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en quelque sorte œcuménique, devint celle de Jésus-Christ lui-même, par l'organe de son vicaire, dans ces jours malheureux où le démon du schisme et de la révolte cherchait à ruiner l'épiscopat en le détachant de son chef.

Mais l'épiscopat mit sa gloire à resserrer les liens qui l'unissaient à l'Eglise-mère, nourrice et maîtresse de toutes les autres, d'abord en lui exposant, à titre de puissance essentiellement surveillante et dispensatrice, l'état des choses, et l'engageant à porter sa décision suprême; bientôt après, en lui demandant la confirmation des mesures qu'il avait indiquées pour maintenir l'intégrité de la discipline, et successivement en adhérant, par la sincérité la plus filiale et la reconnaissance la plus solennelle, aux jugements rendus par l'interprète commun de la tradition et de la doctrine. Et pourquoi ? Parce que c'est à la source de la lumière que les rayons empruntent tout ce qu'ils ont de force et d'éclat; parce que c'est aux grands-prêtres que les victimes doivent demander secours; parce que, s'il n'est point de foi sans unité, il n'est point d'unité sans la correspondance des membres avec le chef; parce que, en un mot, l'épiscopat avait appris de l'Orient et de l'Occident, et, à son tour, devait apprendre à la postérité que, dans toutes les circonstances difficiles où la foi et la discipline sont en péril, il existe, par-dessus les autres chaires apostoliques, une chaire principale, oracle des chrétiens, règle essentielle et tribunal souverain institué d'en-haut pour éclairer les ignorants, soutenir les faibles, consoler les opprimés, et se faire autant redouter par sa puissance toute spirituelle qu'aimer par la sagesse de son gouvernement.

Pierre ne manqua point à cette attente. Ses lettres, ses brefs, dont nous avons extrait les passages relatifs à notre sujet, le prouveront. Ses lettres, empreintes du double sceau

d'une charité toute pastorale et de la vigueur qui est due aux intérêts de la vérité, furent accueillies dans l'Europe entière avec autant d'admiration que de reconnaissance, et l'erreur, battue en ruines de toutes parts, n'eut plus de ressource que dans la haine des persécuteurs devenue légale. Tel fut dans tous les temps le propre de l'hérésie: elle ne sort du sein de l'Eglise catholique que pour déchirer ses entrailles.

Ainsi arrachés par la violence du sein de leurs églises, relégués en des climats lointains, poursuivis de royaume en royaume, les prélats français ne cessèrent de pourvoir aux besoins de leurs peuples, d'éclairer les piéges tendus sous leurs pas, de les diriger dans les voies du salut. Leur absence elle-même fut une prédication éloquente, et pour les peuples en leur rappelant la cause pour laquelle ils en avaient été séparés, et pour les étrangers au milieu desquels ils avaient porté la confession du nom chrétien. Tous comprirent que ce qui fait l'Eglise, comme l'écrivait autrefois saint Bernard au pape Innocent mis en fuite par les armes victorieuses de Roger, ce ne sont pas les murailles des cités, mais les titres et la personne du pontife : l'évêque légitime porte partout son siége avec soi (1).

Le pasteur suprême, le vénérable Pie VI, s'associa au clergé français: il fut, comme lui, l'objet des persécutions révolutionnaires et devint son collègue dans les souffrances.

Pauvre, fugitif, chargé des crimes de la tyrannie, traîné par elle jusque dans l'Occident, pour y laisser bientôt sa dépouille mortelle, il s'est réuni à la patrie céleste, où comme l'a dit un de ses plus illustres successeurs, il brille de l'éclat d'une pierre précieuse ajoutée au riche diadême dont se couronna la métropole du monde chrétien.

(1) Saint Bernard, ép. 156, ad Innocent., pag. 173, édit. Mabill.

Comme nous avons clos le premier volume par les funérailles de la monarchie française, dans la mort tragique de Louis XVI, versant son sang sur l'échafaud pour avoir voulu empêcher de répandre celui des méchants, ainsi nous terminons le second en jetant quelques fleurs sur l'autel de Pie VI, expirant martyr pour conserver la foi, après avoir perdu son trône.

Voilà, à grands traits, le tableau général de la seconde partie de notre époque. En le parcourant, l'on comprend facilement que nous avons cherché, autant qu'il a été en nous, à instruire et à intéresser nos lecteurs : c'est dans ce but que nous sommes descendu dans tous les détails, ceux-là du moins qui sont dignes de la majesté de l'histoire. Nous avons, il est vrai, rappelé des mœurs qui sont bien loin de nous, parlé un langage inacceptable à notre siècle; nous avons ramené l'esprit de nos lecteurs sur un terrain rétrospectif; mais ce terrain, nous l'avons vu couvert de faits dont la réapparition ne serait pas absolument impossible, pour peu que Dieu lâchât la bride aux passions des hommes, et laissât ainsi rompre la digue qui les a retenus jusqu'ici dans les voies de la modération. Et alors, dans ces circonstances, tout hypothétiques sans doute de notre part, l'Eglise de France, se repliant sur elle-même, trouverait dans son propre fonds ces règles de sage conduite qui lui vinrent si puissamment en aide dans des jours difficiles dont elle traversa glorieusement l'épreuve cruelle. Cette épreuve deviendrait aujourd'hui plus rude encore, si, ce qu'à Dieu ne plaise! ce travail moral qui, depuis soixante ans, pousse le siècle vers une palingénésie sociale, venait à enfanter un système liberticide, pour la réalisation duquel des esprits surexcités entassent chimères sur chimères, croyant enfin pouvoir le faire éclore.

L'ÉGLISE

DE FRANCE.

CHAPITRE PREMIER.

FONDATION DE L'ÉGLISE CONSTITUTIONNElle.

Parallèle doctrinal de la constitution civile du clergé avec la constitution de l'Evangile. Aperçu analytique de la première. l'Assemblée nationale en écrivent au Pape.

Les évêques députés à

Réponse de Sa Sainteté.

Opinion de l'Assemblée nationale exprimée dans une instruction.

Si jamais il fut permis à des enfants de verser des pleurs sur le sort d'un père, l'objet de toute leur tendresse, c'est, sans doute, dans ce moment décisif où la nature, faisant son dernier effort, n'offre plus à leurs yeux que la douloureuse perspective d'une séparation cruelle et prochaine. Le souvenir de ses vertus, de ses bontés et de son dévouement redouble l'amertume de leurs regrets présents, mais il devient pour l'avenir le plus puissant motif de leur consolation.

Telle se présente à notre esprit l'époque que nous nous proposons de décrire. Enfants de l'Eglise de France, nous allons assister au triste spectacle du déchirement des entrail

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