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mes bons Pères, avant de boire avec vous ici ces bouteilles que je vois là, que de bouteilles d'encre il a fallu vider! » (Rires.) Comme c'était vrai! Il est une autre grande preuve du bien que la loi de 1850 a produit. Rappelez-vous l'année 1899. Déjà la persécution religieuse avait commencé depuis longtemps son œuvre; nous avions subi les affreux, les infâmes décrets du 29 mars 1880. Voici cependant quel fut le spectacle que la France donna au monde à ce moment.

Elle a l'enseignement secondaire d'Etat pour lequel on puise, comme vous le savez, dans la bourse des contribuables. Il a la collation des grades, il est maître des méthodes, des programmes. Les catholiques ont donc en face d'eux, des adversaires jouissant de tous les privilèges, tandis qu'eux n'ont que des charges. Leur enseignement secondaire ne vit que par leurs propres ressources, que par leurs seuls efforts. Qu'est-il arrivé cependant? C'est que l'enseignement catholique va gagner la victoire sur son rival si privilégié, si favorisé. En l'année 1899, les collèges secondaires catholiques ont autant d'élèves que les établissement de l'Etat.

En présence de cette statistique, il y eut comme un cri de stupeur dans les Chambres et un peu partout. Nos adversaires se disaient : « Bientôt nos lycées vont être vidés par nos rivaux; ils avancent chaque année, le nombre de leurs élèves progresse constamment, la faveur des familles leur va de plus en plus. » On fit alors ce que l'on fait toujours dans les grandes occasions: on institua une enquête. Celle-ci, je dois le dire, n'a pas été inutile. L'enseignement catholique en est sorti avec une gloire et une auréole telles qu'en aucun pays il ne pourra jamais en conquérir de plus belles. Cette enquête fit ressortir à beaucoup de points de vue toute sa supériorité. Tous les Universitaires en renom vinrent apporter leur témoignage, avouèrent le péril que courait l'enseignement d'Etat. Un seul c'est à leur honneur proposa pour le conjurer le retour au monopole : il s'est d'ailleurs rétracté depuis. Tous conclurent : « Pour sauver l'Université il n'est qu'un seul remède nous efforcer de faire mieux que nos rivaux. >>

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Mais de ce moyen-là les pouvoirs publics n'ont pas voulu. Ils ont trouvé plus simple de supprimer leurs adversaires. Ils ont chassé de leurs maisons les maîtres de l'enseignement catholique il les ont forcés de prendre la route de l'exil: puis ils ont volé leurs propriétés, les beaux collèges que l'argent des catholiques avait bâtis et tout s'est terminé par cette affaire du milliard que vous connaissez et qui est l'un des plus abominables scandales de ce régime qui en compte tant. (Applaudissements.)

Supposez qu'au lieu de la loi de 1850, loi de transaction, nous ayons obtenu en 1850 une loi de complète liberté, nous accordant le programme formulé de 1840 à 1848, c'est-à-dire la liberté de l'enseignement comme en Belgique; est-ce que nous n'aurions pas eu à subir les mêmes persécutions, les mêmes destructions? Evidemment oui. Ce n'est donc pas à la loi de 1850 qu'il faut faire, à ce sujet, des reproches, mais bien à nous qui n'avons pas su conquérir assez de force pour défendre les droits que nos pères avaient su conquérir.

Montalembert a prononcé autrefois un mot bien vrai : « La liberté ne se demande pas, elle se prend. » Comment se prend-elle ? Par la force, rien que par la force. La prendre n'est pas tout, il faut pouvoir la conserver et elle ne peut se conserver aussi que par la force.

C'est donc la force qu'il nous faut avant tout conquérir. Nous ne l'avons pas nous l'aurons seulement le jour où nous saurons nous unir et nous discipliner. Mais ce jour-là nous l'aurons sûrement.

Ce jour-là, il faut qu'il vienne. Il le faut non pas seulement dans l'intérêt de l'Eglise, mais aussi pour notre pays. Pour notre pays qui subsiste seulement par ce qui y reste de ces principes que le catholicisme auquel il doit la vie y a semés. C'était bien là encore la pensée de Louis Veuillot quand il écrivait ces lignes :

«

« Nous défendons des principes de vie, nous tenons des vérités sans lesquelles il n'y a pas d'hommes gouvernables sur la terre.Si vous savez << l'heure de notre défaite ou de notre avilissement, mettez en sûreté vos « trésors. Tout croule quand nous ne sommes plus là. Vingt empires dor<< ment dans les tombeaux qu'ils nous ont creusés. » (Applaudissements.) Que les forces qui sont entre les mains de l'ennemi ne nous épouvantent pas. C'étaient les mêmes du temps de Louis Veuillot et il disait:

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Il est vrai que vous avez avec vous le nombre et cette masse informe << et quasi-abrutie dans la vase des lois et des mœurs... Calculez, supputez, << dites que c'est assez pour nous écraser. Il est vrai que pour nous écraser «< c'est assez et même plus qu'il ne faut, surtout si Dieu le veut. Pour nous décourager, c'est trop peu. Plus vous êtes nombreux et plus nous sommes « faibles, plus il nous est urgent de vous combattre. Plus vous montrez <«< combien nous sommes réduits, plus vous nous enseignez nos devoirs. » Voilà une grande leçon. Veuillot disait cela peu de temps avant la chute de la monarchie de juillet. Ses adversaires étaient ceux qui détenaient le pouvoir. Ils se croyaient bien forts, ils accueillaient ces paroles par des sourires de dédain. Quatre ans après, tout s'était effondré. Vers qui alors se tournait-on, vers qui dirigeait-on tous les regards pour chercher le salut? C'était vers nous, vers les catholiques qui détiennent les seuls principes de conservation et de restauration sociale qui existent pour les temps modernes.

Cette heure reviendra certainement : car c'est bien nous vraiment, fils de l'Eglise, qui portons le salut de la société moderne. Il nous faut être dignes de remplir ce rôle. Et pour y parvenir il nous est bon d'avoir devant les yeux l'exemple de ces beaux lutteurs dont je viens de vous parler, bon de connaître leur grandeur et leur vaillance pour les imiter, de se rappeler aussi leurs fautes pour pouvoir les éviter. (Applaudissements prolongés.)

CHRONIQUE

Paris-Lille à Chantilly.

Le 21 mai, la traditionnelle réunion interuniversitaire entre étudiants catholiques de Paris et de Lille eut lieu à Chantilly; dix-sept Parisiens et quinze Lillois avaient répondu à l'appel des présidents de chaque association. Les deux vice-recteurs, M. Despinoy, aumônier du Cercle des Etudiants de Lille, M. Eugène Duthoit, professeur de droit, M. Depape, professeur de botanique, M. Nau, professeur des mathématiques spéciales, M. Lepelletier, professeur de sciences économiques et financières s'étaient joints aux étudiants, et contribuèrent par leur présence au succès de cette charmante journée.

Une agréable surprise nous attendait à la gare de Chantilly. Le caporal de Gibergues, ancien président de l'association parisienne, avait voulu tenir la promesse faite l'an dernier au Nouvion, et assister à la réunion. Il eut l'honneur, avec un camarade lillois, de servir la messe que M. le curé de Chantilly eut l'amabilité de célébrer exprès pour nous à 11 heures.

A midi, à l'Hôtel du Château, un déjeuner fut servi sous les tonnelles du jardin, et tandis que les garçons débordés par l'affluence des touristes, nous faisaient attendre les plats, l'éloquence coula à flots, et fit patienter les convives. L'ancien président, Charles de Gibergues, rappela les réunions des années précédentes et évoqua le souvenir des disparus : professeurs aimés, MM. Clotet, Taudière et Chailan; camarades pleins d'avenir, comme Félix Prénat, mort au service à Saint-Etienne; puis il nous exhorta en style militaire, à accepter courageusement la discipline de l'assistance aux cours, et les autres devoirs du métier d'étudiant; les universités de Lille et de Paris, dit-il, forment deux régiments, qui font partie de la même division, de la même brigade, du même corps d'armée, de la même grande armée catholique. A nous de servir, fidèlement, à la place que Dieu nous a marquée.

M. le vice-recteur de Paris souhaite, à son tour, la bienvenue à M. le vice-recteur, aux professeurs et aux étudiants de Lille. Nous avons, dit-il, le plaisir de renouveler la connaissance faite au Nouvion, en un jour mémorable où toutes les cataractes du ciel s'étaient ouvertes pour nous permettre d'apprécier les talents artistiques de nos amis lillois et de savourer les charmes de la forêt sous la pluie. Aujourd'hui le soleil nous favorise, et la visite du château et du parc de Chantilly dédommagera les Lillois de leur long voyage en chemin de fer. Il porte ensuite la santé de Mgr Margerin et des Facultés catholiques de Lille, en souhaitant que les deux universités se développent toujours davantage et servent toujours plus activement l'Eglise et la Patrie. Enfin M. de Beauregard, président de l'Association, s'unit à son aîné de Gibergues, pour dire sa joie de cette fraternelle réunion.

En l'absence de M. Delmasure, président de la Fédération lilloise, retenu par d'alarmantes préoccupations familiales, M. Tréca, secrétaire de la Fédération, remercie les étudiants parisiens avec beaucoup d'humour et de bonne grace. Son discours est interrompu à chaque instant par les applaudissements.

Puis c'est le tour de M. Eugène Duthoit, le promoteur de ces réunions; il rappelle avec émotion que la première rencontre eut lieu à Chantilly en 1909. Il salue son collègue M. Lepelletier, assis à sa droite, et, après avoir adressé un respectueux hommage à la grande mémoire de Mgr d'Hulst, fait acclamer son successeur actuel,

Mgr Baudrillart. Puis il exhorte ses auditeurs à être des travailleurs, afin de devenir des hommes de science et d'action qui feront de la France ce que les catholiques belges ont fait de la Belgique. Son discours, véritable morceau d'éloquence, provoque des acclamations enthousiastes.

M. le vice-recteur de Lille clôt la série des toasts. Tandis que les orateurs précédents avaient dû lever un verre vide, le champagne tardant à venir, — il a du moins l'avantage de lever un verre plein. Son cœur lui aussi, est plein de bonnes choses et d'excellents souhaits pour les étudiants qui fraternisent aujourd'hui. Qu'ils forment de solides amitiés, basées sur la yertu, des amitiés durables, qui les rendront forts dans la lutte contre les ennemis de leurs croyances! A son tour, il envoie un hommage de respectueuse admiration à Mgr Baudrillart, et parle des liens de sympathie et de confraternité, que la ressemblance des fonctions lui a fait contracter avec le vice-recteur de Paris. Un triple ban termine son discours.

Tout semblait terminé, lorsque les étudiants parisiens réclament un mot de leur camarade Charvet. Celui-ci se demande à quel titre il pourra prendre la parole, et en y réfléchissant, il se dit que c'est sans doute à titre de trait d'union entre Paris et Lille (cris: Vive le trait d'union!) parce qu'en effet, il est domicilié à Lille et en résidence à Paris. Et là-dessus, il se livre à une improvisation poétique dont Régis, s'il était là, serait jaloux; les fleurs, les oiseaux, la verdure, le soleil sont tour à tour chantés par M. Charvet, et son succès n'a d'égal que celui de M. Pagès, qui, le soir, commente la parole: In omnibus rebus musica, et montre dans cette réunion et dans toute cette journée le triomphe de l'harmonie. Il y aura cependant un point d'orgue, qui permettra d'attendre la réunion de l'an prochain, où se continuera l'harmonie.

La visite du château et du parc fut trop courte à notre gré. Les chefs-d'œuvre rassemblés par le duc d'Aumale provoquèrent notre admiration, légèrement atténuée par une chaleur caniculaire. Maintes photographies furent prises dans le parc entre le château et la maison de Sylvie, où certains vers de Théophile de Viau provoquèrent des réflexions sur les « neveux », et sur la tente d'Abd-el-Kader.

Cette tente historique tenta la curiosité d'un certain nombre d'étudiants qui, pour l'aller voir plus vite, escaladèrent une grille... Mais chut!... Le parc et le château sont bien gardés, et les braves pandores font consciencieusement leur devoir. Ils ont le tort d'être un peu âgés, et leurs jambes engourdies ne leur permettent pas de poursuivre bien loin les délinquants. Honneur au courage malheureux!...

A 7 h. 5, les Lillois reprirent le train pour le Nord, après avoir chanté un dernier Vivat; les mouchoirs s'agitèrent aux portières, et l'un d'eux emporté par la brise du soir resta en gare de Chantilly. Dix minutes plus tard, les Parisiens s'embarquaient pour la capitale et chantaient à tue-tête jusqu'à Paris.

Excellente journée, parfaitement réussie; la tradition est maintenant solide. A l'année prochaine!

Un étudiant.

Remise des décorations pontificales à MM. Lavollée, Laurent, Digard, Foucher, Baulès et punch du 8 juin 1914. Une salle comble, un public chaleureux venu pour donner à nos maîtres décorés par le T. S. Père une nouvelle marque de son estime et de son attachement, un programme attrayant et varié, une franche gaité, tout concourut à faire de notre dernier punch une fête charmante.

Pour débuter, le Point d'orgue, sous la direction de son dévoué chef d'orchestre, M. l'abbé Tissot, enleva à la pointe de ses quinze archets le final de la Symphonie militaire de Haydn.

Puis, un jeune avocat à la Cour, ami de l'Institut catholique, M. André Girot, nous

tint sous le charme d'une courte conférence sur les instruments de musique, et nous conta a l'histoire d'un crime ».

Nos distingués chanteurs, MM. les abbés Besnard et Bernard, vinrent ensuite soulever les applaudissements de la salle, le premier par la mystique et douce Légende de la Sauge (une des meilleures, parce que naïve inspirations de J. Massenet), le second par la patriotique Berceuse lorraine, de M. l'abbé Tissot.

Mgr le Recteur procéda alors à la remise des décorations. Il rappela les témoignages de bienveillance que le Saint-Père a donnés à l'Institut catholique de Paris et le désir qu'il avait daigné manifester, ainsi que S. E. le cardinal Merry del Val, de faire quelque chose qui pût nous être agréable. Rien ne pouvait nous procurer plaisir plus grand qu'une récompense accordée à ceux qui nous servent avec tant de zèle et de désintéressement. En quelques mots gracieux, le Recteur énuméra les titres de chacun de ceux que le Saint-Père a distingués : les études morales et sociales de M. René Lavollée, son dévouement aux œuvres catholiques, l'activité qu'il déploie au service de l'Association des Amis de notre Institut; la valeur et l'ancienneté des services de M. Laurent, professeur de droit, ses mérites professionnels et la haute dignité de sa vie; les travaux historiques de M. Digard, sa participation à la publication des Regestes pontificaux, son extrême générosité à l'égard de notre Institut, le nom de son vénéré père qui fut un des bienfaiteurs de l'Université catholique de Paris, comme de beaucoup d'autres œuvres. MM. Lavollée, Laurent, Digard, ont reçu la cravate de commandeur de Saint Grégoire le Grand. A M. l'abbé Foucher, Mgr le Recteur remit la croix Pro Ecclesia et Pontifice : il rappela que M. l'abbé Foucher garde non seulement avec une vigilance éclairée et une paternelle bonté les jeunes gens de notre maison de famille, mais aussi les bêtes... empaillées de nos collections qu'il classe et conserve, avec une compétence à laquelle plusieurs gouvernements ont déjà rendu hommage. Enfin, M. Baulès, secrétaire-adjoint, reçut la médaille Bene merenti; Monseigneur le Recteur montra à quel point ce mot bene merenti s'applique justement à l'homme qui donne à tous l'exemple d'un labeur incessant, d'une honnêteté professionnelle scrupuleuse et de vertus chrétiennes qui se manifestèrent plus particulièrement lorsque l'épreuve la plus cruelle vint visiter le foyer de M. Baulès. Après avoir dit que les ordres de chevalerie ne sont guère plus aujourd'hui qu'un souvenir et une pâle image de ce qu'ils furent jadis, Mgr le Recteur ajouta que cependant, pour des hommes de tradition comme nous, ils devraient conserver quelque chose de leur esprit; et à ce propos il commenta ces mots d'une oraison de l'évêque sur le nouveau chevalier : « Relève ce qui est abattu; et ce que tu auras relevé, conserve-le. » Il fit voir comment ces paroles s'appliquent à nos Instituts catholiques et conclut en disant que le Saint-Père avait voulu non seulement récompenser les services passés, mais en susciter de nouveaux, et nous encourager tous à suivre l'exemple de ceux qu'il a honorés aujourd'hui.

Au nom de l'Association des Anciens Elèves, dont il est le vice-président, M. le chanoine Pisani donna à M. Baulès les insignes de sa nouvelle dignité, et prononça à cette occasion de chaleureuses et touchantes paroles que l'assistance ratifia d'une approbation unanime.

A la fin de la séance, au moment du punch, M. René Lavollée devait répondre au recteur par quelques mots tout pleins de reconnaissance, de modestie, de dévouement au Saint-Père et à notre œuvre.

Mais auparavant, nos aimables artistes nous avaient donné la seconde partie de la soirée, que l'abbé Bernard inaugura par le vibrant poème des Deux Grenadiers, de H. Schumann.

Quelques chansons d'actualité dites avec esprit par Bernard Veuillot nous prouvèrent que la gaîté est toujours de mise aux « punchs » de l'Institut catholique

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