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à la culture du pin maritime; peut-être aussi ces terrains étaient-ils en même temps plus substantiels et très-facilement pénétrables aux racines des pins sylvestres, et alors on pourrait croire que c'était principalement par ces raisons que leur végétation y était plus belle: il n'y aurait d'ailleurs rien d'extraordinaire à ce que les conditions d'une belle végétation fussent différentes pour le même arbre sous des climats très-différents.

M. Jacquinot de Presle a vu le pin sylvestre réussir passablement en Sologne, dans des terrains où régnait une humidité stagnante, et sur la glaise, lieux où l'on ne pouvait cultiver le pin maritime.

Le pin sylvestre donne encore de bons produits dans les terres de bruyères et dans les sables qui ne sont pas trop arides; mais il ne peut être cultivé avec succès dans des sables aussi arides que ceux où l'on peut cultiver le pin maritime. Dans le Maine et dans l'Orléanais, par exemple, on remarque de grandes étendues de sables sur lesquels le pin maritime a une assez belle végétation, et où l'on ne parviendrait point à cultiver le pin sylvestre; le peu de sujets qu'on y obtiendrait y resteraient chétifs et rabougris: les nombreuses expériences qui ont été faites ne laissent aucun doute à ce sujet. M. le baron de Morogues en a rapporté plusieurs dans une brochure intitulée : De la préférence à accorder en Sologne et dans les sols d'alluvion quartzeuse à la culture du pin maritime sur celle des pins d'Écosse et Laricio.

Le pin sylvestre peut donner de beaux produits dans les terrains calcaires, et l'on parvient même à le cultiver dans ceux qui le sont extraordinairement; ainsi, dans le département de la Côte-d'Or, on est parvenu à couvrir de pins sylvestres des coteaux calcaires arides, et j'en ai vo - aussi, dans une semblable position, chez M. Gazan, dont la propriété n'est située qu'à six lieues de la mienne. Il n'a alors, à la vérité, qu'une pauvre végétation; mais c'est déjà un magnifique résultat quand il remplace l'aridité. Cet arbre est le seul des résineux conifères de pleine terre en France, que l'on soit encore parvenu à cultiver sur les terres crayeuses de la Champagne, et quoique sa végétation y soit languissante, il y rend de grands services; il fournit du combustible dans une localité où il n'y en avait pas du tout, et à la longue, par l'accumulation du détritus de ses feuilles, il rend des terrains, jusqu'alors stériles, propres à la culture des céréales. Cette propriété du pin sylvestre de croître sur les terrains calcaires, avait déjà été signalée par Rozier, dans son cours complet d'agriculture, tome vi, page 685, à l'article Pin sauvage, pinus sylvestris de -Linnée. « Il est reconnu, dit-il, que le pin sylvestre a la propriété de croître dans de très-mauvais terrains, même dans les terres calcaires et crétacées. » Elle avait été aussi signalée par Malesherbes dans le mémoire cité à la première page de ce chapitre : « En Suisse, et en particulier dans le Valais, j'ai souvent vu, dit-il, des pins sylvestres sur des côtes escarpées calcaires, et qui, sans la présence du pin, auraient été totalement Marquis de CHAMBRAY.

stériles. »

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SUR LA CAPITALISATION DES DROITS D'USAGE FORESTIER.

M. Noirot Bonnet, dont les publications en matière de forêts, ont déjà mis le nom en juste estime parmi les sylviculteurs, achève en ce moment un ouvrage sur la capitalisation des droits d'usage forestier. L'auteur a bien voulu nous communiquer la première partie de son manuscrit. Les questions qu'il y étudie ayant un intérêt de tous les moments pour les agents forestiers et les propriétaires de bois, nous croyons qu'on nous saura gré de donner à l'avance connaissance des solutions les plus essentielles du difficile et important problême que l'auteur s'est proposé et dont son ouvrage présente l'étude la plus détaillée et la plus complète.

Le mémoire de M. Noirot est divisé en quatre sections intitulées : Principes de la capitalisation; capitaux représentatifs des droits d'usage; transformation successive des droits d'usage et objets accessoires du can

tonnement.

Dans la première section, celle des principes de la capitalisation, M. Noirot Bonnet démontre que, pour toutes les opérations de la vie, les intérêts s'accroissent en raison de l'éventualité du capital engagé, c'est-à-dire que, suivant la sécurité ou ce qu'il appelle la précarité du placement, les revenus augmentent ou diminuent. C'est là une vérité incontestable qui n'a en quelque sorte pas besoin d'être démontrée. En suivant les raisonnements qui en ressortent, il établit que l'intérêt commercial est à 10 pour %, l'intérêt industriel à 8, celui sur obligation hypothécaire, qu'il appelle mobilier, à 5, et celui de la propriété immobilière à 3; et, partant de ce principe que le taux de l'intérêt augmente ou diminue suivant la précarité du placement, il recherche les différences qui existent pour les propriétaires des droits d'usage dans les garanties que présente la propriété de ces droits.

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Des capitaux représentatifs de droits d'usage.

M. Noirot Bonnet examine la nature de chacun des droits d'usage forestier et il en trouve six espèces, dont les forêts de France sont grevées, et dont le rachat peut avoir lieu soit par la voie du cantonnement, soit par une indemnité en argent, conformément aux dispositions des art. 63, 64, 65, 118 et 120 du code forestier. Ces droits sont celui d'affouage, celui de chauffage, celui de maronnage, celui de bois mort, celui de mort bois et enfin celui de pâturage.

Voici les explications données au sujet de chacun de ces droits. - Le droit d'affouage est la faculté concédée à l'usager de prendre dans une forêt tout le bois nécessaire à sa consommation, ou d'en prendre_une

quantité proportionnée à ses besoins et à l'étendue de la forêt. Ce droit qui se présente en première ligne après le droit de propriété, est cependant dans une condition évidente d'infériorité. Le propriétaire a le droit de disposer à son gré des produits et même du fonds de sa forêt, tandis que l'usager à l'affouage ne peut disposer que des produits, et seulement après en avoir obtenu la délivrance du propriétaire. Il ne peut employer ces produits à un autre usage que celui auquel ils sont destinés: il ne peut ni les vendre, ni les échanger, tandis que le propriétaire est parfaitement libre de les utiliser comme il l'entend: d'où il suit que cette classe d'usage accuse déjà un premier degré de précarité.

Le droit de chauffage est la faculté concédée à l'usager de prendre dans une forêt tout le bois nécessaire à sa consommation, ou d'en prendre une quantité proportionnée à ses besoins et à l'étendue de la forêt, La délivrance préalable est nécessaire, comme dans le cas précédent, et de plus l'usager est tenu de justifier de l'étendue de ses besoins. L'émolument était tout-à-l'heure déterminé d'une manière fixe: maintenant il n'a de mesure que celle de besoins variables ou du moins dont la limite est susceptible de contradiction: on voit donc qu'ici l'influence des causes perturbatrices est plus sensible que dans le cas précédent, et qu'ainsi le droit de chauffage se place nécessairement au second degré de précarité.

Le droit de maronnage est celui en vertu duquel l'usager prend dans une forêt les arbres qui lui sont nécessaires pour la reconstruction ou l'entretien de ses bâtiments, pour la fabrication des instruments de labour et autres besoins analogues. Ce droit est soumis aux mêmes entraves que le précédent et non-seulement la mesure du besoin peut être controversée, mais le besoin lui-même peut être mis en question. Un usager veut relever ses bâtiments; le propriétaire lui oppose que sa charpente est encore en assez bon état pour entrer dans une nouvelle construction, ou bien s'il demande des pièces de fort équarrissage, on ne lui délivre que des arbres de dimension moyenne, en se fondant sur cette considération, que l'art du charpentier supplée à la grosseur des bois par la force de l'assemblage. Ce droit, plus dépendant encore que le dernier, se range donc naturellement dans le troisième degré de précarité.

Le droit de mort bois ou le droit de disposer de certaines essences de qualité inférieure, telles que l'érable, le tremble, le saule, le coudrier, l'épine, le nerprun, etc., est sujet dans son exercice à de plus grandes difficultés encore; il peut y avoir contestation sur les essences comprises dans le droit, et il est presqu'impossible qu'il n'en survienne pas sur l'époque et le mode d'exploitation. L'enlèvement de ce bois à travers des massifs de taillis donne nécessairement lieu à de nombreux dégâts, causes incessantes de procès, ou au moins de vives discussions; de là un état plus marqué encore de subordination, qui paraît constituer un quatrième degré de précarité,

que l'u

Le droit de bois mort, ou le droit d'enlever les arbres morts sur pied, de ramasser les branches gisantes et sèches, d'extraire les souches mortes, etc., entraîne dans son usage des difficultés aussi fréquentes qu'inévitables. Le propriétaire regardera comme vert encore, tel bois sager croira bien mort. Un arbre complétement sec peut, dans sa tige, fournir un bois d'œuvre quelconque, le propriétaire le refuse, sous prétexte qu'il ne doit que du bois de chauffage. Des contestations sans fin naîtront au sujet des châblis, des branchages et autres débris que le propriétaire aura soin d'enlever avant leur entière dessication. Une lutte continuelle s'engagera ainsi entre le propriétaire et l'usager. Le droit de celui-ci est donc dans un état de dépendance qui permet de le descendre au cinquième degré de précarité.

Vient en dernier lieu le droit de pâturage, que la loi forestière soumet aux conditions les plus gênantes et les plus multipliées: la marque des bestiaux, l'obligation de pâtre commun, celle de ne conduire au pâturage qu'un nombre limité d'animaux et par des chemins déterminés ; l'inobservation de ces règles frappée de pénalité la plus rigoureuse; la question de défensabilité ordinairement résolue contre l'usager dans les cas douteux tels sont les inconvénients qui font assigner à ce droit le sixième et dernier degré de précarité.

Il est essentiel de signaler encore un caractère commun à tous les usages forestiers et qui dérive de la disposition de la loi d'après laquelle l'usager peut être frappé de réduction lorsqu'il dépasse la possibilité de la forêt. Cet assujetissement suffit pour imprimer aux usages forestiers, en général, une marque irrecusable de précarité.

Après avoir examiné ainsi la nature des droits d'usages forestiers au nombre de six, et les avoir classés suivant leur plus ou moins d'éventualité, M. Noirot Bonnet suppose que chacun d'eux représente pour l'usager un revenu de 1,000 fr., et admet qu'on veuille éteindre ces droits à prix d'argent: il pose en principe que le revenu foncier d'une forêt de France est 4 pour 0/0 1; partant de cette donnée, il évalue le droit à l'affouage, qu'il place immédiatement après celui de propriété à 4 172 p. 010.

Celui de chauffage,
Celui de maronnage,
Celui de mort bois,

Celui de bois mort,

Et enfin celui de pâturage,

2me degré.
3 me

4me

5 me

6me

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22,222 fr. 20,000

Le produit supposé de 1,000 fr. représenterait donc, en établissant une règle de proportion pour le premier droit.

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Ce chiffre paraît élevé. Les forêts comme les autres propriétés domaniales ne s'achètent pas à plus de 3 p. 0/0, et les acquéreurs les trouvent rarement à ce taux de produit net, défalcation faite des contributions, travaux et frais de gardes.

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Transformation successive des droits d'usage.

Les cinq premiers droits relatifs à des délivrances de bois à divers titres, sont rachetables par la voie du cantonnement, c'est-à-dire par l'abandon de la propriété incommutable d'une partie de la forêt grevée de ce droit, mais le sixième, celui de pâturage, ne peut être racheté que par une indemnité réglée de gré à gré, et, en cas de contestation, par les tribunaux. Ainsi, pour cette dernière servitude, le chiffre représentant le revenu étant connu, l'intérêt suivant lequel on doit déterminer le capital fixé, il n'y a plus qu'à solder la valeur représentative de ce capital; mais il n'en est pas de même des droits rachetables par la voie de cantonnement: ceux-ci étant représentés par une propriété immobilière, on ne peut donner à l'usager qu'une valeur équivalant à son capital, et il y a lieu, dans ce cas, de faire encore de nouveaux calculs en raison de ce que cet usager acquiert le droit de propriété qu'il n'avait pas auparavant, acquisition qui entraîne la nécessité d'une réduction opposée, c'est-à-dire que l'objet à livrer étant un immeuble, il y a encore une différence à établir entre le capital de l'usage et le capital de propriété qu'on lui substitue. Rappelant ce qu'il a dit au commencement de son ouvrage, il fixe à 4 p. 0/01 l'intérêt représentant le produit de la propriété forestière à abandonner, et, supposant pour un moment l'usager co-propriétaire, il établit un tableau duquel il résulte que le revenu de 1,000 fr., qui, à 4 p. 010, représenterait.

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ne donnant pour le droit d'affouage fixé à 4 172, que

L'usager paie la nue-propriété.

Par les mêmes raisonnements appliqués aux quatre autres catégories, il établit que l'usager du droit de chauffage ne recevant que 20,000 fr., paie cette nuepropriété

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Celui du droit de maronnage, ne recevant que

25,000 fr.
22,222

2,778 fr.

5,000 fr.

18,181 fr., paye.

6,819

Celui du droit de mort bois, ne recevant que

16,666 fr., paye.

8,334

Et enfin celui du droit de bois mort, ne recevant que

15,384 fr., paye.

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M. Noirot Bonnet établit ensuite que des droits accessoires doivent s'a

1 Ce taux, comme nous l'avons déjà dit, semble trop élevé. L'intérêt de la propriété forestière comme de toute propriété foncière est de 3 p. 0/0.

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