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ployés par cet agent sont très-peu coûteux et méritent d'être connus puisque la réussite a été complète.

En 1842, il a semé sur la neige, sans aucune préparation de terrain, savoir au quartier de Gandissart appartenant à la commune de Barcelonnette, sur une étendue de 150 hectares, des graines de pin et de mélèze, dont les jeunes plants ont aujourd'hui de 10 à 30 centimètres de hauteur ; au canton de Pisse-Vin, de 40 hectares, des graines de pin dont les plants sont dans un état moins serré qu'à Gaudissart, mais d'égale hauteur; sur une contenance de 250 hectares, dépendant de la forêt d'Abriès, des graines de pin qui ont également réussi; sur une mème contenance de 250 hectares, au quartier du Mélézin, des graines de méleze, dont les plants, dans un état très-serré, ont déjà acquis de 15 à 35 centimètres de hauteur. Cet agent avait en outre exécuté un semis par bandes alternées, sur une étendue de 30 hectares dépendants de la forêt de Maurin, qui avait donné le même résultat que les semis opérés sans préparation du terrain; mais cette partie n'étant pas soumise alors au ré– gime forestier, ce semis a été dévoré par les bestiaux de la commune de Saint-Paul, ainsi qu'un autre de 180 hectares au canton de Soleil-Bœuf, commune de Saint-Pons.

Ces magnifiques résultats, si peu coûteux et qui font le plus grand honneur à M. Billoux, ont engagé la société centrale d'agriculture des Basses-Alpes à mettre à la disposition de M. de Pillot, garde-général du cantonnement de Digne, une somme de 800 fr. pour être employée au reboisement d'une étendue de 950 hectares de terrain, appartenant à la commune de Seyne, dépendant de son cantonnement, et récemment soumis au régime forestier. M. de Pillot, ayant été élevé au grade de sousinspecteur et appelé à une autre résidence, délégua, pour remplir à sa place les intentions de la société centrale d'agriculture, M. Clément, arpenteur forestier, qui acheta avec ces fonds, 250 kilogrammes de graine de sapins et de pins, qu'il mélangea avec de la spergule géante, de l'ajonc marin et du madia satira.

Pour faire une nouvelle expérience sur les résultats des semis faits sur la neige sans préparation de terrain, ou sur la terre découverte et préparée, M. Clément a semé 550 hectares d'après le premier procédé, 25 sur la terre découverte préparée par bandes alternées, et 25 sur la terre préparée par damiers de carrés de 4 mètres; nous verrons incessamment les résultats de ces semis.

M. Wurstin, garde général, au cantonnement de Sisteron, a reboisé complètement, mais au moyen de plantation de jeunes plants pris dans la forêt de la commune, et avec le concours des gardes, la montagne du Molard qui domine la ville de Sisteron et renferme les sources qui l'alimentent; sur une contenance de 20 hectares. M. Wurstin a placé sur la partie élevée 19,300 pins sylvestres, 400 mélèzes et 300

pins argentés, et sur les parties les plus basses, 5,000 chênes, frênes ormes, etc.

Ces plantations sont aujourd'hui dans un état très-prospère et ont valu à leur auteur une médaille qui lui a été votée par le conseil municipal de Sisteron; le service rendu par M. Wurstin à cette ville a été dignement apprécié par une délibération du conseil municipal.

Ainsi, de toutes parts le zèle des agents forestiers est reconnu et apprécié dans les Basses-Alpes, et ils se montrent dignes de la confiance qu'ils inspirent aux comices agricoles, à la société centrale d'agriculture, aux conseils d'arrondissement et au conseil général, qui déjà deux fois a voté des remercîments à M. Amanton, inspecteur, chef du service du département.

OBSERVATIONS

SUR LE PROJET DE LOI DU GOUVERNEMENT SUR LE DÉFRICHEMENT, et sur le contre-projet de la commission de la chambre des pairs.

Ainsi que les Annales l'avaient fait pressentir, le projet de loi du Gouvernement, tendant à modifier les articles 219 et suivants du Code forestier, relatifs aux défrichements, n'a pu supporter la première épreuve à laquelle il a été soumis. La commission, chargée, à la chambre des pairs, d'examiner ce projet de loi, l'a repoussé complètement et en a, en quelque sorte, improvisé un autre qu'elle lui a substitué.

Nous allons examiner rapidement l'un et l'autre de ces projets.

Projet du Gouvernement.

Au lieu d'être conçu dans des vues progressives comme on pouvait l'espérer d'après les promesses faites lors de la présentation du Code forestier, le projet du Gouvernement était évidemment conçu dans des vues rétrogrades, puisqu'il aurait eu pour résultat, non-seulement de rendre définitives les dispositions prohibitives du titre XV du Code forestier, mais encore de soumettre les exploitations et, par conséquent, la gestion des bois de particuliers au contrôle de l'administration des forêts, ce qui constituait un retour à l'ordonnance de 1669.

Un tel état de choses est tellement contraire aux principes qui dominent aujourd'hui dans toutes les questions d'économie sociale, que, pour être accepté par les chambres, il aurait fallu qu'il fût commandé par une impérieuse nécessité et que cette nécessité apparût d'une manière évidente. Or, la commission de la chambre des pairs paraît avoir démontré que cette nécessité ne ressortait ni des faits, ni du rapport de M. le ministre des finances. C'est donc avec raison, selon nous, que la commission s'est prononcée pour la liberté des défrichements des bois en plaine.

Ce point de départ admis, le projet du Gouvernement croulait et il de

venait indispensable de lui en substituer un autre entièrement nouveau. Cette partie de la tâche de la commission présentait des difficultés sérieuses. Car, si les hommes qui la co mposaient étaient très-compétents pour prononcer sur le principe, ils ne possédaient peut-être pas les connaissances administratives que nécessitaient les dispositions accessoires de la loi.

Aussi ce projet de la commission nous a-t-il paru donner lieu à plusieurs objections sérieuses.

Projet de la Commission.

D'après ce projet, on passerait brusquement pour Jes plaines, du régime de la prohibition au régime de la liberté. N'est-il pas à craindre que cette liberté sans restriction, en jetant sur le marché une trop grande quantité de bois pendant les premières années, ne porte un préjudice grave soit au trésor, soit aux particuliers? N'est-il pas à craindre que cet avilissement subit du prix des bois ne porte à défricher outre mesure, et que la pénurie succédant ensuite à l'abondance, n'apporte une perturbation fatale dans les branches de commerce et d'industrie qui ont besoin de bois, tandis qu'un régime de sage et prudente transition ménagerait à la fois les intérêts du trésor, ceux du commerce et de l'industrie, ainsi que ceux des propriétaires forestiers.

La commission a peut-être cru voir une transition dans la décision ministérielle de 1831, qui autorisait le défrichement des bois situés en plaine dont la contenance n'excédait pas 12 hectares. Mais c'est ici le cas de faire remarquer que la commission a donné à la décision dont il s'agit trop d'extension.

Cette décision avait uniquement pour but de procurer du travail à la classe pauvre pendant l'hiver de 1831 à 1832, et elle n'a pas survécu aux circonstances qui lui avaient donné naissance.

Tout en accordant sans restriction la faculté de défricher les bois en plaine, la commission a maintenu, pour ces bois, l'obligation de faire la déclaration préalable au secrétariat de la préfecture, sous peine d'une amende très-forte et de repeupler le terrain défriché. Ainsi, pour l'omission d'une formalité insignifiante, dans les départements où il n'existe pas une seule montagne, on serait condamné aux mêmes peines que s'il s'agissait d'un défrichement en montagne, et, ce qui est plus exorbitant, on serait obligé de repeupler le terrain défriché, bien que le boisement ne fût d'aucun intérêt pour le pays. N'y a-t-il pas dans ces dispositions quelque chose d'anormal?

Dans les pays de montagnes, la commission soumet l'instruction des demandes en défrichement à des garanties dont le luxe ne nous paraît pas justifié. Celles de ces demandes qui auront été l'objet d'une opposition de la part de l'administration forestière seront examinées par une

commission qui ne comptera pas moins de quatre membres. Si la commissoin de la chambre des pairs savait combien, dans certaines localités, les demandes sont nombreuses et quelquefois peu importantes, elle aurait sans doute reculé devant la pensée de procéder avec autant de solennité et d'exiger des ingénieurs des courses longues et multipliées qui absorberont un temps précieux au détriment d'opérations bien autrement importantes.

Ce qui parait avoir déterminé la commission dans le renvoi de la demande à une commission, c'est, d'une part, la pensée de soustraire la décision à l'arbitraire du ministre, et de l'autre, l'impossibilité d'un classement général.

Nous croyons que, pour éviter les inconvénients de l'arbitraire, il eût suffi d'instruire les demandes collectivement et de les soumettre à l'avis préalable du conseil général.

On conçoit, en effet, que lorsque le ministre aurait à prononcer sur toutes ces demandes à la fois en présence d'un avis du conseil général, il ne pourrait pas céder à des exigences politiques, et faire pour les unes ce qu'il ne ferait pas pour les autres, si elles se trouvaient dans le même

cas.

Quant au classement général, nous ne voyons pas pourquoi il serait impossible. Au lieu de le faire par parcelles au fur et à mesure des déclarations de défrichement, on le ferait par masses et d'ensemble, et il est à présumer qu'ainsi fait, il serait plus conforme à l'intérêt général.

Ajoutons que, dans la plupart des cas, le ministre ne sera pas en mesure de statuer en temps utile; pour tous ceux qui savent avec quelle lenteur les commissions procèdent ordinairement, cette assertion paraîtra incontestable.

Ce qui nous a frappé le plus dans le travail de la chambre des pairs, c'est que la commission ne se soit pas préoccupée davantage des mesures à prendre pour le reboisement des montagnes.

La commission a eu presque uniquement en vue la conservation des bois en montagnes, et elle a voulu faire quelque chose de définitif. Mais n'est-il pas évident que si le projet de reboisement n'est pas une chimère, s'il doit un jour recevoir son exécution, il aura nécessairement pour résultat de détruire l'économie du projet de loi sur le défrichement; or, dans cette prévision, ne conviendrait-il pas de fondre ces deux projets de loi ensemble, ou du moins de les faire marcher de front afin de combiner leurs dispositions.

Conclusion.

D'après les observations qui précèdent, nous ne pensons pas que le projet de la commission ait plus de succès que le projet du Gouvernement Le temps manquerait d'ailleurs pour l'examiner mûrement.

Il est à désirer que le ministre des finances veuille bien retirer son proT. V. 17

MAI. - 1846. III.

jet de loi avant la discussion, et qu'il prenne l'engagement de le reproduire à l'ouverture de la prochaine session et de l'accompagner d'un projet de loi sur le reboisement des montagnes.

Nota. La commission, dans son rapport, parle des ressources que présentent à la marine les forèts de la Guyanne et de la Corse. Nous ne savons pas au juste les richesses que renferment les forêts de la Guyanne. Nous ferons seulement remarquer que si ces richesses sont telles qu'on le dit, la marine serait inexcusable de ne pas en profiter. Quant aux forêts. de la Corse, on exagère généralement les ressources que l'on peut en obtenir. Mais il y a les forêts de l'Algérie dont la commission ne dit rien, et dont on pourait tirer un utile parti 2. (Note de la rédaction).

RAPPORT

Fait à la chambre 3 par M. le comte BELGNOT, au nom d'une commission spéciale 4 chargée de l'examen du projet de loi tendant à modifier les articles 219 et suivants du code forestier, relatifs aux défrichements.

MESSIEURS,

Les dispositions transitoires contenues dans le Titre XV du Code forestier prorogent pour vingt années le droit accordé à l'administration, par la loi du 19 floréal an 11, de s'opposer au défrichement des bois appartenant aux particuliers. Ces dispositions doivent cesser d'avoir leur effet le 31 juillet 1847; il est donc nécessaire que le législateur intervienne, soit pour attribuer définitivement à l'administration le droit qu'elle ne possède depuis quarante-trois ans que d'une manière précaire, soit pour déterminer les limites indispensables du droit de défricher; car on ne peut pas songer à introduire entre ces deux systèmes absolus un système mixte qui consisterait à promettre, de vingt ans en vingt ans, le libre exercice du droit de propriété, sauf à maintenir toujours le droit exceptionnel. Le Gouvernement ne croit pas plus que nous à l'utilité ni à la convenance d'un nouveau régime transitoire, puisque le projet de loi que la Chambre nous a chargés d'examiner, propose de rendre définitives, après les avoir modifiées sur quelques points, les 1 Voir dans les Annales forestières l'article de M. Itier sur les cultures et les forêts de la Guyanne, tom. 1, 1844, pag. 357.

a Voir les articles de M. Renou sur les forêts de l'Algérie, tom. rer, 1842, pag. 415; id., tom. 11, 1843, pag. 159; id., tom. 111, 1844, pag. 1re. Les Annales publieront prochainement de nouveaux documents sur ces forêts, ainsi que sur celles de la Corse.

3 Chambre des pairs, séance du 21 avril 1846.

4 Cette commission était composée de MM. le comte Roy, le marquis DE RAIGECOURT, le vicomte DUCHATEL, le comte BEUGNOT, de La Coste, le comte DE LA RIBOISSIÈRE, Félix FAure.

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