquences de sa faute, rien de plus juste »; mais les condamnations civiles, qu'il peut encourir n'étant pas toujours justifiées par sa négligence et par des faits qui lui soient réellement imputables, il n'est pas équitable de maintenir à sa charge la présomption édictée par l'article 1384 ;

2o La nécessité de distinguer la situation de l'instituteur public de celle de l'instituteur privé, situation toute différente, puisque ce dernier peut choisir ou renvoyer ses élèves, tandis que l'instituteur public doit les subir et les garder.

Le directeur d'école subit de même les adjoints que l'autorité préfectorale lui donne; bons ou médiocres, il faut qu'il les garde et qu'il ait avec chacun d'eux la responsabilité des enfants que l'État lui confie.

D'ailleurs, les membres de l'enseignement libre ont la faculté de se syndiquer et s'assurer contre les risques dérivant de l'article 1384 du Code civil;

3o Les dangers que peuvent faire courir à l'éducation physique de la jeunesse des écoles les hésitations et les craintes toutes naturelles des membres de l'enseignement public devant les trop lourdes responsabilités résultant de l'application faite par les tribunaux de l'article 1384;

40 Enfin, cette considération que la substitution de la responsabilité de l'État à celle de l'instituteur, loin de créer un droit exceptionnel, ferait, au contraire, disparaître une dérogation au principe général de la responsabilité de l'État en cas d'accident ou de dommage causé à des tiers par le fait des fonctionnaires ou des préposés de l'État.

L'État est, en effet, certainement responsable des actes dommageables commis par les fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions, et les membres de l'enseignement public sont des fonctionnaires préposés, comme les autres, à un service public.

Répondant à l'objection principale tirée de l'intérêt des enfants et de la nécessité de les protéger par une surveillance d'autant plus vigilante qu'elle serait sanctionnée par une étroite responsabilité, le rapport explique que le déplacement de la responsabilité ne doit pas faire craindre plus de négligence de la part des instituteurs dans l'accomplissement de leur devoir de surveillance.

Outre, dit-il, que les membres de l'enseignement sont, en général, très dévoués à leurs fonctions, la loi du 30 octobre 1886 permet aux

autorités scolaires d'aller jusqu'à la révocation du fonctionnaire qui manquerait gravement à ses devoirs. D'ailleurs, les membres de l'enseignement public restent toujours, en cas de négligence, d'imprudence ou de faute personnelle, soumis à l'action des articles 1382 et 1383 du code civil; le projet de loi ne les décharge que de la responsabilité civile spéciale édictée par l'article 1384.

Enfin le rapport ajoute que les intérêts des familles seraient mieux sauvegardés puisque, en cas de responsabilité, elles auront pour répondant, l'État, qui est toujours solvable.

D'autre part, l'État est mieux armé que ne peuvent l'être les instituteurs pour résister à des demandes en justice qui ne seraient pas fondées.

La proposition de loi ainsi formulée et rapportée a été votée sans discussion par la Chambre des députés, le 21 mars 1898.

Au Sénat, la commission n'a proposé tout d'abord aucune modification au projet, et le rapporteur, M. Léopold Thézard, sénateur, reprenant, pour les résumer, les différentes considérations développées dans le rapport fait à la Chambre des députés, a pris soin à son tour, de spécifier, qu'il ne s'agissait pas d'exonérer les maîtres de la responsabilité de leurs fautes personnelles et caractérisées, mais simplement de les soustraire à une responsabilité par voie de présomption, pour le fait d'autrui, et de les faire ainsi rentrer dans le droit

commun.

En séance, MM. Thévenet et Bernard, sénateurs, ont proposé l'adoption d'un paragraphe additionnel ainsi conçu : « L'instituteur ne pourra, dans tous les cas, être mis en cause par la partie lésée. Il sera seulement soumis au recours que l'État pourra exercer contre lui lorsqu'il aura commis une faute personnelle. »>

Le rapporteur de la commission et le ministre de l'instruction publique ont combattu le paragraphe additionnel comme inutile. Ils ont fait observer que si la responsabilité invoquée était celle de l'article 1384, le projet de loi était suffisamment clair, puisqu'il disait que la responsabilité civile de l'État était « substituée » à celle de l'instituteur; s'il s'agit, au contraire, d'une faute personnelle de l'instituteur, les règles du droit commun (art. 1382 et 1383) subsistent et il n'y a pas besoin d'en rappeler l'application au profit de l'État.

Mais on s'est aperçu, au cours de la discussion, que le projet adopté par la Chambre laissait incertaine une question de compétence. L'instituteur est, en effet, justiciable, dans tous les cas, des tribunaux civils, tandis que les actions en responsabilité dirigées contre l'État relèvent, d'ordinaire, des tribunaux administratifs (conseil de préfecture et conseil d'État).

La commission a été de nouveau saisie de l'examen du projet et, M. Thévenet ayant retiré son amendement, elle a proposé au Sénat l'adoption d'une disposition qui est devenue l'article 2 de la loi, en rappelant de nouveau que l'article 1er s'appliquait uniquemer à la

responsabilité civile de l'article 1384, la responsabilité personnelle restant toujours entière en cas de faute ou de négligence.

Ainsi complété, le projet de loi a été adopté par le Sénat sans discussion le 30 juin 1899.

Transmis aussitôt à la Chambre des députés, le projet a été également voté sans discussion le même jour.

Art. 1er.

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La disposition suivante est ajoutée au dernier alinéa de l'article 1384 du code civil:

<< Toutefois, la responsabilité civile de l'État est substituée à celle des membres de l'enseignement public. »>

Art. 2. L'action en responsabilité contre l'État, dans le cas prévu par la présente loi, sera portée devant le tribunal civil ou le juge de paix du lieu où le dommage aura été causé, et dirigée contre le préfet du département.

XIV

LOI DU 5 AOUT 1899, SUR LE CASIER JUDICIAIRE ET SUR LA RÉHABILITATION DE DROIT (1).

Notice et notes par M. J. DEPEIGES, docteur en droit, substitut du procureur général près la cour d'appel de Riom.

I. Institution du casier judiciaire. Ses avantages et ses inconvénients. Le casier judiciaire a pour origine les prescriptions des articles 600, 601 et 602 du code d'instruction criminelle, en vertu desquels les

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(1) J. Off. du 7 août 1899. TRAVAUX PRÉPARATOIRES. Sénat: Projet de loi déposé par M. Fallières, garde des sceaux, le 22 octobre 1891; doc. 1892, p. 794; rapport de M. Jules Godin, doc. 1898, p. 414 (en annexe, rapport de M. Jacquin au Conseil d'Etat sur le projet de loi renvoyé à l'examen de cette assemblée, p. 435); première délibération les 8 juillet, 8 et 9 décembre 1898; 2o délibération, adoption, le 7 mars 1899.

Chambre des députés: Exposé des motifs par M. Lebret, garde des sceaux, doc. 1899, p. 987; rapport de M. Bovier-Lapierre, doc. 1899, p. 1690; déclaration d'urgence et adoption, sans discussion, le 3 juillet 1899. Voir la proposition Dejeante, doc. 1898, p. 1469, à laquelle s'applique le rapport de M. Bovier-Lapierre.

Le Journal officiel du 17 décembre 1899 contient, à la suite du décret portant règlement d'administration publique, une très importante circulaire de la Chancellerie en date du 15 du même mois sur l'application de la loi.

A la séance du Sénat du 4 décembre 1899 (doc. p. 460), le Garde des sceaux a déposé un projet de loi tendant à modifier la loi du 5 août précédent, en vue de faire disparaître quelques lacunes et quelques inexactitudes.

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