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police crut qu'on ne pouvoit imprimer ni graver fans fon autorifation, & nomma des commiffaires pour remplacer les cenfeurs royaux.

Depuis même, lorfque les vrais principes eurent rallié tous les bons citoyens à la même opinion fur les points essentiels, on vit le tribunal de police pourfuivre févèrement des écrivains patriotes, à qui l'on ne pouvoit reprocher que de l'exaltation de tête, & des systêmes exagérés, tandis que les prédicans du defpotifme & de l'ariftocratie répandoient impunément le poifon de la calomnie fur l'Affemblée Nationale elle-même, & excitoient le peuple à la révolte & à la guerre civile. On eut dit que ces magiftrats citoyens ne se croyoient encore que les agens des miniftres, tant les hommes toujours dupes de leurs paffions, de leurs préjugés ou de leur ambition, se laiffent difficilement amener à attacher de nouvelles idées aux mots mêmes, dont de longs abus ont feuls confacré le fens

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tant il eft vrai que pour régénérer un peuple abruti fous la verge de la tyrannie, il faut anéantir toutes fes inftitutions pour anéantir toutes fes erreurs politiques, & donner aux chofes de nouveaux noms: pour donner aux hommes un nouvel esprit.

La difcuffion du plan de municipalité dans tous les districts contribua beaucoup à donner aux citoyens des notions précises fur plusieurs vérités auxquelles le plus grand nombre d'entr'eux n'avoit jamais réfléchi. Les prétentions outrées de quelques fections & les affertions tranchantes de plufieurs écrivains patriotes, ne furent même pas inutiles pour le progrès de l'efprit de liberté, en tempérant l'autorité exceffive que les représentans auroient peut-être tenté de s'attribuer dans un tems où toute ufurpation de pouvoir eût pu pu devenir plus funefte que l'anarchie elle-même, & en forçant les plus foibles. & les plus timides à embraffer comme très-modérés, des principes que dans

d'autres circonftances ils auroient rejetés avec terreur & fans ofer les examiner.

Nous n'entrerons dans aucun détail fur ce plan qui ne fut que provifoire. Nous nous bornerons à dire qu'avec tous fes défauts il fut très-utile à la capitale & à tout le royaume ; que fon comité des subfiftances en particulier à fauvé Paris de la famine; que les repréfentans dé la

commune élus d'abord au nombre de cent vingt, puis portés à cent quatre-vingts, demeurèrent fixés à trois cens; que des lieutenans de maire, fur la demande de M. Bailly, furent établis dans les divers départemens, & que les mefures les plus fages furent prifes pour accélérer & faciliter les opérations, & affurer le maintien du bon ordre & de la tranquillité publique.

Un autre travail, non moins important, fut l'organifation de la garde nationale Parifienne. Il est certain que dans un état libre, tout service public est un devoir de citoyen, & que chacun doit être prêt à

tous les inftans à défendre la patrie contre les infracteurs des loix établies, & à repouffer fes ennemis foit du dedans, foit du dehors. Mais dans une ville immense, remplie d'une multitude d'étrangers, & dont les domiciliés font pour la plupart attachés par la néceffité de fe procurer leur subsistance à des occupations qui ne peuvent, fans de grands inconvéniens pour eux, fouffrir de fréquentes interruptions, le paffage fubit de l'inaction abfolue du gouvernement defpotique à l'action continuelle du régime de la liberté, n'étoit pas fans difficulté & même fans péril. Il étoit à craindre que par une application trop rigoureuse du principe, on n'imposât un fardeau trop pefant à des hommes qui n'y étoient pas accoutumés, & que les fatigues d'un fervice trop fouvent répété ne leur fiffent regreter le repos de la servitude. D'un autre côté l'on avoit à récompenfer les généreux efforts des gardes-francoifes, qui les premiers s'étoient courageufement dévoués à la caufe commune;

les remettre entre les mains du gouver nement, c'étoit les livrer au bourreau : les généraux ne leur auroient jamais pardonné d'avoir brifé le fceptre des tyrans. Le patriotisme étoit aux yeux des militaires d'alors le plus irrémiflible des crimes.

La fûreté de Paris demandoit une troupe foudoyée, foumise à une difcipline exacte, & par conféquent cafernée. La fûreté de l'Affemblée Nationale & de la perfonne du Roi exigeoit une armée civique prête à les protéger contre les attentats des ennemis de la conftitution, & qui toujours préparée à défendre la liberté publique, ne pût un feul inftant l'allarmer.

M. de la Fayette, pour atteindre à ce double but, préfenta un plan fimple, bien ordonné & très-populaire, que la commune de Paris & les diftricts eurent le bon efprit d'adopter provifoirement. Il compofa l'infanterie Parifienne de trente & un mille hommes, dont mille officiers, & la divifa en deux corps, l'un de fix mille hommes foldés, l'autre de vingt-quatre mille hom

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