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de ses billevesées, mais je n'en ai pas le courage. » On juge, par cette anecdote caractéristique, quelle place tenaient encore dans la vie courante les « billevesées » catholiques! Les pratiques religieuses restaient un signe d'élégance et d'éducation »; elles ne constituaient plus un frein moral, et la bride était lâchée à toutes les passions. Ce n'était pas très propre! Et, pour préciser, il suffit de citer quelques traits du tableau un peu poussé au noir d'ailleurs que M. Gaston Maugras a tracé de cette déliquescence: « Le libertinage n'était-il pas la règle absolue dans le monde où il (le duc de Lauzun) a vécu? L'infidélité conjugale n'était-elle pas admise? Presque obligatoire pour le mari, n'était-elle pas pour la femme la moindre des peccadilles? L'amour dans le mariage passe pour une faiblesse indigne de personnes bien nées, bonne tout au plus pour les petites gens qui ne savent pas s'élever au-dessus des préjugés... Le règne de l'amour a amené le règne du plaisir; le sentiment passionné et élevé a été usé par l'abus même qu'on en a fait... Il est remplacé par la volupté, et aux sentiments éternels a succédé le caprice, la fantaisie... »

Ah! les « philosophes » furent habiles qui, dès 1765, permettaient à Walpole d'écrire au sujet de la cour de Versailles : « Les pauvres gens! ils n'ont pas le temps de rire: d'abord, il faut penser à jeter par terre Dieu et le roi; hommes et femmes, tous, jusqu'au dernier, travaillent dévotement à cette démolition. »>

Marie-Antoinette travailla-t-elle, elle aussi, à cette « démolition »? Participa-t-elle à cette corruption? Les calomnies, dont sa propre cour devint le réceptacle, furent-elles autre chose que des médisances? Encore souveraine, mérita-t-elle les haines perfides qui la traînèrent à l'échafaud? Nous sommes obligés de nous borner ici à quelques exemples.

A partir de l'affaire du collier surtout, tout ce qui était de nature à déshonorer la reine fut regardé comme authentique par ce qu'on persiste à appeler l'« opinion publique » de l'époque.

Qui donc attisait les haines de cette opinion? D'où sortaient les libelles qu'une police complaisante ou maladroite laissait s'étaler au grand jour et qui garnissent encor l'« enfer» de la Bibliothèque nationale?

Ils étaient, en grande partie, fabriqués à l'étranger, et spécialement dans cette Angleterre qui tira de notre intervention en Amérique de si basses et de si redoutables vengeances. « Londres, rapporte Brissot, était alors le foyer d'un commerce bizarre qui se faisait sur les libelles. Cinq ou six Français, couverts de dettes et d'opprobres..., avaient imaginé de menacer le gouvernement français des écrits les plus virulents, si on n'assouvissait pas leur faim par des sommes assez considérables. Vergennes fut ébranlé, et il envoya Receveur en Angleterre pour négocier; cette frayeur était stupide, car il ne se vendait pas six exemplaires de ces libelles à Londres. L'ambassadeur fut l'agent de cette séduction. »>

Ces maîtres chanteurs, ces aventuriers cosmopolites, on en connaît les

noms Theveneau de Morande, directeur du Courrier de l'Europe; le Bénédictin défroqué Imbert; le faux comte de Paradès, fils d'un pâtissier de Phalsbourg et auteur présumé du Portefeuille d'un talon rouge, si utilisé encore par la chronique scandaleuse; Lamotte, Retaux de Villette, Brissot lui-même, le futur chef des girondins, qui, pour justifier sa collaboration avec Morande, écrit simplement : « Il fallait vivre! » Clerc chez le procureur Nolleau dont l'autre clerc était Maximilien de Robespierre, ce fils d'un traiteur de Chartres ne gagnait en 1770 que 400 livres par an, et cela ne suffisait point à ses besoins faméliques...

Parmi les pamphlets qui, à Paris, devaient inspirer toute une « littérature » de ruisseau, citons les Amours de Charlot et Toinette, dont Vergennes fit acheter, à Londres, l'édition 17.400 livres par le faux baron de Thurn; la Vie d'Antoinette qui fut réimprimée en 1789 sous le titre d'Essais historiques sur la vie de Marie-Antoinette, et eut alors dix-sept éditions et traductions différentes; les Mémoires justificatifs de la comtesse de Valois de la Motte, écrits par elle-même, attribués à lord Holland, ce qui donne une singulière idée du crédit à attacher aux accusations de ce dernier contre l'intimité de la reine et du duc de Coigny!

Notons que les policiers chargés d'« arroser » les pamphlétaires se rendirent parfois coupables des pires collusions, ainsi qu'en témoignent les exploits du policier Goupil, et les aventures de Beaumarchais qui toucha 72.000 livres pour avoir poursuivi le juif Angelucci dont il fut soupçonné d'être le complice...

Le comble, c'est qu'on accusa Marie-Antoinette d'avoir elle-même payé et répandu les libelles qui établissaient sa réputation de Messaline et de Frédégonde: « Elle a poussé la perfidie et la dissimulation, proclamera Fouquier-Tinville, au point d'avoir fait imprimer et distribuer avec profusion des ouvrages dans lesquels elle était dépeinte sous des couleurs peu avantageuses qu'elle ne méritait que trop en ce temps, et ce pour donner le change et persuader aux puissances étrangères qu'elle était maltraitée des Français et les animer de plus en plus contre la France ! » Il se trouve encore aujourd'hui un écrivain pour déclarer que cette accusation « n'est pas aussi ridicule qu'on a bien voulu le dire »; pas plus ridicule, évidemment, que celle qui rangea au nombre des « crimes » de Marie-Antoinette et du comte d'Artois l'empoisonnement du Dauphin : Le comte, lit-on dans Antoinette d'Autriche ou Dialogue entre Catherine de Médicis et Frédégonde, reine de France, aux enfers, pour servir de supplément et de suite à tout ce qui a paru sur la vie de cette princesse, le comte « m'engagea à faire réduire un diamant précieux en poudre qu'il fit prendre au dauphin, première victime de ce projet »...

La populace stupide qui fut la garde prétorienne du gouvernement de la Terreur se gorgea de ces libelles dont un journal pouvait dire : « Pas une ligne qui ne soit un crime. »

Avant de danser en rond autour de l'échafaud où expia le girondin Gorsas, elle en croyait ce personnage qui avait été emprisonné en 1788 pour de malpropres méfaits et qui, en octobre 1792, expliquait de quels épouvantables poisons avait été pétri le « limon » de la « Frédégonde d'Autriche »...

Pourquoi donc se trouve-t-il encore des esprits capables d'ajouter quelque valeur historique à la bave de pareils écumeurs? Voici comment se termine l'ouvrage récent de l'un de ces stercoraires : « De jour en jour, la marée débordante des pamphets enveloppait Marie-Antoinette, faisait monter sa vague vers elle qui, plus pâle, haussait vers l'holocauste de la liberté la pâle hostie de son visage maigre... Cette tête mûrissait pour le mépris et se penchait vers la hache... Son passé, appelé en témoin contre elle, la poussait vers le tréteau égalitaire... Et que demeure-t-il de tout cela? Des papiers s'en allant déjà en poussière, des estampes obscènes tachées des doigts mercenaires qui les promenèrent pour la goguenardise publique dans les carrefours et, quelque part, dans ce Saint-Denis de banlieue lépreuse, sous sa carapace de velours violet en loques, semé de fleurs de lys d'or, dans une cave humide et moisie, un cercueil qui s'effrite et où pourrissent noblement ces lys de France que tu fauchas au matin de vendémiaire, ô sauvage, ò féroce, ô magnifique Terreur! »

«

<< Magnifique » terreur! C'est pour justifier ce monstrueux coup d'encensoir que tant de boue a été remuée et passée au prisme. Mais si, sur cette boue, s'éleva l'échafaud de vendémiaire, elle ne saurait plus atteindre, dans le caveau de Saint-Denis, les lys d'or du cercueil où repose une reine de France.

L'histoire en appelle à d'autres témoignages : à celui du prince de Ligne qui dépose au nom de l'ancienne cour: « Sa prétendue galanterie ne fut jamais qu'un sentiment de profonde amitié, peut-être distinguée pour une ou deux personnes, et une coquetterie de femme et de reine pour plaire à tout le monde » ; à celui de Mme de Staël, qui n'était pourtant pas une ennemie intransigeante de la Révolution : « On n'a même pas cherché la vraisemblance dans le mensonge... On cherche bassement à déjouer le respect que doit inspirer la reine par ce genre de calomnies dont il est si facile de flétrir toutes les femmes,... dont l'injustice même peut avilir autant que la vérité. »

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Au reste, l'impartialité et le simple bon sens l'emportent enfin chez les écrivains les mieux informés et les plus indépendants: « Nous le disons tout d'abord et sans hésiter, a soin d'affirmer M. Gaston Maugras dans son étude sur le duc de Lauzun Marie-Antoinette a été vertueuse dans le sens que nous attachons aujourd'hui à ce mot : il n'y a eu de sa part que des légèretés, des inconséquences, des imprudences, graves il est vrai », mais qui donc à sa place aurait mieux résisté? »

En effet, cette vertu fut d'autant plus méritoire que lui furent tendus plus de pièges, et c'est bien là que se fixera le jugement de la postérité, « comme à la mesure précise de l'équité, de la vérité et de la justice ».

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Venu à Paris pour

S. Em. le Cardinal Vannutelli à l'Institut catholique. bénir le mariage de son neveu dans la chapelle des Carmes le 20 juin, S. Em. le Cardinal Vincent Vannutelli tint à revoir l'ossuaire des martyrs des Carmes, et le tombeau d'Ozanam, et annonça sa visite pour le mercredi 24 juin à 4 heures.

Son Eminence fut reçue par Mgr le Recteur, M. le Vice-Recteur, M. le Supérieur du Séminaire, MM. Ollive et Pressoir, directeurs, et M. Lemaître, secrétaire général de l'Institut catholique, qui l'accompagnèrent dans la visite de la Crypte. Son Eminence, qui s'intéresse vivement à la cause des martyrs,se fit de nouveau expliquer par Mgr le Recteur les détails du massacre, puis visita le jardin des Carmes et la cellule où fut enfermée Joséphine de Beauharnais. Le tombeau d'Ozanam béni l'an dernier par le Cardinal, retint également son attention, ainsi que l'inscription latine dont il demanda une copie.

Son Eminence rappela les belles manifestations de foi dont elle fut témoin à Paris en 1913 et se montra enchantée de sa visite.

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