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turels de méme âge et placés dans d'égales conditions de végétation ; la qualité de la graine, la vigueur de l'embryon qu'elle renferme exercent aussi, sans contredit, une influence directe et certaine sur la vigueur de la plante produite; mais on ne peut raisonnablement refuser aux premières circonstances favorables ou contraires de la naissance et de la végétation, une part d'influence dans le développement futur de la plante. Il faut donc admettre qu'une certaine quantité de jeunes plants pris dans les forêts, bien que venus sur un bon fonds, ne possède pas, par suite des causes qui viennent d'être indiquées, toute la vigueur naturelle que contenait virtuellement la graine d'où ils sont sortis.

A ce vice originel viennent s'ajouter les blessures de l'extraction. Arrachés d'un terrain ordinairement résistant, les jeunes plants, quelques précautions qu'on prenne, y laissent une portion de leurs plus petites racines, de celles qui sont dans le sol les agents essentiels de la nutrition, car elles y aspirent les sucs que la racine principale où elles se ramifient n'a guère d'autre destination que de transmettre à la plante. Ainsi affaibli, privé d'une partie de ses racines, mutilé de nouveau par l'habillage qu'on lui fait subir et qu'ont rendu nécessaire les blessures de l'extraction, le jeune plant doit résister encore à une épreuve redoutable, celle du passage du lieu ordinairement frais et abrité où il est né, du climat artificiel où il a vécu, au lieu ordinairement découvert et sans abri où on le transplante dans des conditions météorologiques nouvelles pour ses organes. L'emploi de sujets provenant de forêt, présente encore le danger de faire planter pour de jeunes plants des sujets ayant déjà six, sept, huit ans et quelquelois plus, et mal constitués. Sous les vieilles futaies un peu claires, sous les cordons de routes ombragées, on trouve une grande quantité de jeunes plants qui, n'ayant pu se développer par l'excès de couvert et d'ombre dont ils ont souffert, cachent une atonie réelle sous des dimensions qui leur donnent l'apparence de la jeunesse. Ces plants rachitiques périssent tous dans la transplantation, et s'il est facile à un forestier un peu expérimenté de les distinguer des plants véritablement jeunes et bien constitués, il est moins facile, quand on opère sur de grandes quantités, d'empêcher que les ouvriers qu'on a chargés de l'extraction en forêt, et qu'on paie habituellement au millier, ne mêlent ces mauvais plants aux bons, d'autant plus que les premiers se trouvent souvent réunis en grand nombre sur un même point.

L'infériorité des jeunes plants extraits des forêts est donc due à trois causes bien constatées :

Développement moins complet, moins avancé des organes, principalement des racines;

Perte forcée d'une partie des racines dans l'extraction;

Souffrance due au brusque passage d'un lieu frais et abrité, sur un ter– rain découvert, au milieu d'une atmosphère plus active.

On peut comprendre que ces motifs d'exclusion s'appliquent avec plus de force encore aux jeunes arbres, aux demi-tiges qu'on pourrait vouloir extraire des forêts pour former des avenues, créer des massifs ou planter

dans les parcs.

Aucun des inconvénients qui viennent d'être exposés n'est à craindre pour les plants élevés en pépinière. Les graines mises saines et en saison convenable dans une terre meuble, bien divisée, y germent sans avoir été altérées. La jeune plante y étend librement ses premières racines dans toute la mesure de la vigueur qui lui est propre, et acquiert, dès le début de son existence, par les soins, par la culture qui lui sont donnés et que ne peut recevoir le plant né en forêt, par le développement parfait de ses organes, toutes les facultés de végétation et d'accroissement qui sont dans sa nature. Le moment de la transplantation arrivé, le jeune plant, ainsi élevé, est pris plutôt qu'arraché avec toutes ses racines, sans mutilation, et comme il est facile dans une pépinière d'extraire de grandes quantités e plants en peu d'heures, l'extraction peut s'y régler d'après la marche des travaux de plantation, de manière à ne laisser qu'un très-court espace de temps entre ces deux opérations, ce qui importe beaucoup à la réussite. Enfin, les jeunes plants élevés en pépinière, venus au milieu de toutes les influences actives de l'atmosphère, ont acquis un tempérament devant s'accommoder trés-bien de l'état découvert où les met la transplantation qui s'opère ordinairement dans des vagues ou sur des terrains dénudés.

Il est donc incontestable que les plants élevés en pépinière sont trèssupérieurs en qualité à ceux venus naturellement en forêt; qu'ils sont aussi dans de meilleures conditions de végétation et de reprise: on va voir maintenant qu'ils ne reviennent pas plus cher.

Le millier de plants de trois ans, extraits en forêts, quand l'essence recueillie est assez abondante, coûte en moyenne au moins 2 francs.

Le plant de même âge, pris en pépinière, y revient en moyenne à 1 fr 90 centimes le millier. Voici les bases de ce prix de revient.

Nous supposerons une pépinière d'un hectare de superficie, sur laquelle, après trois ans de culture, on pourra extraire 800,000 jeunes plants de chêne (1). La dépense, pour frais d'établissement et d'entretien, aura été au moment de l'enlèvement des plants, savoir :

(1) Ce nombre est un minimum. Dans une pépinière d'un hectare, en consacrant un 5 de la surface (20 ares) aux allées et lignes de division et de service, il reste 80 ares à cultiver. Or, en espaçant les rayons du semis de 10 centimètres et en y plaçant les glands à 8 centimètres l'un de l'autre, espacement très-suffisant, l'are contient 12,500 sujets et les 80 ares un million. En ne comptant que 800,000 plants à extraire, on fait ceux non réussis et mal conformés une part d'un cinquième.

La quantité de glands peut s'évaluer comme il suit. Le décalitre pèse en moyenne 5 kilogrammes, et contient environ 2,000 glands, il faut donc 500 décalitres ou 50 hec tolitres pour le million de graines à semer sur 80 ares.

Valeur locative de l'hectare, à raison de 70 francs par an,

3 ans.

pour Défoncement du terrain à 50 centimètres de profondeur, et division de la pépinière.

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210 fr.

200

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320

200

Clôture du terrain: 400 mètres courants à 80 cent. l'un. Frais de ramassage ou achat de glands, 50 hectolitres à 4 fr. l'un.

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Semis par rayons, 40 journées d'homme à 1 fr. 50 cent. 60
Entretien, consistant en sarclages seulement la première
année, et sarclages et binages pendant les deux autres
années; en moyenne, 100 journées par an, à 1 fr. 50.
Extraction, 50 journées à 1 fr. 50 cent.

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450

75

1515

Ce qui fait ressortir le prix du millier de plants à 1 fr. 90 cent., bien que les frais de toute nature aient été, comme on peut le voir, calculés au maximum, et qu'on ait choisi pour exemple de la depense le chêne, dont la graine, ordinairement moins abondante que celle de la plupart des autres essences forestières, coûte proportionnellement plus cher, et exige plus d'espace sur le sol. Tel serait le prix du millier de plants dans une pépinière créée pour le besoin unique d'une seule et vaste plantation; mais si les calculs s'appliquent à une pépinière permanente, conduite et cultivée de manière à présenter chaque année sa surface couverte, par parties égales, de jeunes plants d'un an, de deux et de trois ans, ce qui permet une extraction annuelle d'environ 266,000 sujets, ce prix de revient sera moins élevé, car les frais de défoncement et de clôture, montant ensemble à plus du tiers de la dépense totale, se répartiraient alors sur un plus grand nombre d'années et figureraient ainsi pour une part plus faible dans la dépense annuelle.

Si les calculs et les raisonnements qui précèdent s'appliquaient à une pépinière où s'élèvent à la fois de jeunes plants et des demi-tiges ou jeunes arbres, ils démontreraient plus complètement encore l'économie et l'avantage d'un établissement de ce genre, dont il est d'ailleurs facile de proportionner l'étendue aux besoins qu'on veut satisfaire.

Ainsi, les plants élevés en pépinière reviennent moins cher que ceux pris en forêt; mais fussent-ils d'un prix plus élevé, il y aurait encore économie à les employer, parce que dans une plantation effectuée avec des sujets provenant de forêt les remplacements nécessités par l'entretien sont au moins dans la proportion de moitié; tandis que les pertes avec des plants venus de pépinière atteignent rarement le cinquième du nombre planté, ce qui établit dans le prix seul une différence de 30 p. 0/0 à l'avantage des derniers, indépendamment de la jouissance plus prompte, de la croissance plus active, et par conséquent de la produc

tion plus élevée que donnera dans l'avenir la plantation opérée avec le secours d'une pépinière.

Enfin, aux propriétaires de bois qui, convaincus de la supériorité du plant de pépinière sur celui extrait de forêt, ne se servent que du premier dans leurs plantations, nous conseillerons encore de créer une pépinière pour leurs besoins, plutôt que de s'approvisionner dans celles du commerce. Ils y trouveront économie, facilité d'exécution et meilleur résultat; car, maîtres de l'époque, et en quelque sorte de l'heure de l'extraction; maîtres des soins que réclame l'arrachis du plant, du choix et du rebut des sujets, ils pourront planter au moment qui leur conviendra, en saison convenable, sans que les plants aient à souffrir d'aucun délai fâcheux entre l'extraction et la transplantation, et par conséquent avec des chances presque certaines de réussite.

Nous avons insisté, peut-être longuement, sur les avantages des pépinières forestières, parce que nous voudrions que leur utilité fût mieux comprise qu'elle ne l'est généralament. Ainsi que nous l'avons dit en commençant : Il y a peu de forêts de quelques centaines d'hectares seulement, qui ne puissent trouver de grands secours dans l'établissement d'une pépinière, et nous en connaissons bien peu cependant auxquelles on ait songé à procurer cette précieuse ressource.

Choix de l'emplacement et du terrain.

Le choix de l'emplacement de la pépinière, celui du terrain où on l'établira, doivent être faits avec intelligence.

Quant à l'emplacement, s'il s'agit d'une pépinière permanente ou définitive, destinée à pourvoir pendant un temps indéterminé aux besoins annuellement renaissants d'une forêt, on devra consulter surtout la situation et l'exposition. Il sera toujours avantageux de l'établir à proximité de la forêt, si on ne peut la créer dans la forêt même, et surtout de la placer près ou contre l'habitation d'un garde, dont le voisinage devient alors un moyen de surveillance pour les travaux et de protection pour les produits. En cas d'établissement en forêt, on devra éviter de se placer au milieu de hauts recrus, de massifs élevés, gênant par leur proximité et leur entourage la circulation de l'air, et entretenant durant l'hiver une humidité qui augmente l'action des frimats. Un terrain légèrement en pente, à l'exposition du levant, bien aéré et pourtant abrité du nord et du midi par des coteaux plus élevés, par des massifs d'arbres ou par des bâtiments, sera convenable. Toutefois, dans les vallées, les conditions d'exposition et d'abri doivent être modifiées d'après les vents habituellement régnants et dont la direction et l'impétuosité varient selon la position et la direction des montagnes qui les dominent. L'intensité du froid étant augmentée, comme on le sait, par l'action du vent, il sera important, dans ces localités, de protéger la pépi

nière du côté d'où les vents d'hiver et du printemps soufflent le plus souvent. Il sera également avantageux de s'établir à proximité d'une source, d'un courant d'eau quelconque ou d'une mare, s'il n'y a pas de source, et mieux encore, s'il est possible, sur le terrain même d'une source. Dans ce dernier cas, on s'établit un peu au-dessous du niveau d'où l'eau surgit, afin de pouvoir la conduire naturellement ou par des pentes factices, sur tous les points de la pépinière, circonstance qui rend les arrosements faciles et fournit, pendant la sécheresse, des moyens d'irrigation qui exercent une grande influence sur la végétation et l'accroissement des plants. On évitera toujours l'exposition en pente au plein midi, où l'action des gelées tardives est fatale aux jeunes plants de certaines essences (châtaignier, chêne, etc.).

S'il s'agit d'une pépinière temporaire destinée seulement à fournir spécialement de grands moyens de repeuplement ou de plantation, on devra, dans le choix de l'emplacement, se déterminer moins d'après la situation et l'exposition du terrain, que d'après sa proximité des lieux à repeupler ou à boiser; car il sera toujours très-favorable à l'économie et au succès des opérations du boisement, d'établir la pépinière au centre des travaux projetés. Les transports pourront être ainsi peu coûteux; l'intervalle de temps entre l'extraction et la transplantation des sujets fort court, et par conséquent leur reprise mieux assurée et la dépense plus faible. Ainsi placée, la pépinière devient une sorte de ruche d'où sortent tous les ans de nombreux essaims de jeunes plants, qui s'établissent sur les vides environnants, les peuplent et accomplissent en peu d'années le boisement qu'on avait en but; et, à ce dernier moment, on a pu conduire les extractions de manière à laisser la pépinière elle-même garnie de plants convenablement espacés, afin qu'au terme des travaux, le terrain qu'elle occupait se trouve boisé et se confonde dans la plantation générale.

Quant au choix du terrain, sous le rapport de sa nature et de sa constitution minéralogique, il réclame aussi une sérieuse attention : le sol le meilleur du point sur lequel on opère, sera toujours celui qu'il faudra choisir pour l'établissement d'une pépinière. C'est un préjugé assez répandu pourtant chez quelques esprits, que le sol d'une pépinière forestière doit être médiocre, inférieur en qualité à celui du lieu où doit se faire la plantation, afin, dit-on, que les plants qu'on en extrait, trouvant dans la transplantation une terre meilleure que celle où ils sont nés y prospèrent d'autant plus avantageusement. Il y a là une erreur profonde que la seule réflexion condamne, que repoussent les plus élémentaires notions de physiologie végétale et qu'il importe de rectifier. - Dans un bon sol, les plants se forment de bonnes racines, une tige vigoureuse, et acquièrent, par une végétation plus active, des organes mieux developpés ; ils possèdent donc des moyens de nutrition plus abondants et surtout plus efficaces pour un moment de crise que ceux appartenant aux plants venus

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