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munications lancées, qu'anathèmes foudroyés, que conjurations tramées, et cela de la part de ceux qui auraient dû écarter tous ces fléaux du sein de l'épouse de Jésus-Christ, envers laquelle ils se conduisirent plutôt en loups ravissants qu'en bons pasteurs.

Le deuil était général, les larmes coulaient abondantes. Les fidèles, unis de cœur au légitime successeur de Pierre, gémissaient en secret, et demandaient à Dieu le retour de la paix sur le premier siége du monde chrétien.

L'histoire remarque toutefois que, durant ces jours de troubles et de chagrins ecclésiastiques, la foi ne s'altéra point; que l'obéissance aux vrais pasteurs ne souffrit aucune atteinte; que la piété chrétienne ne fut point attiédie; que la splendeur de l'ancien culte ne s'éclipsa point; que la discipline ne s'énerva point; en un mot, malgré la confusion extrême, les dissensions violentes et tant d'orageuses tempêtes qui fondirent sur l'Eglise pendant près d'un demi-siècle, cet état, tout déplorable qu'il fut, ne laissa après lui qu'un douloureux souvenir à la vérité, mais point de traces funestes ni regrettables. Et la religion, à cette époque, parut semblable à un vaisseau qui rentre tranquille dans le port, à la suite d'un terrible ouragan qu'on eût dit destiné à l'engloutir dans l'abîme.

Notre intention, en citant ce trait, le plus déchirant pour l'Eglise de ceux que renferment les fastes religieux, a été d'établir rapidement un parallèle entre un événement qui avait fait verser des pleurs à nos pères et celui qui a fait tant répandre de sang parmi nous.

Et bien, quelque affreux qu'aient été les effets du schisme dont nous venons de rappeler la date, ils n'ont rien de comparable avec ceux que produisit l'existence de l'Eglise constitutionnelle au sein de la France.

Cette France, qui avait été décorée des beaux titres de très-chrétienne et de fille du Saint-Siége, répudie maintenant ce double héritage pour se vautrer dans la fange des erreurs les plus opposées au vrai christianisme: elle ose lever témérairement un bras sacrilége contre le vicaire du suprême pasteur, qui, repoussé par elle au fort de ses égarements, ne cesse néanmoins de l'environner des témoignages de sa prévenante affection (1).

Ces aberrations doctrinales, cette révolte hiérarchique, nous les verrons consignées dans un code soi-disant ecclésiastique, mais, en réalité, tout profane; œuvre de ténèbres, qui, après dix-huit cents ans, vint réformer la constitution de l'Evangile, changer l'ordre de la religion, attaquer les dogmes les plus sacrés, bouleverser la discipline de l'Eglise tant ancienne que nouvelle, couvrir d'un voile funèbre les institutions saintes auxquelles Dieu lui-même imprima le sceau de son immutabilité. Code anarchique et monstrueux, l'impiété le reçoit avec transport des mains de l'hérésie; elle le présente avec confiance à la cupidité, à l'ignorance, à toutes les passions, bien assurée que c'en est fait du christianisme, et qu'à la faveur de ce masque hypocrite de régénération le démon va s'asseoir sur le trône de Dieu.

En effet, que l'épiscopat français eût fléchi, quel triomphe pour les ennemis de la foi! avec quelle joie barbare vous les eussiez vus insulter au deuil de la religion, pleurant une des plus belles portions de son héritage, et pour un rameau vigoureux, froissé par la tempête, se vanter que l'arbre tout entier avait péri! Mais non; grâce à l'esprit de conseil et de force dont l'Eglise de France fut animée, Babylone et Samarie n'obtinrent pas cette funeste victoire. La vraie

(1) Allocutio diei 17 junii 1793 passim.

lumière, celle qui descend d'en-haut, alimentée par la lampe inextinguible, dégage les nuages amassés par la mauvaise foi; on admire à la fois, et l'érudition, et la sagesse, et la modération, et la juste et filiale déférence (1) des pontifes et des prêtres français.

C'était, selon l'expression des saints confesseurs écrivant à saint Cyprien (2), « le premier son de la trompette qui annonçait l'invasion de l'ennemi et appelait au combat les tribus apostoliques. » Dans cette solennelle occurrence, l'Eglise gallicane, unie à son chef, fixe les principes, en détermine l'étendue, impose les limites, confond l'imposture et le sophisme, rétablit les faits dénaturés, oppose aux allégations mensongères, à de coupables innovations, la voix tonnante de la tradition, et les oracles de cette sainte antiquité sans cesse rajeunie et renouvelée dans l'unité de la foi et la perpétuité de l'enseignement.

On le voit, si d'un côté l'église schismatique contriste Israël par sa révoltante défection et ses honteuses turpitudes, d'autre part, l'Eglise de France réjouit Jacob par ses vertus et le console par ses triomphes.

Mais avançons dans le dédale, puisque nous sommes appelés à en pénétrer les tortueuses sinuosités.

Ce n'est point assez que d'avoir proclamé l'erreur, il faut jurer de la maintenir; il faut joindre à la perversité de l'esprit la corruption du cœur, l'action coupable à l'intelligence dépravée.

La journée du 2 janvier 1791 (3), journée à jamais mémo

(1) L'exposition des principes soumise au Pape par les évêques députés à l'Assemblée nationale.

(2) Apud S. Cyprian., pag. 219, édit. Panck.

(3) Refus de prêter le serment civique.

rable dans les annales du sacerdoce et particulièrement dans les fastes de l'Eglise gallicane, glorifia la foi en France. Peut-être même la sauva-t-elle !

Oui, l'Eglise de France articula le refus solennel de prêter un serment qui plaça deux cent mille citoyens entre le parjure et la destitution, entre l'apostasie et le long martyre de l'agonie et de l'indigence.

On redit avec bonheur les noms glorieux des héros de cette noble résistance, qui ressemblent si fort à ces généreux athlètes de la primitive Eglise, en face des tyrans.

Quand nous donnons la gloire de ce refus à l'Eglise de France, l'on comprend parfaitement que nous excluons de son sein, les Talleyrand, les Gobel et consorts, ces membres gangrenés de l'épiscopat dont ils étaient l'écume, ainsi que les Grégoire, les Goutte et leurs acolytes, ces prêtres sacriléges, ces rebuts du sacerdoce.

Dans ce jour, le Seigneur vint faire la revue de son peuple; Jésus-Christ se plut à mettre son Eglise en spectacle; l'enfer frémit de sa défaite, et la religion transportée aux premiers âges du christianisme s'applaudit de voir sur le siége des Phébade, des Eilaire, des Césaire, des Irénée et des Pothin, les successeurs de leurs vertus, paraissant dans l'arène, pour y combattre l'hérésie universelle, braver la rage des bourreaux, s'élever au-dessus de toutes les préventions, et offrir tout leur sang à la confession de la vérité.

Mais le schisme se consomme : l'intrus chasse le pasteur légitime; la mort succède à la vie; le loup dévorant remplace le berger du troupeau, et le voleur, le père de famille qu'importe? la Providence est là; elle arrivera à ses fins.

Que l'intrusion jouisse donc de son triomphe éphémère ! un jour viendra, et il n'est pas loin, qu'elle paiera, cher et

avec usure, non-seulement le mal qu'elle fait à l'Eglise, mais celui encore qu'elle voudrait lui faire!

Les vrais pasteurs vont s'expatrier; des plages lointaines seront bientôt témoins de leurs vertus; mais, avant de les parcourir, ils n'épargnent ni veilles, ni sollicitudes pour prévenir les ravages de l'erreur ou pour les réparer. Leur zèle se multiplie avec le nombre de leurs ennemis et les efforts de leurs persécuteurs. Des instructions où respire toute la force de l'Esprit céleste portent au sein des églises veuves la voix de l'époux que la violence en tient éloigné, et font retentir, devant les Néron et les Julien, les protestations les plus courageuses contre ces étranges nouveautés qui ouvrent la porte à toutes les autres; elles vont frapper les coupables de ces traits vengeurs que l'on n'a jamais bravés impunément. Ce sont, tantôt les tendres effusions de la charité qui s'afflige sur les plaies du sanctuaire ; tantôt la mâle vigueur du ministère épiscopal qui réclame contre la violation des règles; tantôt l'autorité des juges de la foi, déployant les trésors de la science ecclésiastique, arrachant les masques divers dont se couvrent ces législateurs d'un moment, qui toujours ont pris l'impudeur pour le courage, et l'audace du crime pour le talent; enfonçant, à défaut du remords, la honte dans l'âme des pervers, la crainte dans celle des faibles; prouvant enfin, par le témoignage de la discipline, par l'ascendant de leurs vertus, par l'exemple de leur martyre, que ce n'est, ni au nom des hommes, ni par aucun homme qu'ils ont été constitués apôtres de Dieu, mais par JésusChrist son Fils.

Réunis ou dispersés, ils n'eurent partout qu'un même langage, comme ils n'avaient qu'une seule et même âme sous la direction du Saint-Esprit qui les avait préposés à la conduite de son Eglise. Cette voix de l'épiscopat français,

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