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ESSAIS

Sur les moyens de favoriser le développement et l'accroissement d'une futaie.

Les éclaircies périodiques ont, comme on sait, pour but de favoriser l'accroissement des bois, en les débarrassant de ceux plus faibles et surabondants qui entravent leur végétation; c'est une opération connue de tous les forestiers. Tous savent aussi que, dès l'instant où le bois est parvenu à l'état de gaulis, il s'établit entre les sujets qui le composent une espèce de lutte que chaque éclaircie périodique a pour objet de faire cesser, mais qui se renouvelle bientôt après, et dure ainsi plus ou moins vivement jusqu'à l'époque des coupes de régénération.

Cette lutte ayant nécessairement pour conséquence de ralentir la végétation, il est venu à l'idée d'un forestier distingué de l'Allemagne d'entreprendre des expériences pour aviser au moyen de supprimer entièrement cette lutte, et, à cet effet, il s'est posé la question suivante :

Puisque les bois d'une futaie, depuis l'âge où ils prennent le nom de gaulis jusqu'à l'époque de leur régénération, sont, pour ainsi dire, constamment en lutte, et que, de cet état de gêne réciproque, il résulte une diminution sensible dans l'accroissement, et par suite dans les produits en matière, n'existerait-il pas un moyen de parer à cet inconvénient, en plaçant, dès le principe, les arbres destinés à parvenir au terme de la révolution, dans un état tel, qu'ils puissent arriver à ce terme sans lutter, et prendre ainsi le plus grand développement possible?

Voici comment il a résolu ce problème :

Il a déterminé tout d'abord, sur un hectare de gaulis où le peuplement était encore complet et serré, les 4 à 500 arbres destinés à parcourir toute la révolution.

Pour simplifier cette opération et en faciliter le contrôle, il a marqué sur le terrain des lignes droites et parallèles, distantes l'une de l'autre de 5 à 6 mètres, et sur chacune de ces lignes il a pris, à des distances égales, c'est-à-dire tous les 5 à 6 mètres, le brin destiné à vivre jusqu'au terme de l'exploitabilité, et que j'appellerai brin ou arbre d'avenir.

Il a ensuite écimé les brins qui entouraient chaque brin d'avenir, de telle sorte que ce dernier fût encore suffisamment serré par sa tige pour être forcé de gagner en hauteur, mais que la cime, libre de toute entrave, pût puiser dans l'atmosphère toutes les substances nécessaires à son développement et croître ainsi dans les meilleures conditions possibles jusqu'au terme de la révolution.

. Dans cette opération on doit enlever quelques-uns des brins environ nants, dans le but de favoriser le grossissement de la tige; on n'écimera pas les autres au point de les empêcher de vivre et de croître, on leur conJUIN. 1846.- 1. T. V. - 19

servera au contraire une couronne qui aidera encore au développement en hauteur des brins d'espérance.

Ce procédé, mis en application depuis dix ans dans plusieurs gaulis de différentes essences, a produit partout les meilleurs résultats.

Les brins d'avenir s'élèvent aujourd'hui au-dessus des autres bois et présentent au milieu d'eux l'aspect d'une belle et vigoureuse plantation. Les tiges sont droites, les têtes garnies de feuilles et d'une forme régulière. A la vue de cette végétation que rien n'entrave, on comprend facilement ce que doit être une futaie d'arbres de cent à cent vingt ans, crûs dans de pareilles conditions, et combien doit être beau et complet sur un hectare le massif formé par 4 à 500 de ces arbres.

Ces résultats si différents de ceux obtenus par les éclaircies ordinaires, sont dus à ce que, dans celles-ci, on ne s'applique qu'à faire cesser, à chaque période, une lutte qui existait déjà au détriment des brins dominants, tandis que, par le procédé nouveau, on préserve ces derniers des effets de cette lutte pendant tout le cours de leur existence.

Ce procédé, il faut bien le remarquer, n'exclut nullement les éclaircies vériodiques qui doivent, comme toujours, s'étendre sur le restant du peuplement.

Dès l'instant où les brins d'avenir, par leur élévation au-dessus des autres brins, n'auront plus à redouter le voisinage de ceux-ci, l'écimage des brins environnants deviendra inutile; d'où il résulte que cette opération est d'autant plus praticable qu'elle ne s'applique généralement qu'aux jeunes bois dont la tige peut encore être ployée par mains d'homme et la cime tronquée à peu de frais.

Dans la forêt de Haguenau où les pins se dégarnissent de leurs branches sur tout le côté où celles-ci viennent à s'entrelacer, ce procédé trouverait particulierement son application, attendu qu'il assurerait aux arbres destinés à croître jusqu'au terme de la révolution une cime franche et normale, circonstance qui influe singulièrement sur la croissance des pins qui partout où leur cime est incomplète ne présentent de ce côté qu'un très faible accroissement.

Il permettrait enfin de favoriser en temps utile dans la même forêt la croissance du chène, là où cette essence est dominée par le pin, ce que les éclaircies font souvent trop tardivement.

Une remarque assez curieuse, faite par le même forestier, trouve ici sa place.

Il prétend qu'ensuite d'un grand nombre d'expériences il a reconnu qu'il existait un rapport constant entre l'accroissement des arbres de même essence, et le nombre de leurs feuilles. Tel arbre, par exemple, qui à 2,000 feuilles, aurait un accroissement double de tel autre qui n'en compterait que 1,000; de là ce corollaire: plus de feuilles, plus d'accrois

sement.

Il en conclut que, dans une forêt où les arbres sont disposés de telle façon que, tout en formant un massif serré, ils presentent aux influences atmosphériques la plus grande surface feuillue possible, on peut obtenir jusqu'à 173 de plus d'accroissement que dans les circonstances ordinaires.

C'est enfin, en s'appuyant sur le même fait plus de feuilles, plus d'accroissement, qu'il explique comment, sur une surface donnée, l'accroissement est généralement plus considérable en pente qu'en plaine; bien que, de part et d'autre, il y ait le même nombre d'arbres.

Nul doute que la disposition particulière des racines dans le sol n'y soit aussi pour beaucoup.

Je ne terminerai pas sans émettre le vœu, qu'à l'avenir chaque forestier veuille bien se mettre au-dessus de la critique, ainsi que je viens de le faire, et communiquer hardiment à ses confrères, par un exposé sim ple, et au moyen des Annales, le peu qu'il a vu ou appris de neuf et d'intéressant dans sa localité, en matière forestière.

A cet échange d'idées et d'observations, la science forestière, considérée sous son point de vue pratique, ne saurait que gagner; et les Annales n'y perdraient certes pas de leur intérêt1.

De Wimpffen,
Sous-Inspecteur des forêts.

SUR LA DÉRIVATION DES EAUX PLUVIALES

qui entraînent les terres et les sols en pente, et qui inondent les vallées.

M. de Saint-Venant a adressé récemment à l'Académie des sciences un mémoire relatif à la dérivation des eaux pluviales qui entraînent les terres et les sols en pente, et qui inondent les vallées. L'auteur y décrit en ces termes les procédés qu'il a employés pour prévenir les ravages des inondations et utiliser les eaux pluviales.

« Le procédé que j'ai employé dans les environs de Vendôme, et que je crois applicable généralement pour arrêter les ravages des eaux de pluie en les rendant bienfaisantes, se réduit à creuser, sur les côteaux et

Nous avons lieu d'espérer que l'appel adressé par M. de Wimpffen à ses confrères sera entendu. Il y a longtemps déjà que nous avous présenté les Annnles comme un centre d'échanges et de communications ouvert à tous les forestiers, et destiné à recueillir et à concentrer les observations et les découvertes relatives à la sylviculture, pour les répandre ensuite et les propager par tous les moyens en leur pouvoir. Nous avons connu les motifs qui ont arrêté ces communications; aujourd'hui que tout démontre que ces motifs n'ont point de foudement, nous comptous qu'elles deviendront de jour en jour plus fréquentes, et que, grâce aux observations pratiques qui nous seront adressées et que nous nous empresserons de recueillir, les Annales resteront ce qu'elles ont été dès leur origine, les archives des progrès de la sylviculture et l'organe universellement. avoué des intérêts forestiers. (Note de la rédaction.)

sur le flanc des montagnes, des fossés à faible pente qui détournent constamment les eaux des thalwegs ou plis de terrain dans lequel elles tendent à se réunir, et qui, en les dirigeant vers les faîtes, débordent et les versent sur de larges zones d'herbe où ces eaux s'étendent, se divisent, coulent doucement entre les tiges des plantes, s'éclaircissent, en sorte que ce qui ne pénètre pas le sol arrive lentement et successivement dans la plaine, sans rien entraîner, et sans grossir subitement les rivières.

>> Ce procédé, peu coûteux, profite immédiatement au cultivateur qui l'applique chez lui; car, outre la préservation de son propre terrain, et la création de clôtures, il lui permet de faire des prairies et des herbages sur les pentes, en produisant ces irrigations en prolongement des pluies, qui ont eu, dans le département de la Nièvre, d'immenses succès dont on n'est point étonné, lorsque l'on considère que l'eau pluviale contient toujours, en dissolution, des matières nutritives et excitantes, indépendamment de sa vertu propre et des limons fécondants qu'elle amène ordinairement des terrains supérieurs. Il peut ainsi, du même coup, faire atteindre un but vivement désiré, celui de créer à peu de frais, pour l'agriculture, de grandes superficies de fourrages.

» Il est applicable à la destruction des torrents, car on peut barrer totalement, et détourner ainsi les petits ravins qui s'y jettent, et, en creusant des fossés de dérivation sur le sol à droite et à gauche, réduire leur lit à ne plus donner passage qu'aux eaux qui y tombent directement de l'atmosphère.

» Il supplée donc au reboisement que l'on ne peut songer à exécuter sur toutes les pentes, et qui, d'ailleurs, ne modère que la descente des eaux reçues du zenith et de la partie boisée; car l'eau qui afflue dans une forêt coule toujours librement dans les thalwegs, si l'on ne l'éparpille pas par des fossés. Ainsi, tout en régularisant le cours des eaux, ce procédé, permet d'assortir librement la production agricole à la nature de chaque terrain et aux débouchés, et de faire même des cultures sur le penchant des montagnes (en pente de moins de 2 sur 3); car les eaux étrangères à chaque pièce de peu de largeur étant détournées, la terre remuée n'est point entraînée par les pluies. >>

DE SAINT-Venant.

PRINCIPES

POUR L'ESTIMATION EN FONDS ET SUPERFICIE

prescrite aux experts par l'article 113, § 2 de l'Ordonnance réglementaire 1.

La valeur des droits de l'usager étant déterminée d'après ses titres, et exprimée par une somme fixe en argent, on se propose de détacher de la forêt grevée une partie telle, que,si le nouveau propriétaire juge convenable de la vendre, dès aujourd'hui (hic et nunc), il puisse en trouver un prix égal à son droit capitalisé. En effet, le droit de cantonnement accordé au propriétaire du fonds n'étant autre chose qu'un droit de rachat dans lequel le signe monétaire est remplacé par un sol boisé, il est évident que la valeur assignée à celui-ci, doit être une valeur commerçable actuellement, et non une valeur d'avenir.

Cela posé, le problème à résoudre consiste à rechercher pour le canton de forêt dans lequel on se propose d'asseoir le cantonnement :

1o Ce que valent les bois sur pied ou la superficie;

2o Ce que vaut le fonds de terre.

I. Estimation de la superficie.

Pour déterminer la valeur des bois sur pied, il faut remarquer qu'ils peuvent se composer et qu'ils se composeront en général de deux groupes distincts, savoir :

A; les bois qui ont atteint ou dépassé leur exploitabilité commerciale, c'est-à-dire, l'âge qui leur assure un débit avantageux et facile;

B; ceux qui ne sont point encore parvenus à cette exploitabilité et n'ont, par conséquent, qu'une valeur d'avenir.

Un des objets les plus importants de l'expertise, le plus important mème, car il devient le pivot de l'estimation du fonds aussi bien que de la superficie, sera donc de déterminer cette exploitabilité commerciale qui variera selon les localités, selon l'essence, selon l'emploi et la croissance des bois. On conçoit que l'exploitabilité dont il s'agit doit être un minimum, l'intérêt de tout propriétaire étant d'exploiter sa forêt à l'âge le moins avancé possible, à moins que, restant debout, les bois ne deviennent propres à des usages qui en élèvent le prix de manière à compenser avec bénéfice les pertes d'intérêts que le retard de la coupe fait éprouver. Ainsi, pour citer un exemple, il y aurait fausse spéculation à couper une

1 Cette instruction sur la marche à suivre dans les estimations en fonds et en superficie en matiere de cantonnement, est extraite de la partie encore inédite de l'ouvrage de M. Meaume, et a été faite à sa priere par M. Parade, pour terminer le commentaire de l'article 113 de l'ordonnance réglementaire. (Note de la rédaction.)

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