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moins nombreux que ceux des terres arables, se sont constamment trouvés en très-petite minorité dans les commissions cadastrales. Il en est résulté que le revenu imposable des forêts, lorsqu'il n'a pas été exagéré, a été évalué au revenu vrai; tandis que le revenu vrai des autres propriétés a été presque toujours atténué, et que l'inégalité a été souvent considérable. On connaît des communes où la propriété rurale ne paie que 10 fr. d'impôt quand la propriété boisée en paie proportionnellement 16. Malheureusement la classification des terres et la fixation pour chaque classe du revenu net imposable, sont deux opérations à peu près définitives, contre lesquelles viennent se briser les réclamations de la propriété boisée, parce qu'elle rencontre dans la commune, pour apprécier les erreurs faites à son préjudice, les mêmes hommes qui les ont volontairement commises.

Il serait juste de ne pas ajourner le redressement de ces inégalités à l'époque encore éloignée de la révision générale du cadastre, et de disposer législativement que, dans les communes dont le territoire renferme plus de 100 hectares de bois, les évaluations cadastrales, en ce qui concerne la fixation du revenu imposable de cette nature de propriété, pourront être revisées sur la demande des propriétaires. Dans ce cas, il faudrait assurer à ces nouvelles opérations l'équité et l'impartialité qui ont manqué aux premières. Ce n'est point une faveur qu'il s'agit de faire à la propriété forestière, mais l'application impartiale du principe juste qui domine l'assiette de l'impôt, celui de l'égalité proportionnell de la contribution foncière.

30 Organisation et embrigadement des gardes communaux préposés à la conservation des bois et des terrains soumis au régime forestier.

Cette organisation comprendrait :

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L'embrigadement par canton communal.

La détermination du nombre de gardes et la fixation de leur résidence en conseil d'arrondissement, où seraient appelés, à cet effet, tous les maires du canton et l'agent forestier du grade le plus élevé dans l'arrondissement.

- La nomination des simples gardes par le conservateur des forêts du ressort, sur une liste de trois candidats, pour chaque emploi à remplir, dressée conjointement par les maires du canton, convoqués et présidés à cet effet par celui du chef-lieu.

La nomination du garde-brigadier par le directeur général des forêts, sans l'intervention des cominunes.

L'institution de chacun des gardes pour tout le territoire cantonal, où pourrait ainsi s'exercer, au grand avantage de la répression des délits, une surveillance collective et en même temps individuelle.

La rétribution sur un fonds commun faisant partie du budget des communes, et la répartition de la dépense entre elles, au prorata du contingent de la contribution foncière assise sur chacune pour les propriétés de toute nature.

On modifierait en conséquence les art. 94, 95, 96, 97 et 98 du Code forestier.

L'organisation d'une meilleure surveillance doit être l'un des moyens les plus efficaces de conservation dans les bois communaux. C'est par les abus tolérés ou ignorés, par les excès de jouissance non réprimés qu'une partie du sol forestier a été privé de production. L'insuffisanc des gardes, les vices de leur institution communale, sont deux maux qui ont été indiqués dans l'exposé des causes du déboisement et auxquels la réforme administrative doit porter remède.

L'utilité de l'embrigadement se justifie par le simple exposé des dispositions qui l'accompagneraient et le constitueraient. L'efficacité et l'économie de la surveillance reposeraient sur le principe de l'association. Il n'y aurait plus un garde par commune, mais un nombre variable de gardes communaux, ou plutôt cantonaux, par canton, formant ensemble une brigade à la tête de laquelle serait placé un garde-chef ou brigadier. Le nombre des gardes étant proportiouné aux besoins de la surveillance, et sans égard à la répartition, entre les communes des bois ou terrains à surveiller, cette surveillance, mieux répartie, et en même temps collective, serait nécessairement plus efficace, plus répressive et assurerait une meilleure conservation. Enfin, la dépense de leur traitement étant répartie entre les communes en raison de la richesse territoriale de chacune et non de la quantité de bois ou de terrains soumis au régime forestier qu'elle possède, cette organisation offrirait l'avantage de faire du canton une seule et même famille, ayant un même intérêt et où les communes les plus riches viendraient, par l'association, en aide à celles qui sont pauvres, on peu aisées.

40 Réforme des traitements vicieux.

On a fait remarquer dans l'exposé des causes du déboisement, que les traitements vicieux suivis dans les exploitations faites en montagnes et appliquées aux bois communaux et des établissements publics, avaient contribué, dans une certaine mesure, et contribuaient encore dans les régions élevées, à affaiblir les ressources de la reproduction naturelle; d'où un appauvrissement dans les peuplements qui conduit lentement mais sûrement au déboisement. La réserve de 60 à 100 baliveaux par hectare, prescrite dans les quarts en réserve, est trop faible, dans beaucoup de localités et pour des massifs à l'état de futaie pleine. Il faudrait que agents forestiers fussent autorisés à traiter ces bois comme ceux de l'État, par coupes sombres très-serrées, ou par furetages et jardinages, selon les

les

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besoins des peuplements et les exigences de la localité. L'art. 137 de l'ordonnance royale du 1er août 1827, pour l'exécution du Code forestier, devrait être complété comme il suit :

Après l'article textuel, viendraient ces mots :

« La réserve ci-dessus prescrite ne s'applique pas aux bois situés en » montagnes. Dans ces bois, l'exploitation du taillis devra laisser une ré» serve de 50 à 80 baliveaux de l'âge, par hectare. Celle des quarts en » réserve sera pratiquée par coupes sombres ou de réensemencement, » ou par coupes de furetage ou jardinage, selon la nature et l'état des » peuplements et les besoins dé la reproduction naturelle.

5o Amélioration du revcnu net des Forêts.

Les détails donnés dans l'exposé des causes de déboisement sur les charges diverses qui atténuent pour le propriétaire le revenu net des forêts, permettent d'être très-succinct dans l'indication des mesures qui pourraient apporter un adoucissement désirable aux souffrances de la propriété boisée.

Ces mesures, pour être salutaires, devraient comprendre:

-L'amélioration plus active par l'influence et l'initiative des autorités départementales, des voies vicinales dont le mauvais état, en augmentant les frais de transport, diminue le produit net de la matière ligneuse.

-Un exemple plus large donné par l'Etat, dans ses forêts, de l'amé lioration des chemins principaux d'exploitation et de l'influence que leur bon état exerce sur le revenu.

- La réduction des droits de navigation imposés aux bois pour leur circulation sur les canaux.

La réduction du droit d'octroi perçu sur les bois de chauffage, au taux proportionnel du droit d'entrée payé pour les bois de service.

— L'élévation du tarif des droits d'entrée sur les bois étrangers. -Le maintien des droits d'entrée actuels sur les fers et les fontes étrangers, comme moyen de conserver aux nombreux taillis qui trouvent leur écoulement dans les usines, le peu de valeur qu'ils ont en ce moment, et que l'abaissement du prix des fers diminuerait encore.

Telles sont les mesures administratives, législatives et économiques qui paraissent devoir améliorer la conservation des 8,623,128 hectares de bois que la France possède encore, en atténuant ou en détruisant tout à fait les causes principales et toujours agissantes du déboisement, spécialement dans les montagnes, et en diminuant les charges nombreuses qui pèsent particulièrement et exceptionnellement sur la propriété boisée. Le rapporteur de la 1re partie du travail,

S. SÉGURET.

(La deuxième partie, au prochain numéro.)

SUR LA DIFFÉRENCE DES CHABLIS

Daus les forêts de pins sylvestres et dans les forêts d'épicéas.

En traitant des dégâts causés aux forêts par les chablis, et des moyens propres à prévenir ou à diminuer ces dégâts, on ne fait pas de différence entre les essences diverses qui forment le peuplement. On donne, en conséquence, les mêmes règles pour la direction des coupes, sans tenir compte de cette vérité évidente, qu'une différence de végétation nécessite des mesures différentes de protection et d'exploitation.

Voici ce que l'observation apprend sur la manière dont les chablis ont lieu dans les forêts d'épicéas. Si la tempête n'est que d'une force ordinaire, elle ne devient dangereuse qu'aux arbres sans abri, tels que ceux qui forment la lisière de la forêt, ou qui se trouvent le long des chemins, des vides et des vagues, et surtout à ceux qui, élevés en massif serré, ont perdu par une cause quelconque leur protection. Ces arbres succombent les premiers, de sorte que l'action des vents agit sur la forêt, soit en renversant les lisières, soit en élargissant les percées et les vides. Qu'il survienne ensuite une tempête plus forte, si la forêt n'est pas plus ou moins protégée par son exposition, le vent renversera toute la partie qui se trouve exposée directement à sa violence, ou bien il ouvrira des voies plus ou moins longues et larges.

Cette action désastreuse du vent sur les épicéas s'explique par la structure de cet arbre, et par son mode de croissance 1.

Sur une racine, comparativement assez faible, s'élève une tige élancée, plus ou moins haute, qui se termine en une couronne de branchage. Les rameaux de l'épicéa s'entrelacent avec ceux des arbres voisins, forment une voûte dont la consistance est encore augmentée par la proximité des tiges, qui compense en quelque sorte la faiblesse de la racine. Les arbres qui forment ces massifs se prêtent mutuellement une protection suffisante pour résister aux vents ordinaires, et il faut que le vent déploie une force extraordinaire pour entamer ces peuplements. Le même arbre isolé, avec son feuillage touffu, ses racines peu puissantes, et manquant en outre de

1 Pour mettre tout de suite le lecteur dans le cas d'apprécier la différence qui doit exister entre le nombre des chablis de pins sylvestres et celui des chablis d'épicéas, il suffit de dire que les premiers sont des arbres à racines pivotantes, et les seconds, au contraire, des arbres dont les racines sont essentiellement traçantes. Cela dit, on comprend facilement le vrai motif de la différence des effets désastreux de la tempête sur les deux essences. Les pins, avec leurs racines pivotantes, résistent beaucoup mieux à l'action des veats que les épicéas avec leurs racines à la surface du sol. (Note de la rédaction.)

la protection et du soutien des arbres voisins, succombe à un vent ordinaire, qui, s'engageant dans sa couronne, s'en sert comme d'un levier pour briser ou déraciner l'arbre.

Le même effet du vent que nous avons constaté pour la forêt d'épicéas, se rencontre aussi dans les forêts de pins situées sur un terrain humide ou sablonneux, et peu profond. Quand la racine du pin ne peut former son pivôt, l'arbre se trouve en butte aux coups de vents qui renversent des peuplements entiers. Cependant, si les pins ne sont pas mélangés d'épicéas, ces accidents sont moins fréquents, parce que les branches des pins ne s'entrelacent pas.

L'action du vent est toute différente dans les forêts de pins au sol profond, sec, ou, en général, d'une nature favorable à cette essence. La tige, ordinairement moins haute que celle des épicéas, est fortement enracinée, le branchage plus menu s'est arrondi et est resté en quelque sorte isolé. Il faut donc un vent violent pour en briser un çà et là, et l'on ne verra jamais des peuplements entiers renversés par la même tempête. Le pin peut très-bien résister au vent, même quand il n'est pas protégé par le voisinage d'autres arbres; aussi, par sa nature, il aime, dans un âge plus avancé, une position plus espacée que l'épicéa.

En résumant les observations que nous venons d'exposer, et que nous devons à l'expérience, nous caractérisons la différence des chablis d'épicéas et de pins, en ce que les premiers se trouvent toujours en nombre plus ou moins grand à la fois, sur des terrains contigus, et que les derniers se trouvent isolément, et ont généralement pour cause la faiblesse du sujet.

:

Nous voyons donc que les vents sont bien moins dangereux aux pins qu'aux épicéas, et que si le pin demande peu de précaution, l'épicéa, au contraire, a perdu sa protection dès qu'il peut être rangé d'avance parmi les chablis ainsi il suffit de formuler comme règle générale et unique, pour les épicéas, de diriger les coupes de sorte que le vent n'y puisse avoir prise, et qu'il y ait toujours des ceintures ou des lisières de protection for mées par des arbres élevés isolément, et habitués dès leur jeunesse à se d'abri. passer

Voici quelques détails sur la construction des figures d'aménagement formées par la direction raisonnée que l'on donne aux coupes soit des forêts de pins, soit des forêts d'épicéas.

Les peuplements de pins, arbres qui, comme nous le savons, ne souffrent pas par l'isolement des individus, lorsqu'ils sont aménagés en ayant égard à l'ensemencement naturel, permettent la formation de figures d'aménagement 'plus grandes que les peuplements d'épicéas. Ou choisit avec avantage pour ces figures la forme carrée, parce qu'elle tent la plus grande superficie dans les lignes les plus courtes du périmètre. Quant aux épicéas aménagés en coupe pleine, ou à tire et aire, les figures

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