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que, sur quelques lignes, les bois employés pour traverses étaient trop fréquemment de mauvaise qualité. On dit même que, sur le chemin du Nord, on a substitué, pour certaines parties du parcours, des traverses de pin aux traverses de chêne; on nous a assuré aussi que, pour la ligne de Tours à Bordeaux, les marchés de bois avaient été faits à si bas prix qu'on ne pouvait obtenir, à ce taux, que des pièces de rebut et de mauvaise qualité.

Sans affirmer ces faits que nous n'avons pu constater, nous croyons devoir en parler, afin de mettre l'administration et même les actionnaires des compagnies à même de les vérifier.

L'administration le doit, puisqu'elle a mission de protéger la vie des citoyens ; les actionnaires y ont intérêt, puisque de la bonne condition des matériaux employés dépendent les conditions de durée des chemins, et par conséquent la prospérité ou la ruine de l'entreprise.

Si l'on savait l'administration et les actionnaires déterminés à exercer un contrôle rigoureux sur l'exécution de toutes les clauses des cahiers des charges, relatives aux dimensions et à la qualité des bois employés, et à la bonne exécution des travaux, les fournisseurs se montreraient plus scrupuleux dans les qualités de leurs fournitures, les ingénieurs plus sévères dans la réception des livraisons : les travaux seraient mieux soignés, et les chemins, mieux construits, présenteraient en même temps au public et aux actionnaires les conditions de sécurité, de solidité et de durée convenables.

Revue scientifique.

✪ Académie des sciences. Recherches sur les fonctions des racines, par M. BOUCHARDAT. Les plantes placées dans une dissolution contenant plusieurs substances absorbent-elles préférablement certaines substances à d'autres? Telle est la question principale qu'il fallait résoudre par l'expérience. Théodore de Saussure, qui a fait sur la végétation tant et de si belles expériences, l'a résolue par l'affirmative. Un poligonum absorba, dit-il, deux grammes de nitrate de chaux et quinze grammes de chlorhydrate d'ammoniaque. M. Bouchardat se prononce, au contraire, pour la négative, en assignant d'abord une cause capitale d'erreur qui aurait échappé à son illustre et consciencieux devancier. Théodore de Saussure aurait méconnu ce fait important, que, lorsqu'un végétal plonge dans une dissolution aqueuse, il n'y a pas d'absorption pure et simple, mais qu'il s'établit un double courant. De même que le sel de la dissolution passe dans la plante, les sels de la plante arrivent dans la dissolution. M. Bouchardat a étudié surtout ces phénomènes d'absorption sur la menthe aquatique, et il a constaté qu'un végétal qui plonge librement par ses racines dans une dissolution très-étendue de plusieurs sels sans action chimique sur les tissus, absorbe en même proportion toutes les substances contenues dans cette dissolution. Les racines ne choisissent donc pas dans une dissolution certains sels de préférence à d'autres : c'est l'inverse de ce qu'a conclu Théodore de Saussure qui est exact. Si des différences apparaissent quelquefois, elles tiennent à ce que certains sels sont fixés dans les plantes, soit parce qu'elles concourent au développement d'organes spéciaux, comme les phosphates dans la graine des graminées, soit qu'elles forment avec les principes de la plante de nouveaux sels insolubles.

Correspondance et Faits divers.

Un honorable conservateur en retraite, qui continue à suivre avec intérêt et sympathie les faits qui touchent à la sylviculture, et à la situation de ses anciens compagnons de service, nous fait observer que l'état du personnel que nous avons publié cette année ne contient plus un certain nombre de noms qui figuraient dans le précédent. Il nous représente que le lien de confraternité, qui unit entre eux tous les membres de l'administration forestière, leur ferait apprendre avec plaisir ce que sont devenus ceux dont ils ne retrouvent plus les noms, et ils nous engage à publier un tableau supplémentaire dont il nous fournit en partie les éléments, et qui donnerait satisfaction à cette légitime curiosité.

Nous apprécions trop bien les motifs de la réclamation de M. Tison, et les sentiments qui l'ont dictée pour ne pas y faire droit.

A la fin de chaque année, nous joindrons donc au nouveau tableau du personnel, un tableau complémentaire où nous rappellerons les pertes qu'aura pu faire le personnel de l'administration, et que nous accompagnerons du résumé des mouvements opérés par les mutations et les avancements pendant le cours de l'année précédente.

Nous nous occupons dès à présent à recueillir les renseignements qui pourront nous mettre à même de dresser ce tableau pour l'intervalle compris entre 1843 et 1846. Nous faisons appel, pour les compléter, à l'obligeance de ceux de Messieurs les agents qui auraient quelques documents à nous communiquer sur cet objet.

Dans la liste de noms qu'a donnée M. Tison, plusieurs de ceux qui les portaient sont morts; quelques-uns ont quitté l'administration pour d'autres carrières, d'autres sont en disponibilité. L'on comprendra facilement que les recherches à faire pour donner les renseignements désirés, exigent du temps et doivent entraîner des lenteurs.

Plusieurs journaux parlent de la candidature de M. Bequet, conservateur des forêts à Strasbourg, dans l'un des arrondissements électoraux du Bas-Rhin. Nous faisons des vœux pour que cette nouvelle se confirme, el que le suffrage des électeurs envoie à la Chambre un administrateur qui se recommande à la fois par un nom honorable, par un esprit élevé et droit, par des connaissances spéciales dans l'une des branches les plus importantes de l'économie agricole et administrative, et en qui l'aménité des rapports et le tact des convenances se concilient parfaitement avec la dignité et la fermeté de caractère et l'élévation des sentiments.

L'entrée de M. Bequet à la Chambre serait accueillie avec d'autant plus de satisfaction dans le corps forestier, que d'importantes questions forestières vont être portées à la tribune dans la prochaine session, et qu'il est vivement à désirer qu'elles trouvent, pour les traiter, des hommes qui en aient fait une étude approfondie.

Climat, exposition et terrain qui lui conviennent.

Le pin sylvestre est celui des arbres résineux conifères à grandes dimensions qui occupe en Europe le plus grand nombre de degrés de latitude, puisqu'on le trouve depuis le 41° jusqu'au 70° degré de l'hémisphère septentrional. Il croit spontanément dans le Nord et dans la partie centrale de l'Europe, ainsi que dans quelques-unes des chaînes de montagnes de l'Europe méridionale. Il est l'arbre le plus commun dans le nord de l'Allemagne, dans la Russie, dans la Pologne et dans la Scandinavie; il compose souvent seul, quelquefois en société avec d'autres arbres, la masse des forêts de ces pays. Loudon regarde le pin sylvestre comme le seul des arbres résineux conifères qui soit indigène de la Grande-Bretagne; il est l'arbre le plus commun dans les forêts de l'Écosse. On trouve aussi le pin sylvestre croissant spontanément dans les montagnes des Alpes, dans celles des Vosges, du Jura, des Cévennes et des Pyrénées. Nous avons vu, page 160, que l'on a trouvé sous terre, dans la forêt de Compiègne, des troncs de pins sylvestres qui étaient d'une époque antérieure à 1549, et il y a dans le Maine des charpentes de ce bois qui ont plus de deux cents ans; il serait donc possible que cet arbre fût indigène du climat de Paris, et qu'il en eût été expulsé par les bois feuillus et par la culture.

M. le capitaine S. E. Cook dit qu'il a trouvé le pin sylvestre dans la sierra de Guadarrama, ou grande chaîne centrale de l'Espagne, et plus à l'est, dans la sierra de Cuença, à peu près à la même latitude. Cet arbre occupe les sommets de la sierra Guadarrama, et au-dessous se trouve une zone de pins maritimes identiques, dit-il, avec le pin maritime des landes de Bordeaux; dans la sierra de Cuença, le pin sylvestre n'occupe que les sommités septentrionales des montagnes.

On trouve des pins sylvestres dans les montagnes du nord de l'Italie ; mais j'ignore s'il en existe dans les montagnes des Apennins, de la Toscane et des États de l'Église. Ténore, dans le prodrome de sa Flora napolitana (Flore napolitaine), tome 1er, page 55, qui a paru, ainsi que les quatre premiers volumes, en 1811-1813, nomme le pinus sylvestris; dans le tome iv, page 136, il nomme un pinus pinaster, qu'il dit être le même que le pinus sylvestris de Linnée. Dans son Essai sur la géographie physique et botanique du royaume de Naples, pages 76 et 77, il dit que le pin sylvestre est abondant dans les Apennins du royaume de Naples; mais

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bray.

Extrait du traité pratique des arbres résineux conifères par M. le marquis de Cham

AOUT. 1846.-
-I.

T. V. 24

dans le tome v, page 266 de sa Flora napolitana, tome qu'il ne fit paraître qu'en 1835-1836, il reconnaît s'être trompé, et il appelle pinus nigrescens, pin noirâtre, l'arbre auquel il avait donné le nom de pinus sylvestris; il dit que c'est celui qui est connu des Allemands sous le nom de schwarzfæhre (pin noir), ce qu'il a reconnu près de Vienne, où il examina ce pin, étant accompagné de M. Horst, l'auteur de la Flora austriaca; ainsi ce serait le pin que nous appelons pin d'Autriche.

La culture a introduit le pin sylvestre dans plusieurs parties des plaines de la France, par exemple, dans le Maine, et depuis dans l'Orléanais. On peut citer les forêts de Fontainebleau et Compiègne, dans le voisinage de Paris, où il en a été fait, sur une grande échelle, des semis et des plantations qui, dans la première de ces forêts, sont antérieurs à la révolution française. Quoique le pin sylvestre soit un arbre du Nord et des climats tempérés, on peut le cultiver dans le midi de la France, jusque sous le climat de l'olivier; mais il y vient trapu et rabougri.

Le pin sylvestre réussit à toutes les expositions dans le Nord et dans les climats tempérés; dans les localités les plus méridionales où l'on puisse le cultiver, il préfère l'exposition du Nord. Cet arbre redoute les grands vents qui brisent ses branches, plus grosses que celles du sapin, mais beaucoup moins flexibles; et il vient mal lorsqu'il est soumis fréquemment à leur action: il redoute, par la même raison, les lieux exposés à d'abondantes neiges et au givre, qui font casser ses branches, garnies surtout de feuilles aux extrémités. Toutefois, dans les plaines du Nord, il ne paraît pas souffrir autant de la neige et du givre que dans les hautes montagnes, telles que celles des Alpes, par exemple, non pas seulement parce que la neige et le givre y sont moins abondants, mais aussi parce qu'ils s'y attachent moins aux branches; ce dont je ne puis assigner la cause. Ces deux circonstances sont probablement la principale cause pour laquelle on ne trouve pas le pin sylvestre sur des points aussi élevés des hautes montagnes que le picéa et que le mélèze, quoiqu'il s'approche plus qu'eux du pôle; on le trouve à peine sur ces montagnes à la hauteur du sapin argenté, qui, dans le Nord, n'atteint pas même les rivages de la mer Baltique.

Je ferai remarquer aussi que le sol doit souvent exercer de l'influence sur le fait que je viens de rapporter, parce qu'il a ordinairement très-peu de profondeur sur les hautes montagnes, ce qui est très-nuisible à la végétation du pin sylvestre. Burgsdorf, qui était grand-maître des forêts de la Prusse, dit, en parlant du pin sylvestre: « Toutes les situations paraissent lui convenir, puisque nous le voyons réussir partout; cependant la cime des hautes montagnes offre un inconvénient, en ce que ces arbres ont à y souffrir du poids des neiges et des frimas qui surchargent la grande quantité de leurs longues feuilles toujours vertes. » Le pin sylvestre étant le seul pin qui se trouve en Prusse, il est évident que Burgs

dorf ne parle de ses longues feuilles que par opposition à celles du sapin qui sont plus courtes.

Hartig dit en parlant du terrain qui convient au pin sylvestre : « Il se plaît particulièrement dans un sol mêlé de sable et de bonne terre et un peu profond, mais il vient encore passablement dans tout autre, même dans les plus mauvais fonds sableux, pourvu qu'il s'y trouve un peu de terre végétale. Il n'y a que les terrains argileux, aquatiques et marécageux, qui ne lui conviennent pas. Il aime les coteaux et les plaines sablonneuses. Sur les montagnes, il a beaucoup à souffrir du givre et des neiges qui s'attachent en grande quantité à ses longues feuilles, et qui rompent souvent sa cime et ses branches. >>

Selon Burgsdorf, dont Pfeil reproduit l'opinion, le pin sylvestre peut être cultivé dans les sables pars, soit en plaine, soit sur les montagnes; mais il préfère un terrain sec de meilleure qualité, sableux, mêlé d'argile et recouvert d'une couche de terre végétale. Dans le nord de l'Allemagne, le pin sylvestre occupe ordinairement des terrains sablonneux plus ou moins argilenx, plus ou moins substantiels. Le sol de la grande forêt de pins sylvestres de Haguenau, située à 25 kilom, au nord de Strasbourg, est un sable siliceux, frais, recouvert d'un peu d'humus.

Loudon donne les renseignements suivants sur les terrains qui conviennent au pin sylvestre en Écosse. Il se trouve, dit-il, sur les sols secs, sablonneux, graveleux, granitiques ou argileux, rarement sur ceux qui sont calcaires; et les plus beaux pins sylvestres, dans les Highlands, se trouvent sur un loam léger, d'un brun clair. Lorsque le vent porte des graines de pin sylvestre sur des terrains marécageux et tourbeux, elles lèvent quelquefois; mais elles ne donnent naissance qu'à des arbres d'une triste végétation et d'une courte durée. On remarque dans l'Aberdeenshire, dans le voisinage de la Dee et de la Spey, où se trouvent les terres les plus élevées de l'Écosse, que c'est dans les vallées, sur les bords de ces rivières et de leurs affluents, sur un sol d'alluvion ou sur les pentes douces qui forment le pied des collines, ou encore dans les renfoncements élevés des montagnes, que le pin sylvestre croissant spontanément prospère et donne le meilleur bois d'œuvre. L'auteur, pour montrer les effets du sol et du climat sur la croissance du pin sylvestre, donne ensuite une courte, description de cinq des principales forêts de pins sylvestres de l'Écosse.

En Suède, les belles forêts de pins sylvestres des environs d'Upsal croissent dans un sol sablonneux: on y remarque, ainsi que dans le nord. de l'Allemagne, que cet arbre occupe les parties les plus sèches du terrain, et que dans les parties où le sol est humide, il est remplacé ordinairement par le picéa. Dans le Maine et dans l'Orléanais, au contraire, on a remarqué que c'était dans des terrains frais, sans être mouillés, que le pin sylvestre offrait la plus belle végétation; mais peut-être ces terrains n'étaient-ils frais que comparativement aux sables secs et arides consacrés

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