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CHAPITRE LXXXII.

DE LA TROMPERIE SUR LA NATURE DES CHOSES VENDUES, ET DE LA VENTE A FAUX POIDS ET A FAUSSES MESURES.

(Commentaire des art. 423, 424, 479, n. 5 et 6, 480, n. 2, et 481, n. 1, du Code pénal,« de la loi du 27 mars 1851 el de celle du 27 juillet 1867. »

2412. Objet de ce chapitre. Ancienne législation sur cette matière. 2413. Motifs et texte de l'art. 423. Lois nouvelles.

2414. Caractère de la tromperie incriminée par cet article et par ces lois.

2415. Il faut, pour que le délit prévu par l'article 423 existe, que la tromperie ait porté sur la nature même de la chose. Application de cette règle.

2416. Il n'y a tromperie sur la nature de la chose que lorsque cette chose est tellement altérée que sa première nature n'existe plus. 2417. La tromperie sur la qualité peut être considérée comme affectant la nature de la chose, quand elle dénature la substance de cette chose.

2418. La tromperie sur la qualité est punissable dans les matières d'or et d'argent et de pierres précieuses. Dispositions de la loi du

27 juillet 1867 sur les ventes d'engrais.

2419. Dispositions de la loi du 27 mars 1851 sur la tromperie sur la vente des substances alimentaires et médicamenteuses.

2420. Il ne s'agit dans cette loi, comme dans l'art. 423, que de la tromperie sur la nature de la chose vendue.

2421. Elle s'applique aux fabricants et à la vente en gros, comme aux détaillants et à la vente au détail.

2422. La tromperie est un délit dans l'échange aussi bien que dans la vente.

2423. Mais la loi ne s'applique qu'aux conventions qui contiennent une vente; elle ne s'applique pas aux fraudes commises dans le louage d'industrie.

2424. De la falsification de la substance alimentaire toute détérioration peut être incriminée.

2425. La falsification peut résulter d'un mélange qui trompe sur la

qualité.

2426. Toutefois il faut, dans ce cas, distinguer si les substances étaient destinées à l'alimentation.

2427. De la falsification des denrées médicamenteuses.

2428. De la vente des denrées alimentaires et médicamenteuses falsifiées

ou corrompues.

2429. De la tromperie sur la quantité des choses vendues par l'emploi de faux poids et de fausses mesures.

2430. Législation sur les poids et mesures.

2431. Dispositions du Code pénal sur cette matière.

2432. Conditions de l'incrimination de la tromperie sur la quantité de la chose vendue.

2433. Il faut d'abord qu'il y ait fraude.

2434. Il faut qu'il y ait tromperie sur la quantité des choses vendues. 2435. Il faut qu'elle ait été commisc par l'un des moyens prévus par la loi par usage de faux poids ou de fausses mesures. 2436. Cas où les parties ont employé d'autres poids et mesures que ceux établis par la loi (art. 424).

2437. Les appareils de pesage et de mesurage sont assimilés aux faux poids et aux fausses mesures.

2438. Fraudes qui ont pour effet d'altérer l'exactitude du poids ou de la

mesure.

2439. Délit résultant de la simple possession de poids et mesures faux ou inexacts.

2440. Faut-il entendre par poids et mesures faux à l'égard des possesseurs ceux qui sont seulement irréguliers?

2441. La loi du 27 mars 1851 ne s'applique qu'aux poids et mesures inexacts.

2442. Il importe peu, dans le système de cette loi, que la tromperie ait été commise à l'aide de poids faux ou irréguliers.

2443. Pouvoirs des préfets et des maires en cette matière.

2444 Les poids et nesures non revêtus du poinçon de vérification annuelle doivent-ils être assimilés à ceux qui ne sont pas revêtus du poinçon de l'État ?

2445. De quelle peine sont passibles les infractions aux arrêtés administratifs.

2446. Il faut, en deuxième lieu, que les poids et mesures aient été trouvés dans les magasins ou ateliers.

2447. De l'emploi des poids et mesures irréguliers, prévu par le no 6 de l'art. 479.

2448. Cas où la tromperie sur la quantité se commet par des manœuvres ou procédés tendant à fausser l'opération du pesage ou mesurage. 2449. Cas où la tromperie se commet par des indications frauduleuses tendant à faire croire à un pesage antérieur et exact.

2450. De la tentative du délit de tromperie. L'art. 423 n'admet pas la tentative admise par la loi de 1851.

2451. La simple exposition en vente constitue une tentative.

2452. Peines applicables au délit.

2453. De la fixation de l'amende, soit qu'il y ait, soit qu'il n'y ait pas lieu à des restitutions et des dommages-intérêts.

2454. Modification des pénalités en cas de récidive, de circonstances atténuantes et de cumul de délits.

2455. De la peine accessoire de la confiscation des instruments du délit et des marchandises.

2456. La confiscation peut-elle être remise s'il y a des circonstances alténuantes ?

2457. Il n'y a lieu à la confiscation qu'autant qu'il y a condamnation : exception pour le cas où la saisie porte sur des choses nuisibles à la santé.

2458. Il importe peu, dans ce dernier cas, que les choses appartiennent ou non au prévenu.

2459. Il n'y a pas de confiscation dans le prélèvement d'une portion de substance saisie pour la soumettre 2460. Mesure facultative de l'affiche et de la publication du jugement. une analyse chimique. Application de cette disposition à l'art. 423 par la loi du 13 mai 1863.

2412. L'art. 423 réunit dans son incrimination deux faits distincts la tromperie sur la nature des choses vendues, et la tromperie, par usage de faux poids et de fausses mesures, sur la quantité des mêmes choses. Les lois des 27 mars 1851, et 5 mai 1855 ont complété ces deux incriminations, en y faisant entrer des fraudes de même nature qui étaient demeurées en dehors. Nous allons examiner successivement les caractères de ces divers délits.

Notre ancienne jurisprudence rangeait dans la classe des faux les fraudes commises dans les ventes des marchandises. C'est ainsi qu'elle qualifiait faussaires ceux qui vendaient des choses mixtionnées pour des choses pures, et qui falsifiaient toute espèce de marchandises 1. La loi du 16-22 juillet 1791 classa ces diverses fraudes parmi les délits contre les propriétés. L'art. 38 du titre 2 de cette loi punit d'une amende qui ne peut excéder 1,000 livres, et d'un emprisonnement qui ne peut excéder une année, toute personne convaincue d'avoir vendu des boissons falsifiées par des mixtions nuisibles. Et l'art. 39 ajoutait : « Les marchands ou tous autres vendeurs convaincus d'avoir trompé, soit sur le titre des matières d'or

1. Damhouderius, cap. 119, n. 1, p. 383, et cap. 123, 389; Menochius, de arbitrio jud., lib. 2, casu, 382, n. 2; Farinacius, quæst. 150, n. 57.

et d'argent, soit sur la qualité d'une pierre fausse vendue pour fine, seront, outre la confiscation des marchandises en délit et la restitution envers l'acheteur, condamnés à une amende de 1,000 à 3,000 livres et à un emprisonnement qui ne pourra excéder deux années. »>

2413. Le Code pénal, tout en reproduisant, à peu près dans les mêmes termes, ces deux dispositions, les a classées différemment, suivant le but des agents et les effets qu'elles peuvent produire. Lorsqu'il s'agit de boissons falsifiées qui peuvent être nuisibles à la santé, le débit de ces boissons est considéré comme un délit contre les personnes et puni comme les coups et blessures (art. 318). Lorsque la fraude n'a pour but que de tromper l'acheteur sur la valeur de la chose vendue, cette fraude n'est plus considérée que comme une espèce d'escroquerie, moins grave cependant et passible d'une peine moins forte que l'escroquerie prévue par l'article 405, attendu qu'elle n'est pas accompagnée des mêmes manœuvres et qu'il est plus facile de s'en défendre.

L'art. 423 porte : « Quiconque aura trompé l'acheteur sur les titres des matières d'or et d'argent, sur la qualité d'une pierre fausse vendue pour fine, sur la nature de toutes marchandises; quiconque, par usage de faux poids ou de fausses mesures, aura trompé sur la quantité des choses vendues, sera puni de l'emprisonnement pendant trois mois au moins, un an au plus, et d'une amende qui ne pourra excéder le quart des restitutions et dommages-intérêts, ni être au-dessous de cinquante francs. Les objets du délit ou leur valeur, s'ils appartiennent encore au vendeur, seront confiqués. >> Cet article a été complété par les lois des 27 mars 1851 et 5 mai 1855, qui en ont étendu les dispositions à plusieurs

cas nouveaux.

Nous avons déjà examiné la loi du 5 mai 1855, relative à la falsification des boissons, dans notre commentaire sur l'article 318. Voy. no 1387 et suiv.

Nous allons maintenant examiner conjointement l'art. 423 et la loi du 27 mars 1851, qui s'est incorporée, pour ainsi dire, dans son texte. Il faut apprécier d'abord le délit que l'art. 423 avait prévu, et à l'égard duquel il est resté en pleine vigueur.

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2414. La principale disposition de cet article est la tromperie sur la nature de toutes marchandises vendues.

Cette disposition n'existait pas dans la loi du 16-22 juillet 1791, qui ne s'étendait qu'à la vente des matières d'or ou d'argent et des pierres précieuses; l'art. 423 comprend toutes les marchandises.

L'art. 1645 du Code civil prévoit le cas où le vendeur connaissait les vices cachés de la chose : cette connaissance suppose une espèce de dol qui le rend passible, outre la restitution du prix, de tous les dommages-intérêts envers l'acheteur. Dans le cas de l'art. 423, il ne suffit pas que le vendeur ait connu le véritable état de la chose qu'il vendait, il faut qu'il ait cherché à tromper l'acheteur. Il ne suffit pas que cette tromperie ait eu pour objet les vices de la chose, il faut qu'elle ait porté sur la nature même de cette chose. Ainsi une fraude, et une fraude portant sur la nature de la chose, voilà les deux éléments du délit.

La tromperie est plus qu'un dol, plus qu'un mensonge; elle suppose l'emploi de ruses et d'artifices: mais il ne faut pas confondre ces artifices avec les manœuvres frauduleuses constitutives de l'escroquerie : ils se manifestent par des paroles plutôt que par des faits, par des mensonges plutôt que par des actes l'escroquerie, au contraire, s'opère à l'aide de faits qui ont pour but d'appuyer le mensonge et de lui donner les apparences de la vérité. Il suit de là que la tromperie, lors même qu'elle n'aurait d'autre but que d'égarer l'acheteur sur la nature de la marchandise, revêtirait les caractères d'une escroquerie, si elle était accompagnée des manœuvres frauduleuses qui constituent le délit 2. Mais si elle n'emploie que les moyens frauduleux indiqués par la loi du 27 mars

1. **Jugé que si la clause de non-garantie protége en principe le vendeur eu égard aux vices cachés de la chose vendue, il n'en saurait être ainsi lorsque le vendeur a connu ces vices, et surtout lorsqu'il a usé de fraude pour les dissimuler (Cass., 26 avril 1884; Bull. n. 153).

2. Cass., 20 août 1823, J. P. 19. 818. ** Adde Cass., 27 déc. 1879; Bull. n. 237.

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