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L'État fait plus de 60,000 f. d'économie par an sur les approvisionnements en bois de l'artillerie et du génie. Enfin le pays paie des contributious considérables; le sultan de Tuggurt, lui-même, situé à 80 lieues au sud de Biskrah, c'est-à-dire à plus de 160 lieues de la côte, a envoyé payer l'impôt; j'ai vu passer ses serviteurs, qui allaient de sa part présenter ses hommages au général Bedeau, à Constantine, et, en passant par ici, ils ont versé 2,000 f. de contributions entre les mains du colonel Herbillon.

>> Je suis bien aise de voir que vous approuvez tous les conseils que j'ai donnés pour l'exploitation des forêts; malheureusement je crains d'avoir prêché dans le désert, le génie (malfaisant, comme disent les troupiers) est très-peu conservateur. Il gaspille sans scrupule les ressources du présent, sans s'inquiéter de l'avenir. Je compte du reste, comme vous me le conseillez, rédiger un mémoire à cet égard; mais ce sera pour l'hiver prochain.

>> Dans cette saison, il ne me serait pas possible d'entreprendre un travail sérieux; les mouches et les insectes de tout genre, joints à la chaleur, au vent du désert, à la poussière, me tourmentent tellement, que je suis obligé de faire une pause tous les quarts d'heure. D'ailleurs d'ici à l'hiver, je compléterai mes renseignements sur les ressources du pays, et j'aurai le temps de vous consulter sur certains points, attendu que je ne veux dire, dans un pareil travail, que des choses de l'exactitude desquelles je sois parfaitement sûr. Je vous enverrai cet hiver les cônes que vous me demandez, et que je ferai récolter au mois de décembre. D'un autre côté le colonel Herbillon me prie de vous engager à lui envoyer des graines pour faire faire dans la pépinière des semis de plants forestiers afin de garnir les routes et les promenades. Nous avons ici force peu pliers, et pas mal de saules, quelques ormeaux arrachés dans les bois et transplantés; mais grand nombre de ceux-ci sont morts, et comme ce système tend à dépeupler des bois qui auraient au contraire besoin d'être regarnis, j'ai conseillé de l'abandonner. Le colonel aurait envie d'avoir des charmilles autour du jardin militaire, et je crois que c'est aux graines nécessaires pour cela qu'il tient le plus pour le moment.

» Charles DE LARMINAT. »

DU DÉBOISEMENT DU SOL FORESTIER,

De ses causes et des mesures à prendre pour les faire cesser.

DU REBOISEMENT DES MONTAGNES,

et des moyens de l'opérer '.

La question du reboisement des montagnes, qui occupe depuis plusieurs années l'administration publique et les sociétés savantes, ne pouvait manquer d'être traitée dans les Conferences forestières, société composée d'ingénieurs, de grands propriétaires de bois, de savants, d'agents forestiers, d'administrateurs, de jurisconsultes, et réunissant ainsi dans son sein tous les éléments d'une discussion éclairée, d'une solution pratique. L'étude de cette question a donc été mise la première à l'ordre du jour de ses travaux et a absorbé, presqu'à elle seule, toute la session de 1846. Une commission générale a été chargée d'étudier les moyens d'exécution du reboisement des montagnes, de s'entourer des documents propres à éclairer l'application de cette vaste opération, et de présenter ses vues et ses propositions à la société. La commission, reconnaissant au premier examen que la question du reboisement est complexe et se lie étroitement aux causes toujours agissantes de déboisement, a cru devoir diviser son travail en deux parties distinctes dans leur exposé, quoique connexes dans leur but. Elle a pensé que si le reboisement des montagnes n'était pas accompagné, sinon précédé de dispositions législatives et administratives, propres à arrêter leur déboisement, cette grande mesure avorterait ou ne conduirait qu'imparfaitement au résultat qu'on se propose. En effet, les reboisements dont l'urgence est universellement reconnue, n'étant impérieusement commandés que par les déboisements nombreux qui ont ruiné, dénudé de si vastes étendues du sol forestier, il est indispensable d'attaquer en même temps le mal dans l'effet et dans la cause, afin de ne pas se lancer dans une œuvre sans fin, où l'on verrait le reboisement s'opérer sur un point pendant que le déboisement continuerait de marcher sur l'autre. La commission a pensé aussi que la tendance générale qu'ont les propriétaires de bois à défricher, c'est-à-dire déboiser, devait être prise en sérieuse attention; que les causes de cette tendance devaient être recherchées et indiquées et le remède à ces causes proposé, afin que l'époque du reboisement des montagnes devienne en même temps une

Ce document a été communiqué aux Annales par la SOCIÉTÉ DES CONFÉRENCES FORESTIÈRES.

ère de restauration, de conservation pour le sol forestier, de progrès et d'amélioration pour la production forestière, dont le développement importe à un si haut degré aux plus chers intérêts, comme aux besoins les plus généraux du pays.

La société, ayant partagé les vues de sa commission, a divisé son travail, ses discussions et ses résolutions, comme celle-ci avait divisé son rapport, en deux parties distinctes: la première, ayant pour objet de signaler, de démontrer les causes principales et toujours agissantes du déboisement, les moyens de les faire cesser et d'en préserver pour l'avenir le sol forestier, spécialement dans les montagnes; la seconde, s'occupant particulièrement de l'indication des mesures législatives et administratives et des opérations pratiques qui doivent conduire au reboisement des terrains incultes et dénudés de nos montagnes. Son travail fini, elle a chargé son bureau de recueillir dans les procès-verbaux de ses séances, les solutions qu'elles a adoptées, les mesures qu'elle a conseillées; les vœux qu'elle a exprimés sur chaque partie de la question, de les faire précéder, sous forme d'exposé de motifs et séparément, par les deux rapports de ses commissions, et de livrer le tout à la publicité.

Le document qui suit est donc l'exposé et les conclusions de l'opinion de la société des Conférences forestières sur le reboisement des montagnes, et l'accomplissement de la décision qu'elle a prise.

PREMIÈRE PARTIE.

DÉBOISEMENT DU SOL FORESTIER,

de ses causes et des mesures à prendre pour les faire cesser.

L'étendue territoriale de la France, donnée par la statistique publiée en 1837 par le ministère de l'agriculture, d'après les opérations cadastrales exécutées jusqu'à la fin de 1834, est de 527,686 kilomètres carrés, ou de 52,768,600 hectares.

On n'est pas d'accord sur la part qui appartient au sol boisé dans cette étendue territoriale. Les chiffres donnés à différentes époques, ou par des documents officiels, ou par des statisticiens, diffèrent presque tous entre eux et souvent pour d'immenses surfaces. Cependant, le rapport fait récemment à M. le ministre des finances par M. le directeur-général des forêts sur la question du reboisement des montagnes, rapport qui a dû puiser ses renseignements aux meilleures sources, doit être considéré comme fournissant sur ce point le chiffre le plus exact, bien qu'il s'éloigne beaucoup des données publiées jusques là. D'après ce dernier document, la totalité du sol boisé, en France, comprendrait 8,623, 128 hectares, possédés comme il suit :

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En acceptant ces chiffres, les bois et forêts, malgré les nombreux défrichements faits depuis un quart de siècle, et les déboisements considėrables causés par les excès de tous genres et les vices d'exploitation et de traitement dont ils ont souffert, occuperaient encore près du sixième du sol de la France: proportion faible si on la compare à l'ancienne importance du sol boisé; mais suffisante cependant aux besoins du pays, si les -8,623,000 hectares considérés comme boisés étaient couverts en totalité d'une production forestière. Malheureusement il n'en est pas ainsi. La superficie totale donnée par le document officiel, est en partie le résultat de contenances fournies par d'anciens plans, ou relevées par le cadastre, sans distinction, sans déduction des surfaces occupées par les vides, partout confondus avec la contenance générale. Ces vides sont plus nombreux qu'on ne pense dans les grandes masses boisées; dans les forêts situées en montagnes ils sont considérables; car, indépendamment des vagues produits par les excès et les vices d'exploitation et les abus de pâturage, une portion inconnue mais importante de la surface est occupée par le rocher et vouée presqu'entièrement à une éternelle stérilité. On ne peut évaluer à moins du douzième de la superficie totale, la surface improductive (718,594 hectares) des forêts, ce qui réduit à un peu moins du septième environ la proportion du sol véritablement boisé dans l'étendue territoriale de la France. Mais à cette diminution de la surface nominativement productive, il faut ajouter les pertes beaucoup plus considérables que les forêts ont subies dans leur richesse mobilière. Sauf l'Etat qui fait de louables efforts pour augmenter la production et les ressources matérielles de celles qui lui appartiennent, par l'extension et l'amélioration de l'éducation des futaies pleines, les communes et surtout les particuliers propriétaires de bois ont gaspillé et dissipé, sauf de rares exceptions, les richesses que d'anciens aménagements et l'ancienne législation avaient sagement constituées. Les communes ont trop facilement obtenu, pour des besoins extraordinaires, l'autorisation d'exploiter leur quart en réserve ; les forêts aliénées par l'État, dans des moments de troubles po ́litiques ou d'embarras financiers, ont été assez généralement exploitées abusivement par leurs nouveaux propriétaires; les aménagements y ont été réduits ou détruits; avec la valeur réalisée de la superficie, on a voulu trop souvent payer une grande partie du prix d'acquisition. Enfin, les

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particuliers, excités par le prix progressif des bois de service, sollicités par l'esprit de spéculation, ont coupé presque partout les futaies qui faisaient l'ornement et la source principale de la production de leurs forêts. On peut donc dire que si le sol boisé a perdu de grandes surfaces depuis un siècle, la production forestière s'est affaiblie pendant la même période, dans une proportion beaucoup plus considérable, et qui doit augmenter encore, car les exploitations extraordinaires d'arbres de futaie faites par anticipation, ne feront sentir leur vide dans la consommation qu'à l'époque où elles auraient dû entrer régulièrement dans la production annuelle, et c'est alors, c'est à ce moment auquel nous touchons, que la pénurie des bois de service et même des bois de chauffage se fera vivement sentir.

CAUSES ANCIENNES ET ACTUELLES DU DÉBOISEMENT.

Les causes du déboisement sont nombreuses. Elles sont dues, dans le passé comme de nos jours, mais dans des proportions et sous des influences qui ont varié selon le temps et l'organisation sociale, à l'état politique, à la législation, à l'administration, à la constitution spéciale de la propriété forestière.

Causes dues à l'état politique.

Sous l'empire de la féodalité le déboisement a dû marcher vite, parce que les défrichements, après avoir été une conséquence inévitable et heureuse de l'accroissement de la population et des progrès de l'agriculture, étaient devenus, pour les seigneurs propriétaires du sol, un moyen d'augmentation du revenu. A une époque où les bois avaient si peu de valeur, et par leur abondance, et par l'absence de débouchés suffisants, et par le mauvais état des voies de communication, tout défrichement était une opération économique et politique favorable au seigneur, puisqu'elle répondait à un accroissement de population et de culture, source à peu près unique alors de revenu et de puissance pour le domaine seigneurial. Aussi voit-on à presque toutes les époques du régime feodal, les grands propriétaires chercher dans la jouissance abusive des forêts d'abord, ensuite dans leur transformation progressive en terres arables, un aliment au développement de leur fortune. Pour attirer les colons sur leurs terres, les y maintenir, en accroître le nombre, les seigneurs concé dèrent des droits d'usage étendus et ruineux pour leurs forêts; on accorda à tous les habitants de la commune et souvent au delà de leurs besoins, les bois nécessaires au chauffage du foyer, à la construction des maisons, quelquefois à certaines industries. On octroya le pâturage d'un bétail illimité; on permit le paccage plus redoutable des moutons et des chè

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