Page images
PDF
EPUB

production annuelle de nos forêts. Nous reprendrons ensuite quelquesunes de nos principales lignes, et nous tracerons le tableau des forêts que leur proximité des chemins classés destine à fournir cet approvisionne

ment.

Dans une seconde partie, nous examinerons si l'on a pris, jusqu'à ce jour, les mesures convenables pour ménager à la fois nos ressources forestières et l'argent des Compagnies, en n'employant que les bois rigoureusement nécessaires, et en apportant dans leur choix, dans leur exploitation et dans leur pose tous les soins et toutes les précautions propres à en assurer le bon service et la longue durée.

PREMIÈRE PARTIE.

Evaluation des bois nécessaires à la construction des chemins de fer, et rapport de ces besoins avec la moyenne de la production forestière an

nuelle.

La construction des voies ferrées exige des bois de deux catégories : 1° Pour les traverses, sur lesquelles reposent les coussinets des rails; 2° Pour les travaux d'art et les diverses constructions que l'établissement de ces voies entraîne nécessairement, tels que, bâtiments, gares, barrières, ponts, matériel roulant, etc.

La quantité des bois de cette seconde catégorie varie nécessairement d'après les conditions très-variables de chaque tracé et les diverses circonstances dans lesquelles il se trouve établi. On ne saurait donc la déterminer en général d'une manière précise. Cependant, l'expérience acquise dans les chemins déjà construits, porte à évaluer cette dépense à la moitié de celles occasionnées par la fourniture des traverses.

Quant aux bois de cette première catégorie, on peut calculer à l'avance, d'une manière rigoureuse, la quantité qui devra être employée. Il faut pour soutenir les rails, deux espèces de traverses :

1o Des traverses dites de joint, cubant chacune en moyenne 0,166; 20 Des traverses dites intermédiaires, cubant en moyenne 0,088 : ce qui donne par traverse, un cube moyen de 0,125, soit un décistère 251.

Pour la construction des chemins de fer, les traverses sont espacées entre elles d'un peu plus d'un mètre.

Chaque kilomètre de chemin à double voie emploiera à peu près 2,000 traverses, cubant ensemble 250 stères; en évaluant à moitié de cette quantité les bois nécessaires pour la deuxième catégorie, il faudra donc, par kilomètre de chemin, 375 stères de bois.

Nous nous abstenons d'entrer dans les détails des dimensions de chaque traverse, les résultats que nous venons de donner ont pour base la moyenne des dimensions adoptées, soit par le Gouvernement, soit par les différentes compagnies.

Or, 6,000 kilomètres de chemin étant déjà classés, la construction de cet immense réseau n'emploiera pas moins de 2,250,000 stères de bois de service.

En admettant que cette construction exige cinq années de travail, et que la fourniture des bois soit également répartie sur ces cinq exercices, la consommation annuelle se trouvera de 450,000 stères.

Chaque stère devant coûter un prix moyen de 70 fr. au moins, la somme annuellement employée en bois pour les chemins de fer eu dehors de la consommation ordinaire s'élèvera à 31,500,000 francs.

Quelles sont nos ressources forestières en regard de cette consommation ?

Le sol forestier de la France comprend 8,623,128 hectares, dont 5,619,110 aux particuliers et 2,897,089 à l'État, aux communes et aux établissements publics, plus 106,929 à la couronne.

Dans son rapport au ministre sur le reboisement, M. le directeurgénéral des forêts énonce que le revenu des bois soumis au régime forestier, c'est-à-dire appartenant à l'État et aux communes, s'élève annuellement à 67,634,661 fr. soit par hectare 23 fr. 35 c.

A ce taux, les bois de particuliers donneraient un revenu de 130 millions; mais coupés plus jeunes et contenant beaucoup moins de futaies ces bois ne doivent, dans leur évaluation générale, entrer que dans la proportion de trois cinquièmes environ du produit des bois de l'État,

Le produit général des forêts s'élèverait donc à peu près à 150,000,000 par année, et les futaies ou bois de service pourraient être évalués, en moyenne, à environ un quart du produit total.

Nous trouvons, d'après ces données, pour les bois de service seulement, une production annuelle s'élevant à 37,500,000 fr. . Cette production dépasse, comme on voit, de bien peu le chiffre des besoins nouveaux créés par les chemins de fer. Ici de graves considérations se présentent. Jusqu'à quel point sera-t-il prudent de forcer la production ordinaire des forêts et de sacrifier les ressources de l'avenir aux besoins du présent? Jusqu'à quel point faudrait-il tenir compte de ces considérations dans le vote des chemins de fer? C'est ce dont nous n'avons pas à nous préoccuper maintenant. Notre but n'est ici que de poser des faits, d'établir des rapprochements en laissant à l'administration, aux compagnies, aux propriétaires et au commerce le soin d'en tirer les conséquences qui les concernent. Le temps nous presse, et nous passons, sans autre préambule, à l'examen de la ligne de Paris à Strasbourg.

'La valeur de l'importation des bois de service, tirés de l'étranger, peut être portée à 50 millions au moins annuellement. (Voyez Annales forestières, livraison de janvier 1846,page 16.)

Cette ligne a un parcours de 586 kilomètres. Voici les ressources que présenteront les localités pour ses approvisionnements en bois.

De Paris à Lagny.

De Paris à Lagny on trouve sur l'une et l'autre rive les bois de Bondy, Ozouer-la-Ferrières, Armainvillers, Grets, Tournan et Pomponne..

Les bois fournissent peu de charpentes au-delà des besoins locaux ; les demandes nécessitées par les besoins des chemins de fer auraient donc pour résultat certain une hausse considérable, si l'on ne pouvait faire arriver par la Marne, à des prix plus convenables, les bois fournis par les forêts de Château-Thierry, Epernay et les environs.

Ces bois, à l'avantage de coûter moins cher, joindraient l'avantage, plus précieux encore, de qualités meilleures, et le flottage sur la Ma rne, ajouterait à ces qualités.

De Lagny à Meaux.

On trouve à droite la forêt de Crécy, appartenant au domaine privé, et tous les bois particuliers qui l'entourent.

A gauche, les bois de Montye, et quelques petits bois assez bien aménagés en futaie nombreuse, mais de peu de grosseur.

Ces bois et forêts envoient tous les ans à Paris une quantité assez considérable de belles charpentes, qui pourront servir aux besoins du chemin de fer.

Les charpentes de la forêt de Crécy sont très-bonnes, elles peuvent arriver facilement sur toute la ligne du chemin de fer, par quelques bonnes routes et de nombreux chemins en assez bon état.

Les charpentes de la rive gauche sont de moindre qualité, sans cependant être mauvaises; le prix en est toujours un peu plus élevé, la consommation locale étant plus considérable; les transports jusqu'au chemin de fer seraient aussi faciles.

De ce côté on trouve bon nombre d'ormes de grosseur convenabl e pour traverses; ce bois est un peu moins cher que le chêne; il conviendrait de l'employer pour les traverses demi-rondes, parce qu'il ne présente pas, comme le chêne, l'inconvénient d'avoir de l'aubier.

Sur la rive droite, sur tous les plateaux, on trouve un bois particulier à cette localité. L'orme tortillard, qui a la propriété de ne pas se fendre, sert à faire les moyeux des roues, et dure en cet état de longues années sans subir d'altération.

Le prix en est plus élevé que celui de l'orme ordinaire, voire mê me plus élevé que le prix du chêne.

Au-delà de cette première ligne, les bois de la rive droite trouvant leur débouché par la Seine, et ceux de la rive gauche pour les besoins locaux ; on ne pourrait les obtenir, à cause de la différence des

ransports, qu'à des prix plus élevés que ceux des bois amenés par la Marne des forêts supérieures.

De Meaux à la Ferté-sous-Jouarre.

Les bois de Meaux, la forêt du Mans, de nombreux bois de particuliers et les forêts de l'ancienne Abbaye de Jouarre, sont aménagés en futaie nombreuse de grosseur à faire beaucoup de traverses.

Mais ces bois servent à la consommation de Meaux et des environs, consommation importante dont les besoins laissent peu de bois disponibles.

Les demandes pour les besoins des chemins de fer, amèneront une hausse infaillible dans le rayon.

Il est vrai qu'au-delà de cette première ligne se trouvent, sur la gauche, la forêt de Villers-Cotterets, les bois de Laferté-Milon et Lisy, qui tous peuvent arriver sans beaucoup de frais, par le canal de l'Ourcq.

Sur la droite, se trouvent beaucoup de bois entre Coulommiers, Rebais, Laferté-Gaucher, et même au delà.

Ces bois fournissent tous les ans un excédant assez considérable de charpentes qui sont obligées de venir, non sans de grands frais de transport, chercher un écoulement sur Paris par la Marne.

Les bois de cette seconde ligne, plus beaux et meilleurs que ceux de la première ligne, participeront donc à la hausse de ceux-ci, tout en la modérant.

Puis encore on trouve dans ce pays l'orme tortillard, dont nous avons parlé plus haut, et qui peut avantageusement remplacer le chêne, quoique coûtant plus cher.

On commencerait à trouver là quelques gros charmes, qui, ouverts et travaillés aussitôt après l'abattage, pourraient présenter d'assez bonnes conditions de durée, relativement au prix auquel on les obtiendrait.

En général, dans toute l'étendue de la ligne que nous avons parcourue jusqu'ici, les ressources en bois pour l'approvisionnement des chemins de fer sont restreintes, et la consommation locale absorbe une grande part des produits ordinaires. Il importe aux propriétaires comme aux marchands de bois de bien se rendre compte de la situation, afin de régler en conséquence leur exploitation et leurs prétentions, et de ne pas s'abuser sur l'étendue précise des besoins du chemin de fer, et les moyens qu'il peut trouver pour y faire face.

D. et M.

(La suite à la prochaine livraison.)

COMITÉ DE JURISPRUDENCE.

Réponse aux questions proposées par MM. les Abonnés.

XXXVIII. Question.

[ocr errors]

Un habitant d'une commune usagère vend la maison pour laquelle il lui a été délivré des bois de construction; il quitte la commune on ne sait ce qu'il est devenu; au moment de la vérification d'emploi, les bois destinés à la réparation de la maison ont disparu, et le nouveau proprićtaire prouve qu'ils ne lui ont pas été remis.

Sur qui devront retomber les poursuites? Sera-ce sur le nouveau propriétaire? Dans le cas de la négative, aura-t-il le droit de se faire délivrer de nouveaux bois de marronnage, ou bien devra-t-il réparer la maison de ses propres deniers?

Réponse'.

Dans les délivrances faites en exécution d'un titre qui accorde un droit d'usage en bois de construction, il y a deux choses à considérer.

1o Le droit de servitude;

2o L'exercice de ce droit.

Le droit de servitude est réel, c'est-à-dire qu'il est attaché à la maison usagère elle-même, abstraction faite de la personne qui la possède à titre de propriétaire. Lorsqu'un besoin de réparation se manifeste par une sorte de fiction de la loi, c'est la maison qui est censée éprouver ce besoin, et non le propriétaire. Cependant, comme c'est à la personne du possesseur que la délivrance est faite, il est clair que si les besoins de la maison ont été satisfaits ou réputés tels par l'intermédiaire nécessaire du propriétaire qui a reçu la délivrance, l'État, débiteur de la servitude d'usage, est libéré de son obligation par la délivrance qu'il a effectuée. Si, par le fait du propriétaire, aujourd'hui en fuite, la réparation n'a pu avoir lieu, ce propriétaire n'a pu transmettre à son acquéreur qu'une maison dont les réparations étaient censées effectuées au moyen du bois délivré. Autrement, ce propriétaire aurait communiqué à son acheteur plus de droits qu'il n'en avait lui-même, ce qui est inadmissible. On croit donc que, non seulement l'Etat ne doit pas faire une nouvelle délivrance, mais encore que le nouveau propriétaire de la maison peut être contraint, soit à la réparer avec des bois achetés par lui, soit à renoncer pour l'avenir à l'exercice de la servitude d'usage. Si l'on admettait une autre solution, il pourrait se faire qu'une même maison usagère grevât annuellement la forêt de délivrances en bois de construction qui ne seraient jamais employés; une telle conséquence est manifestement contraire à l'esprit de la loi.

Quant aux poursuites à diriger en vertu de l'art. 83 du Code forestier, il est évident que ces poursuites ne peuvent être exercées que contre l'ancien propriétaire de la maison usagère, et non contre le nouveau qui serait entièrement étranger au fait du détournement des bois.

[blocks in formation]
« PreviousContinue »